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fils. Il eft l'aureur des quatre miroirs ; miroir de
la nature, miroir des fciences, miroir de l’hiftoirc,
miroir de la morale. Ce dernier miroir n’eft pas
dit-on , de Vincent de Beauvais. Le tout eft intitulé
: fpeculum mayas, le grand miroir, pour diftin-
guer cet ouvrage d’un autre miroir ou image du
monde , par un auteur fr an cois ou anglois, nommé
Honorius, Tout étoît miroir dans ces fiècles fans
goût, tous les titres de livrés étoient métaphoriques
& ridicules, on ne Payait pas être fimple.
Mort en 1264.
a0. Saint Vincent Ferrier, dominicain efpagnol,
grand millionnaire. II fut quelque tems confelTeur
de l ’anti-pape Benoît XII ou Xi II j mais voyan.
fa perfévérance dans le fchifme , il l'abandonna,
& adhéra au concile de Confiance. Mort à Vienne ,
en 141 <?. Il eft l’auteur de plufieurs ouvrages afcétiques
& myftiques.
50. Saint Vincent de Paul. Cet nomme peut
être regardé comme le héros de la charité; il fit
des découvertes & des conquêtes dans ce)genre;
nul ne fut mieux rendre les riches utiles aux
pauvres , nul ne fut mieux tirer parti & de fa
propre fenfibilité , & de celle des autres ; rien ne
montre plus fenfibiement à quel point la théologie
fcholaftique & l’efprit de le de deflechent lame ,
que de voir tant de froids panégyrique de Vincent
de Paul dégénérer en fatires contre l ’abbé de
Saint Cyran avec lequel il avoit eu des liaifons
que la différence d’opinions avoit fait celfer ;
comme fi Ion éloignement pour le janfénifme mé-
ritoit feulement d être remarqué dans la vie d’un
tel homme. Ce qui prouve encore mieux à quels
excès porte ce même efprit de parti, c’eft de voir
dans le libelle janfénifte qui a pour mxeiY avocat
du diable, cet excellent homme traité d‘infâme
délateur, d1 exécrable boutefeu , toujours parce qu’il
s’étoit brouillé avec l'abbé de Saint Cyran.
Vincent de Paul étoît né en 1576 3 à Poy dans le
d’ocèfe d’Acqs ; fà première occupation fut de
garder les petits troupeaux de fes pauvres parens.
Ceux-ci lui trouvant des difpofitions pour un état
plus relevé, firent un effort, & l’envoyé te nt étudier
à Touloufe. Il fut fa:t prêtre en 1600. Une modique
fuccefllon qui lui étoit échue Payait appelle
à Marfeille, à fbn retour il voulut faire , par
mer , le trajet de Marfeille à Narbonne ; le bâtiment
qui le portait fut pris par les corfaires
barbarefques, & Vincent fut c-fclave à Tunis , fous
trois maîtres diiférens, le dernier^ étoftun renégat
favoyard , Vincent parvint à le ramener à fa première
religion , & à lui infpirer le delîr de revenir
en Europe y ils fe faûVèient enfembie fur
un efquif, & abordèrent heureufement près d’Aigues-
Mortes, en 1607.
Le vice - légat d’Avignon, Pierre Montoro ,
ayant connu Vincent, fe fit un plaifir de le mener
à Rome; le minifire de^ France en cette cour,
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le chargea auprès de Henri IV , d’une négociation
importante; en 1608, Louis X i l l lui donna
pour récompenfe l’abbaye de Saint - Léonard de
Chaume en Brie. Il fut aumônier de la reine
Marguerite de Valois. L'abbé de Bérulle, depuis
cardinal, l ’ayant fait entrer en qua!ité de précepteur
dans la maifon d’Emmanuel de Gondi, gé-
1 néral des galères , il fut fa it , en 1619, aumônier
général des galères de France; ce fut alors qu’a>ant
vu à Marfeille, en exerçant les fondions de
charité attachées à fou emploi, un malheureux
forçat accablé de douleur parce qu’il laifloit dans
la plus horrible mifère , fa femme & fes en fa ns
dont il étoit la feule reflource, Vincent offrit
de prendre fa place , & ce qui eft encore plus
étonnant , il trouva dans ceux de qui cette étrange
grâce dépendoit, des hommes allez ennemis de
la vertu, ou allez infenfibles à fes charmes, pour
accepter l’échange ; il fut donc enchaîné avec les
autres ga;ériens , & fes pieds, dit fon hiftorien ,
relièrent enflés pendant toute fa v ie , du poids des
fers honorables dont il avoit été chargé. Saint-
François de Sales , qui dit oit-il, ne connoiJJ'oit
pas dans Véglife de plus digne prêtre que lu i, le
fit , en 1620 , fupérieur de fes filles de la vihta-
t:on. Il fut principal du college des bons-enfansj
mais il eft fur-tout connu comme fondateur de la
congrégat on des prêtres de la million. Leur objet
n’étoit d’abord que d’aller dans les campagnes instruire
& foui âge r les pauvres 3 bien-tôt leur zèle
les empo. ta non-feulement dans toutes les parties
du royaume , mais en Italie, en Ecolfe , en Barbarie,
à Madagafcar , &c. Ce fut dans ces faintes
occupations que Vincent de Paul donna un libre
elfor à fon amour pour l ’humanité , à cette fervente
charité que rien ne rebuta jamais ; une
autre fondation plus utile encore, & qui doit
l’illuftrer à jamais, eft celle des filles de là charité
pour le fer vice des pauvres malades. On fait lï
çes fainres & généreufes filles font fidèles à l ’elprit
de leur inftitution.
Voici ce qu’en a dit une femme éloquente, dans
un ouvrage célèbre :
eo Combien on devroit être furpris qu’un fèxe
foible & délicat put avoir la force de lurmonter
des dégoûts qui femblent invincibles, de fupporter
la vue d’objets qui révoltent les fens, de triompher
de la cornpallion même qui les conduit &
les anime, ou pour mieux dire de »’éprouver ce
fenriment qu’avec une mâle énergie , fans, aucun
mélangé de crainte ou de foiblefie, & de ne con-
noître enfin de la pitié que çe qu elle peut infpirer
d’ utile & de fublime. Cependant on voit fans
admiration les feeurs de la charité exeicer continuellement
parmi nous ces fondions (actées; on
lés voit chercher, recueillir , fecourir , veiller
l'infortuné, pan fi r les plaies du pauvre, le
confoler, le foigner avec une adreftè ingénieufe,
un courage héroïque, une douceur, une patience
que
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cuc rîeri né Tébute. Errantes, adives, infatigables,
elles n’ont point d’habitation fixé; elles vont ou
l’humanité les "afpeile'; eliès font ou1 la maladie
& la douleur implorent, leurs féeduts'; tantôt dans
les- prifons & les hôpitaux; tantôt fous les toits
couverts de chaume-, fouvent elles font appe lées
dans les palais. Vouées" volontairement a la pauvreté
, elles mépriferit les richefles , mais elles
donnent au riche fouffràMÈ des foins purs & d‘é-
fintéreffés ; elles fe refufent à tous les témoignages
de la reconnoiffance qu’elles ihfpiroptl:; leur offrir ;
le plus léger falaire , feroit à . leurs yeux ub outrage.
Telle eft la charité chrétienne ; tels font
les travaux auxquels elles fe ; cohfacrent fans celle 1
dans le féjour même du luxe & de la corruption. *>
M. de Voltaire a auïfi parlé avec la même admiration
& la même fenfibilité , de ces- héroïnes
charitable^ 1 , :j -,
Les hôpitaux de bieêtre, de la falpétrière, de
dâ pitiés, ceux de Marfeille , pour les forçats, de
fainte Reine', pour les pèlerins , du faint nom de
JêfuS ,- pour lés ' vieillards , lui doivent la plus
grande partie de ce qu’ils* font. Ses cqrtefporidances
de charité s’étehdoient par- tout & fuffifoient a
tout'; ôn l’a vu dans deS tems de difette-, envoyer
en Lorràmë-1 jûfqü’à . deûx millions en argent &
FF n’’ëtoiÉ;1pas ên lui’ de voir ou de
connoître un befoin réel, fans'-fe m&ïtreie-n- mouvement
pour le foulager ou le faire foulager. Les
gi/àndf!, •lès: rîbh'éS yjék' pfirites! ' eCqîerft - fouvent
5v:é-ÿtis $ - pæ : lui^, dè^ leur devoir à cet égard :
cc Si je tombois dans la; mifér-e difôit une pêt-
fonne d’efprit qui avoit une trop bonne opinion de la
rfàt’ure’ lltfinâme , c^ je - nè demàhdërois point 1-au- 1
» çiGb?J comme une grâce , mais cornmeun droit ;
» j’irpiç trouver les: ridjeç-, je leur .qxpoferQi? mon
étaf avec îâ’ plus grande vl'rite, & je leiif oirois : 03 vous -voilà0 inftfuits, fâifes vbtre dfevoft C ’eft
précifément, le perfonnage dont faine Vincent de
Fauj fé‘ chargé’ok 3 non pas pour lu i, mais pour
les pauvres. Un jour après avoir 'mis. plufieurs fois
à contribution la charité de la reine Anne d Autriche
, en faveut de quelques indigens , ou de
quelque établiffement utile & pauvre , il la fol-
licito.it’ de nouveau; la reine lui dit : vos follici-
tatiôns n’ont p'oint' de tefniè's i mais- la fortune
rhêrtib des rois en a ; vous m’aVèz arraché tous
les, fâcrifices que je pouvois faire", je nai plus
rien à donner. Èk ! madame reprit Vincent de
Paul, en voyant, comme dit Voltaire :
Ces deux luftres de diamans
Qui pepdoient à fes deux oreilles.
■ Eha! <iiâadame-i que fàit \-on de* cela, quand on efi
relHCi? R qjffidcs mots auquels'oii ne réfifte pas, .
la reinb donna fes dâanfians.
Mdts de' chè d’oati^ré' fit l’éioqiiefice chrétienne ,
Hijlùire , Tom. V>
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la biciifaifance 8c d'e la charité , dans faint
; V in c e n t de Paul , c'cft ce ' qu'il a; 'fait 'pour les
enfans-trouvés ; c'cft à lui en'effet que .cet eta-
■ ' blifleincnc eft dû. Af ant lui ,les enfans . expolcS
iétoient vendus a'vingt fous-par tête dans la yoe
’Saint-Landry , à des' femmes• malades .qui s’en 1er-,
voient pour fe délivrer d'un lait corrompu, caille
& r aliment de leur maladie ; ainli ces .malheureux
jenfà'ns fuçant la mort avec le lait comme les
[autres y fiiçent la vie , étoient pretqne autant de
j viétimes'précïpitéés du berceair dans le tombeau.
Q u o s d h l i i s v i t i iX f f f t t s ( i a b u h r e r a p t o s '\
A b f iu l i t car4 d i t s b f u n e n m e rfit ace rb o .
\ V in c e n t de Paul ne put fouffiir ce grand outrage
[fait à l'humanité ; il luttâ fcul' d'abord , & avec
dés, fojrces inégales , contre un tel fléau5 il lournit
des, fonds.pour nourrir douze de ces e: tans : -c etoit
j peu; de choie , dica-toon ; non, c’étoit beaucoup, J c’étoit avoir donné i'cxcmple.
D Ï n f i d i u m f r a i q u i C tç p it , h a b e t fa p e r e a ud e ,
T n c ip e .
* Il avoit commencé, il pourfuivit, b en7tot il
rie lkiffà fans fOulage/nent aucun des enfans qu on
‘ tfoàva expofés aux portés, des églifes ; nuis les
fecoufs, ayant été enfin . épuifés -, il convoqua .une
' aiffemblée' extraordiriaiie de daqies charitables.- Il
• fit placer dâris Teglife un grand nombre de ces,
, enfans , oh s’attendrit fur eux ; ce fpedacle, j°mc
à une exhortation courte & pathétique , produrlir
tout fori effet, il arracha des larmes, ÔMimprel-
fiôn frit tclle;, que le même jour , an même inf-
! tant,- dais là mêmt, églifè-, l’hôpital des enfans-
tïoüvéï'fût’fondé & doté. ^Par un difequrs de lix
îignè's", dit un auteur, il procura 4000a hv.--.de.
rente à cét'étàbiïffêmënt. Quel triomphe du talent
pourroit-êfcre conipàré à ce triomphe de la yertu I
Que pendant dix ans ' il fut a la tete du confeil
de confcience , fous la reine Anne d’Autriche , il
n ait’ fait donner aucun bénéfice aux jàrifeHiftes.,
peut-être eiit-il raifori, péut-etre. eut-il tort;, mais
juger.ons-noUs fur de pareils traits, un homme dont
les^bienfaits ont changé"; le Tort dè l humanité ?
Qu’eft - il befoin de dire .que les réformes de
plufieurs ordres religieux , 8c l’étabiiftement des
grands féminaires, furent en graridè partie- fon
ouvrage. La maifon de faint Lazare devint le chef-
lieu de fa congrégation ; il y règne peut-être un
peu d’ignorance 8c uhe dëyotiôii un peu minutieufe 5
mais l’efp:it de charité dont l’at ima fon pieux fon-
datetïr , ; &' qui s y " eft conCerté , eft préférable à
toïte Ÿ in c è t i t de Paiti'termina , le 2.7 l 6 ^ » >
1 uné carrièrè pleine d’années. 8t de bonnes ceuviés.
Il 'aVoit près dê 85 ans. Le pape Benoit X I I I
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