
-des juges, & cette colère feule devoit les avertir
de ne pas' juger. Tout juge qui prononce dans un
woment depaflion. & de tranfport, eft un prévaricateur.
Cujus refponfi fie judiccs exarferunt, ut capitis
hominem innocentiffimum condemnareni. Ils *le condamnèrent
à la pluralité de deux cent quatre-vingt -
line voix contre deux cent vingt, à boire la ciguë ,
fupplice fort en ufage chez les Athéniens. Obfervons
encore que, lorfqu’i ly a un grand paitage , comme
dans le cas dont il s’agit, jamais un jugement capital
ne devroit être exécuté. Faifons de plus une
autre obfervation.. Si les juges ont eu trop fouvent le
«nalheur de condamner des innocens , ou ils les
çroyoient coupables, ou ils cèdoient par foiblefie à
la tyrannie qui e-xigeoit d’eux une injnflice. Dans le
jugement de Soçrate, il n’y avoit perfonne , ni parmi
les accufateurs , ni parmi les autres citoyens , qui ne
fût convaincu non-feulement de l’innocence de Socrate,
mais de la vertu fiiprême qui le diftinguoit entre
tous les autres hommes, On ne voit point d’ailleurs
de puiflance redoutable aux juges qui ait pu les foicer
à trahir leur confidence. Ce jugement parcît donc
avoir été uniquement l’ouvrage de la jaloufie & de
ïa haine. C’efl une des plus épouvantables iniquités
dont un tribunal fe foit -jamais fouillé. Socrate en
eut pitié ; lorfqu’on lui déclara qu’il étoit condamné
à mort, la nature , dit-il , ni y avait condimnè des
le moment' de ma naijfance. Apollodore , un dé fes-
difciples & de fes amis, lui témoignant fa douleur
de voir ainfi périr un grand homme -innocent ,
. aimene^-vous mieux, répondit il, me voir mourir cou-'
fable ? Il ne perdit rien ni de la tranquillité de fon
ame , ni de laférénité de fon vifàge. Si on lui par-
ïoit avec indignation & avec horreûr de fes accufateurs
: Anytus & Melitus , difoit-il, peuvent me tuer,
piais ils ne peuvent me faire du mal. Ç ’eft ainfi
qu’Horace a dit :
Vir bonus & fapiens audebit dicere ; jPentheu,
Hector thebarim , quid me perferre paiicaie
Indignum eoges? Âdimam bona: — Nempè pecüs, rem ,
Lectos , argentum , tollas ücet. — In maniais &
Compédibus foevo te fub çujlode tenebo.
Ipje Deus,Jîmul atque volant , me filv e t, opinpr,
Hoc fentif, moriar 9 Mors ulùma lineq rerujn efl.
Voyant, dit Quintilîen, que les hommes de fon
fiècle lui rendoient fi peu de juftee , Socrate s’en remit
au jugement de la poftérité. Il pouvoit encore, en
s’humiliant devant les juges, fe dérober à fon fort,
il aima mieux laerifier les relies d’une vieiUefte déjà
fort avancée , pour s'afi’urer l’eftlme & l’admiration
de .tous les fiècles. Quando ab hominibus fui temporis
parnm intelligebafur, poflerorum fe judiciis refervavit,
breyi detrimento jam ultimes fenectutis esvum fceculorum
oqmiurn çonfecutus.
Socrate avoit vu Athènes afliègée & prife par
Lyfandre , la forme du gouvernement changée ,
l’autorité des trente tyrans établie. Ils ayoient reipeélé
la vertu de Socrate, qui n’avoit point fléchi fous
eux y, ils n’a voient été chaffés d’Athènes que peu dé»
temps avant la condamnation de Socrate. Ce Philofophe,
dit un autre Philofophe ( Séneque ) , entra dans la
prifon avec cette même confiance qui en avoit im-
pofé aux trente tyrans, & dès ce moment 1^ prifon
perdit ce nom infâme , cé fut le féjouf de l’honneur
& de la vertu. Socrates codent illo vùltu , quo aliquando
folus triginta tyrannos in ordinem re Jegérât, carcenm
intravit, ignominum ipji loco detracturus. Ncque enim
poterat carcer vide ri in quo Socrates erat. Senèc. confiâ
t. ad helv. cap 13.
Senéque dit encore ailleurs : Socrates carcerem
intrando pu gavit , omnique honcjliorern curia reddidit.
Ici. de vit. beat. cap. 27.
Ce fut li en effet qu’éclata toute la grandeur
dame de Socrate. Il eût tout le temps de fe préparer
à la mort ; il fe paffa trente jours entre fa condamnation
& fon fupplice , parce qu’il étoit défendu
de faire mourir perfonne dans la ville depuis le départ
du vaiffèau que les Athéniens envoyoient.tous les ans
à D.los jufqu’aii retour de ce même vailîeau. Socrate
vit tous les jours fes amis, & ne ceffa.de ph’lofopher
avec eux. Toujours gai dans fon càçhot, toujours
libre les fers aux pieds, la veille de fa mort, il
compola un hymne en l’honneur d’Apollon & de
Diane, il mit en vers une fable d’Efope, il dormit
la nuit fuivante d’un fommeil tranquille. Il ne tint
qu’à lui d ^ ’échapper de là prifon , le geôlier étoit
gagné , les portes ailoient s’ouvrir , on lui offroit
une retraite sûre eh Theflalie ; connoîffez-votis, dit
Socrate'P une retraite oh Ion ne. meure point ? ilrefulà
d’échapper à la mort en violant les ‘ loix ; mais la
loi que nous impofe la nature de défendre' & de
conferver notre vie, nétoit-elle pas violée par ce
refus ? Socrate prouva qu’il ne dèvoit pas chercher
a fe fouftraire à fon jugement, ç’eft la matière du
dialogue de Platon , qui a pour titre, Critoh ; & il
efl vrai qu’en lifam ce dialogué, il paroît difficile de
réfuter Socrate.
Le jour de fa mort, fes amis,en entrant dans fon
cachot, trouvèrent Xanthippe fa femme affile auprès
de lui , & tenant un de fes enfans dans lès bras ;
dès qu’elle les apperçut, elle éclata en cris ôt en
fanglots, Soçrate demanda qu’on la fit retirer, pour
qu’elle ne troublât pas lès derniers momens. Relié avec
fes atnis, il traita un fojet trèsvconvenable au moment,
celui de l'immortalité de lame; c’tft le fujet de ce
beau dialogue de Platon , intitulé le Phédon. En l’entendant
parler . le breuvage mortel à la main , il
fembloit, dit Cicéron , qu’on le voyoit s’élever au
Ciel & fe réunir aux dieux , dont il avoit été fur
la .terre la plus parfaite image. Çùjn penè in manu,
jam tvortijerum illud teneret poculum , locutus lui efl ,
ut non ad ntértcm trudi, verum in ccelum videretur afcendere.
f..... Qui enint. . fe intégras cajlofque fervaviffent.....
tffentque in çorporibus humanis vitam imitait
deorjim , /lis ad ilLs , à quibus ejfent prpfecti, rçfuum
facilem paterç. Cic. tufe. quçlt. |ib, 1, 1 6e s
Seé âmis lé virent boire la fatale cigué, leur conf-
tance alors les abandonna, quelques-uns d’entreux
pouffèrent des cris & des hurlemens.Y penfez-vous,
mes amis ? s’ écria Socrate-, 011 eft le courage ? ou
eft la philofophie ? n’eft-ce pas pour ces foibleiles
que nous avons renvoyé ces femmes ?
Son dernier mot, en expirant, fut adrefle à Criton:
Criton , lui dit-il , nous devons un coq à E/culape.
On a interprété diverfement ce mot : les uns ont
cru que Socrate chargeoit en effet Criton d’acquitter
un voeu qu’il avoit fait à Efoulape : d’autres ont
penfé que c’étoit une expreflion proverbiale dont
nous avons l’équivalent dans notre langue , mais en
ftyle bas, & dont le fens étoit : nous avons bien
des grâces à rendre aux Dieux ,* nous voila delivres
des miféres & des dangers de la vie. Eraûne difoit ,
qu’en lifant le récit de la mort de Socrate, il étoit
toujours tenté de s’écrier :Saint Socrate, prie^pour nousl
Athènes ouvrit enfin les yeux, & pleura Socrate
après l’avoir immolé.-
Tu pleures ! ta pitié fuccède à ta furie !
Les écoles furent fermées & les exercices interrompus
; on demanda compte aux accufateurs du
fang innocent qu’ils avoient fait répandre ; Mélitus
fut condamné à mort , les autres furent bannis.
Plutarque obferve que tous ceux qui avoient trempé
dans lé complot dont Socrate fut laviéfme, devinrent
fi odieux à tout le monde qu’ôn ne voulut plus avoir
avec eux aucun commerce , qu’on, refufbit de leur
donner du feu , de répondre aux queftions qu’ils
faifbient, qu’on jettoit comme fouillées toutes les
chofes auxquelles ils ayoient feulement touché; ce
qui réduifit plufieurs d’entr’eux à fe donner la mort
de défespoir.
Les Athéniens firent ériger à Socrate une ffatue-
par le célébré Lyfippe , & la placèrent dans un
lieu des plus apparens de la ville, lis rendirent à fa
mémoire des honneurs qui tenoient du culte, ôc
dans lefquels il entroit une vénération religieufe.
Son nom efl: relié celui de la philofophie:
Libros. Panetî, Socraticam 6* domum
Dit Horace en parlant en général dçs livres de
philofophie,
Qualia vincant
Pythagoran, Anytique reum, doctumque Platona,...
Scribendi rectè fapérç ejl 6* principium & fins ;
Rem tibi Socraticce poterunt ojtendere chartes»
On eonnoît la fable de la mai fin de Socrate ,
fondée fur un mot de ce Philofophe : plut aux Dieux
que je pujfe la remplir toute entière de véritables amis !
On peut voir dans le recueil de l ’Académie des
belles-lettres, ce que l’Abbé Fraguiçr a écrit fur
Socrate.
Dans l’expédition du jeune Cyrus contre Artaxerxe
Mnémon fon frère, les Achéens, qui fervoient dans
fon armée, avoient pour chef particulier un Socrate
d’Achaïe. Après la bataille de Cunaxs , ou le jeune
Cyrus fut tué , Tifîapherne, gouverneur de Lydie,
général des armées d’Artaxerxe , fous pretexte de
traiter avec les principaux chefs du parti de Cyrus,
fut les amener à une entrevue , où ils furent arrêtes
par trahifon &. conduits au Roi, qui leur fit trancher
la .tête : Socrate étoit du nombre de ces chefs Cet
événement arriva environ quatre fiècles avant Jefus-
Chrift.
Socrate efl aufli le nom d’un fils de Nicomede ,
roi de BÎthynie , qui étant dans les intérêts de
Mithridate, roi de Pont, çe célébré ennemi des romains
, fe fouleva contre fon frère , nomme Nicomede,
ainfi que le père commun auquel il venoit de fuc-
cèder, & le chaflà du trône. Nicomède implora contre
Socrate & contre Mithridate l’afliftance des Romains,
qui le rétablirent dans fon royaume , vers l’an 89
avant J. C.
Socrate , ( dit le Scholafiique. j ( Hifl. Vitt. mod. )
Auteur d’une hiftoire eccléfiaftique, qui eft la continuation
de celle d’Eufebe de Cefaree, étoit né à
Conftantinople , au commencement de 1 Empire de
Théodofe , dit le Grand, vers l’an 380. On ignore
le temps de fa mort. Son hiftoire, divifee en fept
livres, commence à l’an 306, & finit en 439* .
Préfident Coufin l’a traduite du Grec en François.
SOEMIAS , (Julie) {Hifl. rom.) mère d’He-
liogabale ou Helagabale , contribua beaucoup, par
fes intrigues, à l’éleélion de cet empereur , partagea
l’empire avec lui, ajouta des folies à fes folies,
& fut enveloppée dans fa difgrace,. Elle étoit ad-
mife au fénat êc opinoit, ainfi que fa mère, avec les
Sénateurs ; elle avoit, de plus, formé un fenat de
femmes , pour prononcer fur les habits & la .parure
des dames Romaines ; elle avoit cependant du
courage : dans une occafion , où les foldats d He-
liogabale commençoient' à fuir , elle fe jetta au
milieu d’eux, & les fit retourner au combat. Les
Prétoriens foulevés coupèrent la tête à la mère &
au fils en 22.2. Ils ne règnoiém que depuis 2 18 , &
avoient beaucoup trop régné.
SOFA , f. m. ( terme de relation ) efpèce d’ef-
trade qui eft d’ufage en Orient , & qui eft élevée
d’un demi-pied au-deflùs du niveau de la chambre
d’honneur, où l’on reçoit les perfonnes les - plus remarquables.
Chez les Turcs , tout le plancher eft
couvert d’un tapis de pied , & du coté des fenêtres.,
ils élèvent une eftrade , qu’ ils appellent.
fifa. Il y a fur çette eftrade de petits matelas., de
deux à trois pieds de large , couverts d’un petit
tapis précieux. Les Turcs s’afleyent fur ce tapis
comme les tailleurs qui travaillent en France, les jambes
croifées; & ils s’appuient contre la muraille
fur de grands carreaux de velours , de fatin , &
d’autre étoffe convenable à la faifon. Pouf prendre
leur repas, on étend fur le tapis de l’eftrade tus
Hifloire. Tome V. Q