
lent à ce qu’on pratique quand on chauffe à la forge
du fer qu’on cherche à ménager, dont on veut
conferver la furface. Quoiqu’on veuille que le feu
agiffe puiffamment deffus , on le poudre pourtant en
bien des rencontres de fable , de terre fine , & cela
pour défendre fa furface contre l’a&ion immédiate
du feu.
Quoi qu’il en foit de ce raifonnement, il me détermina
à mêler de la poudre de charbon très - fine
avec de la craie ou de la poudre d’os calcinés ; mes
expériences fur la converfion du 'fer en acier m’a-
voient allez appris que , quelque durée de feu que
la poudre de charbon foutienne, elle ne fe confume
point, pourvu qu’elle n’ait point d’air ; qu’ainfi elle
feroit toujours en état d’opérer fur le fer fondu l’effet
que je m’en promettois. Je la mêlai donc en différentes
proportions avec des poudres d’os ou de craie,
afin de découvrir le mélange le plus convenable. Le
fuccès de ces expériences rut aufli heureux que je
pouvois le fouhaiter : avec cet expédient, je parvins
à adoucir le fer fondu , & à le tenir au feu aufli
long-temps qu’il étoit néegffaire, fans qu’il s’en détachât
d’ècailles-.
Les matières alkalines & abforbantes & le feu
pénétrant diverfement ces pièces de fer travaillées,
cette inégalité de pénétration & d’aâion devoit né-
ceffairement déranger la contexture des parties du
fer & défigurer le travail.
Quelque fur, quelque efficace que j’euffe trouvé
l’effet du dernier mélange , quoiqu’il m’eût paru
adoucir parfaitement la fonte & en même temps
l’empêcher de s’écailler, j’ai pourtant voulu effayer,
s’il n’y auroit point d’autres compofitions, dont
l’effet fut plus prompt ou plus confidérable ; je ne
me fuis fait grâce fur aucune des expériences que j’ai
cru devoir être tentées : je ne rapporterai pourtant
ici que les principales, que. celles dont il femble
qu’on devroit le plus fe promettre.
J’ai effayè l’effet de différens fels, & fur-tout des
fels alkalis , comme delafoude , de la potaffe, &c.
J’ai aufli effayé le fel marin. J’ai entouré de ces différens
fels des morceaux de fonte : les fels remplif-
foient tout le vide du creufet ; feuls, ils n’ont point
produit un grand adouciffement, & ont mis le fer
fondu en état de s’écailler : d’ailleurs, les frais du
travail augmenteraient confidérablêment, s’il falloit
uniquement employer un fe l , quel qu’il fût»
Mais j’ai cru devoir tenter s’il n’y en avoit point
quelqu’un qui rendît notre compofition plus aâive.
Au mélange des deux parties d’os ou de craie, &
d’une partie de charbon, j’ai ajouté des fels fuivans,
de chacun une partie dans chaque effai : c’eft-à-dire,
que j’ai pris, par exemple, deux parties d’os , une
partie de charbon , & une partie de fel marin; dans
un autre effai j’ai mis du fel de verre ; dans un autre
, du vitriol ; dans un autre, de l’alun ; dans un
autre , de la potaffe ; dans un autre, de la fbu de ;
dans un autre, de la cendre gravelée; d'ans un autre
, du falpêtre concentré par le tartre : j’ai employé
aufli le tartre. Aucun des fels précédens ne
m’a parti faire de mauvais effets : mais s’ils ont contribué
à accélérer l ’adouciffement de la fonte, ç’aété
peu fenfiblement ; les fontes cependant qui étoient
entourées de compofitions où des fels alkalis étoient
entrés , ont été un peu plus adoucies , & plus
promptement que les autres ; & celles où étoient
les cendres gravelées, m’ont paru l’emporter fur les
autres : on pourroit, je crois , les ajouter avec fuc-
cès à la compofition , quand on voudra abréger la
durée du feu ; mais on peut s’en paffer à merveille.
J’ai aufli éprouvé ce que produiraient l’antimoine,
le verd-de-gris ÔC le fublimé corrofif; j’ai
même employé d’autant plus volontiers cette dernière
matière, que j’avois ouï dire qu’on s’en étoit
fervi avec fuccès pour l’adouciffement des fers fondus
; mais elle a plutôt retardé qu’avancé l’effet des
matières avec lefquelles elle étoit mêlée. Pour l’antimoine
, il a gâté le grain de la fonte, & l’a empêché
de s’adoucir : il a fait plus ; l’effet d’une fournée
entière , où étoient quantité d’ouvrages de fer fondu,
fut arrêté par un peu d’antimoine que j’avois fait entrer
dans la compofition qui entourait le fer que j’avois
mis dans un petit creufet. Ce petit creufet étoit,
j comme tous les grands ouvragés de fe r , placé dans
la caiffe ou le grand creufet. Quoique j’euffe eu foin
de luter ce petit creufet, prefque tous les ouvrages
qui l’environnoient relièrent durs ; quelques - uns
même s’écaillèrènt affez confidérablemént. Le verd-
de-gris n’a point fait de mal, & peut-être a-t-il fait
quelque bien.
Au charbon de bois j’ai fubftitué en même poids
le charbon defavate réduit en poudre ; on s’en fert
avec fuccès pour les recuits de fer , & fur- tout
pour les trempes en paquet : mais je n ai pas re-
. connu que cette poudre eût ici aucun avantage fur
celle du charbon ordinaire.
Il n’y avoit pas lieu de fe promettre que des matières
huileufes fuffent propres à avancer l’opération
; cependant, comme il faut être extrêmement
en garde contre les raifonnemens, même les plus
vraifemblables , & qu’il eft toujours bon de les confirmer
par de nouvelles preuves , j’ai abreuvé des
matières terreufes de fuif fondu, qui alors ont moins
produit d’effet que lorfqu’elles ont été feules.
Pour m’affurer fi nos poudres, foit d’os calcinés,
foit de craie , méritoient d’être préférées à d’autres
matières infipides ou alkalines, j’ai mis en pareil
poids que dans mes autres effais, de la chaux vive ,
de la chaux éteinte, des terres à potier réduites en
poudre fine, du verre pilé. La chaux a adouci la
fonte ; mais elle ne lui a pas donné tant de corps que
nos deux autres matières. La terre à potier, la glaife
l’adoucit affez bien; mais elle a fait plus écailler.
Le gyp fe, ou plâtre tranfparent, eft de toutes les
matières celle qui eft le plus à craindre pour produire
des écailles.
De forte qu’après avoir examiné les différentes
matières que j’ai pu foupçonner propres à être
employées pour notre opération, je n’ai rien trouve
de mieux que les os calcinés & la craie»
; Notre art fembloit fait pour fournir des preuves
de la différence qu’il y a entre le travail en petit &
le travail en grand. Nous en ayons déjà rapporté
un exemple, lorfque nous avons parlé de l’accident
auquel nous avons imaginé de remédier par la poudre
de charbon : un autre événement nous en a
donné une nouvelle preuve plus fingulière. Il n’eft
que trop ordinaire à ceux qui femblent révéler des
fecrets au public , de fe réferver ce qu’il y a de plus
important : on donne en avare: on veut paraître
donner , pourfaire voir qu’on a; mais on garde les
coups de maîtres , certains tours de main, certaines
obfervations effentielles. L’obfervation dont nous
voulons parler cachée , ce qui peut affurer le fuccès
de notre art le feroit. Dans nos effais en -petit ,• la
craie réduite en poudre & la chaux d’os ont été de
pair :- nous n’avons pu découvrir aucune différence
dans leurs effets. Dans les premiers effais que je fis
en grand, je me feryis de chaux d’os ; ils réuffirent
à fouhait : ayant dans la fuite à faire un autre effai
en grand , & ne me trouvant pas ma provifion de
chaux d’os , j’employai la7 craie fans héfiter. Cette
épreuve me fit reconnoître que les os ont fur la
craie des avantages fi confidérables , qu’il eft fur-
prenant qu’ils m’euffent échappé dans les épreuves
en petit: dans une durée du même degré de feu ,
près d’une fois plus longue , la craie produit à peine
autant d’effet que les os. Quelque confidérable que
foit cet avantage,: les os en ont encore un plus important;
ils ne manquent jamais d’adoucir le fer
fondu : & il y a une circonftance difficile à éviter, où
la craie , au moins la craie pareille à celle que j’employai
dans l’expérience que je viens de citer , n’opère
aucun adouciffement; ou même , ce qui eft
plus furprenant, elle rend au fer la dureté quelle lui
avoit ôtée : c’eft quand le feu agit trop fortement.
S’il eft pouffé jufqu’àun degré que nous déterminerons
dans la fuite, quoiqu’on ne retire les ouvrages
de fer fondu du fourneau qu’après qu’ils y ont refté
par-delà même le temps néceffaire, on les trouve
aufli durs que quand on les y a mis. J’ai vu plus;
des pièces que j’y avois mifes déjà adoucies, je les ai
vues en fortir dures. Or-, il n’eft guere poffible que
dans un fourneau tout chauffe également ; fouvertt
même une pièce un peu grande ne prend pas par*
tout un égal degré de chaleur. Si quelques-unes des
pièces, ou quelques endroits des pièces , ont été
chauffées par-delà le degré convenable, elles reftent
dures en entier ou par parties ; ce qui étoit ramolli
redevient même dur. C ’eft apparemment quelque
matière pareille à la craie, qui rendoit fi incertain le
fuccès des adoubiffemens qu’on a tentés autrefois ;
ç’a été apparemment un des inconvéniens qui, joints
à celui des écailles qui furvenoient en diverfes cir-
conftances , a renverfé cet établiffement, & qui a
engagé à une infinité de faux frais. Pour les os calcinés
, ils adouciffent fûrement & immanquablement
, & ils adouciffent d’autant plus vite, qu’on a
fait prendre un degré de chaleur plus confidérable
aux fers fondus qu’ils environnent.
Il peut donc y avoir de la craie qui ne réuflïfle
bien que quand on l’emploie pour adoucir des pièces
minces, ou que quand on donne un feu très-
doux auxgroffes pièces, qu’on, ne leur fait guere
prendre qu’une couleur de cerife : d’où il fuit qu’outre
que cette matière ne procureroit au fer d’adou-
ciffement que dans un temps plus long que celui que
les os demandent, il eft toujours dangereux de s’en
fervir, puifqu’après avoir produit un bon effet, elle
pourroit elle-même totalement le détruire. Mais
pourquoi cette craie qui a adouci en petit à feu modéré
, n’adoucit - elle pas & rendurcit - elle même
lorfque la chaleur eft plus violente ? & pourquoi
la même chofe n’arrive-t-elle pas à la chaux d’os ?
Ce phénomène eft affez fingulier pour mériter que
nous en cherchions le dénouement. Nos principes
doivent encore nous le donner. Ils ont appris que
-le fer fondu s’adoucit à mefure qu’il eft dépouillé
de fes parties fulfureufes & falines. Pour qu’il s’a-
douciffe de plus en plus, il faut qu’il en forte de
nouveaux foufres & de nouveaux fels, & que les
foufres & les fels que le feu en a chaffés n’y rentrent
plus ; que d’autres matières fe «chargent de ces foufres
& de ces fels ; qu’elles ne les laiffent plus échapper
: c’eft ce que la poudre d’os calcinés fait toujours.
La plupart des fels propres aux os , font vo latils
: ils leur ont été enlevés pendant la calcination
; leurs foufres ont été brûlés : cette chaux fe
faifitde tout ce qui s’échappe du fer , & a des places
pour le loger. Toute craie eft bien une matière ab-
forbante; mais elle n’eft pas fi dénuée de foufres
& de fels; fésfoufres & fes fels font fixes; étant
fixes ils y reftent tant qu’elle n’eft échauffée que
jufqü’à un certain point ; elle s’empare même alors
de ceux qui font ôtés au fer. Pendant tout ce temps ;
pendant la durée de ce degré de fèu, elle contribue
à l’adouciffementdela fonte : mais s’échauffe-t-elle
davantage ? alors la chaleur a affez de force pour
emporter fes fels & fes foufres , malgré leur fixité ;
alors la craie ne prend plus ceux du fer , elle peut
même lui en fournir davantage, à chaque inftant ,
que le feu ne lui en ô te , fur - tout fi elle eft de
l’efpèce la plus chargée de foufres & de fels : alors
elle n’adoucit donc plus le fer ; elle peut même contribuer
à l’endurcir ; & c’eft ce qui arrive réellement
toutes les fois où de la fonte adoucie ou commencée
à adoucir par le moyen de la craie, fe trouve enfuite
rendurcie par le moyen de cette même craie. Les
acides, les fels de la craie font probablement vitrio-
liques , & par-là très-difficiles à en enlever ; ils ne
partent qu’à une très-grande chaleur.
Après tout, dès qu’il s’agiffoit de fe fervir des matières
les plus dénuées de fels , dès qu’on fe con-
duifoit par ce principe, la chaux d’os étoit de routes
les matières que nous connoiflbns celle qui pro-
mettoit le plus. Les fels des o s , comme ceux de
toutes les matières animales, font volatils ; ils peuvent
leur être enlevés par calcination ; après la
calcination, on ne leur trouve point ou prefque
point de fels fixes, comme on en trouve aux diffé