
d e s , elles tiennent mieux. Pour les rendre ainfi I
rudes, les fabricans mêlent dans l’huile de lin un
peu d'huile de térébenthine. Ils en mettent environ
une demi-cuillerée pour cinq ou fix livres d’épingles
; car s’ils n’employoient que de l’huile de lin
feulement, les épingles fe trouveroient unies comme
font les agraffes ou crochets à chapeau.
On a vu autrefois des épingles qui avoient deux
têtes , une à chaque bout. On dit quelles fervoient ■
à aflujettir les frifons ou les cheveux des femmes ;
cette mode eft entièrement pafîee. Ces épingles fe
faifoient avec des hanfes qui n’étoient point appointe
s , & qu’on entêtoitaux deux bouts.
On fait encore des épingles en pincettes ; elles
font longues & menues ; elles n’ont point de tête :
c’eft une feule tige pliée en deux, que l’on écarte ou
qu’on rapproche à fon gré pour pincer & aflujettir
un frifon. Pour les faire , on.prend une hanfe fine
& longue de quatrè pouces & demi ou cinq pouces
; on l’appointit par les deux bouts ; on la plie
en deux, de forte qu’une des branches.foit un peu
plus longue que l’autre. Elles font de fer & noircies.
On voit auffi des épingles entêtées avec une
petite boule d’émail ; d’autres garnies de pierres
f anfles taillées, d’autres de diamans. Mais ces fortes
d’épingles n’appartiennent point à l’art que nous
traitons..
Divers petits ouvrages que font les épingliers.
Quoique les épingles foient le principal ouvrage
de l ’épinglerie, cet art s’étend à beaucoup d’autres
qu’on fait avec le fil de fer & le laiton , & qui
occupent entièrement les épingliers de Paris. Depuis
un temps afTez confidérable, ils ne font plus
d’épingles , quoique par l’article XXII de leurs fta-
tuts, l’afpirant à maitrife doive faire pour fon chef-
d’oeuvre un millier d’épingles ; mais cet ufage eft
aboli. A Laigle , les ouvriers qui font ces petits
ouvrages, fe nomment crochetïers, chaînetiers l &c.
Les ouvrages ordinaires des épingliers de Paris,
font de petits clous d’épingles à l’ufage des ébénif-
tes , des layetiers, des menuifiers , &c. des aiguilles
de tablettes , des portes & agraffes, des anne-
le ts , des crochets, des grillages de fil de fer ou
de laiton pour les bibliothèques ou les garde-mangers
, & divers autres petits ouvrages qui ne demandent
pas beaucoup d’induftrie. Nous allons les
détailler les uns après les autres.
Des aiguilles de tablettes.
Les aiguilles de tablettes font de fortes & longues
épingles, dont la pointe eft menue, & la
tête fort groffe : les plus menues s’entêtent comme
ies épingles, avec un fil roulé en hélice, mais plus
gros que celui des plus groffes épingles. A l’égard
des aiguilles un peu groffes, il y en a dont la tête
eft ronde , & d’autres dont la tête eft plate : voici
comme elles fe font.
On n’emploie point, pour les têtes rondes, du
fil tourné en hélice ; il le faudroit trop gros. On en
I prend qui eft plat d’un coté, & .arrondi de l’autre;
On lui donne cette forme, en paffant le laiton entré
deux cylindres de fer cannelés. On coupe un petit
bout de ce fil ; on le roule prefque en cercle avec
une pince ronde & un petit marteau ; on enfile cet
anneau dans le gros bout de l’aiguille, & on frappe
avec la machine à entêter , dont l’enclume le
poinçon & le poids font proportionnés à la grof»
feur des têtes que l’on veut faire.
On entête auffi les aiguilles de tablettes avec des
plaques de laiton. On diminue un peu le bout de
l’aiguille; on y place la petite plaque qui eft percée
d’un trou précilément de la groffeur de l’extrémité
de l’aiguille. On faifit cette aiguille auprès du bout
dans un étau, & on rive fur la plaque l’éxtrémite
de l’aiguille.
La plupart de ces aiguilles font de laiton : on les
blanchit comme les épingles , ou on tâche de leur
donner la couleur la plus dorée qu’elles puiffent
recevoir. Pour cet effet,. .on paffe le fil à rebours
dans la filière , comme nous l’avons expliqué, afin
de le gratter & enlever une couche mince de métal
; & quelquefois on emploie pour cette opération
des filières dont les bords font tranchans. Mais
les épingliers évitent, le plus qu’ils le peuvent,
d’avoir recours à ce moyen qui occafitonne un déchet
de près de trois onces par livre ; & ils aiment
mieux faire bouillir leur fil avec la gravelée, &
mettre plus de fel pour augmenter fon effet : néanmoins
la gravelée ne peut jamais décraffer fi parfaitement
le laiton que la filière. '
Des aiguilles ou broches à tricoter.
Les aiguilles ou broches à tricoter ne font que
des brins de fil de fer ou de laiton, auxquels on
fait aux deux bouts une pointe moufle fur la meule
de fer : il y en a de différentes groffeurs, fuivant le
degré de fineflê qu’on veut donner aux ouvrages
de tricot : elles font auffi de différentes longueurs:
celles pour tricoter les gants fins n’ont que fix pouces
, & l’on en fait de dix-huit pouces pour tricoter
des jupons.
Des petits clous.
Nous avons déjà parlé de ces clous d’épingle
dans l’art du Cloutier, c’eft pourquoi nous n’entrerons
pas ici dans tous les détails de leur fabrique.
Les petits clous , foit de fil de fe r , foit de laiton,
fe font avec du fil qu’on drefle, & qu’on coupe
par tronçons de treize à quatorze pouces de longueur
: on forme des pointes aux deux extrémités
des tronçons, & on coupe les hanfes de la longueur
que doivent avoir les clous. Mais le trancheur n’eft
point affis par terre ; il ne fe fert ni de la chauffe,
ni de la boîte à couper ; il eft debout vis-à-vis une
forte table qui a , fur trois de fes côtés, des rebords
de fept à huit pouces de hauteur pour retenir les
hanfes que l’on coupe. A l’un des angles de cette
table eft une lame horizontale de fer poli, qui fert
à difpofer tous les tronçons, de forte qu’ils foient
d’une égale longueur. Sur. le deflus de la table eft
établie une forte cifaille fixée à cette table par une
de fes branches. Le trancheur , placé debout devant
la table, prend au hafard un nombre de tronçons
, plus quand ils font menus, moins quand ils
font gros ; il appuie les bouts de tous ces tronçons,
pour les égaler fur la plàque de fer. Comme il n’a
point de boîte pour déterminer la longueur, il a un
morceau-de fil de fer , dont l’extrémité forme un
crochet qui eft de la longueur de l’efpèce de clou
qu’on veut couper ; ainfi l’ouvrier fe guide fur cette
mefure. J’ai vu quelques épingliers qui appuyoient
le bout du faifceau qu’ils vouloient trancher , fur
une plaque verticale qui étoit plus ou moins éloignée
de la cifaille, félon qu’on vouloit faire des clous
plus ou moins longs. Quand les deux bouts des
tronçons* font coupés , l’empointeur leur fait de
nouvelles pointes, & le trancheur les coupe encore
pour en faire des hanfes ; ce qu’il continue jufqu’à
ce que les fil foit entièrement coupé. Je pane rapidement
fur toutes ces opérations, parce qu’elles
refîemblent beaucoup au travail des épingles , que
nous avons amplement expliqué.
On vend quelques-unes de ces hanfes fans leur
faire de.têtes ; mais on fait à la plupart une tête,
non pas avec un fil roulé, comme aux épingles,
mais par un coup de marteau : pour cela on fe fert
d’un outil appelé mordant ; c’eft un petit étau à
deux oreilles, qui a un grand reflort. Sur l’épaifleur
des mâchoires, on a pratiqué de petites gouttières
dentées par en haut, pour empêcher la hanfe de
gliffer quand on frappe deflus pour former la tête.
On met ce mordant dans un plus grand étau ; les
oreilles s’appuient fur les mâchoires de cet étau.
L’ouvrier tient continuellement de la main gauche
le levier qui fait agir la vis du grand étau : en détournant
la v is , le grand étau s’ouvre & auffi le
mordant. Il met dans une des entailles , avec fa main droite , une hanfe, de forte qu’elle excède les
mâchoires du mordant d’environ une demi-ligne.
Il ferre le grand étau ; il prend avec fa main droite
un marteau qui eft fur la table, & il frappe un
petit coup fur la partie de la hanfe qui- excède le
mordant ; ce qui fuffit pour faire une petite tête,
qui convient aux cordonniers : fi les pointes font
pour les layetiers, menuifiers, fculpteurs, &c. il
donne d’abord un petit coup, puis un plus fort, &
il forme ainfi la tête, qui eft plate & plus large
que celle des pointes de cordonniers. Pendant que
la main gauche détourne la vis 7 & qu’elle ouvre
l’étau, la main droite qui a pris une hanfe, fait
avec cette hanfe tomber le clou qui a une tête &
il fubftitue à la place la hanfe qu’il tient de la main
droite. Sur le champ il reflerre l’étau avec la main
gauche ; & prenant avec la droite le marteau qui
eft à portée fur la table, il en frappe la tête, &
rejette le marteau fur la table, pour reprendre de
la main droite une nouvelle hanfe.
Les meilleurs ouvriers en font par jour dix à
douze «aille ; le travail des têtes d’épingles va à
peu près auffi v ite , quoique l’ouvrier ait à exécuter
un plus grand nombre d’opérations. Mais à l’égard
des clous, il faut, pour faire une tête à chaque
hanfe , ouvrir & fermer une fois l’étau ; ce qui
emploie du temps.
Les layetiers , les fculpteurs, les gaîniers, emploient
quelquefois des têtes mieux formées & qui
font rondes. Ces clous fe font comme ceux à tête
plate; mais après avoir donné un très-petit coup
de marteau , on pofe fur cette petite rivure un
poinçon dont le bout eft creufé comme une petite
calotte ; en frappant fur ce poinçon, la tête prend
une forme hémifphériqu e. On fait pour les gaîniers
de très-petits clous. >-•
On peut blanchir, comme les épingles, les clous
de fer & de laiton ; & on peut jaunir les clous de
laiton.
Des crochets, portes & agraffes.
Les. petits crochets , agraffes, portes , qui font
employés , foit pour retroufler les chapeaux , foit
pour tenir les jupes, corfets, &c. font faits de fil de
fer à qui l’on donne différentes formes au moyen
d’une pince. Cette pince , au lieu de mâchoires
plates, eft terminée par deux poinçons arrondis.
Cet infiniment, une petite cifaille, ou des tenailles
tranchantes, font lés outils qui fervent à faire ces
petits ouvrages; on pourroit néanmoins fe pourvoir
encore d’un petit marteau & d’une petite bigorne.
Pour faire une agraffe ordinaire, on commence
par plier en deux le' fil de fer : on pofe le bout fur
le plat de la bigorne, & on l’applatit un peu avec
quelques coups de marteau ; enfuite avec la pince
on recourbe les bouts pour faire les anneaux. Enfin
avec la même pince. on recourbe l’extrémité pour
faire le crochet.
Pour faire la porte, il faut d’abord avec la pince
former les anneaux, puis recourber le fil pour faire
la grande anfe.
A l’égard de la porte de chapelier, il faut commencer
par xfifpofer le fil, puis rouler la branche
pour former la partie de la porte.
Il y a des crochets qui ont deux pointes, parce
que le crochet eft formé de deux fils de fer.
Les hameçons font faits d’un bout de fil de fer
appointi, auquel on fait un anneau, & qu’on recourbe.
On donne feulement un coup de cifeaux
auprès de la pointe, pour lever une petite lèvre
qui retienne l’hameçon dans la plaie qui a été faite
par la pointe.
Les épingliers font encore des charnières pour
les layetiers, en roulant un fil de laiton fur un autre
fil droit, qui forme en même temps la broche de
la charnière & un des côtés qui s’attache au deflus
de la boîte.
Tous ces petits uftenfiles peuvent refter dans la
couleur du fer ou du laiton, ou être les uns blanchis
avec l’étain, & les autres noircis, ainfi que nous
l’avons expliqué plus haut.