
fer blanc, dont la douille a trois pouces de long
& deux tiers de pouce de diamètre.
Les trente-deux cuines étant chargées, on les
place dans la galère fur les traverfes de fer fondu:
On les pofe debout; & comme ces cuines ont plus,
d’un pied de haut, elles départent le rebord de la
galère de trois à quatre pouces. Dans cette fitua-
tion leurs cols font placés de bas en haut, ayant
leur orifice extérieur plus élevé que la portion qui
tient à l’intérieur. On les range à côté l’une de
l’autre à peu près à un pouce de diftance ; & pour
les tenir folidement dans cette diftance, on place
entre deux un petit morceau de tuile brifée. Cet
arrangement donne lieu à la flamme d’embrafler
les cuines de toutes parts.
Les cuines étant ainfi difpofées, le principal ou- j
vrierfe fait apporter de la terre à four gâchée comme
du plâtre ; & avèc des teflons de grès ou de cuines
caflees, il recouvre fon appareil de manière à faire
un dôme ou portion de cercle dont les extrémités
ou les bords pofent fur les bords latéraux de la galère.
On donne à ce dôme deux pouces d’épaifleur,
& à l’aide d’une truelle on le polit fur fa furface
extérieure.
Quand on eft parvenu à l’extrémité de la galère
du côté oppofé à fa porte, on place quatre tuiles
fur deux cuines, de manière à former à cet endroit
un trou carré deftiné à fervir d’iflue à la fumée, & à
déterminer le courant de la flamme. Il y a quelques
artiftes qui ne ménagent cette efpècê de cheminée
que fur la quartorzième & quinzième cuine
de chaque côté , & qui achèvent de couvrir en
dôme plein la feiziéme & dernière , prétendant
par cette conftruéÜon donner plus de chaleur au
fourneau.
Dans ce premier arrangement les cols des cuines
ne faillent que d’un demi-pouce, ce qui ne fuffi-
roit pas pour y aboucher les pots ou récipiens.
C ’eft pourquoi on place vis-à-vis de chacun de ces
cols , un goulot, qui eft naturellement luté en l’enfonçant
dans la bâtiffe encore molle ; & on adapte
à chacun de ces goulots un pot que l’on incline légèrement
du côté de la galère. Alors, on achève de
garnir avec la terre à four, tant ces goulots que les
tètes des pots, qui ayant un diamètre moindre que
les cuines ne fe touchent pas, & donnent à l’ouvrier
la liberté de pafl'er la truelle entre deux.
Ces pots font pofés par leur bafe fur le plan Supérieur
des deux murs latéraux de la galère. On
a foin de luter les pots avec de la terre à four qui
n’ait pas encorë fervi.
Si l’on veut obtenir une eau-forte re&ifiée, &
par conféquent foumettre le mélange à une nouvelle
diftillation, il ne faut luter les pots qu’après
le premier feu, & qu’après avoir retiré le premier
phlegme, qui fe fépare en vuidant les pots. Ce
phlegme doit être confervé pour arrofer le travail
iuivant, par préférence à de l’eau commune.
Il faut que le diftillateur foit très-attentif à la
nature des premières vapeurs qui s’exhalent ; & |
pour peu qu’il y remarque.une odeur urinenfe’
il doit enlever lés récipiens, ou ne les point mettre
en place, & laiffer évaporer toute cette odeur
avant de placer & de luter- les pots ; c’eft ce qu’oiî
appelle déphlegmer au vent.
Les chofes étant ainfi difpofées, on met à l’entrée’
ou tête, ou bouche , ou porte de la galère., une ou
deux pellées de braife qu’on laiffe bien allumer.
On pofe enfuite fur la chevrette deux ou trois
bûches féchées & fendues. Quand elles font bien
allumées, on les pouffe en avant dans la galère
on remet de nouvelles bûches ; & ainfi fuccefli-
vement jufqù’à ce que le feu foit établi dans toute
la longueur dé la galère.
Dans les premiers inftants du feu le dôme eft
fujet à crevaffer en féchant ; mais il faut avoir foin
de réparer les crevaffes en partant & repartant fur
la terre molle lé petit inftrument de fer appelle
batte. .
On entretient le feu dans le même degré peu*;
dant deux heures , & plus long-temps lorfqu’on
veut obtenir de l’eau-forte déphlegmée ; puis on
augmente le feu proportionnellement en mettant;
le double du bois , & le renouvellant durant huit
heures. On fe fert du. râble pour attifer le feu §5
arranger les bûchès’.
Il faut examiner fi le feu tire art'ez, ce qui fe re-
connoît lorfque la pointe de la flammé fort d’un
demi-pied environ par le trou ménagé à l’extrémité
de la galère. Dans le cas contraire^, on nettoie
le fol de la galère avec le rable, en enlevant le plus
de braife qu’il eft portable ; pn élargit ..l’ouverture
de l’extrémité, pn jette même au befoin quelques
peignées de paille fèche, ou bien -en y donne le
vent ; c’eft-à-dire que l’ouvrier fe plaçant vers la
cheminée dé la galère y foufle impétùeufement avec
la bouche, ce qui fulfit fouvent pour ranimer la
flamme languiffante, & en déterminer la circulation.
Quelquefois le feu fe porte avec violence vers
l’ouverture, ce qui empêche les cuines placées à
la tête, & même au milieu delà galère, de chauffer
fuffifamment, tandis que les autrés travaillent
trop vite. Le remède à cet inconvénient eft de
créver avec la batte de fer le dôme Vers la tête de la
galère, afin de ralentir l’a&ion de l’air en inter-,
rompant fon cours.
C ’eft une bonne pratique de pofer une ou deux
briques de champ fur l’orifice qui fait fonéfion de
la cheminée , pour concentrér la chaleur dans l’intérieur
de la galère , fauf à retirer ces briques quand
le fourneau eft fuffifamment échauffé.-
Refte à donner-le dernier coup de feu pour faire
pafl’er dans le récipient la portion d’acide la moins
phlegmatique , & par conféquent la plus difficile
à s’élever. Pour cet effet l’ouvrier retire toute la
braife avec le rable; il met quatre fortes bûches en
train, & foutient la vivacité du feu pendant deux
heures, enforte que la flamme s’élève de trois pieds
...... H ' - au
,U moins au deffus de la galère en fortant par la
cheminée. . ,
Après le temps fuffifant 1 ouvrier détache un des
récipiens vers la tête, & un autre vers l’extrémité
de la galère, & juge que fa fournée eft cuite , c’eft-
à-dire, que fon opération eft finie, lorfqu’il ne fort
plus de vapeurs par le goulot, & que l’intérieur de
la cuine paroît rouge.
Une autre marque certaine que la diltillation elt
achevée , eft quand les récipiens ne s’échauffent
plus ;• car ne s’échauffant que par les vapeurs qui
y entrent, le refroidiffement eft une preuve qu’elles
ceffent de monter.
Après l’opération, on retire auflitôt la braife,
on l’éteint, on la met dans les étouffoirs. On remplit
tout de fuite l’âtre de la galère de morceaux
d’argile, & deux heures après on retire l’eau-forte
des récipiens dont le produit, dans ce premier pro- *
cédé par l’argile, eft à peu près égal en poids à
celui du falpêtre employé.
Les bouteilles de grès dans lefquelles on verfe
l’eau-forte, font ordinairement de trois grandeurs.
Celles depuis une pinte jufqu’à huit, confervent
le nom de bouteilles ; celles jufqu’à la capacité de
feize pintes, s’appellent tourtes ; & celles qui peuvent
contenir jufqu’à quarante pintes, doubles tourtes.
M. de Machy fixe la durée ordinaire du travail
d’une galère à douze heures; mais un chimifte
Allemand, exercé dans ce travail, affiire que l’on
ne peut, fans line perte confidérable d’acide nitreux
, finir en fi peu de temps la diftillation, &
, qu’il faut dix-huit heures , même vingt-quatre &
plus, pour l’achever entièrement, & en tirer tout
le produit.
Deux ouvriers peuvent conduire deux galères
enfemble, & trois hommes conduifent quatre galères
à la fois.
Il faut avoir autant de galères de relais qu’il y
en a qui travaillent, parce que , tandis que les unes
font en train, on prépare les autres qui font vacantes
, & par ce moyen le fervice n’eft jamais
interrompu*
Les cuines qui ont fervi fe vuident aifément en
les renverfant, & on appelle ciment d’eau-forte la
matière qu’on en retire.
Il y a fouvent des cuines qui fe caffent dans le
cours de l’opération. On fe fert des teflons de ces
vafes de grès pour reconftruire de nouveaux dômes.;
on emploie auffi à cette reconftru&ion la terre à
four qui a déjà fervi, qu’on détrempe de nouveau
dans une aüge à demeure, ou forte long ménagé
dans un des coins du laboratoire.
Les diftillateurs qui font dans l’ufage d’arrofer
leur mélange d’argile & de falpêtre avec Veau jure
ou l’eau-mere du nitre, dans la proportion d’un quart
du falp’être employé, obtiennent à la vérité un produit
plus fort en efprit, mais non pas auffi pur
que par le moyen ordinaire.
Ce qui refte dans les cornues après la diftillation
Arts 6* Métiers. Tome II. Partie /.
eft un mélange d’argile , & d’un fel que l’o.i
nomme fel de duobus, ou arçanum duplicatîim.
Ce fel eft formé de la combinaifon de l’acide
vitriolique contenu dans l’argile, avec l’alkali fixe
du nitre. Il eft fi adhérent à la terre argileufe, qu’il
eft très-difficile à féparer. Plufieurs cnimiftes font
même perfuadés que ce fel n’exifte pas dans cette
matière, parce que les tentatives qu’ils ont faites
pour le retirer ont été infru&ueufes ; mais M. Baume
a reconnu par expérience qu’on le retiroit facilement
en faifant bouillir cette matière dans de l’eau,
avec une fuffifante quantité d’alkali fixe. •
Néanmoins, dans les travaux en grand, on ne
retire jamais ce fel de cette matière. Les paveurs
s’en fervent en guife de brique ou de tuile au pilé,
pour former leur ciment.
Deuxieme procédé par le vitriol martial.
Lorfqu’on monte une galère avec le vitriol martial
& le falpêtre, on doit calciner le vitriol jusqu’au
jaune orangé; car autrement, dit un chimifte
Allemand, le mélange fi liquéfie, fe gonfle
& monte en écume dans le récipient.
Pour calciner le vitriol, on le met dans une marmite
de fer fur le feu, & on le remue continuellement
jufqu’à ce qu’il foit fuffifamment calciné. On
l’ôte alors du feu , & on continue de le remuer,
fans quoi il fe 'formeroit en gateaux qu’il faudroit
piler. Quand il eft un peu refroidi, on le mêle avec
le falpêtre.
Comme le vitriol perd par la calcination la moitié
de fon poids, & que ce qui fe perd eft de l’eau,
il faut ajouter dans le récipient autant d’eau que
pèfe le vitriol calciné. On peut auffi ajouter un
poids d’eau ' égal à celui du falpêtre employé ; &
c’eft, dit un chimifte Allemand, exercé dans ce
travail, la proportion la plus jufte. Si l’on defire
une eau-forte qui ait plus de force que celle qu’on
met ordinairement dans le commerce, on ajoute
. alors une moindre quantité d’eau.
Cela fait, on garnit la galère, & l’on fuit en tout
point ce qui a été prefcrit dans le premier procédé.
Mais foit, dit M. de Machy, parce que le phlegme
eft trop promptement échappé , foit parce
qu’y ayant plus de falpêtre , il fe trouve pour chaque
cuine plus d’efprit à charter, foit enfin parce
que les diftillateurs veulent donner à la malle qui
refte dans les cuines le plus de calcination poffible,
non-feulement ils font durer le feu pendant trente-
fix heures en l’augmentant, mais encore la quantité
de bois employée vers la fin, eft double de celle
qui fert au dernier feu d’une galère travaillante à
l’ordinaire.
La calcination du vitriol étant fouvent la feule
raifon qui détermine les diftillateurs à tirer l’eau-forte
par cet intermède, il y en a qui mettent jufqu’à
deux parties de vitriol contre une de falpêtre.
Mais, à cet égard , le chimifte annotateur de
l’Art du Diftillateur, imprimé dans le recueil de
Neuchâtel, obferve qu’il eft de la dernière impor-
N n