
bizarres, parce que le lapidaire Indien s’eft réglé
pour, le nombre & l’arrangement de fes facettes-,
fur ia forme naturelle du diamant brut, & qu’il en.
a fuivi fcrupuleufement le contour. Le plus grand
diamant du grand Mogol, qui eft une rofe, préfente
une infinité de facettes toutes extrêmement inégales.
Notre goût eft fur cela fort différent ; il ne fouffre
point de ces figures baroques ; & comme il veut du
régulier, celui qui taille un. diamant brut, tâche,
autant qu’il efl poflible, de donner une forme aimable
à la pierre qu’on lui a mife entre les mains. Je
vais décrire les différentes efpèces de taille qui fe
pratiquent le plus fréquemment en Europe.
Il y a environ trois cens ans que l’on tailloit
tous les diamans en pierre épaiffe, c’eft-à-dire, en
table avec quatre faces autour, ce qu’on appelle
encore taille des Indes. Il y a deux cens ans qu’on
les taille en rofes ; & ce n’eft que fous le règne de
Louis X IV , il y a un flècle, que l’on a trouvé la
façon de les tailler en brillans, qui eft la plus belle
& la plus avantageufe de toutes les tailles. Ce fut le
cardinal Mazarin qui fit tailler les premiers ; ils
font encore parmi les pierreries de la couronne,
& on les appelle les douçe Mararins.
Lorfque la pierre s’étend en mperficie, fans être
épaiffe, on fe contente d’en dreffer les deux princi-,
pales faces, & l’on en abat les côtés ou tranches
en talus, ou pour me fervir des termes de l’art, on
y forme fur chaque côté un bifeau. Ces diamans
ont affez fouvent la figure d’un quarré parfait, ou
d’un quarré long ; on en voit aufli de taillés à pans :
& quelle que foit leur forme, on les appelle pierres
taillées en table, ou pierres foibles ; ceux qui ont
commencé à tailler les diamans, leur ont fouvent
donné cette taille.
Les diamans nommés pierres épaiffes, font taillés
en deffus comme les pierres foibles, c’eft-à-dire
que la partie qui doit fe préfenter, lorfque le diamant
fera mis en oeuvre, eft en table ; mais il n’en
eft pas ainfi de la face oppofée : au lieu d’être plate
elle eft en culaffe, ayant à peu près le double d’é-
paiffeur de la partie fupérieure , & formant un
prifme régulier. C’eft encore ainfi qu’étoient taillés
dans les eommencemens prefque tous les diamans,
pour peu qu’ils euffent d’épaiffeur.
Mais depuis qu’on a perfectionnél’art delà taille,
on ne forme plus guère les diamans autrement qu’en
rofe, ou en brillant. La première de ces deux efpèces
de taille eft affez ancienne parmi nous, & elle eft
prefque la feule qui foit admife chez les Orientaux;
ils prétendent que tout diamant taillé autrement,
n’a point le jeu qu’il doit avoir, ou qu’il papillotte
trop. Autrefois, quand un diamant brut étoit trop
épais, on le clivoity c’eft-à-dire qu’on le feparoit en
deux, pour trouver deux diamans dans la même
pierre ; & encore aujourd’hui il y a des occafions où
l ’on eft obligé d’ufer de cette pratique. Elle confifte
à tracer dans tout le pourtour ou circonférence du
diamant, un fillon ou ligne de partage, en obfer-
vant de ftiivre le vrai ni de la pierre ; & lorfque
cette ligne a acquis affez de profondeur, on prend
une Unie de couteau d’acier bien aiguifée & bien
trempée, on la préfente fur cette raie, & d’un feul
coup fec & frappé jufte fur la pierre, pofée droite
& bien à plomb , on la divife net en deux parties
à peu près égales.
Les diamans airifi clivés, font très-propres pour
faire des rofes ; car le diamant-rofe doit être plat
par deffous comme les pierres foibles , tandis que
le deffus qui s’élève en dôme, eft taillé à facettes.
Le plus ordinairement on y exprime au centre fix
facettes qui décrivent autant de triangles , dont les
fommets fé réunifient en un point', & les bafes
vont s’appuyer.fur un autre rang de triangles, qui
pofés dans un fens contraire aux précédens, viennent
fe terminer à leur fommet fur le contour tranchant
de la pierre, qu’on nomme en terme de Part
le feuille tis, laiffant entr’eux des efpaces qui font
encore coupés chacun en deux facettes. Cette dif-
tribution donne en tout le nombre de vingt-quatre
facettes. La fuperficie du diamant-rofe étant ainfi
partagée en deux parties, la plus éminente s’appelle
la couronne t & celle qui fait le tour du diamant
prend le nom de dentelle.
Le diamant-rofe darde de fort grands éclats de
lumière , & qui font même, à proportion , plus
étendus que ceux qui fortent du diamant brillant,
ou brillanté ; mais il eft vrai que celui-ci joue infiniment
davantage, ce qui eft l’effet de la différence
de la taille. Les pierres épaiffes ont néceffairement
dû faire naître l’idée du diamant brillant; car ce
dernier eft divifé dans fou épaiffeur en deux parties
inégales , de la même manière & dans la même
proportion que les pierres épaiffes; c’eft-à-dire,
qu’environ un tiers eft pour le deffus du diamant,
& les deux autres tiers pour le deffous, nommé la
culajfe. Mais au lieu que la table de la pierre épaiffe
n’eft environnée que de Amples bifeaüx ; dans le
brillant, le pourtour de la table qui eft à huit pans,
eft taillé en facettes', les unes triangulaires & les
autres lofangées ; & le deffous de la. pierre qui
n’étoit qu’un prifme renverfé, eft encore à facettes,
appellèes pavillons , précifément dans le même
ordre que les facettes de la partie fupérieure ; car
il eft effentiel que, tant les facettes de deffus que
celles dé deffous , fe répondent les unes aux autres,
& forent placées dans une fymétrie parfaite , autrement
le jeu feroit faux.
Nous répétons qu’il demeure pour confiant que
la taille qui produit le plus grand effet, eft la taille
en brillant. Pour l’exécuter , on forme trente-trois
faces de différentes figures, & inclinées fous diffé-
rens angles fur le demis de la pierre, c’eft-à-dire,
fur la partie qui eft hors de l’oeuvre ; on fait vingt-
cinq autres faces fur la partie qui eft dans l’oeuvre,
aufli de différentes figures & inclinées différemment
, de forte que les faces du deffus correfpon-
dent à celles du deffous, dans des proportions affez
juftes pour multiplier les reflexions, & pour donner
en même temps quelqu’apparence de réfraétion à
certains afpefts. C ’eft par dette mécanique que
l’on donne des reflets au,diamant, & des rayons de
feu qui font une apparence de réfraétion, dans
laquelle on voit en petit les couleurs du fpeélre
folaire, c’eft-à-dire, du rouge, du jaune, du bleu,
du pourpre, &c. Peut-être y aura-t-il moyen, par
des expériences réitérées, de perfectionner la taille
des brillans; mais pour cela il faudroit avoirdes r
pierres d’une grande étendue, & rifquer de les gâter.
r II n’y a guere plus d’un flècle qu’on a commencé
à brillanter ainfi les diamans, ce qui les amis en
bien plus grande faveur qu’ils n’étoient : on ne les '
a que pour la parure; ainfi quiconque veut paroître
préférera toujours ce qui attirera davantage les regards.
On- comprend facilement que comme il eft
aifé de faire un brillant d’une pierre épaiffe, il ne
doit prefque plus refter de celles qui avoient reçu
anciennement cette dernière taille ; & il ne me pa-
roît pas moins fuperflu de faire obferver que c’eft
de la multiplicité des facettes, & de l’arrangement
régulier de ces mêmes facettes , qui étant en oppo-
fition fe réftéchiflènt & fe mirent les unes dans les.
autres, que naît tout le. jeu du diamant, & l’extrême
vivacité qui en fort;
Il eft encore plus à la eonnoiffance de tout le
monde que les diamans les plus parfaits , les plus
chers & les plus- rares , font les plus gros, qui joignent
à une belle forme, de la hauteur & du fond ;
ceux de la plus belle eau, c’eft-à-dire les diamans
les plus blancs, & dont la couleur extrêmement
vive, ne fouffre aucune altération , & ne participe
d’aucune couleur étrangère & fourde , comme celle
du feu, de l’ârdoife , &c. ; ceux enfin qui font lés.
plus nets, & exempts de taches , cle points & de
glaces : on a donné ce dernier nom à de petits in-
terftices ou vuides , remplis de globules d’air , qui
s’étant logés dans la pierre lors de fa formation, ont
empêché la matière de fe lier également par-tout,
& y font paroître des déchirures , fi je puis me
fervir de ce terme , dont les facettes multiplient encore
le nombre par la réflexion. Il ne faut qu’un
choc, qu’un coup donné inconfidérément & à faux
for un diamant, non-féûlement pour l’étonner &
y découvrir une glace cachée , ou en étendre une
autre qui n’occupoit qu’un petit efpace , mais pour
fëndre même la pierre. Le feul mouvement du
poinçon, appuyé trop fortement en fortifiant, a
caufé plus d’une fois de pareils dommages. Quant
aux. points ou dragons , ce font des parties métalliques
qui, pareillement engagées dans le corps du
diamant, fe montrent comme autant de petites taches
, ou du moins une partie , & fe diflipent en
mettant le diamant dans un creufet., & le pouffant
à un feu violent ; mais on n’eft pas toujours
fur de réuffir , & il arrive même que les parties métalliques
venant à fe diffoudre, la couleur du diamant
en fouffre , & en eft fingulièrement altérée.
Perfonne n’ignore qu’à l’égard des diamans fales
noirs , glaceux, pleins de filandres & de veines,,
en un mot de nature à ne pouvoir être taillés, les
diamantaires les mettent au rebut pour être pulvé-
rifés dans un mortier d’acier fait exprès, & les emploient
ainfi broyés à fcier , tailler & polir les autres
diamarfs.
Enfin ils ont donné le nom de diamant parangon ,
aux diamans qui font d’une beauté, d’une groffeur
& d’un prix extraordinaires. Te l eft, par exemple
, celui du grand Mogol, celui que poffédoit le
grand-duc de Tofcane , & celui qu’on appelle en
France le diamant de Sancy.
Voilà le leCteur inftruit de la taille du diamant,
& même de la langue du lapidaire ; il fait préfen-
tement ce que c’eft que pointes naives, diamans bruts
ingénus , diamans de nature , diamans brillans, dia-
mans - rofe , diamans parangon, diamans d’une bklie
eau, diamans glaceux ou gcndarmeux , pierres épaiffes
y pierres foibles ou pierres taillées en table : il
entend les mots de bifeau, couronne, culajfe , dentelle,
dragons, feutlletis, pavillon : en un mot, en
s’éclairant de la taille du diamant, il a ici paffé en
revue la plus grande partie des termes de l’art.
Je ne dois pas oublier de remarquer en finifo
fant, que la mine abondante découverte au Bréfil
en 1728 , & qui fait un des beaux revenus du roi
de Portugal, fournit l’Europe de magnifiques diamans
, qui ne différent en rien de ceux des Indes
orientales, & méritent, à tous égards ,.la même
eftime : c’eft un fait qu’on ne révoque plus en
doute, & c’eft une découverte de notre fiêcle.
Pour entamer les pierres & les criftaux, l’on
fe fert du diamant ou de l’èmeril. Le diamant „
qui eft la plus parfaite Si. la plus dùre de toutes
les pierres précieufes, ne fe peut tailler, comme
on l’a déjà obfervé, que par lui-même, & avec
fa propre matière. On. commence par maftiquer
deux diamans bruts au bout de deux bâtons affez
gros pour pouvoir les tenir fermes dans la main ,
& les frotter l’un contre l’autre , ce que l’on nomme
égrifer y ce qui fert à leur donner la forme & la
figure que l’pn defire.
En frottant & égrifant. ainfi les deux pierres brutes
, il en fort de la poudre que l’on reçoit dans une
efpèce de boîte, que l’on nomme gréfoir ou égri-
foir ; & c’eft de cette mê me poudre dont on fe fert
après pour polir & tailler les diamans r ce que
l’on fait avec un moulin qui fait tourner une roue,
de fer doux. On pofe fur cette roue une tenaille
aufli de fer, à laquelle fe rapporte une coquille
de cuivre. Le diamant eft foudé dans îa coquille
avec de la foudure d’étain ; & afin que la tenaille
appuie plus fortement fur îa roue,. on la charge:
d’une groffe plaque de plomb. On arrofe la roue
fur laquelle le diamant eft pofé, avec de la poudre
fortie du diamaut, & délayée avec de l’huile
d’olive. Lorfquon veut le tailler à facettes , on le
change de facette en facette à mefure qu’il fe
finit ,. & jufqu’à ce qu’il foit. dans fa dernière perfection.
Lorfqu’on veut fcier un diamant en deux ou
pîufieurs morceaux, on prend de la poudre de