
On prend le marc des raifins tel qu’il fort du pref-
foir , mais dont on n’a pas fait de piquette. On met
ce marc dans des tonneaux ou des tines qu on remplit
entièrement, & on le preiTe bien en le foulant
avec les pieds, afin de pouvoir le ferrer également
& empêcher qu’il ne fe moififfe. Il fatit,
avant de le mettre dans les tines, le défaire en le
fecouant & le broyant entre les mains.
Les tines étant remplies, on les ferme de leurs
couvercles , & l’on en garnit les bords & les fentes
avec de la terre grade pour les boucher exactement.
Au bout de deux à trois jours le marc s’échauffe
& entre en fermentation. Dès que la première fermentation
ceffe, & que le marc prend une odeur
vineufe & agréable, ce qui arrive au bout de quatre
à cinq femaines, fouvent meme de deux, on le
diflille en y ajoutant de l’eau. On peut remplir alors
l’alambic jufqu’au c o l, & y mettre une quantité
fufSfante d’eau ; car, n’y ayant rien qui puiffe gonfler,
on ne rifque pas de le trop remplir.
Le feu de cette diftillation doit être doux dès
le moment que l’alambic s efl échauffé, & il ne
faut quh très-peu de bois pour toute la diftillation.
Trente-deux pieds cubes de marc donnent ordinairement
vingt pots de bonne eau-de-vie.
Plufieurs diilillateurs n’attendent pas le moment
où la première fermentation efl achevée. Ils diflil-
lent fouvent au bout de huit jours, & continuent
jufqu’à ce que tout le marc foit employé.
Il eft bon de remarquer que lé marc peut refier
deux, trois, & jüfqu’à quatre mois & plus dans les
tines fans rien perdre ; car fi les tines font bien
bouchées, il ne paffera point à la fermentation
acéteufe, parce qu’elle ne fauroit fe faire fans
l ’accès de l’air. j
En reélifiant cette eaü-de-vie avec de leau &
des cendres, ou avec de 1 eau de chaux , on obtient
un efprit-de-vin tres-pur, & qui n a ni mauvais
goût, ni mauvaife odeur, comme 1 a prouve
M. Struve, dans fes EJfais de Chimie.-
Les termes dont on s’efl fervi pour la fabrication
& le commerce de cette eau-de-vie, peuvent être
différens dans les'différentes provinces où l’on fait
de l’eau-de-vie : mais le fond de la fabrication & du.
■ commerce, efl toujours le même.
Droits d’entrée Ce de fortie.
Les droits d’entrée & de fortie pour les eaux-de-
vie font différens, félon les endroits d’où elles viennent.
Celles qui palfent debout pour être portées à
l’étranger , font quittes de tous droits d’entrée,
même à Paris, en juflifiant des lettres de voiture ,
& en fourniffant caution au bureau général d’entrées
, de rapporter un certificat des juges des lieux
où l’eau-de-vie aura été embarquée pour l’étranger;
& qui'conflate de fon embarquement, & du paiement
des droits de fortie.
Antre conjlmStion de fourneaux Se de vaiffeaux.
M. Dubuiffon donne, dans fon traité de Y Art du
Dijlillateur, la deferrption des fourneaux & des
vaiffeaux diftillatoires à fon ufage, que nous ne
devons pas négliger de faire connoître.
. La partie intérieure & les deux tiers de la circonférence
des fourneaux font ronds. L’autre tiers,
qui comprend l’ouverture de la porte par où on met
le bois & qui reprélente la façade, forme un carré
long ; le tout conftruit en glaife.
La façade dont la largeur eft toujours en raifon
de la circonférence du fourneau-, doit avoir deux
pouces d’épaiffeur de plus que les deux autres tiers
qui en font partie.
L’ouverture oppofée à la porte, & qu’on appelle
cheminée > doit, être de forme ronde, difpofée de
manière à recevoir un tuyau de poêle.
Ces fourneaux font conftruits pour être fuppor-
tés par une bafe de maçonnerie, qui fait en même
temps l’office de cendrier.
Les parties inférieures deftinées à recevoir la
grille, doivent avoir feulement trois pouces d’élévation
jufqu’à l’ouverture de la porte.
Ces fourneaux doivent être placés fur deuxbafes
conftruites dans les encoignures oppofées d’une cheminée
affez large polir contenir deux récipients au
milieu, fur une table de pierre creufée à cet effet.
On continue d’élever la maçonnerie, & on en-
châffe les fourneaux de manière qu’il n’y a que les
parties carrées qui foient apparentes.
On affujettit les parties du tout par un cercle de
fer fcellé à fes deux extrémités ; on ajufte les tuyaux I
i qui font l’office de cheminée ; on pratique une fou-
pape au fécond bout de chacun de ces tuyaux , dif-
pofés de manière qu’on puiffe au befoin les fermer
hermétiquement. On bouche la cheminée, avec un
plancher conftruit en plâtre, auquel on adapte une
trappe de tôle, affez large pour y laiffer paffer un
ramonneur.
Tels font les avantages de cette conftru&ion: •
i°. ft les récipiens fe brifoient , la liqueur ne feroit
pas perdue, & on n’auroit rien à craindre du feu,
parce que la liqueur ne pourroit s’épancher jufques
fur le cendrier du fourneau.
2°. Si le feu prenoit à la cheminée , on l’éteindroit
. auffitôt en interceptant l’air par la fermeture des
deux foupapes des tuyaux.
3°. Cette conftru&ion eft très-économique. Il a
été prouvé maintefois que fix bûches de bois de
compte, fciées en trois parties & caffées par morceaux
, fuffifoient pour diftiller plus de cent pintes
d’efprit-de-vin dans un jour avec deux alambics,
contenant chacun cinquante pintes d’eau-de-vie.
M. Dubuiffon infifte pour que les alambics foient
en étain fin, & que leurs alambics foient garnis
de réfrigerans & d’une calotte de même métal,
à laquelle on doit donner deux pouces d’élévation
de plus qu’au chapiteau de l’alambic ,^en ajoutant
également cette calotte fur la cucurbite.
Ces alambics ainfi conftruits, peuvent fervir a,ltef-
nativement pour la diftillation, tantôt d’alambics
aveugles, & tantôt de vaiffeaux de rencontre ou
de pélicans, Deux fourneaux tels qu’on vient de les
décrire,
décrire, & deux alambics garnis de leurs pièces &
de leurs ferpentins, fuffiront à un artifte pour exécuter
toutes les opérations.
Cependant l’étain étant trop fufible pour réfifter
à l’aaibn du feu , on évitera l’inconvénient qui
pourroit en réfulter, en faifant conftruire une cuvette
de cuivre rouge, à laquelle on donnera quatre
pouces de profondeur; & on étamera fortement
cette cuvette avec le fel ammoniac & l’étain fin.
On peut ajufter les parties qui compofent l’alambic,
furies bords de la cuvette de cuivre. Par ce
moyen le même vaiffeau fervira .fans aucun accident
, lorfqu’il eft néceffaire de diftiller à. feu ouvert.
Il faut que les vaiffeaux diftillatoires ne foient ni
trop élevés ni trop bas. La proportion trouvée la
plus convenable par M. Dubuiffon, eft que ceux
qui contiennent cinquante pintes de liquide foient
élevés de deux pieds quatre pouces, à compter
depuis le fond de la cucurbite jufqu’à la naiffance
de la tête de more, & que le collet foit affez large
pour donner à la partie la plus étendue de la calotte
le même diamètre qu’à la cucurbite.
Cette proportion peut s’établir à raifon de la contenance
des alambics qu’on voudra faire conftruire. i
Eau-de-vie obtenue fans le fecours de la diflillation.
On lit, dans le Di&ionnaire deVlnduflrie , qu’on
peut tirer de l’eau-de-vie fans le fecours de la diftil-
îation, en mettant dans de bon vin rouge du bol
d’Arménie, qu’on laiffe en digeftion. La liqueur fe
décolore. On y ajoute enfuite une quantité plus ou
moins grande de fel alkali fixe de tartre. Ce fel fe
combine avec les parties aqueufes ; la partie fpiri- '
tueufe fumage.; on l’enlève avec un fiphon : elle
eft d’autant plus fpiritueufe & fe rapproche davantage
de la nature de l’efprit-de-vin , qu’on a
mis une plus grande quantité de fel alkali.
Epreuves de lyeau-de-vie.
Il y a des fignes par lefquels on peut diftinguer la
bonne eau-de-vie d’avec la mauvaife.
La bonne eàu-de-vie doit être bien claire, très-
blanche lorfqu’elle eft nouvelle, un peu ambrée fi
elle eft de l’âge de quatre à cinq ans, & fort jaune
fi elle eft très-vieille.
" Elle doit être agréable au goût, ou du moins
elle ne doit fentir ,ni l’empyreume, ni aucun goût
étranger.
L’aréomètre eft l’inftrument le plus propre à faire
connoître les différentes qualités de l’eau-de-vie,
par les différens degrés de pefanteur fpècifique.*
Cet aréomètre ou pefe-liqueur annonce* une eau-
de-vie d’autant plus riche en efprit, qu’il s’enfonce
davantage , parce que la légèreté de la liqueur indique
fa rectification.
• On peut fe procurer encore une forte de pèfe-
liqueur, en ayant une fiole qui ne contienne exactement
que quatre onces d’eau commune ; & la
comparant à un pareil volume d’eau-de-vie, qui
ne doit pefer que trois onces cinq gros au plus.
Arts 6* Métiers. Tome JJ. Partie /.
Pour connoître encore fi l’efprit ardent eft dans
une jufte proportion avec le flegme; il faut prendre
plein deux cuillers à café d’eau-de-vie ; qu’on ver-
fera dans une plus grande cuiller; on y mettra le
feu , & on la laiffera brûler jufqu’à extinâion dans
un lieu où l’air n’eft point agité. Si l’on trouve pour
réfidu plus d’une cuiller à café de flegme, l’eau-
de-vie ne fera point affez fpiritueufe.
Enfin, l’on reconnoît les qualités d’une excellente
eau-de-vie à ces cara&ères ; i° . de ne point
colorer en rôuge les couleurs bleues végétales ;
20. de ne donner aucune odeur défagréable étant
frottée dans les mains; 30. de ne laiffer rien de
réfineux étant traitée par évaparation.
Eau-de-vie tirée de diverf&s fubfiances,. J.
On peut faire de l’eau-de-vie par les mêmes pro-
cédés décrits ci-deffus, avec différentes efpèces de
liqueurs fermentées, telles que le cidre , le poiré ,
la bierre, Y hydromel, &c. ; mais ces eaux-de-vie font
défeéhieufes & défagréables, parce qu’elles retiennent
toujours l’odeur des fubftances dont elles ont
été.-tirées.
Nous ajouterons feulement que la fermentation
de ces liqueurs eft tfès-lente , & que pour accélérer
& exciter celle du cidre & du poiré, plufieurs distillateurs
emploient avec fuccès une décoétion de
tartre crud dans le moût du poiré & dû cidre ,
qu’ils verfent dans le tonneau pendant que la liqueur
s’échauffe.
La lie-de vin fournit d’affez bonne eau-de-vie,'
& même en affez grande quantité.
On en fait auffi avec plufieurs efpèces de baies,’
& fingulièrement avec des baies de genièvre, qu’on
écrafe & qu’on hume&e avec un peu d’eau pour leur
faire fùbir la fermentation vineufe ; après quoi l’on
procède à la diftillation : mais il faut avoir attention.
1 de mettre au fond de la cucurbite une couche de
cailloux, & enfuite une couche de fable, pour
empêcher la lie de vin ou les baies de brûler, ce
qui perdroit l’eau-de-Vie.
! Cependant pour les fruits on peut fubftituer à
la couche de fable & de cailloux, une grille de
fer dont les mailles foient bien ferrées, pofée fur
des fupports, & élevée à cinq pu fix pouces du
fond de la cucurbite, pour empêcher la combustion
des matières.
On peut tirer du riç une bonne eau-de-vie, que
les Angldîs nomment rack ou arae'k, & qui entre
dans la compofition de leur punch.
Il ne faut pas confondre le rack des Anglois avec
la liqueur que les Siennois tirent du palmier, &
qu’ils nomment auffi rack.
Il faut auffi diftinguer Yarack des Tartares Tun-
gutes, efpèce d’eau-de-vie qui fe fait avec du lait
de cavale, qu’on laiffe aigrir, & qu’enfuite on dif-
tille à deux ou trois reprifes entre deux pots de terre
bien bouchés, d’où la liqueur fort par un petit
tuyau de bois. Cette eau-de-vie eft très-forte, &
enivre plus que celle de vin.