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dans 'a place pubîirue à Magnéie, où îl étoit mort
lan 460 avant J. C. , & ce tombeau fubûftoit encore
du temps dé Plutarque , c eft-à-dire , au bout
d’environ fix cents ans.
Thxniftocle, quoiqu’attaché à l’argent, comme nous
l’avons vu , eut le mérite de préférer dans le choix
d’un gendre , un honnête homme pauvre à un riche
d’une réputation ftifpe&e , difant ; qu’i/ aimoit mieux
du. merue fans lien que du bien fans mérite j c’efi
Cicéron qui lui rend ce témoignage dans fes offices.,
lib. 2. Thémflocles , cum confuleretur utritm bono
viro pauperi, an minus probato divïti filiam collo-
Caret î EGO VERS) , inquit , MALO VIRÙM QUI
RECZ/NIA EGE4T , QU AM PECUNIAM QU QL VIRQ.
Selon Thucydide & Cornelius Nepos, le trait le
plus marque du génie de Thémiflecle , étoit une présence
d’efprit qui lui montroit dans Finftant même le
parti qu.il falloir prendre & une pénétration qui fem-
Hoit lire dans l ’avenir : De infantibus , ut ait
Thucydides , veriffime judk.ah.at, & de futuris ca’U-
diffiqù conjiciebat. Com. Nep. in Thémifï.
On a vu dans cet art de les principaux traits de
Son carcôère j ajoutons-y feulement qu’il ne fe piquoit
pas d impartialité, & qu’il d:foic à quelqu’un qui
lui recommandoit cette qualité : a Aux Dieux ne
" plaife que je fois jamais affis fur un tribunal, où
.?> mes amis n’aient pas plus de crédit 6c de faveur
*> que Iqs étrangers !
En un mat, Thémiflocle fut un grand homme ,
«’il peut y en avoir fans la vertu.
THEOCRITE , ( Hiß. litt. arte. ) fameux poëte
- rec > ne a Syracufê 0 vivoit à la cour d’Egypte
du temps de Ptolémée Philadeîphe , près de trois
fiecles avant J. C. 11 vivoit auffi à la cour d’Hieron.
roi ou tyran de Syrarifie , & fa feizième Idylle porte
le nom de .ce prince. Il fiemble lui reprocher taciter
ment de payer mat les vers qu’on fait en fon honneur
, reproche qui fait tomber la honte de l’avarice 1
fur le poëte, bien plus que fur ce prince fi fameux par
les libéralités. On fait peu de cjiofes de Théocrite ;
il exifte tout entier dans fes ouvrages ; des auteurs
difent qu’Hieron le fit périr pour avoir mal parlé
-de lui ; ce feroit bien un autre reproche à faire à
ce tyran.
. 7¥ o c • ,P««»ier modèle de l’Idylle , a été
tp ité, ^célébré par Virgile , qui le reconnoît pour
« n maitrâ » c'eft là fa gloire. Il efl pour le genre
pa.1oral ce qu’Homère eft porir la poë/h épique •
■ce tfelt pas que Théocrite fe foit borné au genre
paftoràl, car des trente Idylles de Théocrite , il n'y
en a que tfa qui foient dans le genre paûoral. Le
mot même d'idylle, en grec , ne ûgnifie pas un
poème champêtre , mais- feulement un petit poème,
m e pièce de vert. Parmi les Idylles de Théocrite, ü
y en a de comiques, il y en a d'héroïques , il en eft
pne qui s’eléve jufqu’au ton de la tragédie ; mais il a des maîtres dans tous ces genres, & il eft reconnu
le premier des maîtres dans le genre bucolique
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On peut voir ce qu’en dit- M. l'abbé Fraguîcr Sun
a diflertauon fur l’églogue , tom. a 'des mémoires d» 1 Academie des Infcriptions & Belles-lettres, pages
12 1 & buvantes. On peut voir auffi dans le 4' tome
pages 520 & fulvantes, la traduâion que M Hardion
a donnée de la quatrième Idylle de Théocrite , les
remarques qu’il fait fur cette Idylle & fon difeours
iur les bergers de Théocrite , placé à la fuite de ces
remarques. II faut voir fur-tout *ce qu’a dit M. de
Chabanon dans fon ©fiai fur Théocrite & fur les
Poètes bucoliques , placé à la tête de la tradition
qu il nous a donnée de Théocrite. Il obferve dans la
talent de ce poète, cinq caraétères. principaux :
i°. Le naturel & les grâces.
z°- Le don de peindre par l’expreffion;
3°. L'abonoacce & la variété des tableaux! 4°. La douceur des fentimens.
J10. La force & la vérité des pallions.
Il défend Théocrite contre M. de Fontenelle. H
parcourt, il juge & carafièrlfe les poètes bucoliques
de toutes les panons ; parmi les Grecs , Bion &
Molçjuis ; parmi les latins, tant anciens que modernes,
t lfiot ' ^ enle'ien > Calpumius, Pétrarque, Bocace,
le Mantouan, Sannarar ■ parmi les Anglois Pope •
parmi les Italiens . le Taire & le Guarini parmi
MS Tranǰ ^ ’ ,R2can’ Sel.rais* Ra«ne, RoulTeau ,
Madame Deshoul.eres , Fontenelle & la Motte -
parmi les Allemands , M. Geffner. Il nous paroîî
un peu fevère à l’égard de madame Deshoulières, de
Fontenelle, de la Moue & de RoulTeau. Il y a en
general, un principe qui influe peut-être un peu trop
tur la plupart des jugemens qu'on porte en matière
de littérature ; c'eft qu’on regarde les genres comme
lûtes 6c comme circonfcrits par les fuccès des pre-
miers écrivains qui ont illuflré chaque genre, Théocrite
« V ir g ile font les premiers & certainement les
mejUeurs modèles pour 1 Idylle ; mais doivent-ils être
T® leuls . Eft-on condamné à les imiter toujours ?
We peut-on s’ouvrir des routes nouvelles ? Eft-il dé-
fendu d’étendre la carrière •"& de yarier le genre ?
Madame üeshoultères nom paraît avoir un çaiaQère
très-marqué , c eft une tnftefte tendre, une mélancolie
douce & phïofophique, qui attache & qui pénétre ,
qui, fans rejetter les imagts, fe nourrit avec plus
de complatfimce, de réflexions & de fentimens. La
defeription de la fontaine de Vauclufe , l'Idylle des
moutons , celle d en fleurs, celle des „ifeaux , celle
t e r hiver, celle du miffeou, celle de la folitude ; l’Idylle
allégorique, qui commence par pes vers;
Dans ces prés fleuris ^
Qu’arrofe la fine , fi-.-.
_L’egi°gae de I) iphnis , celle dé Iris , pelle de
uitmene , & une multitude de fiances & de chanfons
dans le goût paftora!, ont le mérite dont nous parlons.
M. de Chabanon obferve qu’elle fe plaît trop
ouvent a comparer dans fes Idylles , le deftn de
1 homme avec celui d’une fleur, d’un nijffcau, fi-c.
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Mais n’eft-ce pas par ce retour philofophique fur la
condition humaine , qu’on anime ces tablçaux champêtres
, & qu’on en redouble l’intérêt l D’ailleurs
combien cette eomparaifori nVft-elle pas variée ? ne ,
s’apperçoit-on pas qu’elle eft toujours faite par le j
fentiment, jamais par l’efprit ? Nous ne penfons donc
pas comm; -M. de Chabanon , que madame Deshoulières
ait dû fa gloire en partie à l’avantage d’êire
femrïie , & d’être belle. Sa gloire dans ce cas, auroit
péri avec elle, ou même avec fa beauté ; ce qui
n’eft point arrivé. Nous avouons feulement que fa
vérification a de la foibleffe & de la négligence ;
mais nous y trouvons auffi le molle atque facetum,
qu’Horace attribue à Virgile, quoiqu’il foit d’un autre
genre.
Nous trouvons encore lé jugement de M. de
CKabanôn for M. de Fontenelle beaucoup trop
févère. M. de Fontenelle n’feft point de. l’école de
Th éocrlte & de Virgile , il eft de celle de d’Urfé ; c’eft
tAflrée qui .eft fon modèle, c’eft l'Aflrée qu’il embellit
de toutes les grâces de l’efprit, & de toute la
délicateffe d’une fènfibilité fuperficielle, mais douceÿ
ce ne font ni des pâtres,, ni des bouviers ,, ni des
pêcheurs qu’il peint t
C’effi Timarette & le tendre Tirffi ■
De rofes couronnés, fous 'des myrtes affis r
Entrelaçant leurs noms fur l’écorce des chênes^
.Vantant avec efprit. leurs plaifirs & leurs- peines.
C ’eft une bergerie idéale y otr purement de go'ut
& de choix comme celle' de. René,, roi de Sicile ,
&. de Jeanne de Laval,- fa femme , lorfquHls gar-
doient les moutons dans lès champs de la provence;
comme celle de Des Ivetaux „ quand: une houlette
à la main ,, il feignoit de garder des troupeaux dans
fon beau jardin du fàuxbourg Saint-Germain à Paris.
M de Chabanon critique dans M. de Fontenelle „
jüfqu’à. la fameufe églogue d'Ifmène :
Sur la fin d’ua beau jour., &c.
11 voudroît qtfèlle fût naïve & touchante y M.
de Fontenelle n’a voulu la faire que galante &
ingénieufe. Un mot répond à la critique, tout le
monde fait cette Idylle par coeur. En général , on
eft convenu de dire-du mal des églogues de Fontenelle
mais on les aime & on -les fait ; ôt cet efprit tant
reproché y eft peut-être un-caraâère national qui doit
fe trouver dans- tous les ouvrages François dont- l'e
genre n’y répugne pas eflentiellement. Or y l'Idylle
n’étant pas effenttellemejat un genre fublime, ni un
genre touchant , ne rejette point l’efprit. « Ayez
dit 'M. de Voltaire., autant d’efprit que vous vou-
m drezou que vous pourrez dans un Madrigal , d'ans
v des vers légers ,. dans une fcène de comédie,, qui
» ne fera ni paffionnëe ni naïve , dans un com-
» pliment, dans un petit roman ; en un mot, dans
tous les ouvrages, dont l’objet aeû ni d’ir.ftruire ni
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de toucher. Virgfte, dont le goût eft fi sûr, a d®
l’efprit dans fes eglogues :
Carmina vobis r
Huic aliud mcrcedis erit. :
Eft un trait d’efprit & un trait plaif.nt r
Malo me Galatea petit, lafeiva pudla ,
Et fugit ad falkcs , & fe cupit ante vidert,
Eft tout à la fois un tableau enchanteur & un trait
d’efprit. Horace eft plein d’èfprit dans les odes quî
ne font point Bindariques ,. le
Facili fotvitiâ negat
Qua pofeente magis gaudeat crtpvi.
Le digsto male perivnaà, 1®
Latentis■ prodïtor intima:
Gratus pudlot rifiis ab angulo..
Sont comme le morceau de Virgile for Galaihée“,'.
des tableaux dignes de l’Albane & des trai.s d’efi-
prit piquans..
M. dé Fontenelle a- pris le fonds de l’idée de-
VirgUe for Galathée, & il en a formé- un autre
tableau , mais dont l’objet efV toujours le même r
celui de donner cet innocent badinage pour Une
preuve d’amour-
Damon y. gagneroif ; nous fommes tous témoins»
Combien a Timarette il a plû parafes foins.
L’autre jour cependant elle vint par derrière
Au fier & beau THamire ôter fa pannetière ;
Damon étoit préfent, elle ne lui dit rien :
Pour moi, dè leurs amours je n’àugurai pas bien ^
Cès tours -là; ne fe font qu’au, berger quedon aime.-
Moliêre a employé'auffi la même idée fous une?
forme différente. Dans k fêflin do Pierre, Pierrot dit.
à Charlotte, qu’il aceufs de froideur a fôn égard«
n: L’en fait mille petites fingeries aux pai Tonnes, .quand5
» on les aime du bon dû coeur. Regarde la grofle-
» Thomaffe, comme aile eft aflotée du jeune Robain ^
» allé eft toujou autour de li à l’agacer , Sc ne le
» îaiffe' jamais en repos..Toujou allé li fait queuque
». niche , ou li- baille queuque taloche en panant ;
)>' l’autre jour qu’il étoit affis for un efeabiau , ai fut:
» lè-tirer de deffous l i , & le fit cheoir tout de fon*
■ » long par tarre. Jarni vîàt où F en. voit les gens qui
». aimontv
Pour revenir à M. dè Fontenelle , on peut accule »r
d efprit tant qu’on voudra, fes paftorates mais on yr
revient toujours malgré foi avec plaifir ; il faut donc:
que cet efprit là »e manquent de. nauirelx ni.d:^-
prop.0^».