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nocrate fourit & les invita pour le lendemain à foupcr» ■.
Les ambafiadeurs le flattèrent d’avoir/trouvé le raux
de la vertu de Xénocrate, ils arrivèrent chez lui
pleins d’efpéiance. Xénocrate leur donna le repas le
plus fiugal & le plus philofaphique , & eux pour
ménager, à ce qu?ils croyoient, fa pudeur expirante
, ne lui parlèrent de rien ce jour-là. Cependant
il faflùc. s’expliquer, le lendémain ils lui demandèrent
naturellement dans quelles mains il
vouloit qu’ils remiffcnt l’argent qu’ils étoiènt chargés .
de lui donner. Je çroyois , leur répondit-il (ans.s é-
mouvoir, cette affaire terminés-par le fouper d'hier.
Comment l'extrême frugalité de ce repas ne vous a
t-eile pas prouvé que Xénocrate ne peut avoir befoiii
d'argent ? Alors les voyant affligés 8c. humiliés de
Ton lefus, ne croyez pas , leur dit-il / que j’aye le
fol orgueil de dédaigner les préfehs' d’un fi grand
roi , mais cette fomine qui par fon énormité de-
vîendroit une infulte, qu’eliefoit réduite.à une Ample
marque d’ieftime ,• & je l’accépte avec refpeél, &
avec reconnoiffance ; en effet if ert prit une très-
légère partie , uniquement parce qu’elle venoir d’A lexandre,
& comme un hommage qu’il aimoit à
rendre au héros du fiècle. Il nous fembie que ce n'eft
pas. là de la philofophie affichée , & qu’il y a dans,
toute cette conduite beaucoup de mefure & de con-
veuasce. Cicéron qui rapporte ce fait paroît en
juger de même. Cum poftridie rogarent eum cui nu-
merarijuberet : Q uid ? v o sH esterna, in q u it j
C(EN U%A NON IltTELLEXISTIS ME~ PECUNIA NON
jsgêre ? Quos cùm triftiores vidijfet j triginta minas
accepit, ne afpernari régis liberalitatem videretur.
A i Tiff, dit Valère Maxime, un 'roi, ( 8c quel; roi) ?
voulut acheter iamitié dfun phiîofophe , & un philosophe
ne voulut point vendre fon amitié au roi.
Ita rex philofôphi amicitiam enter e voluit, philofo-
phus régi fuam vendere' noluit>
Le défin téreffement de Xénocrate était d’autant,
plus méritoire qu’il* étoit accompagné de toute la
pauvreté , qui adroit pu fervir d’exeufe à üne conduite
moins pure & moins ' délreatë. Il Ce vit réduit
à "ne pouvoir payer une efpèce de capitation im-
pôfée fur lès étrangers, & Plutarque raconte que
l ’orateur Lyctfrgué le'voyant conduire en prifon
pour n’avoir-pu fatisfaire à ce payement, acquitta
là dette & le tira des mains des fermiers; Xénocrate.
moins humilié d’avoir eu bcfoin d’un/tel fervice,
que flatté d’en- avoir l’obligation à un homme de
mérite , tel que l’orateur Lyeutgue , rencontrant
quelques jours-après: lé frls^ de fon libéiateur , lui
dit : fep à ie avec ufure a votre pere le p{aifir qu’il
m'a fa it-3 car je fuis caufe q u il eff loué \de tout le
monde. DiogèueLaërce rappo’.te au fu jet de Xénocrate
un fait qui paroît être Je même que celui qui. vient
d’être;raconté d’après Plutarque , quoique lés cir-
conflances en foiei.it différentes. îi À’aginoit du même
impôt que ce phiîofophe ne pouvoit payer ; en
conféquence les athéniens le. vendirent comme ef-
clave, Démétrius de Phalère l ’acheta pour le re-
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mettre en liberté. M. Rollin doute que les Athéniens
euffèrit1 traité fi rudement un phiîofophe de
la réputation de Xénocrate, & ce doute eft raifo’ri-
nable; cependant fi telleétoit'la loi du pays ! d’ailleurs
;ces mêmes athéniens avoient traité Socrate avec
plus de rigueur encore.
- Il eft vrai qu’Athènes révéroit la probité de Xé-
nocrate,-& • qu’un jour qu’il comparoiffoit devant
les juges pour rendre témoignage dans une affaire,
au moment où il approchoit de l’autel pour jurer,
•tous les juges fe levèrent, l ’empêchèrent de jurer,
& déclarèrent que la fimple parole d’un homme
tel <\peXénocrate leur tenoit lieu de ferment. L’hom-
'mage eft noble , rtiais l’aétion eft irrégulière , la
loi eft pour tout le monde, & les juges n’en doivent
difpenfêr pérfonne. C ’eft.pourtant cette irrégularité
même qui fait tout le prix de l’hommage.
Ce refpeft des athéniens pour la vertu de Xénocrate
ne prouve point la faufïèté deThiftoire de Diogène
Laërce, L’oracle & la voix publique avoient déclaré
Socrate le plus fage des mortels, & les athéniens
le -firent.périr.
Quelqu’un demandant à Xénocrate raifon d’un
filence qui pouvoit être d’improbation- à l ’égard
'd’un entretien où la médifance avoit eu grande
part, je me fuis fouvent repenti, d it-il, cCavoir
parlé, jamais de m'être tu. Le mot eft d un. grand
fens, mais il n’eft pas toujours vrai , un filence
d’improbation fait autant & plus d’ennemis que la
mé-difance même, 5c ç’eft ce qui fait le danger
de la fociété, même pour les gçns diferets.
Xénocrate avoit d’excellens principes fur l’éducation
des enfants , fur les' difcours fages & vertueux
qu’il Voulbit qu’on leur fît entendre de bonne
heure , afin que ces difeours s’emparafîent pour
-ainfî dire de leurs .oreilles & de leur ame , comme
d’une place encore va'fcâtVte , & dont le vice s’em-
. pareroit ,*fî la vertu ne le prevenoiLoC’eft en fubf-
tance le fameux précepte que Juvenal a depui«
exprimé ainfî :
Maxima debetur puero reveréntia, f i quid ...
Turpe paras , ne tu pueri cùmtempferis annos.
Xénocrate nereconnoifroitpour yérita,blesphilofo-
phes que ceux qui font de leur propre mouvement 5c de
leur plein.gré ce que le.peuple ne fait .que parla
! crainte des loix & du châtiment.
OJxrunt peccare boni virtutis amore,
Tu nihil admit tes in te formidine poens. ,
Sit fges fdllendi , mifcêbis Jacraprdfanis.
On croit1 qu’il fit à la folHêitation d’Alexandre,
un traité fur l’art de régner : Il n’aimoit que la
retraite , paffoit fa vie dahs fon cabinet; on 1«
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voyoït à peine dans les.rues,- mais quand ;il.y paroif-
foit, la jeuneffe débauchée 5c mal moriginée n’o-
foit foutenir fa rencontre ,. & lui rendoit l ’hpm-,
mage de fe détourner avec confufiôn ; ce fut lui
qui convertit à la vertu le débauché Polémon , venu
dans fon école pour lê braver & l’infulter. ( Voyer j
l ’article Polémon ).
Xénocrate mourut âgé de-quatre-vingt-deux.ans, l
la première année de la cent feizième Olympiade , ;
qui tombe à l’année 516 y ayant J. Ç . ’
Ün autre Xénocrate, étoit médecin du temps dé
Néron. Galien en parle, & n’en donne pas une
idée très - avantageufe, il dit que fes, remèdes écoiéiu
impratiquables, & que , quoiqu’il eut ,écrit:fur les
médi came ns on. ne pouvoit piefque tirer aucun
proßit de fes ouvrages. Il donnoit dans la médecine
myftique & fuperftitieufe, dans les amulettes , dans
les enchantemens, dans les recettes pour faire aimer, .
pour faire haïr , pou r envoyer des fonges , &c. Quant ;
aux ièntimens qu’on prétend infpirer par ces. r.e- ;
cettes , il faut s’en tenir au, précepte d’Ôyidi fp'oup |
être aimé ,. foye[ aimable
Talhtur Hæmonifts f i quis decurrit ad artes , ' ’
: Datque'quod a tenerifronte revellet equi; • ’
' Non facient ut vivat amor Medeides kerß&, ' ;
Mixtaque cupn magicis runia Marfafopis r î
- Phäfias OEfoniden, Circe tenuiffetUlyffem ï .
S i mödo fervari carminépoffii amorl ’
Nec datappofuerjnt pallentia philtra puellis.j .
Philtra Aocentanïmis, vimquefuPoris kabent. ;
Sic procul omne nef as, ut ameris^ amabilis efio {
, Ingenii dotes corporis’ adde, bonis.
;Xénocrape avoit cependant fait quelques décou-J
Vertes .en médecine, il avoir trouvé;une-thériaquef
& quelques autres comportions mrfjes.. Ij. nous;fejje|
un petit ouvrage qui porte le nom de Xénocrate3\
il traite de'là nourriture des animaux aquatiques. II!
a été imprimé en 1 f jp , à Zuriek avec des nôtes*
de Gefner. X énocrate étoit né en Cilicie.
XÉNOPHANE j ( Hiß. anc. ) phiîofophe grec J
paroît n’avoir admis - d’autre Dieu que : ce monde!
matér:el auquel il attribue une intelligence. Il diq
.que Dieu eft une fubfiançe éternellede figure ronde.\
A travers ces .erreurs que divqrfescirconöances pou-!
Voientexcufer, 8c qui paroilFent avoir du rapport avec1
la doélrin.e attribuée depuis à Spinofa, il avoit d’ails
leurs des idées plus faines: fur divinité qu’on n em
avoit .généralement,de fon temps, l ’idolâtrie,& le!
polythéifme étoient pour lui des objets fie mépris, fi
n eft pas moins :abfurde , diïbit-il , de prétendre quèr
les 'C'teux naiffent que de foutenir qu'ils meurent. S'ils,.
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font Dieux , ils-ont. dû exifter toujours ,& ils .ne xgf-
feront jamais d’exifter.. Etant'en Egypte, & aiTiftanc
à une de ces fêtes lugubres dans lesquelles les Egyp-,
tiens faifoient de grandes lamentations fur la perte de
’ quelqu’un de leurs Dieux fantaftiques : Si les objets de
! votre culte , leur dit-il 3font des Dieux, ne les. pleure^
'.pas p .sj.ils font des hommes ou desanimaux, ne leur
f offreç pas.desfiqçrjfices..Ces propos trop fenfés, bien
p|ü? que les| erreurs dans lefquellcs il pouvoit erre
| tom’pé, lui attirèrent quelques perfécutionsj on trouva
; qu’il parloit trop librement des Dieux, & ilfut hanrû
pour cette raifon de Colophon fa patrie. Il fe retira
en Sicile, où il demeuroic tantôt à Zancle, au jour-
d?hui Me/fin.e , tantôt à Çatane. Il fut le fondateur
de la feéte éléatique: Ou dit qu’un jour qu’il fe plai;-
gnoi,t de fa pauvreté’à Hiéron, roi de Syracule , &
qu’il luidifoit :je n ai pas'même le mpyen d'entretenir
deux fer,yiteurs, Hiéiion lui répliqua :tu devrois donc
refpettér davantage Hom'ere^ qui tout mort qu il eft,
fa it vivre encore plus de dix mille hommes. Mafs il
paroît que Xenophane n’attaquoit que la théologie
d’Homère, 8c en cela, on ne peut pas dire qu’ileut
tort:
‘ ’ Xén'op'hane étoit; difciple d’Archelaus’ , on ’ croit
'qu’il vivoit du temps de Sooraté: Il avôit plufîèùrs
qpiriion's^philofôphiquès , aujourd’hui' cômmùn'fe/,
mais g’étoit alors un-mérite de les àv:ôir.:'Il erbyoït la
lune, & par conféquent lés autres planecès habitées ;
il regardoit les prédictions comme impoflfiblés, &
dans ce temps de prédidions'& d’oràcles f ‘e étoit
une idée hardie ; il juge_p.it que lejjjen fu.r^alje le
mal d’ânS le monde8c c’èft'ridéé^a?uîr efprit ôbfer-
■ Vàteur-&.'d’unè .ame recoriri6ifrarj^êdLéfcommun:dës
homnids ne: fait que îê'biaindfè , Sc femble n’ëcre
'âvèrti de Ton7 éxiftencèJque: par le -mal. On oublie
toutes les fenfations agréables que la* nature nous a
ménagées., tout le plaifir qu’elle a fagement attaché
“à Jàtisfàïré tous les vrais befoihs, notre ingratitude,
’ ôü^nôtre irtattentioni cawmnie la ptoVidence. Xé-
'ttophane vécut près de cèrit aris!; & il en eut peutêtre
en ôattiè l ’obligatréh à fa phildfophie.
. Xenophane eft oufîi le nom du chef d’une ambaf-
,fade -que Phi-ippe, roi de Macédoine, envoyoit
.aux carthaginois 5c à-leur général vidorieux An-
; ni b a l , . après- qu’il eut battu les romains dans trois
■ grandes batailles. Ges ambaffadeurs macédoniens
furent pris parles romains , & furent conduits vers
le préteur Valer-ius bevii usivOn ignproit encore
. pour qui Philippe Te déclareroic ; Xenophane prit
fon ,parti en profitant de cette incertitude-, il die
que Philippe , fon- maître , l ’avoit envoyé vers les
romains pour faire alliance & amitié avec eux.
«... ... Le fage dit, félon, les gens >
. Vive te roi, vive la. ligue.
.dit lâ:Fontaineq. c’eft précîfêment ce que fit Xenophane
en cette bccafiph. Levinus charmé de voir
qu’au milieu de la décadence des affaires de Rome