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la vanité de ces grandeurs humaines qu'il avoît recherchées
& obtenues ! « J’ai été tout ce qu’un homme
»> peut être, difoit-il, de quelutege me font aujourd'hui
»> ces honneurs fi défirés ? » Réflexion toujours triviale
& toujours nouvelle. Il voulut voir Turne qui
dèvoit contenir fes cendres. « Petite urne, dit-il, tu
ï> vas donc renfermer celui que le monde entier n’a
» pu contenir !»
Ce prince avoit écrit lui-même Thiftoire de te vie ;
elle eu perdue. Aurélius Viâor dit quelle étoit bien
écrite ; Spanien , qu’elle Tétoit avec allez de fincérité.
On a remarqué qu’il y avoit eu fous le règne de
Sévèret jufqua trois mille perfonnes acculées d’adultère.
Sévère , ( Alexandre ) ( Hiß. Rom. ) coufrn &
fuceelleur d’Héliogabale ou Elagabale , adopté &
nommé Cefàr à douze ou treize ans par cet empereur
inl'enfé, fut bientô t en butte à fes atteintes, parce que
lès vertus douces & aimables, lui cor.cilioient les
coeurs du peuple & des foldats. Hcliogabale tenta
p’ufieurs fois de Tafiàffmei & de Tempeifonner ; mais
Marnée fa mère , vedloit fur fes jours , &. le garantit
de ces pièges. Hélicgabale fut tué , & Alexandre
Sévère proclamé empereur , n’ ayant pas encore quatorze
ans. Il gouverna bien, ou plutôt, Marnée fa
mère, gouverna bien fous Ion nom , & le gouverna
bien lui-même ; elle lui procura &. lui donna une
excellente éducation s ne l’entoura que de bons conseils,
de bons livres , de fagesinflituteurs, defages miniftres;
les inclinations du prince répondirent heureufement à
fes foins : le jurifconfulte Ulpien fut toujours un de
ceux dont il chercha le plus l’entretien ; il avoit fur
le trône toute la simplicité d’un philofophe, & fa
mère trouyoit qu’à force d’être affable & populaire,
il compromettoitfon autorité : « Je Taffure au contraire;
» lui dit-il, & je la rends durable. Il avoit pour les
malhonnêtes gens & pour les gens fofpecls , une
averfion naturelle , qui tenoit de i’inftinâ. 11 n’étoit
févere qu’à l’égard des courtifans &. de ceux qui
abufoient de leur crédit. C ’eft fous lui qu’arriva l’aventuré
de ce Vetronius Turinus , qui, parce qu’un peu
d’efprit lui procuroit l’honneur d’entretenir quelquefois
le prince , vendoit à tout le monde un crédit qu’il
rf avoit pas., ou du moins qu’il n’employoit pas. Alexandre
fut combien il s’étok rendu coupable en ce genre-,
il s’affura &. le convainquit de fes fourberies ; &
par un jugement jufle, quoiqu’un peu trop rigoureux
, il le fit lier à un poteau, & fit allumer autour
de lui , du foin & du bois verd , dont la fumée
l’étouffa , en punition de ce qu'il ayoit Vendu de la
fumée»
Un magiffrat prévaricateur , ayant ofé fe montrer
devant lui : « cet' homme , dit-il, me croit-il donc
aveugle.? & il le chaffa ignominieusement.
Un de fes fscrétaires ayant commis un faux, il lui
■ fit couper les jointures des doigts, pour qu’il ne pût
jamais écrire.
Un autre de fes domeftiques ayant reçu cent écüs
d’un hospme, qqi yçujoit, paj; fog crédit * conforver
s e v
un vol qu’il aVoit fait, Alexandre fit pendre îe do*
nieftique qui s’étoit laiffé corrompre.
S’il puniffoit quelquefois avec rigueur, il récom-
penfoit avec plaifir, par des honneurs & des grâces,
qui flattoient la vertu & qui l’infpiroient, fans rie»
coûter au peuple. L économie, fans laquelle il n’eft
point de bons princes, étoit une de fes vertus favorites;
il réforma tous les abus du règne infenfé d’Héliogabale;
il modéra les impôts, i! fit fleurir les loix & la juflice;
Il fut favorable aux Chrétiens ; on prétendit même
qu’il Tétoit au chriftianifme. Marnée fa mère, eut en effet
avec Qrigène, des conférences dont on ne fait pas bien
quel fut le réfultat : Alexandre voulut, dit-on , élever
un temple à J. C. Il prit du moins de la religion
chéîicnne cette maxime qui en eft la bâte , ainfi que
de toute morale : ne point faire à autrui ce que nous
ne voudrions pas quon nous fît à nous-mêmes. Il la
fit écrireen gros caractères dans fon palais ; & comme
elle doit être la loi fur laquelle on abfôut&on con-,
damne ; lorfqu’on puniffoit des criminels, il la faifoit
publier à haute voix par un héraut ; c’cft fur cette
loi qu’il puniffoit les foldats qui s’écartoient pour
voler, te Voudriez-vous, leur disoit-il, qu’on fît fur
» vos terres, ce que vous faites fur celles des autres I
Lampride rapporte de lui un fait, que des hiftoriens
regardent comme fabuleux, & qui paroît avec quelques
changements, une répétition de Thifloire de Denis«
le-Tyran& de Damoclès, & de la fable de Philippe 5c de Vulteïus Mena dans Horace. Un fénateur ÿ
nommé Ovinius Camillus, confpiroit pour s’élever à
l’Empire ; Alexandre le fut, il l’envoya chercher., &
le remercia de ce qu’il vouloit bien fe charger, des
affaires publiques. Il le fit revêtir des- ornements impériaux,
& il le pria, comme fon collègue, de le fuivre
dans une expédition contre les Barbares : Alexandre
dans fes marches , alloit à pied, il fallut que Camille
en fît autant ; mais il n’étoit point exercé à ces fatigues *
& Alexandre prenoit de lui alors la même vengeance
! que notre Roi Henri IV prit depuis du duc de Mayenne.
! Quand Camille s’avoua vaincu , Alexandre le fit
| monter à cheval, puis dans, un char. Je vois, lui dit-il %
g que lés voyages à pied , & les expéditions militaires
1 ne sont pas cè qui vous convient ; vous serez fans
g doute plus propre aux affaires, & il le chargea de
1 celles, qu’il jugea les plus difficiles ; jufqu a ce qu’à
I la fin Camille fuccombaht fous le poids, demanda d’ea Iêtre déchargé & obtint comme une grâce de.renoncer
à j’empire. Alexandre lui permit de fe retirer à la
i campagne , & lui dit encore en fubftance, comme Henri IV à Mayenne: voilà la feule vengeance que
je prendrai de vous,
Ce fut fous l’empire d’Alexandre Sévère, vers l’an
22.6 de J. C. que tomba l’empire dés Panhes , & que Î celui des Pertes fut rétabli fur fes ruines par le perfan
Arcaxerke. Cet aventurier illuffre poussâtes conquêtes
jufqu,es fur des pays fournis à l’Empire Romain«
q Alexandre averti par les gouverneurs de Méfopotamie !& de Syrie, marcha vers l’Orient pour réprimer
en perfonne les courtes cVÀrtaxerxe, Rome le vit
| partie ayec douiçijr , le, peqplç le cQhduiflï hürs de fe
s e v s e V ss
S'îlle y. en pleurant ; il verfa lui-même des îarfnes, &.
fe retourna fouvent du côté de Rome. Pendant cette
marche , il n’ufa point d’autres mets que les Amples
foldats, &. tout le monde pouvoit en être témoin,
te tente étant toujours'ouverte pendant fes repas. II
caffa, non fans beaucoup de danger, des foldats mutins
qui murmuroient & qui agitoient leurs armes en
menaçant , il les caffa comme Alexandre le grand
avoit çaffé la garde Macédonienne, & avec autant
de fang froid & de fermeté. Il fit obferver. une fi
çxacte discipline qu’on crqyoit voir, difoit-on , une
armée de fénateurs, non de foldats. Il eut l’honneur
de vaincre Ar-.axerxe ; & on ne conçoit pas fur quel,
fondement Hérodien dit qu’Alexandre Sévère montra
dans cette guerre, beaucoup de foibleffe &. de timidité.
Sa vi cloute contre les Perles eft de Tan 233. Moins
heureux Tan 235 , dans une expédition contie les
Germains les légions des Gaules, fouleyé .s par le .
Goth Maximin, fe révoltèrent, & le maffacrérent ainfi
qiie Marnée fa mère. On rrprochoit à c—lle-ci de
l’avarice & de l’ambition , & c’.éft à elle qu’on impute
le malheur de fon fils. Il paroît qu’elle étoit j iloufe
de l’autorité, &. qu’elle vouloit gouverner fon fils fans
parUge. On lui • reproche ' encore d’avoir, par une
fuite de cette politique jaloufè, maltraite & chaffé du
palais l’impératrice,fa belle-fille, parce que fon fils Tai-
moit trop & avoit trop de confiance en elle & en fon
père ; , elle finit par faire tuer le père & par exiler
la fille. Il falloir qu’Alexandre Sévère ne fut pas fans
quelque foibleffe, puisqu’il le fouffrit.
L’H ftoire Romaine offre encore d’autres Sévères.
Lucius-Aurelius-Severus Hoftilius, l’un des concurrents
de l’empereur Philippe, en 244, mais qui mourut
peu de temps après fon. élection.
Un autre Sévère , plus connu que le précédent ,
eft un des Céfars nommés en 305 , par Galérius,
avec le consentement forcé de Dioclétien. Il étoit
d’Illyrie , d’une basse naiffance, de moeurs plus baffes
encore ; il ne vivoit que pour la débauche. Il
fut envoyé contre Maxenee , auquel il avoit été
préféré, quoique ce Maxenee fût fils de Maximien ,
qui avoit été empereur avec Dioclétien, et quoique
ce même Maxenee fût gendre de Galérius ; mais celui-
ci avoit plus compté fur les vices de Sévère que iiir
ceux de Maxenee. Maximien rappelié par fon fils à 1 empire , reprit la pourpre. Sévère s’avançoit contre
eux , mais avec une armée compofée de foldats, qui,
deux ans auparavant, avoient fervi fous Maximien.
Maxenee les corrompit aifément ; ils abandonnèrent
Sévère, qui s’enferma dans Ravennè , où il fut aflïégé
par Maximien. La crainte d’être livré par le peu qui
lui reftoit de foldats , l’obligea de le rendre & de re-
meitre à Maximien les marques de l’empire. Maximien,
contre la parole donnée, retint Sevire prifonifer;
peu de temps apres, il l’obligea de s’ouvrir les veines,
& crut lui avoir fait grâce en lui permettant un genre
de' mort, ré. ai^ é un des moins douloureux. (307.)
Un autre Sévère encore ( Libius-S.verus ) fut proclame
empereur d’Occident, à Ravenrfls , en 461. Le
général Ricimer, qui régna fous fon nom , ôc qui
Tavoit fait nommer dans cette vu e , Tempoifonna,
dit-onquand il commença d’en être embarrassé.
Lucius-Cornélius Sevère, poete latin du règne d’Au-
gufte, vivoit environ 24 ans avant J. C. Il refte une
partie de tes ouvrages , et on en a donné dans ce
fiècle , diverfes éditions.
Sévère eft aufli le nom d’un hérétique du fécond
fiécle , dont les difciples furent nommés Sévériens , &
dont lès erreurs renîroiènt dans le manichéifme ; car,
fi le manichéifme tire fon nom de Manès , il lui eft
bien antérieur. La doélrine des deux principes s’eft
présentée de tout temps aux. hommes à la vue des
contradiélibns & des contraftes qu’offre le monde &.
phyftque & moral.
SÉVERIN, (Saint) ( Hijî. Eccléf. ) apôtre de h
Bavière & de l’Autriche, y prêcha l’évangile au cinquième
fiècle; il mourut le 8 janvier 482. 11 y a eu aufli du nom de Séverin, un pape, élu
au mois de mai 640 , mort le i er. août de la même
année.
SÉVIGNÈ, ( Mme. la marauife de ) ( Hifl. Lut•
mod. ) .modèle du genre épiftolaire , comme La
Fontaine l’eft de l’apologue-, fut un des ornements
de la cour &. du règne de Louis XIV. Marie de
Rabutin, (c ’étoit son nom ) dame de Chantal ; & de
Bourbilly , naquit le 5. février 1626 , de Çeîfe-
Bénigne de Rabutîn , chef de la branche aînée de
Rabutin & de Marieide Coulanges.
Le baron de Chanta! son père , étoit fils de Chrifo
topheiRabutin &. de Jeanne - Françoife Fremiot, fondatrice
de Tordre delà Visitation , connue depuis fous
le nom de la biaiheureufe mère de Chantal. ( Voye£ 1’article C hantal. ) Il fut tué le 22 juillet 1627 , à là
defeente des Anglois dans Tlffe - de - Rhé ; on afîùre
qu'il fut tué de,la main de Cromwel. Marie de Rabütiri
fut élevée par Marie de Coulanges te mère & Chrif-
tophe de Coulanges fon oncle ; elle tevoit le latin ,
Tefpagnol & l’italien , avantage rare alors , & elle
n’en étoit pas moins aimable. A dix-huit ans elle
époute, ( le premier août 16 4 4 ,) Henri, marquis
de Sévigné , d’une des plus anciennes maifbns de
Bretagne , elle en a eufun fils & une fille, dont on fait
combien il eft parlé dans fes lettres, & avec quelle
tendreffe. ( Voyez. les articles Grignan & Monteil, )
l’éditeur de fes lettres dit qu’elle fut très-fenfible aaix
fréquentes infidélités de fon mari, qui n’eut pas pour
elle tout Tattachement qu’elle mériteit. Bufly Rabutin ,
coufin de Madame de Sévigné, & qui ne Taimoit
pas, peut-être parce qu’il Tavoit trop aimée , en lui
attribuant beaucoup de coquetterie, au moins dans
Tefprit, aend un grand témoignage à fa l'ageffe, lorfquè
cet homme qui croyoit fi peii à la vertu des femmes
& qui exagèroit leurs galanteries , dit qu’il croit que
fon mari s’eft tiré d’affaire devant les hommes , mais
que devant dieu il le tient pour un mari maltraité.
Il fut tué en duel, le 2 février 1651, par le chevalier
d’Albret :
Madame de la Fayette a fait de Madame de Sévigné
un portrait charmant où on fent à chaque trait la vé^
ri té encore plus que Tamitié.