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apothcofç très-peu anticipée. On veut me f a ire mou-
*i r de P t e i f i r , s’écrioit-ril au milieu des hommages
aOwt on 1 enivroir, & il allait en effet en moarir.
Les tr^nfports de la joie , lés efforts du travail
1 ayant prive du fommeil, il prit de lopium & fe
trompa fur les dofes j elles le plongèrent dans une
elpèc* de léiha-gie dont il ne fortit plus que par
intervalles. Ce fut pendant un de ces intervalles
q * il écrivit au jeune comté de Lalîy-Tolendal ces
lignes , les dernieres que fa main aie tracées , où il
appTaudiffo.it à 1 autorité royale qui venoit de caffer
jarret.de mort du comte de Lai!y, père de M.de
I olendal : Je meurs content , difoit Voltaire , y g
v o is que le ro i aime l a juftice, 11 monrut le ?o mai
2778. y
Le cure de Saint-Suîpice lui rcfufa la f-pulture.
La moindre réclamation de la part de la famille
aurore mis le parlement dans l’airernative , ou d:
f un,r, cme vengeance exercée fur les reftes d’un
grand homme, ou de fe déshonorer en la cofcfa-
ctant & en démentant fes propres principes fur
f excommunication & fut les effets 3 elle préféra de
négocier avec le minière : ii fut convenu que le
Vf Pj ^ r°!t traufport’ s Sceliières, monaftère dont
M. l’abbé Mignot, neveu de M. de V o lta ire , éroit
aübé; ce projet fut exécuté. « Cependant, dit M.
«e Condorcet , deux grandes dames , très-dé-
33 Jo:cs » écrivirent à l’évêque de Troyes , pour
“ «engager à détendre l'inhumation , en qualité
» d évêque diocéfain. Les lettres ai rivèrent trop
» tard » . . . r
j fl s c^- depuis répandu des bruits vrais ou faux
dune exhumation roélurne dont on ignore l’objet,
les uns l’attriouant à la vengeance du cle gé , les autres
aux amis de M. de V o l ta i r e , qu-, deft.noicnt à fa
cendre des hon .turs- plus marqués & plus dignes de
lui. Peut-e re n’y a-t-il rien de vrai ni dans Je fait,
ni par conféquent d*ns le motif. I/hiftorien de M.
d e ' V o lta ire n’en parle point 5 des tvénemens pofté-
rirurs pa cifient démentir cette idée. Le roi de Prüflé
è t faire à M. de Vo ltaire un fervitê folemncl dans
Féglife catholique de Berlin. L'académie de Pruiîe
y ftit invitée de fa pa t , & dans e camp même, où
ce grand roi , à la tête de cent cinquante mille
hommes, dtfendoic les droits dis princes de l’empire
, & imp fpic a la poifTance autrichienne , « il
» écrivit l’éloge de l’homme ill ftre dont il avoir
i> été le difciple & l'ami ., à qui peut-être il n’aveit
» jamais pardonné l’indigne & hon.eufe violence
» exercée contre lui à Francfort par fes ordres, mais
» vers lequel un fe'ntiment d’admiration & un goût
» naturel le ramenoieat fan; cçfTe , meme m i ré
» lui ». 0
> S’il faut tout dire , cer éloge royal de Vo ltaire
n eft pas un bon ouvrage, mais c’eft un grand exemple
3 & cet exemple eût été véritablement héroïque ,
i j e roi de Prafieeût faifi eette occà^on de faire un j
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noble aveu , d’exprimer un noble regret de fes: torts-
envers un ami, & de faire pour aiufi dire amende
honorable à (es mânes.
Depuis la réconciliation fincère ou feinte de Vol-"
ta ire avec le roi de Pruife , V o lta ire avoir paru tantôt
reprendre fon ancienne amitié, tantôt ne con-
lerver que la mémoire de Francfort. 11 immorta iftr
par unç ode pl-iue d’une fe- fîMlité touchante , la
margrave de Bareith , à laquelle il avoir tranfporté
tout 1 attachement qu’il avoir eu d’abord pour le roi
fon frè e.
M. le marquis de Condo cet effaie de juftifier
V o lta ire de prefque tous les repioches qu»
lui ont été faits 5 c’elt fur ce point fur-tout que nous1
nous abftiendrons de juger & M. de Vo ltaire &
fon hiftorien , & leurs opinions ou leurs préjugés
peut-être j car qui n’en a pas M. de Condorcet
dit, comme l’ont toujours dit les amis de M- de
V o l t a i r e , que fi M. de V o lta ire eut de nomhreufcs*
qnerelîes , il n’a jamais été l’ag. cfhur dans au-,
cune. Quelle offènfe lui avoir donc faite le doux
& fage Greffet, qui n’a jamais écrit contre per--
lonnc, qui lui avoir rendu hommage dans fes vers
fur Alzire. & qui ne répondit pas mêmie à fes-
farcafmes ? Mds.il s’étoit fait dévot pour être fous-,
gouverneur des enfans de France ? Eh bien 1 qu’im-.
portoit à M. de V o lta ire que G reflet fût dévot ou
qu il fut fous-gôuvemcu: ? Mais .nous .ne pouvons
refufer nos éloges à la diflio&ion fine & jufle que
Lie M. de Condorcet entre les. flatteries prodi-
gne.s j dit-on, par M. de Vo ltaire à tant de per—
C. nues, fur-tout aux gens en place, ( flatteries,
qui me: iront bien plutôt le 10m de jeux d’cfprit y
de g-aces de ftyle , de politcfles d’un homme de -
b«m.e compagnie ) & ces éloges partant du fond
du coeur , qu’il réletvoit pour le mérite & la veitu.
M. Turgot n éroit plus en place depuis long-temps *
les vertus privées le faifoient encore haïr jàcs cour-
tilcns qui navoient plus à craindre de fes veitus
publques, il n'étoic plus rien , 1 é:ok tout encore
, Ce toit M. Tu;got, tu MarceUus e ris .. « J’ai vu
» V o l ta i r e , dit fon hiftorien, je l’ai vu fe préci-
» piter fur les ma'-ns.rie M.TVgot, les arrof'er de
» les larmes , les baifer malg é fes effonts , en s’ér-
» criant d une voix entrecou j éc de fanglots : L a i f -
33 01 b a ife r cette main, qui a figne le f a lu t cbi
•» peuple ».
Loffqi ’on avoir reçu, trois ans auparavant, à Fer-
ney da nouvelle de la difgiace de M. Turgot, ou
plutôt du peuple., M. de Voltaire dïç à M. l’obbé de
Lille j qui éroit alors à Ferncy ;
M u lt is Ule bonis fiebilis o c c id it,
Nullj. f e b i f io r quant tib i 3 V irg ili !
Nous ne ferons que tranfçrire ici les réflexions de
M. de Condorcet fur le caractère & les principes de
M1 de V o lia ire 9
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» La nécrfflté de mentir pour défavouer im ouvrage
, eft ut c extiémité qui répugne éga’cment
à la confejence & à la nobîtfTe du caractère j mais
le crime eft pour les hommes inj-iftcs qui rendent
ce défaveu néceffaire à la fureté de celui qu’ils y
forcent. Si vous avez é igé en crime ce qui n’en
eft pa< un, fi vous avez porté atteinte par des loix
abfurdes ou par des loix arbitraires, au droit naturel’
qu’oit tius les hommes , ron-feul.ernent
d’avoir une opinion, mais,de la rendre publique,
»lors vous méritez de perdre celui qu’a chaque
homme d’entendre la vérité de la bouche d'un
actre, droit qui fonde feul l’obligation* rigoureufe
de ne pas mentir. S’il n’cft pas permis de tromper,
«•eft parce que, tromper quelqu’un , c’eft lui faire
un to t , ou s’expofer à lui en fare un 3 mais le
tort fuppofe un droit, & perfonne n’a cTui de
chercher à s’aflurqr les moyen; de commettre une
injufti e..........
V o lta ire , implacable ennemi des parlemens ,
préféroit un feul maître à plnficurs ; un fouvera:n
donc on ne peut c. a in dre que les préjugés, à une
troupe de def otes dont les p.éjugés font encore
plus dangereux, mais dont on doit craindre de plus
les intérêts & les petites pallions, & qui, plus redoutables
aux hommes ordinaires , le font fur-tout
à ceux dont les lumières Iss. effrayent & dont la
gloire 1rs irrite. Il difoiç : J ’a i les reins peu flexibles,
M confçns a f a i r e une révérence, m a is cent de fu iie
me - fa tig u e n t...........
»11 faut chercher à infpirer ces vertus douces
qur confolent, qui con Juifsnr à la rai fon, qui
font à la portée, de tous 1rs hommes , qui conviennent
à tous les âges de l'humanité, & do t
l’hypo rifle même fait encore quelque bien. Il faut
fur-tou:- les pré fêter à ces vertus auitères, qui dans
les âmes o,!d:n tires ne fubfiftent .guères fans un
mélange de dureté, dont l'hypocrihc eft à-la-foi s
fi facile & fl dangereule, qui iouvent effrayent dés
ty ans, mais qui rarement confolent des hommes ...
C’eft en es éclairant, c’éft eti les âdoucilfant qu’on
peut efpérer de lès. conduire à la liberté par un
chemin fûr & facile. Mais on ne peut efpérer ni
de iépatid-re les lumières, ni fl’adoucit les moeurs ,
fi des guerres f. équenres accoutument à verfer le
fang........& fl les hommes me furent leur vertu par
le mal qu’ils ont pu faire......
» De quelle liberté ont joui les nations qui i’ont
recouvrée par la violence des aimes, & non par
la fo ce de la raifort? D’une liberté.. paffagère .&.
tellement troublée par des orages, qu'on peut p:ef-
que douter qu’elle ait été pour elles un véritable
avantage. Prefque toutes n’ont-elles pas confondu
les formes républicaines avec la jniiffanre de
leurs droits, fit la tyrannie de pjufleurs avec la
liberté ?.......
” Profiteras de cette expérience funefte & fâchons
attendre des progrès des lumières unç liberté plus
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réelle, plus durable & plus' paiflble. Pou quoi
acheter par des tôrrens de fang, par des boulcverfe-
mens inévitables, & livrer au hafard ce que le te ms
doit amener fùrement & fans facrifice ? C’eft pour
être plus libre, c’eft pour l’être toujours qu’il faut
attendre le moment où les hommes, affranchis de
leurs préjugés, guidés par la raifon, feront enfin
dignes de l’être parce qu’ils connoîtront les véritables
droits de la liberté.......
» Au lieu de déclarer, la guerre au defporifmej
avant que 1.: raifon ait raffemblé a (fez de force, 8c
d’apjLeler. à la liberté, des peup.l s qui ne fav'ent
encore ni la connaître ni l’aimer, dénonçons aux
nations & à leurs chefs, toutes ces oppreflljm de
déc . il communes à toutes les conftitutions , & que
dans routes , ceux qui commandent comme ceux
qui obéiffent ont également intérêt de détruire. »
Cherchons, dit encore M. de Condorcet, la
définition » d’un état libre dans nos coeurs & dans
»notre raifon, & non, coram: le pédant Mably,
» dans les exemples des anarchies tyranniques de
» l’Italie & de la Grèce. »
Telle étoit la philofophie de M. de V o lta ire , fl l’on
s’en rapporte à l’auteur de fa v c 3 encore un coup ,
nous ne la jugerons pas ; nous n’examinerons pas
même fi ces pnn.ipes étoient à tôÜfs égards ceux de
M. de V o l t a i r e , & fl fon hiftorien n'a* pas faifi
cette occalïoo de produire (es propres idées en les
a/puyanc de l’autorité d’un fl grand nom , comme
on dit qu’il en avoit ufé à l’égard de M. T u rg o t,
dans l’éloge de ce miniftre.
M. de la Harp-, dans fon Eloge de V o l t a i r e , oà
il a eu l’art de dire encore d.s ch >fes neuves &
piquantes fur un f„jct qu’il fembioit avoir contribué
lui-même à épuifer , frit des efforts ingén eux,
mais renfermés avec goût dans de juftes bornes,
pjur exeufer la foibleflc qu'eut M. de V o lta ire de
répo dre, & même avec aracrum’ , aux critiques t
on peut dire de cet ufage ce que M. Bofluet difoit
de la fréquentation des fpeél clcs, qu’/ï y a de
grandes raifo n s contre , & de g ran d s exemples p o u r.
Qu.mt à nous, fl nous détenons le- guerres entre
les fo riverain s, parce qu’elles f nt le malheur des
nations, & parce qu’elles ne remphflent jamais
l’objet politique, nous ne méprifons pa^ moins les
gue:res littéraires, parce qu’elles ft n: l’opprobre
de la litrératu-e, & qn’elles vont auflî direôtemenc
ceint:c leur objet. Quand un homme tel que M. He
V o l t a i r e , daignt defpendre du haut de fa gloire,'
& s’abaiffer jufqu’à fouiller fa p'ume divine par des
rinjares, peut-être méritées, m is fouvent grof-
fîères & quelquefois atroces, que fait-il autre ehofe
que de sombler les voeux des e mëmis des lettres?-
Hoc ïth a c u s v e li t , & magtio mercentur A trld s ..
Montrer cet excès de fenflbilité à la critique;
n’eft rce pas dire aux envieux & aux médians :
'Voilà mon coeur, c’cfl-là que ta main doit frapper,