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On volt pat* ces détails, que les baleines n ont
point de dents , mais qu’elles ramaffent leur nourriture
avec les poils de l’extrémité des fanons qui
débordent tout autour de leur mâchoire fupérjeure,
& que les poils qui garniffent l’intérieur, empêchent
que cette nourriture n’échappe au dehors à travers
les fanons. Au moyen de cette difpofition, 1 eau
qui fert de véhicule à la nourriture de la baleine ,
peut circuler librement du dedans au dehors de la
gueule. La couleur des fanons tire ordinairement
fur le noir, avec quelques taches d’une couleur
moins foncée : l’épiderme dont ils font couverts fur
les deux faces, eft d’un gris luifant & a le tiffu de
la corne.
A rt. II. Dépècement des fanons.
Les matelots qui font occupés à la pêche de la
baleine, commencent à détacher de la mâchoire
de grandes parties de fanons ; enfuite ils enlevent
les chairs qui les recouvrent ; puis, avec un coin
& une maffue , ils féparent les fanons les uns des
autres, comme il eft repréfenté fig. 7. On finit ce
dépècement , par faire de tous ces fanons, des paquets
de deux à trois quintaux, après qu’on les a
fait fècher au foleil; &lorfque dans le temps de la
pêche , on n’a pu finir toutes ces opérations , on
met tremper les fanons dans 1 eau chaude, pour
en enlever les chairs plus facilement, ainfi que ce
qui refte de la fubftance blanche par laquelle ils
tiennent à l’os de la mâchoire. On les nettoie bien
de toute matière étrangère ; on les fépare les uns des
autres, & on les vend par paquets aux marchands
qui les coupent.
A r t . III. Choix des fanons
Dans le commerce des fanons, on préféré ceux
qu’on tire de Hollande , & qui viennent des mers
du nord. Ceux qu’on nous apporte du Bréfil, font
beaucoup moins recherchés , parce qu’ils font plus
foibles, & qu’ils ont moins de nerf.
C’eft auffi par les mêmes raifons qu’on diftingue
encore les fanons que fourniffent les péchés du
nord , fuivant l’efpèce de baleine qui les produit ;
ainfi les fardes, qui font de petites baleines , ne
donnent que des fanons dont les fibres font courtes
& caftantes, au lieu que ceux des grofles baleines
font fermes & foüdes , ont les fibres très-longues
& très-élaftiques , & fe coupent par un fil bien net.
J^eur épiderme eft glacé.
A rt. IV. Préparation & cuijfon des fanons.
On commence par ébarber les fanons, puis on
les fcie fur un établi avec une fcie a main , après les
y avoir aflujettis par le moyen d’un valet. On voit
ƒ g-. 8 , un ouvrier qui exécute cette opération. Suivant
la groffeur & la longueur des fanons , ou les
ufages auxquels on deftine les baguettes qu’on doit
en tirer, on les divife en différentes portions plus
ou moins longues ; mais le plus fouvent on les fcie
en deux ou trois parties d’une aune chacune, & ÇQ
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qui refte , eft mis parmi les bouts de trois quarts J
de deux tiers, ou même d’un tiers.
On porte enfuite les fanons dans "une chaudière
ou bafline de cuivre fort longue, établie fur un fourneau
ordinaire. La fig. p repréfente cette partie de
l’atelier du coupeur de baleine : la chaudière eft placée
fous le manteau d’une grande cheminée. L’ouvrier
y arrange les fanons qu’il afciés de différentes
longueurs , & met au fond les plus petits. Après
qu’il a rempli d’eau la chaudière , il la couvre avec
des planches, & il pouffe le feu jufqu’à ce que l’eau
bouille : il entretient cet état pendant environ
deux heures ; après quoi il effaie fi les fanons ont
acquis un degré de cuiffon convenable. Lorfqu ils
font fuffifamment ramollis , il fupprime le feu, &
laiffe toujoursféjourner dans l’eau chaude les fanons,
il les en retire à mefure qu’il les coupe , commençant
toujours par les plus gros , & finiffant par les
plus petits. Darîs certains ateliers, comme à Limoges
,* on met tremper dans l’eau les fanons pen-
dant dix à douze heures , pour les difpofer à la cuiffon
par un commencement de ramolliffement.
A rt. V . V f l enfiles du coupeur de haleine.
Avant de faire connoître le travail du coupage
des fanons, il eft néceffaire de décrire les uften-
files qui fervent à cette opération. On a d’abord un
établi femblable à celui d’un menuifièr-, fur le côté
duquel font fixées deux planches affez larges qui
font l’office d’un étau: on voit la totalité de cet
équipage tfig- & & 21. Une des planches de letau
eft attachée au côté de l’établi, au moyen de quatre
vis à tête perdue c , c 9c , c , fig-18. Elle porte outre
cela les tiges des vis a, a 9 deftinées à recevoir la
planche mobile de la fig. 17, par les trous a , a;
on ferre à volonté cette dernière planche contre
la première , au moyen d’un écrou a pattes b ,
fig. ip. .
On peut v o ir , fig. 20 , l’étau entier avec un
fanon placé entre les planches ferrées par les deux
écrous à pattes b b , & fixé à l’établi en A B ,
fig. 8 Si 21.
Dans certains ateliers , comme dans ceux de
Limoges , la planche mobile de l’étau eft fixee à
demeure par un bout, au moyen de deux boulons
de fer qui la tiennent à une certaine diftance de
la planche immobile * mais à l’autre bout voifm
de l’ouvrier, elle eft ferrée par une vis & un écrou
femblables à ceux que nous venons de décrire :
quoique cette difpofition épargne de la peine a
l’ouvrier qui place les fanons dans l’étau, cependant
la planche mobile n’eft pas auffi. exactement
affujettie par ce moyen qu’avec les deux vis & les
deux écrous. . ' ’ • t-
L’ouvrier coupeur emploie un couteau particulier
dont il importe auffi de donner la defcription avant
d’ea faire voir l’ufage. Ce couteau eft compote,
premièrement, d’une lame repréfentée fig. 13 & 14 *
& qui coupe du côté e , où ily a une petite échancrure
; enfuite d’un manche à deux poignées, fig-12 »
■ | , «m
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... milieu duquel eft une entaille A , garnie d’une
lame de cuivre. On v o it , fig. 13, les quatre trous
nui fervent à fixer la lame du couteau au manche de
la fig. 12 , & dans les fig. 10 & u le^couteau entier :
dans l’une, la lame paroît de face attachée fur le
manche ; & dans l’autre , de côté feulement avec
l’ouverture de l’entaille garnie de la lame de cuivre.
On comprend facilement par ce detail, quelles
font les vues qu’on s’eft propofé de remplir dans
cette conÆruétion. La lame de cuivre qui garnit le
fond de l’entaille , fert à diriger la lame de fer
coupante, & à déterminer l’épaiffeur.de la baguette
qu’on peut enlever du fanon ; c’eft auffi pour cela
qu’on a plufieurs fortes de couteaux où la profondeur
de l’entaille varie , & par conféquent la diftance
de la lame d e . cuivre qui fert à diriger la
marche de la lame coupante.
Dans certains ateliers j’ai vu des couteaux q u i,
quoique conftruits fur les mêmes principes, avoient
une forme différente de ceux décrits ci-deffus. La
lame coupante eft forgée en arc de cercle , qui eft
terminé aux extrémités par deux poignées de bois ; j
au deffüs de cette lame en eft une autre^ en ligne .
droite, qui eft proprement la corde de lare : elle
fert de régulateur. Ce couteau eft reprefente fig /ƒ
& 16 ; a , eft la lame courbée & coupante ; b , b ,
font les deux poignées ; & c , en eft le régulateur
avec une entaille.
Tels font les uftenfiles néceffaires au travail
du coupeur : il a fur-tout le plus grand foin d entretenir
fes couteaux , parce que la jufteffe & la
célérité du coupage dépendent particulièrement
de cet outil.
A rt. VI. Coupage des fanons,
. Tout étant en état, ainfi que nous l’avons dit,
l’ouvrier coupeur place entre les deux planches de
l’étau, un fanon fcié & ramolli par une cuiffon fuffi-
fante ; & en le laiffant déborder d’une certaine quantité
comme en ƒ g , fig. 20, il ferre, pour 1 affù-
jettir folidement, la planche extérieure & mobile
avec les écrous b b. Enfuite il prend le couteau^ par
les deux poignées ; & appuyant la lame du régulateur
fur le côté fupérieur du fanon, il entame
l’extrémité du fanon avec la lame coupante , & commence
par une fente de quatre à cinq pouces ;
puis failant glifier le régulateur fur toute la longueur
du fanon, il conduit la lame coupante de
manière qu’engagée dans le- corps du fanon, elle
en fuive toujours les mêmes fibres longitudinales.
Il réfulte de ce travail continué avec cet outil, que
l’ouvrier coupeur détache du fanon une baguette
d’une épaiffeur parfaitement égale dans toute fa
longueur , & que cette baguette paffe par 1 entaille
du couteau qui en mefure rèpaiffeur.
L’ouvrier continue à couper le fanon & a détacher
des brins ou baguettes , en leur donnant, par le
moyen de fon c o u te a u u n e épaiffeur à peu près
égale à celle du fanon dans la partie qu’il coupe,
afin que la baguette foit, autant qu’il eft poffible ,
Arts 6» Métiers. Tome II. Partie IL
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carrée & forte dans tous les fens : il proportionne
auffi l’épaiffeur des baguettes à leur longueur.
Après qu’il a enlevé un certain nombre de brins
d’un fanon, il change de couteau, parce que le fanon
change auffi d’èpaiffeur : il en prend un dont la lame
coupante foit plus ou moins éloignée delà lame qui
fert de -guide, fuivant qu’il commence à couçer le
fanon par le côté le plus épais, ou par le cote le
plus mince. \ , c 1
A Paris 6n commence à couper le ranon par le
côté du ventre, c’eft-à-dire, le plus mince, & par
conféquent l’ouvrier fait ufage d’abord de couteaux
dont la lame coupante foit très-peu eloignee de la
lame qui fert de régulateur : enfuite, a mefure qu il
gagne le milieu du fanon, il prend un couteau
dont l’entaille eft d’une profondeur moyenne ; enfin ,
lorfqu’il atteint le dos ou la partie la plus epaifle,
il prend des couteaux où la laine coupante eft la
plus éloignée de la lame qui appuie fur le cote du
fanon : c’eft tout le contraire à Rouen & a Limoges,
où l’on commence à couper par le cote le plus
épais. . t
On conçoit d’ailleurs qu on a des couteaux particuliers
pourles gros fanons & pour les petits,
avec toutes les nuances d’épaiffeur dont je viens
de faire mention. . u* a
Lorfque le fanon qu’on affujettit dans 1 etau ett
d’une certaine longueur, on eft obligé de le changer
de fituation, afin que la partie que Ion coupe foit
maintenue folidement , ne varie pas , oc que le
mouvement du couteau foit plus affure ; car autrement
on feroit expofé à de fauffes coupes.
Je dois faire obferver ici que l’ouvrier coupeur a
foin que l’étau & le fanon qui s’y trouve affujettis,
foient à une certaine, hauteur pour qu il puiile voir
plus aifément le fanon , & conduire fon couteau de
manière à faifir les fibres longitudinales. Dans la
fig 21 qui reprèfente Y établi, Y étau & 1 ouvrier qui
coupe , celui-ci eft trop penché , & n’eft pas dans
l’attitude qui convient le mieux au fucces de lois
Pour peu que l’ouvrier coupeur ait d adreffe &
d’habitude, le coupage des fanons s’expedie affez
vite ; en conféquence du ramolliffement de la lubl-
tance du fanon par la cuiffon, & à l’aide de bons
couteaux, il fuit exactement les fibres longitudinales,
& coupe jufqu’à deux mille & deux mille
cinq cents brins par jour : c’eft dans cette exactitude
à fuivre invariablement le fil de chaque fibre, que
confifte l’habileté d’un coupeur de baleine. S il s en
détourne par un mouvement faux , la coupe du brin
eft gâtée, & le brin n’a plus la même folidité & la
même foupleffe.
ART. VII. Appropriation, triage & commerce des brins
de baleine.
Lorfqu’on a partagé les fanons en baguettes,
on a foin de les faire fècher pour leur Oter 1 effet du
ramolliffement de la cuiffon; & à mefure qu elles
sèchent, elles reprennent un reffori.plus terme oc
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