
Defcription cCun moulin établi à EJfonne pour profiler
des pièces de fer.
Nous ajouterons à la defcription des laminoirs
établis à Effonne, représentés dans la PL V. de la
cinquième fedion de l’art du fer, détaillées dans
la defcription & explication des planches , le rapport
que MM. les comniiffaires de l’académie des
fciences de Paris ont fait de cette machine ingé-
nieufe que lefieur Chopitel, maître ferrurier à Paris,
inventa en 1780.
L’académie, difentles commiffaires , nous ayant
chargés de lui rendre compte ‘d’un moulin établi à
Effonne, pour profiler des plates-bandes de fe r , des
montans de croifée, des tringles & autres ouvrages
<le fernirerie, nous allons mettre fous fes yeux un
extrait de notre rapport, déppfé au bureau du commerce.
Jufqu’à préfent on s’eft fervi de l’eftampe pour
donner des profils aux plates-bandes de fer.
L'efiampe eft une pièce d’acier profilée fur fa
largeur qui eft de deux pouces environ ; c’eft dans
ce profil que l’on moule à chaud, & peu à peu les
plates-bandes à grands coups de marteau. On commence
par ébaucher la plate-bande fur l’eftampe, &
l ’on y vient à plufieurs reprifes, jufqu’à ce qu’elle
foit bien profilée : cette manoeuvre eft très-longue ;
elle fait confumer beaucoup de charbon, parce
qu’on ne peut chauffer à la fois qu’une très - petite
partie de la pièce, & qu’on eft obligé de la remettre
fouvent au feu. Quelque foin qu’on prenne
pour perfectionner fur l’eftampe les plates-bandes
profilées , il s’y rencontre fouvent des défauts,
qu’on eft obligé- de réparer, & quelquefois même
il eft impoffible de les réparer.
Le moulin-du fieur Chopitel nous parut très-pro-
pre à lever ces inconvéniens ; c’en: un laminoir
'compoféx de deux cylindres de fer, dont l’un eft
profilé fur fa circonférence, pour imprimer fur les
plates - bandes les moulures qu’on veut leur
donner.
Les deux cylindres de ce laminoir font menés par
deux roues à l’eau, -établies dans la même cour-
cière : le cylindre inférieur eft mené immédiatement
par le tourillon de la première roue à l’eau ;
dont le bout qui fe termine par un quarré, fe joint
au quarré de ce cylindre par le moyen d’une boîte
de fer.
L’autre cylindre eft amené par la féconde roue
à l’eau, au moyen de plufieurs renvois de roues
dentées, & de lanternes qui le font tourner en
féns contraire du premier cylindre.
Ces deux cylindres étant en mouvement, on
préfente la bande de fer rouge au profil qu’on y veut
imprimer ; faifie entre les deux cylindres, & entraînée
par leur mouvement , elle s’alonge & fé
, profile d’une feule opération fur toute fa longueur
en très-peu de temps.
Pour empêcher que la bande de fer qu’on la-
wine ne s’enveloppe autour du cylindre profilé,
un ouvrier la faifit avec la pince âuflltôt qu’elle
commence à paffef de l’autre côté du cylindre, &
là contient jufqu’à ce qu’elle foit entièrement
fortie.
Nous avons fait tirer ainfi à Effonne & imprimer
différens profils en notre préfence, fix bandes de
fer de 15 à 18 pouces de longueur fur un pouce
de largeur ; elles ont pris des profils & plus correfts
& plus vifs que ceux qu’on pourroit leur donner
avec l’eftampe.
Un fourneaù femblable aux fourneaux de refonte
, eft établi à côté du laminoir ; on y pourra
chauffer un millier de fer à la fois , pour le paffer
immédiatement fous ce laminoir, ce qui fait un
très-grand objet d’économie.
Il s’enfuit que le fieur Chopitel peut fournir à
moindres frais des plates-bandes & autres pièces de
fer mieux profilées que celles qu’on fera par les
pratiques ordinaires. Sa manière réunifiant trois
avantages considérables, plus de promptitude dans
l’opération , plus d’épargne fur le charbon, & plus
de perfection dans les profils.
Pour connoître'fi ce laminage ne change point
la qualité du fer, nous avons fait rompre une barre
de fer devant & après l’expérience faite à Effonne,
le 2.8 janvier 1751.
Avant l’expérience le fer étoit aigre ; les deux
bouts rompus fembloient fe toucher par des facettes
dans toute l’épaiffeur de la bande ; on y voit peu
de parties faillantes dans les bouts rompus ; après
l’expérience , on voyoit de part & d’autre dans
toute l’épaiffeur des filamens , des parties faillantes
en forme de lames plates & allongées , c’eft ce
que les ouvriers appellent nerf dans les fers doux,
& c’eft à cette marque qu’on les reconnoît pour être
de bonne qualité.
Il paroît donc que le fer acquiert de la qualité
par le laminage, ce qu’on favoit d’ailleurs par les
expériences faites dans les fabriques de fil d’archal.
Une bande d’un pied de longueur s’eft allongée
jufqu’à 22 pouces par le laminage.
Le fiéur Chopitel fe propofe de profiler des fers
deffus & deffous en faifant des contre-parties entaillées
dans le cylindre fupérieur;ce qui ne peut
pas manquer d’avoir le même fuccès, pourvu que
les deux cylindres n’aient aucun mouvement horizontal
; & c’eft une nouveauté utile , car il eft im-
poflible de profiler une pièce fous les deux féns
oppofés avec l’eftampe.
Cette invention nous paroît très-bonne pour profiler
des montans, des traverfés, des cadres propres
à faire des croifées de fenêtres en fer, dont
l’ufâge feroit très-avantageux pour le public; &
c’eft peut-être le feul moyen de les faire à bon
marché.
Le fieur Chopitel fe fert d’une des roues de fon
moulin pour mouvoir un martinet de deux cents ■
livres , par le moyen d’un hériffon de fer à palettes
appliqué fur l’arbre de cette roue ; c’eft avec ce
martinet qu’il abat les angles des barreaux & pré-.
pare les plates-bandes pour les faire paffer au la-
fninoir. Mais pour plus grande économie, il fé
propofe de les faire préparer aux groffes forges.
L’autre roué doit férvir à mouvoir les marteaux
d’une machine à tailler les lames, inventée par le
fieur Chopitel, & approuvée par l’académie.
Toutes ces machines pourront travailler indépendamment
l’une de l’autre.
On peut arrêter & faire mouvoir à volonté les
roues à l’eau, en ouvrant & fermant une vanne
à la tête de .la courcière, par le moyen d’une baf-
cule placée dans l’atelier.
D e z ’ A c 1 e r.
L’acier eft un fer perfectionné qui contient fous
un même volume plus de parties métalliques, avec
une plus grande quantité du principe inflammable.
Il a un oeil plus bleu, un grain plus menu & plus
fin que le fer ordinaire.
On dit que ce métal a été originairement trouvé
enEfpagne par là propriété qu’on donne aux eaux
d’un fleuve de ce pays, de procurer une bonne
trempe à l’acier. Ce fleuve s’appelloit autrefois
Chalybs, & a tranfporté fon nom à l’acier.
L’acier étant trempé, eft de tous les métaux le
plus dur; c’eft ce qui le rend fi précieux & fi
utile pour en faire des inftrumens tranchans de
toute efpèce, dont les arts tirent un fi grand fe-
eours.
Sa grande dureté le rend aufli fufceptible du
plus beau poli.
Il y a deux maniérés de préparer & de faire l ’acier
, favoir, la fonte & la cémentation.
Par la fonte on change en acier le fer pris dans
la mine même ; fuppofé que cette mine contienne
du fer plus pur que les .mines ordinaires ; car il y
a un choix à cet égard. Cette efpèce.de mine s’appelle
par cette raifon , mine d'acier ; & on nomme
acier naturel, le fer qu’on en tire , mais qui a encore
befôin d’être purifié & perfectionné par l’art,
avant que de devenir acier*
On nommé acier faElice ou artificiel, le meilleur
fer forgé dans fon état le plus parfait, c’eft-à-dire le
fer le plus malléable tant à chaud qu’à froid , que
l’on convertit en acier par la féconde méthode,.
c’eft-à-dire , la cémentation fans fufion.
De la Fonte.
Il faut des manoeuvres délicates & une grande
exactitude pour purifier le fer dont on veut raire de
l’acier ; on doit le débarraffer, autant qu’il eft pof-
fible, de toutes parties terreufës & non métalli- .
ques.
En effet, la/première fonte des mines ne rend :
qu’un fer aigre , caffant, chargé de parties fulfureu-
fes y- de matières terreufés & de parties ferrugi-
neufés qui n’ont pu fé métalliferfaute d’avoir un
contad a fiez immédiat avec le phiogiftique.
La fufion du fer devient plus difficile à mefure
que ce métal fé dépouille de fon foutre. C ’eft pour- |
quoi ôn a recours à la forgé. On y fait bien rougir
le fer qu’on veut rendre malléable. On le foumets
à un gros marteau mis en mouvement par le moyen
de l’eau. Les coups de marteau redoublés fur ce
fer ramolli paî le feu, le preffent fortement, le paî-
triffent en quelque forte, foudent entre elles toutes
les parties métalliques, les feules qui foient en état
de s’unir enfemble ; ils .forcent en même temps
toutes les parties terreufés non métalliques de fé
féparer ; ces parties hétérogènes font par cette manoeuvre
exprimées d’entre les parties du fe r , & re-
jettéesàla furface de la maffe, dont elles fe détachent
fous la forme de pouflière & d’écailles.
C ’eft par une telle manipulation qu’on amène le
fer au degré de pureté & de dudilité convenables.
Mais ces premières opérations font commuées &
également utiles à la mine de fer & à la mine
d’acier.
Quant à Y acier, lorfqu’on veut en avoir d’excellent
, il faut faire les fontes en petit, & opérer fur
de petits morceaux pour conduire les travaux avec
plus de précifion. On prend donc dés morceaux de
la première fonte, on les met dans des creufets
remplis & couverts de charbons ; on agite de forts
foufflets pour animer le feu, on fait bien fondre
ces morceaux de fe r , & on les entretient en fufion
plus ou moins long-temps fuivant la nature de la
mine.
Enfuite on les forge jufqu’à ce qu’ils Ibientde-
venus parfaitement dudiles à chaud & à froid. Il
ne refis plus-après cela qu’à tremper l’acier , opé-
ration qui lui donne cette dureté fi fupérieure à
celle du fer, & dont il fera queftion ci-après.
Ces manoeuvres fe répètent autant de fois cm'or*
les juge néceffaires pour imprégner le métal d’une
•certaine quantité de principe inflammable, attendu
le contad immédiat du charbon r qui contribue à
métallifer une plus grande quantité de parties fer-
rugineufes.
Te l eft le procédé de la fabrication de Vacier
naturel, qui fe fait par la fonte.
Il faut obferver que dans cette purification dix
fer pour le transformer en acier, il y a une diminution
& un déchet qui va à près de moitié du
poids du fe r , tant à caufe delà féparation des parties
hétérogènes , qu’à caufe de la deftrudion dhine
grande partie du métal qui eft brûlée , quelques précautions
qu’on prenne pour éviter cet inconvénient.
Le moyen le plus fur pour i’en préférver , c’eft. de
garantir le fer lorfqu’il eft en fufion, ou très-rouge y
du contad de l’air en le recouvrant de poudre de
charbon.
De la cémentation•.
Pour faire Y acier artificiel, on fe fert defértoitf
forgé. Il faut le choifirle plus parfait, le plus malléable
tant à chaud qu’à froid , & celui qui dans
fa caffure préfente les facettes , les grains ou les
fibres les plus fins. & les plus égaux.
1 O u le réduit par la. forge en lames ou en barres