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ou il acheva de fe dégoûter du CaTvinifiné ; il écrivit
àM. Boffuet, prit fes leçons, céda enfin à fes inftruc-
tions &. à fon éloquence , & fit entre les mains de
l ’illuftre prélat, fon abjuration le zifeptembre 1690.
Il s’agiffoit d’en obtenir autant de fa femme , de la
tirer de la Suiffe & de l’amener en France ; M. S.mrin
«ut à effuyer à ce fujet, de violents combats , que M. de
Fcntenelie , dans fon Eloge , peint avec beaucoup
d’intérêt ; & M. Saurin qui , dans fon Mémoire contré
Rouffeau, les peint avec un intérêt encore plus développé
, fe rappellant fes déguifemens dangereux , fes
entretiens îecrets avec là femme , les reproches qu’il
eut à foutenir, les larmes qu’il eut à effuyer, les ftra-
tàgêmes qu’il eut à employer dans cette négociation de
religion, comme s’il eût été queftion d’une intrigue
amour eüfe, appelloit cette partie de fon Hiffoire , le
Roman de fa Vie', il vainquit enfin, 6t fa femme le fui vit.
Dans fo choix d’un état a Paris, fon goût le força de
préférer la géométrie à la jurifprudence. 11 eut été
géc rrlètïeJüfqu es dans le barreau, dit M. de Fontenelle.
i l eut des combats à foutenir jnfques dans la geometriè,
contre M. Rollè, contre M. Huguens ; il défendit avec
beaucoup de.zèle, les relies du Cartéfianifine -contre
Newton lui-même; mais l’évènement r.’àpas confirme les
elpérances & les prédictions de M. de Fontenelle fur le
raffermilïement prochain de l’univers cartefien, quil
avoue être violemment ébranlé. L’Academie des Sciences
adopta M. Saurin en 1707. Cet homme, qui ne s oc-
cupoit que dè géométrié , de méchanique, d’horlogerie,
fut âccüfé par Rouff eau, d’être l’auteur de cès trop fameux
Couplets dont Rouffeau étoit lui-meme aceufe par la
voix publique, èc dont on croit encore qu’il avoit com-
pofé àü moins une partie. Fontenelle nous paic-it juger
irop favorablement ces couplets , lorfquil dit que
£ étoit un ouvrage digne des trois Furies , f i elles Ont
de tefÿrit. L’efprit ne paroît jamais dans ees couplets,
qu’avili & gâté par la groflxéreté. Voye{ à l’article
D anchet , lès juftes reproches que feiloit ce bon
homme à fauteur des couplets ; de parler fans ceffe
de Grève & de bourreau. Mais l’opinion publique fut
long-temps d’autant plus favorable a ces couplets,
relativement au talent, qu’elle lui etoit plus contraire a
caufe de la méchanceté ; car l’efprit humain fait quelquefois
dé ces compenfations. On voit cependant par
îe Mémoire même de M. Saurin , Mémoire bien fait
& intéreffant, que beauconp de gens ne trouvoient
guères le goût moins bleffé dans ces couplets que la
morale. « Ce fonds d’impudence & d’infamie, dit - il ,
»> a tellement bleffé quantité d’honnêtes-gens, qu’ils ont
9) été jufqu’à croire la verfification mauvaHè, illufion
31 louable , & dont je puis me vanter moi - même,
si puifque la groffiéreté des injures m’a caché d’abord
» le mérite des tours , & que j’héfitai quelque temps à
» croire que l'ouvrage fût d’un bon poëte». Saurin fut
abfous, & Rouffeau banni par arrêt du 7 avril 1712. ,
pour avoir voulu perdre Saurin , en fobornant contré
foi. des témoins. ' •
M. Saurin paffa en 1731 , à la veterance dans
l’Académie. Il mourut le 29 décembre172-3. Il étoit
«nfeur royal & l’un des auteurs du Journal des Savans,
S 'A U
fous M. le chancelier de Font-Càartra’n & M. labbé
Bignon. « w y y y . . .
40. Bernard-Jofeph Saurin, de l’Academie -Fi ançoife,
fils du précédent, mort en 1782, auteur des tragédie#',
de Spartacus & de Blanche 6> Guifcard ; des comédies
de l'Anglomane, du Mariage de Julie’, fur -tout des
Moeurs du Temps, du drame terrible, de Beverley,
avoit d’abord été deftiné à foivrç.la même carrière que
fon père. 11 s’exerça dans la géométm, & l’Académie;
des -’Sciences avoit déjà les- yeux iur lui , lorfqujl
quitta la géométrie pour s’attacher au barreau , qu’il
quitta bient t pour ne s’attacher qu’aux lettres. Ilefpera
trouver, ( ditM. le marquis de Condorcet, fon fuccef*
feur à l’Académie Françoife) non plus de liberté, mais
-p’us de loifir dans la maifpn « d’un prince , & il vit
» bientôt que ce n’étoit pas auprès des princes, que
17 ]a nature avoit marqué fa place ». En général, ce
n’eft gùèrés là qu’eft marquée la place des gens de
, lettres ; mais : M. Saürim avoit un titre d’exclufion de
-. plus dans une franchi fe rude & fauvagè ; dans des formes
' quelquefois fi diffes & fi âuftères , qu elles éloignoient
meme de lui des coeurs qui le refpeéfoient , ÔC qui
; auroient voulu l’aimer. Ce défaut avoit pour contrepoids
, une extrême jufteffe dans l’efprit, une extreme
juftiee dans le coeui : un de fes confrères lui appliquoi«
| cet éloge d’un Troyen, dans Virgile ;
Jufliffltnus urtus
Qui fuit in Teutris & férvantifjimus oequii
Un autre de fes confrères, M. le Duc de Nivernois*
qui avoit reçu M. Saurin dans l’Académie en 1761, &
qui reçut fon foccêffeur, dit , en parlant du premier i-
« une certaine pétulance dans la difpute , donnoit à fa
>> foeiété quelque chofe de piquant fans y rien mêler
» de fâcheux : ç’étoit de la vivacité, "& non pas de
» l’orgueil».1 La diftindioneft fine & jufte, mais cette
vivacité étoit cependant fâcheufê & pour lui - et pour
les autres ; fcar elle produifoit l’effet qne j’ai dit. Au
; refie, il eut des amis ilhaftaes ; Meffieurs de Montelquieu;
, de Voltaire , Helvétius , Trudaine ;. Collé y &c. Ses
ouvrages lui afsûrent un rang diftingué dans les lettres*
Il a de ces vers qu’on n’oublie point, & qu’on cite
fouvent ; tel- eft celui-ci, dans Blanche & Guifcard v
Qu’une nuit paroît longue à la douleur qui veille !
Tel eft dans le récit du combat de Spaftaeus for l’arène J
contre un autre Gladiateur, ce bel hémiftiche t
- Indigné de fa gloire»
Cette tragédie de. Spartacus, disoit Ms de Voltaire J
eft pleine de vers frappés for l’enclume du grand
Corneille.
Il y a loin du Spartacus de Fîorus & de Racine :^
Spartacus , un efclave , un vil gâdiateur,
. De Stipendiario Thracc, miles y de milite defertor, Inde
s a u
ïatro I de'uide, inhnàore virium J glaliator, au_Spartacus
de M .Saurin, à ce Spartcus, fils d’Atiovifte , eleve:
dans là grandeur, formé à la vertu , le plus, généreux,
des vainqueurs , le plus refpeQable des hommes &Je,
vengeur du genre-humain- On a reproche, a M. Saimn
d'avoir fait naître Spartacus de parens rUuftres ; on
a prétendu qu’en voulant l’ennob.ir, il lavoir rendu,
moins grand, & M. Saarm lui-meme .dans ta préface,
ni dédaigne point du tout cette objeènon. il paroît-
en effet, que les droits de l’humanité eultern gagne que -
que chofe à n’étre défendus que par un; homme ne- &
nourri dans la condition d’efclave.Un tel hojnme etQit
le véritable vengeur de la nature,, outragée .par
' ï k i i s répond que Ton objet a été , de peindre
un héros humain & vertueux ; qu’il, devenoit necel-
fairepour la vraifemblance d’un telcaraflère „ qui!
efit été formé par une éducation fupeneuraSc marne,
oppofée à celle d’un Gladiateur ; d'ailleurs , M. Sauna
avoue qu’il a craint le vers de Racine lut Spartacus ;
qu’il a craint nos préjugés & notre delicatelle. Au
relie, ce Spartacus, tel qu'il eft, joint par-tout lé o-
quence àla grandeur d’ame ; & un des plus nobles
caraâères qu’on ait mis fur la.fcène., Emilie, lyle pe
Crassus , amante de Spartacus , se montre toujours
digne d’un tel amant, en ne manquant jamais a sa
patrie ni à fon père. Craffus ne ppuvoitquetre efface
par Spartacus; mais il eft ce quil doit être, u fou-
tient fortement l’orgueil romain, & déploie habilement
la politique déjà raffinée de fe nation ; bien
loin que Craffus foit dégradé, ceux quile connoiffent
par l’hiftoire, le trouveront ennobli. Quant aux Romains,
l’auteur les a peints & a dû les peindre tels
qu’ils étoient du temps de Spartacus ; ou i s avoieqt fort
dégénéré des vertus antiques, & ou. ils le perjpet-
toient d’employer le crime & la trahifon a 1 appui de
leurs vaftes & ambitieux deffeins. Spartacus reproçhe
à Craffus de n’avoir vaincu que par trahüpn, Crallus
répond :
Au falut des Romains j’ai fait feryir un traître;
Je l’ai dû.
Et Spartacus s’ écrie:
\ De Pyrrhus que diroit le vainqueur B
Que diriez-vous, Romains, dont la vieillf candeur
Imprima le refpeéf à la terre étonnée ,
Et fonda, for l’honneur la haute deftinée,
Sous qui Rome aujourd’hui tenant tout abattu ,
Croit pouvoir déformais fe paffer de vertu .
Avant fa défaite, on lui propofe dans la pièce, la
dignité de fénateur. Voici fa reponfe :
Du temps des Seipions, j’aurois pu 1 accepter ;
Rome iétoit digne alors qu’on s’en fit adopter.
D ’un perfide ennemi magnanime rivale......
Quel fpe&aele elle offrit aux yeiut de l’univers \ .....
Au bord de fa ruine on la'vit toujours ferme j
S A H
Au fuccès d’Ann-bal marquer enfin leur terme,
Oppofer au vainqueur un courage invaincu ,
, Ët laffer le malheur à force de vertu : . .
Aujourd’hui qu’en fon « n ie s ncheffes yerfees ,
Ufu’"périt tout l'éclat des vertus eclipiees,
Que l’orgueil, l’avarice ont infeflé-ves coeurs,
Et oue de l’univers, avides oppreffeurs », ■
Vous en avez.- conquis les trclbrs & esv”L
Que m’offrez-vous, finon d’etre un de vos complices.
. Voilà le . conq afte des moeurs dans Rome vermeufe
& dans Ronje. enrichie, très .-bien marque; K cm
ainfi .que Sertorius retufe de reçôrinoitre Rom ,anf
le féjour qu’habite S/Ha?
Rpme ! quoi ) le féjour de votre potentat ;
Qui n’a que fes fureurs pour maximes d Etat. ^
Je n’appelle plus Rome un enclos de murailles ,
Que fes profcripùôns comblent de funerail.es *
Ces murs dont le deffin fut autrefois fi beau ,
N’en font que la pri&n, ou „plutôt le tombeau. ^
Niais pour revivre, ailleurs dans fe première orce, ^
Avec les faux Romains elle a fait plein divorce ,
Et comme autour de moi j’ai tous'fes vrais appuis,
Rome n’eft plus dans Ronje, elle eft toute ou je luis.
Veïos habitante Camillo ,
Illic Roma fuit.
Beverley eftle Joueur Anglais, imprimé àlondrei.
en 1753 , & qui a eu le plus grand fucces for e
Théâtre de Diury-Lane ; mais M. Saurin a fait a
cette pièce, de grands changemens pour l’adapter au
Théâtre François. M ,
i°. Il lui a donné de la régularité ; il a fixe , autant
qu’il a été poffible ., le lieu de la fcène ; on ne pâlie
pas à tout moment, comme dans la pieçe angloiie,,
de là maifon de Beverley dans celle de Stukçly , dans
celle de Wilfon, dans une falle de jeu, &c. U y a
plus de liaifen & d’enfejnhle ; la pièce eft beaucoup
ruieujc faite.
2°. M. Saurin a fupprirq.e certains details ballement
horribles, pour lefqpels le goût anglôis a peut - etrq’
plus d’indulgence que le notre.' On ne voit point
Stukély préparer avec fes indignes agents , les pièges
oh ils dpiyent forprendre la crédulité de Beverley
ces fçélérats fobalternes, les Bâtes, les Lésion ne
fatiguent plus les yeux du fpeélateur , a 1 indignation
duquel-il foffit de Stukély. L’épifodç de l’afiaffmat
.qui doit çtre comm s for Le wfon Si impute a Beverley,
a difparu avec les dégoûtantes horreurs qu il entraîne
Si qui avoiententr’autres inconvénients, celui d être un»
peu trop étrangères au fujet du Joueur. r -
30. Les caradères ont tout à la fois & plus de dé-?
cence. & cependant encore plus d’énergie : Stukély-
feul eft affoibli ; mais il falloit qu’il le fût. On a feu??
lement fait grâce à ce perfonnagè, des attentats qui
mènent au dernier fupplice ; on lui a larde fa perfidie
& fa fqnefte adreffe ; on peut dire même que dans
là pièce Françoife, Stukély s’y prend avec plu$ d§