rentes efpèees de cendres. Ils n'ont point de fels de
la nature de ceux des minéraux, comme en ont
toutes les terres. Veut-on faire des coupelles, qui,
de toutes les efpèees de creufets, font celles qui
demandent à être compofées de terres plus infipides,
plus privées de fels ? G’eft la chaux d’os qu’on emploie.
Quoiqu’elle foit la matière qui doit être prife
par préférence à toutes celles que nous avons éprouvées
pour nos adouciffemens , nous avons vu qu’il
falloit fonger à modérer l’effet qu’elle produit, en
la mêlant avec la poudre de charbon ; mais comme
cette dernière retarde peut-être l'adouciffement, ou
au moins ne l’avance pas autant que le font les os,
j’ai cherché, & j’en ai déjà averti ci-devant, en
quelle proportion il falloit faire ce mélange. Tantôt
je n’en ai mis qu’une fixième partie, tantôt qu’une
quatrième , tantôt qu’une troiftème. Si le feu ne
doit pas être long , ces dofes peuvent fuffire : o u ,
pour règle encore plus générale, mieux les creufets
feront clos, & moins il fera néceffaire d’employer
de poudre de charbon ; mais le plus fur eft d'en
mettre une partie contre deux parties de 1 autre matière
i après tout, un peu plus de charbon n eft pas
capable de retarder l’operation. Si la poudre de charbon
ne contribue pas beaucoup d’elle-même à adoucir
la fonte , au moins eft-il îùr qu’elle né la rend
pas plus dure : après un affez long feu, j’ai tiré de
la fonte d’un creufet où je l’avois uniquement entourée
de cette poudre ; elle m’a paru y avoir été un
peu adoucie. Le charbon de favate feul a aufli produit
le même effet.
D ’ailleurs , il m’a femblé que la poudre de charbon
contribuoit à faire prendre plus de corps au fer
fondu ; & cet effet feul engageroit à donner la dofe
de charbon un peu plus forte : fi elle le produit, c’eft
peut-être qu’elle empêche l’adouciffementde fe faire
avec trop de précipitation.
Quelque peu d’adouciffement que la poudre de
charbon procure feule au fer fondu, cet adouciffement
peut paraître fingulier, fi l’on fe fouvient que
nous avons vu ailleurs, que feule elle peut convertir
le fer en acier , lui donner affez de foufres & de fels
pour changer fa nature. Comment fe peut-il donc
taire qu’elle n’augmente pas la dureté de la fonte ,
qu’elle lui ôte plutôt des foufres que de lui en
donner ? C ’eft ce que nous dirons ci-après ; mais
il réfulte de ces expériences, que pour bien adoucir
le fer fondu , ce qu’il y a de mieux, c’eft de s’en
tenir aux os calcinés & au charbon. On ne craindra
pas que le prix de ces matières faffe monter trop haut
celui des ouvrages, il ne feroit guère aifé d’en trouver
qui fuffent à meilleur marché. Qu’on ne fe faffe
pas auffiun embarras de la quantité d’os néceffaires ;
les voiries des villes en fourniront de refte : que
voudrait-on de plus commode , que de n’avoir que
la peine de ramaffer des matières qui ne coûtent
rien ? D ’ailleurs , il me femble qu’on doit voir avec
une forte de plaifir, que des matières ci-devant inutiles
pour nous, ont de grands ufages. Si 1 on veut
s'épargner la peine de raflembler les ©6 dont on aura
befoîh , ceux qui n’ont d’autre occupation que de
ramaffer les chiffons pour les papeteries, ajouteront
cela à leurs emplois ; ils trouveront même dans les
rues plus d’os que de chiffons : les boucheries fourniront
encore des os abondamment.
La quantité d’os dont on aura befoin , ne fera pas
même aufli confidérable qu’on le croiroit ; une pro-
yifion fuffifante pour remplir fes creufets ou fourneaux
, étant une fois faite , il n’en faudra ramaffer
que pour remplacer ce qui fe perdra de cette matière,
comme il s’en perd de toutes celles qu’on manie 8c
remanie : elle ne diminuera pas fenfiblement au feu.
J’ai employé la même matière plufieurs fois, fans
avoir apperçu de différence fenfible dans fon effet ;
peut-être pourtant qu’à force de fervir, elle fe char-
geroit de trop de fels ; en la calcinant de nouveau 8c
la lefïivant enfuite, on la dépouillerait encore , tant
de ceux qui peuvent lui être venus du fe r , que des
fels alkalis du charbon qui aura été réduit en cendre.
Une partie du charbon fe brûle dans chaque opération
; mais on le remplacera en en ajoutant un
peu de nouveau à diferétion : nous avons v u , par
les expériences fur les fels, que les fels alkalis qu’il
y laifîera, ne feront pas à craindre. Mais, apres tout,
fi on fait entrer dans la compofition une partie de
charbon contre deux parties d’os , on peut hardiment
s’en fervir trois ou quatre fois, fans y ajouter
de nouveau charbon.
Pour compofer les coupelles , on cherche certaines
efpèees d’os , comme les os de pieds de moutons
, ceux de têtes de veaux. Je crois bien qu’il y
a des os qui peuvent valoir mieux les uns que les
autres ; mais j’ai fait ufage indifféremment de tous
ceux qu’on m’a ramaffés, fans m’embarraffer de
quels animaux & de quels parties d’animaux ils ve-
noient : je les ai tous trouvés très-bons. Quand il eft
queftion du travail en grand , on doit fouvent préférer
ce qui eft le plus commode à ce qui feroit un
peu meilleur. Notre art ne pourroit pourtant qu’y
gagner, fi l’on faifoit des expériences lur les efpèees
d’os qui agiffent le plus efficacement : peut-etre en
trouveroit-on de ceux-là aifés à recouvrer ; & fi les
meilleurs étoient d’efpèces rares, on les conferveroit
pour les ouvrages qui méritent le plus d’attention :
mais ce font des expériences qui euffent été longues
& difficiles à fuivre, & qu’on fera néceffairement
àmefure que l’ufage d’adoucir le fer fondu s’étendra.
Nous n’avons encore rien dit de la façon dont il
faut calciner les os : auffiy a-t-il bien peu à en dire;
car tout fe réduit à les faire brûler juîqu’à ce qu’ils
deviennent aifément friables & tres-blancs. On peut
en remplir tout four ou fourneau où l’on fera du
feu , jufqu’à ce qu’ils foient fuffifamment calcinés,
ce qui n’eft pas long, & qui le fera pourtant proportionnellement
à la quantité d’os qu’on calcinera
à la fois ; mais on ne craindra pas de les brûler trop.
Cette opération coûtera peu de bois & de çharbon ’
les os s’enflamment ; Ôt ceux qui font déjà allumés,
allument ceux qu’on jette deffus. J’ai cru avoir ob-
feryé que la poudre d’os dont je me fuis fervi pour
F
adoucir le fer, avoit plus opéré aune fécondé fournée
qu’à la première, & cela probablement parce
que leur calcination avoit encore été continuée
pendant toute la durée de la première fournée :
mais on doit être averti qu’on ne fauroit faire brûler
ces o s , fans qu’il fe répande une odeur défagréable.
Les os -étant bien calcinés , on les pulvérifera ;
la poudre dans laquelle on les réduira, ne fauroit
être trop fine ; mais il n’eft pas néceffaire qu’elle
le foit extrêmement ; j’en ai fouvent employé d’aufli
groffe que du fable : elle fait plus d’effet quand elle
eft plus fine ; lorfqu’elle eft très-groffe, il arrive quelquefois
que de petits endroits de l’ouvrage de fe r ,
proportionnés à la groffeur des plus gros grains d’os,
s’écaillent ; l’ouvrage eft quelquefois par-tout piqué
de pareils grains : alors le mélange de la poudre
d’os & de la poudre de charbon n’a pu être affez bien
fait. A l’égard de la quantité de poudre qu’on doit
employer à la fois , elle eft très-arbitraire ; il n’en
eft point comme de nos compofitions à acier : le
plus ici ne fauroit rien gâter ; mais il y en a affez,
quand il y en a ce qu’il faut pour empêcher les ouvrages
du même creufet de fe toucher, & les tenir
un peu féparés les uns des autres.
Outre les différentes matières dont j’ai dit ci-devant
que j’avois fait des épreuves , j’ai cru en devoir
effayer quelques-unes , qui , venant des animaux,
ont quelque analogie avec les os. Les coquilles
font, pour ainfi dire , les os de divers animaux
aquatiques & terreftres. J’ai fait calciner des
coquilles d’huitres, des coquilles de moules de rivière
, des coquilles de limaçons de jardin ; & de
chacune de ces différentes chaux, j’ai entouré le fer
de différens creufets. Dès que la chaux ordinaire
eft capable de procurer quelque adouciffement, il
étoit fans difficulté que le fer s’adouciroit dans ces
dernières*: il s’y eft auffi adouci.
Une autre efpèce d’os de poiffon que j’ai cru devoir
encore éprouver, font les os de fèche ; ils
font très-connus des orfèvres , des metteurs-en-
ceuvre, des diamantaires ; tous ces ouvriers s’en
fervent pour mouler de petits ouvrages : ces os calcinés
ont encore adouci le fer. Mais le fer s’écaille
avec toutes ces différentes chaux, comme avec celle
des véritables os, fi l’on ne modère leur effet par
une addition de charbon. La plupart de ces matières
feroient aifées à recouvrer au bord de la mer ; on y
en pourroit faire à bon marché de grands amas. Mais
valent-elles mieux que la chaux d’os ordinaire ?
Valent-elles même autant ? Après ce qui m’eft arrivé
fur l’effet de la craie , il ne feroit pas fage de
décider avant d’avoir fait des expériences en grand ;
& je ne crois pas qu’on exigeât de moi que j’euffe
cherché à faire en grand toutes ces expériences. Il
n y a que dans les manufactures ou l’onfravaille régulièrement
, où des épreuves de cette forte fe feront
fans trop de frais.
Comme j’ai voulu au moins effayer en petit tout
ce que j’ai pu penfer être convenable, j’ai auffi
effayé des coques d’oeufs , après les avoir fait calciner
: elles ont réuffi à peu près comme les matières
précédentes : mais il ne feroit pas auffi aifé de s’en
fournir.
J’ai encore fait une épreuve , par laquelle je finirai
ce mémoire. Je me fuis fervi du fer même, pour
adoucir le fer fondu. 0 n fe fouviendra que quand
j’ai parlé de notre fourneau propre à convertir le fer
en acier, j’ai compofê les creufets, les capacités
qui renferment le fe r , de plaques ; que j’ai dit que
pour rèfifter à un feu violent, ces plaques doivent
être de terre, mais qu’elles pouvoient être de fer
fondu, quand on ne vouloit donner qu’un feu plus
modéré. En bien des circonftances, je n’ai mis à mon
fourneau que des plaques de fer fondu ; après
qu’elles ont eu foutenu le feu pendant un ou plufieurs
jours , & que le feu a été entièrement éteint,
la furface de chaque plaque, fur laquelle le feu avoit
agi,s’eft trouvée recouverte d’une couche affez épaiffe
d’üne poudre d’un très-beau rouge , & quelquefois
d’un rouge tirant fur le violet. Cette couche étoit
faite des parties du fer qui avoient été brûlées. En
un mot, les chimiftes favent que cette poudre étoit
ce qu’ils ont nommé du fafran de mars , & un fafran
de mars fait fans aucune addition. J’ai fait
balayer les plaques; j’en ai fait détacher & ramaffer
toute cette poudre. Ce que nous venons d’en dire,
& la place où elle fe trouve , montrent affez qu’elle
n’eft qu’un fer brûlé , qui a été dépouillé de fa partie
huileufe. Comme cette poudre eft bien éloignée
d’avoir la quantité de parties huileufes & falines
dont elle peut fe charger, j’ai penfé qu’elle feroit
très-propre à adoucir le fer fondu qui en feroit enveloppé.
J’ai donc entouré du fer fondu de cette
poudre : elle l’a adouci parfaitement, & il m’a paru
qu’elle l’a adouci bien plus promptement que ne
l’ont fait toutes les autres matières. Pour tâcher de
m’affurer de cette circonftance, dans le fond d’un
creufet cylindrique, j’ai mis de cette poudre, de
ce fafran de mars, toute pure ; dans le même creufet
, j’ai mis un fécond lit compofé de ce fafran mêlé
avec des os ; & plus haut, j’ai mis des os feuls : ce
creufet ayant été tenu au feu pendant quelque temps,
quand il en a été retiré , j’ai trouvé que le fer de ce
creufet, le mieux adouci , étoit celui qui s’étoit
trouvé au milieu du fafran de mars feul ; le mélange
de cette poudre & des os avoit fait moins
d’effet, mais plus que les os feiils.
On pourroit ramaffer quantité de cette poudre
dans des manufactures où l’on ne fe ferviroit que de
plaques de fer : on en pourroit même faire à bon
marché. Cette poudre occupe bien un autre volume
que le fer ; après tou t, il n’y a guère d’apparence
qu’elle puiffe convenir pour le travail en
grand ; ce feroit beaucoup qu’on s’en fervît pour
l’adouciffement de quelques petits ouvrages. Mais
il ne faudra pas donner le feu violent au creufet où
elle fera renfermée ; autrement elle deviendra une
raaiïe compadte, qui fe trouvera attachée fur le fer :
quelques coups pourtant la détacheront, mais ce