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ne coulent- pont fur les malheurs de l*am our. »
Hoc leg itçy aufîeri ; crimsn am:ris a b e f.
cft l’épigraphe de cette pièce. Nulle autre pièce
de M. de V o it a ir e n'eut un fuccès d’enthoufiafme
égal à celui * làv; « on força M. de V o lta ire qui
étoit caché dans un coin du fpedac’e de venir
fe montrer aux fpe'âateurs : il parut dans la loge
de la maréchale de Villars : on cria à la jeune
duché (fe de Viilârs d’embrafTer l’auteur de Mérope :
elle fut obligée .de céder à limpérieufe volonté du
public , ivre d’admiration & dé piaifir. »
C’efl la première fois que le parte.re ait demandé
l’auteur d’une pièce , mais ajoute M. de Condorcet
? ce; ce qui .fut alors un hommage rendu au
génie., a dégénéré depuis en une. cérémonie ridicule
& humiliante , à laquelle 1er auteurs qui fe ref-
pedent ' refusent de fe foumettre. »
Si M. de Fontenelle a eu le malheur de dise
que les repséfentations de M é ro p e , avoient fait
beaucoup d’honneur à M. de Vo ltaire & que l’im-
preflion de cette pièce en avoir fait. beaucoup à
mademoifelle Dumenil, plaignons ce fage vieillard
d’avoir été-fi injure , & convenons que cette pièce
à juflement immortalifé & l'auteur & Ladrice.
L’admiflàon de M, de V o lta ire à l’académie
fut une affaire d’état & une des plus difficiles.
Certainement il n’y fut point reçu a (on rang ,
mais ce fer oit diilimuier volontairement la vérité,
que de ne pas obferver, que dans la furabon.tance
de fes titres il y avoit, felcn les idées du tems,
dés titres d’exclufion qu’il falloit ou effacer ou
expier , ou lailfer oublier. Les académiciens d’alors
penfoient ainfi. L’cftimable , mais médiocre M. de
JBoze alloit plus loin & décidoit que Vo ltaire ne
feroit jama’s un perfbnnage académique. Il n’étoit
pas le feul qui penfit ainfi, alors ;M. de Vo ltaire
s’écoit préfenté après la tragédie de B r u tu s , &
n’avoit pas même eu l’honneur de balancer les
fuffrages. Il fe préfeota de nouveau après Mérope.
Il raconte lui même dans des mémoires particuliers
fur fa vie ce qai arriva dans cette occafîon. Madame
de Châteauroux goüvernoit alors Louis XV & étoit
gouvernée par le duc de Richelieu , ami de M. de
V o lta ire dès l’enfance. M. de Richelieu avoit
difpofé favorablement madame de Chat eau roux
pour M. de V o lta ire . C’étoit au card nal de Fleuri
' qu il s’agiffeit de fuccéder. On demanda au f'euper
roi qui feroit l’éloge du cardinal à l’académie
françoife ? Le roi répondit que ce feroit V o lta ire .
Mas M. de Mau repas -, alors dans le cours de fon
premier minière ne le voulut pas. «< Il avoit ,
dit M. de V o l t a i r e , la manie de fe broui'ler avec
toutes ie£ maitreffes de fon maître, & il s’en eft
trouvé mal. »
L’ancien théarin , l ’ancien évêque de Mirepoix
- Boyer , crioit partout que ce feroit ofifenfer Dieu
de donner la place d’un cardinal à un profane
V O L
>1 comme M. de V o lta ire , C’étoït M.’ de Maürepas
qui lefaifoit agir. M. de Vo ltaire alla trouver ce
minière & lui dit : « Une place à l’académie n’eft
pas une dignité bien importante, mais après avoir
é:é nommé, il eft trifte d’être exclus. Vous êtes
brouillé avec madame de Châteauroux & avec M.
le duc de Rîehelieu , quel rapport y a-t-il , je
vous prie , de vos brouilleries avec une pauvre
, place à l’académie françoife ? Je vous; conjure de
me répondre franchement : en cas que madame
de Ciîâteauroux l’emporte fur M. l’évêque de Mirepoix,
vous y oppoferez vous?» Il fe recueillit un
moment, ajoute M. de V o l t a i r e , & me dit o u i ,
& j e vo u s é craferai, .
L’évêque qui fuivoit ardemment fon objet l’emporta
fur la ma'îtreffe qui avoit bien d’autres affaires,
' & M, de V o lta ire manqua encore cette place.
Si l’on en croit M. de Condorcet, au defir de
bLfTer madame de Cbâreauroux , M. dç Maürepas
joignoit celui de défobliger M. de V o lta ir e ; &
il rapporte une raifon qui n’eft que trop plaulible
de l’éloignement de ce miniflre pour M. de V o lta ire •
Celui-ci, déjà fi fupérieür par fes talens , l’étoit
encore par Lefprit qu’il montroi.t dans la conver->
fation j il y portoir tout ce qui rend aimables les
g' ns d’un efprit frivole , & il y méloit les traits du
génie. Né avec le talent de la plaifanterie , fes mots
éroient fouvent répétés. M. de Maurepa-s,qui inettoit
de la vanité^à- montrer plus d’efprit qu’un autre
dans un fouper, ne pardonnoit pas à M. de Voltaire
de lui ôter trop évidemment cet avantage , dont il
n’étoit pas trop ridicule alors qu’un homme en plac&.
pût être flatté.
Voilà ce que dit M. de Condorcet , & il ne
paroit pas avoir le moindre dourc fur ce mot fi franc&
fi dur du minière à V o lta ire : j e vous, é craferai.
Mais voici la note de l’éditeur qui fe trouve en
cet endroit de la vie de V o lta ire :
« Dans le deflein confiant d’étre jufies envers
tout le monde , nous devons dire ici Que depuis
la mort de V o l t a i r e , ayant parlé de cette anecdote.
à M. le comte de Maürepas, au caradère
duquel ce mot nous parut étranger, il nous répondit
, en riant, que c’étoit le roi lui même qui
n’avoit pas voulu que Voltaire.. fuecédât au cardinal
de Fieu'i dans fa j$lace d’académicien , fa
majefté trouvant qu’il y avoit une dflèmblance
trop marquée entre ces deux hommes, pour mettre
l’éloge de l’un dans la bouche de l’autre, & donner
à ri e au public par un rapprochement fcmblable.
M. de Maürepas nous a même ajouté qu’il favoit
depuis très-long-tems que V o lta ire avoit dit &
écrit à fes amis le mot : j e vous é craferai. Mais
que cette légère injuftice d’un homme auffi célèbre
ne l’aYoit pas empêché de folliciter le roi régnant
v o L’
m Sç d’en-cbfenir-que celui qui .avoit tant honoré .fon,
fiècle & fa, 'nation , vînt jouir de fa gloire au milieu
d’elle, à la fin de fa carrière. ■»
Il y auroit .bien des chofes à dire fur tout cela.
1°. Si M. de Maürepas, en mettant ainfi le
■ loi en fa place j n’a pu s’empêcher. de .rire , c’efl
• plutôt : un aveu qu’une > dénégatio.n,
■ 2°. Le roi aura dit1 tout ce qu’on voudra , on
. fent bien qu’ayant fini dans; cettè oecaiîon par éconduire
M. de V o l t a i r e , il aura dit quelque chofe
. qui ne lui aura pas été favorable ; mais quand l’art-il
dit, & à l’infligation de qui ? voilà la qiieilion.
3°. Quant à la généro.fitéMont M. de Maürepas 1
fe vante énvers M. de V o l t a i r e , ôn'fént bien que;
cet illuftre vieillard defiranr ou confentant dé revenir
dans fa patrie , M. de Maürepas avoit trop
d’efprit pou,r ne pas confeiller au roi d’y confentir. '
La conduite contraire eût été un àéte de defpotifme
capable de déshonorer le trône • même. Mais on •
ne fit pas à M. de V o lta ire la grâce^ toute entière, -
il avoit la foibleffe , fi l’on yeut, de defirer d’aller -
à la cout & d’y être accueilli, ce poinc fut réfufé,
& M. de V o lta ire , le jour de fon apotbçofe à la
comédie fiançoi'e , eut l’air de triompher de la
cour, laquelle fut jugée n’avoir pas rendu ce qu'elle
devbit à un homme qui a v o it t a n t Honoré fo'n fieoie
& f a n a tio n , j
Madame de Châteauroux renvoyée de Metz avec
éclat pendant la maladie du roi , rappellée à la
cour , auffi avec éclat & parle miniftère même de
M. de Maürepas après le rétabliffement du roi,
mourut fi promptement & fi peu de te ms après
ce triomphe vers la fin de l’année 1744 , qu’on
ne manqua pas de foupçonner dans cette mort
quelque crime politique. La p!acé de maîtrefle du
• roi étoit fous Louis XV , comme elle l’avoit été
fous Louis XIV ,. une dignité-qui ue reftoit guères:
vacante. Madame de Châreauroux fut remplacée
en 174 j par madame d’Etioles qui fut depuis madame
de Pompadour. Ce fut elle qui eut la gloire,
de fa:re recevoir M- de V o lta ire à l’académie
françoife en 1746 ■: elle lui procura une charge,
de gentilhomme ord naire & le titre d’hifioriographe
de France ; elle le chargea de faire une pièce pour
le premier mariage du dauphin , & il fit la P r in -
ceJJ'e de N a v a r re , ouvrage qui fut jugé févèrement,
ainfi que le Temple d e l à Gloire , mais qui fer vit
de piétexte âù bien que madame de Pompadour,
qu’il avoit connue autrefois , voulut lui faire ,
' comme s’il eut fallu un prétexte pour répandre
les faveurs .du gouvernement fur M. de ,V o lta ire ,
► & comme fi la cour n’eut dû réeompenfer que
les ouvrages,faits pour fon amufement ; auffi M.
de Voltaire... fut il le premier à. obferyer qu’il
V O-L JScf
.n'avait été ,r.écompenfé à la cqpr y que quand il
T avoit ’le nioins ;mérïté.
Mon Henri quatre & ma Zaïre ,
Et .mon américaine Alzire,
rNe m'ont valu jamais un feul regard du roi,
: 3’efis beàüooup d’ennemis avec très-peu de gloire j .
Les hômïeufs & les biens pl'euvent enfin fur1 moi »
Pour une farce de la foire.
Pour pouvoir entrer à l’académie, le feul poète
épique franço^s , l’auteur d’un théâtre déjà pour
le moins égal au théâtre de Racine, foit pour le
nombre des pièces,, foit pour la variété de leurs
divers mérites , Phiftorien de Charles XII, le^plus
parfait modèle des .pièces.fugitives,, de la poefie
badine & légère , fut obligé d’écrire à un jéfuite,
au P. de Latour une lettre où il proteftoit avec
la fincérité la plus adroite & la plus ménagée
dans fes expreffions , de fon refpeâ pour la religion
& fur-tout de fon attachement aux jéfuites.
Son diCcours de réception à l’académie françoife
fit époque par i’ufa.ge qu’il introduifit de traiter
un fujet de littérature & de. goût , & de donner
à ces difeours une utilité qu’ils n’avoient point
eue encore..
L’entrée de M. de V o lta ire à l’académie donna
lieu pendant un tems à un déchaînement prefque
univerfel contre lui, & à un débordement affreux
de libelles qu’il n’eut pas la force de méprifer, &
qu’un violon de l’opéra nommé Travenol fut acGU.fé -
de colporter/ Travenol fut arrêté , il y eut à ce
fujet entre M. de V o lta ire & lui ’un procès qui
répandit fur M. de V o lta ire dans le public une
défaveur que nous avons vû durer jufqu’à fa fortie
du royaume en 17J0 , & qui étoit telle qu’on avoit
befoin de courage pour rendre jufiiee même à fes
talçns. Voilà ce que ne peuvent fe perfuader ceux
qui n’ont vu que les dernières années de M. de
V o lta ire , qui ont vu ce vieillard devenu pour ainfi
dire l’objet d’un cuite univerfel, attirant à Ferney
par fon grand nom & L s nationaux & les étrangers
, ayant furvécu à fes perfécuteurs, à fes prétendus
rivaux, à fes envieux, ne bleffant plus de
trop près fes amis mêmes par un éclat trop, éblouif-
fant, par une fupériorité trop accablante, par les
inéga’ités de fon humeur , par le mouvement 8c
la turbulence de fes pallions , écrafant d’un mot
' lès ennemis qui lui refioient & les dévouant à la
‘ haine où au mépris, pouvant tout hazarder impunément
, toujours fur d’amufer , d’iiuéreffer, de difi-
pofer de l’opinion, d’impofer filence à la critique
même jufte. Il n’en étoit pas ainfi lorfque fes anciens
& fes contemporains, en pofieffion de toute leur
gloire , s’oppofoient , chacun dans fon tourbillon,
aux progrès de la fienne 5 on taifonnoit alors d’autre
j forte, jVoltaire ; diloit-on , n’a jamais le ton propre