
ticalcmem. Par la loi du levier, le poids agit avec
plus de fuccès contre ces tourillons que contre les
oreilles, par rapport auxquelles l'effet du levier eft
abfelument nul.
Contre le mur du fourneau doit être fcellée une
potence mobile autour de deux pivots ; fou ufage
déterminera la hauteur où elle doit être, la force &
les dimenfions de fes parties : elle porte un levier ,
dont un bras eft confidérablement plus long que
l'autre. Au bras plus court, tient une chaîne terminée
par un crochet qu’on arrête à l’anfe du creufet.
Alors la force d’un feul homme, appliquée furie long
le v ie r , enlève le creufet, le fait tourner & le-pofe
fur la table du fourneau. On peut accourcir le plus
long des bras de ce levier, fi l’on veut compenfer,
par les poids dont on le chargera, l’avantage qu’on
lai fera perdre en le raccourciffant.
Quelque fimple que foit cette manoeuvre, elle a
été jufqu’ici affez négligée ; les ouvriers accoutumés
au fe u , s’en approchent avec une hardieffe
furprenante. Après avoir écarté les charbons qui
entouroient le creufet, & avoir un peu amorti leur
ardeur avec un feau d’eau, ils montent deux fur le
fourneau , paffent une barre ou ringard de fer dans
l ’anfe du creufet, & prenant chacun par un bout ce
ringard, ils l’enlèvent & le pofent fur le fourneau.
C ’eft néanmoins une opération qui ne fauroit fe faire
fans que leurs jambes foiest expofées à s’échauffer
violemment. Le vrai eft, que j’ai cherché à les défendre
contre le feu , en les faifant recouvrir de guêtres
, qui font précifément de petits matelas. Elles
ont deux épaiffeurs de toile, entre lefquelles de la
laine eft renfermée, & n’eft piquée que loin à loin.
Je me fuis fu grand gré d’avoir penfe à ces guêtres.
Un jour, où devant m o i, deux ouvriers chargés
d'un creufet qui tenoit plus de deux cents livres de
fer fondu, voulurent l’élever trop pour le verfer
dans un moule , ils ne fe trouvèrent plus affez en
force pour le retenir ; ils le laifferent tourner : il
verfa toute fa matière entr’eux deux. Je leur croyois
les jambes brûlées ; mais les guêtres les avoient fi
bien défendues, qu’à peine furent- elles attaquées
de quelques petites dragées de métal : le travail de
ces ouvriers ne fut pas même interrompu par un
événement qui m’avoit fi fort effrayé pour eux.
Le creufet étant tiré du fourneau, il refte à le
conduire fur les moules : fi l’on en avoit peu, & que
les circonftances permiffent de les arranger près du
fourneau, ©n l’y pourroit conduire au moyen d’un
levier mobile fur un pivot. Mais dans le plus grand
nombre des cas , on ne pourroit verfer le métal
dans les moules par le moyen d’une machine fixe:
j’ai tenté d’en employer une mobile fur des roues.
Mais pendant qu’on la conftruifoit, je donnai aux
ouvriers des moyens affez fimples de porter eux-
mêmes à bras le creufet. Cette manière d’opérer
leur a paru fi commode & fi prompte , ils s’y font
accoutumés fi v ite , qu’ils n’ont pas même voulu
effayer la machine, & que je n’ai pas cru devoir
m’obftiner à leur donner un fecours dont Ujs voyJ
loient fe paffer.
Lorfque le creufet a été enlevé du fourneau, on
le pofe dans une armure de fer. Cette armure ne
peut être, comme celle de la poche , fous le creufet
, pendant qu’il eft dans le fourneau ; elle en
fortiroit trop molle pour foutenir le creufet. C’eft
une efpèce de boîte à jour : elle confifte dans un
collier de fe r , dont le diamètre fur gaffe celui du
creufet de plus d’un pouce. Deux bandes de fer
qui fe croifent à angles droits , forment le fond
de cette efpèce de boîte ou de cette armure. Elles
font chacune coudées verticalement, pour venir
joindre le. collier, fur l’extérieur duquel elles font
rivées en quatre endroits différens. La diftance
entre leur coude & le bord fupérieur du collier
eft telle, que le creufet trouve , pour fe loger, une
profondeur à peu près égale à la moitié de fa
hauteur.
Une de ces bandes eft encore recourbée à angles
droits, immédiatement au deffus de l’endroit où
elle eft rivée contre le collier. Ses deux bouts fail-
lent horizontalement de quatre à cinq pouces. Ils
forment deux forts tenons de quatre faces égales
entre elles, mais chacune un peu plus large à fou
origine qu’à fon extrémité. Deux autres bandes de
fer, ou plutôt deux montans, s’élèvent perpendiculairement
au deffus des endroits du collier, d’où
partent les tenons précédens. La bafe de ces montans
eft plus large que leur tige , & eft échancrée
au milieu ; ce qui donne le moyen de la river contre
le collier en deux endroits différens, fans que le
coude, d’où part un tenon, y faffe obftacle. La
hauteur de chacun de ces montans furpaffe au moins
d’un pouce & demi le plus haut des creufets, qui
fera mis dans l’armure ; elle eft d’environ feize à
dix-fept pouces. La même peut fervir à des Creufets
de différens diamètres & de différentes hauteurs.
L’ufage de ces deux montans eft de donner
le moyen d’arrêter fixement dans l’armure le creufet
qui y eft entré à l’a ife , & qui y eft comme
flottant. Ils font l’un & l’autre percés d’outre en
outre par des entailles correfpondantes : il y a deux
rangs d’entailles dans chacun. Dès que le creufet
eft en place, on fait entrer une clavette, dont un
des bouts fe termine en pointe dans une des entailles
d’un montant , & on la pouffe dans une
entaille de l’autre. On choifit deux entailles telles
que la clavette ne puiffe s’y loger entièrement fans
rencontrer & preffer le bord fupérieur du creufet
en deux endroits ; elles font toujours aifées à rencontrer
: car depuis le commencement de la première
, jufqu’à la dernière , chacune des bandes
eft entaillée tout du long, parce que, comme nous
venons de le dire, les entailles font diftribuées en
deux rangs : ainfi il eft aifé de les difpofer de
façon que le milieu de l’une fe trouve preique vis-
à-vis les bouts de deux autres.
Au refte, la manoeuvre ici eft auffi. prompte que
folide ; on lajffe defcendre dans l’armure le creur
fet qu’on a retiré du fourneau : Il y entre fans
peine, parce qu’elle le furpaffe en diamètre. Dès
qu’il y eft, on fait paffer la clavette au travers des
jnontans : un coup ou deux de marteau la forcent
à tenir le creufet fuffifamment gêné.
J1 n’y a plus qu’à porter le creufet ainfi affujetti ;
les tenons, dont nous avons parlé, en donnent le
moyen. Ils doivent s’emboîter dans deux inftru-
mens fimples : ce font deux ringards , ou deux
barres de fer longues d’environ trois pieds & demi
ou quatre pieds, qui à l’un de leurs bouts ont une
douille dont la cavité eft proportionnée à la figure
& groffeur des tenons. Deux hommes fe faififfent
chacun d’un de ces leviers , & chacun fait entrer
un des tenons dans la douille du fien. Alors ils
n’ont plus qu’à porter le creufet où ils veulent :
fi la quantité de métal que contient le creufet eft
une charge trop lourde pour deux hommes, on y
en emploiera quatre, deux fur chaque levier, ou
davantage s’il en eft beforn.
Nous avons averti ailleurs, que la fonte qui eft
verfée dans les moules doit être nette , qu’elle ne
doit entraîner avec elle ni cendres , ni matière
vitrifiée, ni charbons : & nous avons dit comment
les ouvriers qui fe fervent du fourneau à manche,
l’écument. Leur pratique ne m’a pas paru convenir,
lorfque j’ai fait fondre dans les-grands creufets
dont nous venons de parler. En découvrant ici
la fonte , on expofe à l’air une trop grande furface.
Le métal perdroit trop de fa fluidité ; il y en auroit
toujours une quantité confidérable qui ne pourroit
être verfée dans les moules, quand il y en a un
grand nombre à remplir. La manoeuvre, quoique
prompte, ne le feroit pas affez pour de la fonte
expofée à l’air. Un petit expédient, qui f^ trouve
ici d’une grande, conféquence, donne la facilité
de verfer la fonte très-pure, fans avoir befoin de
la nettoyer, & la laiffant même recouverte d’une
partie des charbons que le creufet a emportés.
Toute la craffe eft à la furface, il ne s’agit donc
que de ne point verfer la fonte de la furface ; &
en voici le moyen. Le creufet a un bec pareil à
celui d’un pot à l’eau ; le jet en eft plus aifément
dirigé. A un pouce de ce b e c , je fais mettre une
petite cloifon qui furpaffe le bord du creufet de
quelque chofe, & qui defcend jufqu’à environ deux
pouces du fond. Une tuile un peu ceintrée forme
cette cloifon; on l’ajufte quand on lu te le creufet
par dedans ; les bords de la cloifon font engagés
dans le lut. Le creufet ne fauroit être rempli, que
le petit efpace qui eft entre la cloifon & la partie
du creufet où eft le bec, ne fe rempliffe, puifqu’il y
a une communication par en bas.
Cette difpofition conçue, on concevra comment
©n peut toujours verfer de la fonte pure. Quand
le creufet a été arrêté dans l’armure , on emporte
feulement le gros des charbons : un feul coup de
balai fuffit. Mais auflitôt on nettoie bien avec un
crochet de fer la fonte qui fe trouve dans l’efpace
compris entre le bec & la cloifon. Les. gros charbons
& la matière vitrifiée étant enlevés, on fouffle
fur cet endroit avec un foufflet à main * pour em-
portér toute la poudre du charbon qui pourroit y
être reftée. Cet endroit, qui eft ainfi parfaitement
découvert, n’eft pas la centième partie de la fur-
face de la fonte. C ’en eft cependant affez; car,
quand le creufet va verfer, la fonte qui coulera ,
coulera par le bec & viendra d’entre ce bec & la
cloifon. O r , ce fera toujours celle du fond du
creufet qui fournira à l’écoulement : il n’en fortira
donc que de p u r , parce que les charbons & les
autres craffes fiirnagent toujours dans le creufet.
On pourroit donner une manche à notre fourneau
d’aflmerie, & alors on augmenteroit encore
fon effet, & l’on diminueroit en même temps la
confommation du charbon. Le creufet étant mis
en place, il n’y auroit qu’à rapporter deffus cette
tour qu’on appelle manche. Elle pourroit n’être
qu’un chapiteau de terre de figure conique , pareil
à ceux de bien des fourneaux, & entr’autres de
ceux où l’on fond dans les monnoies : mais fait
de tôle ou de plaques de fer forgé, enduites de
terre par deffus , il n’en feroit que plus durable.
Il y a deux manières dont on peut expofer alors
la fonte à l’ardeur du feu. La première eft, de la
concaffer par petits morceaux que l’on mettra à
différentes charges, par l’ouverture fupérieure de
la tour, comme nous l’avons déjà vu pratiquer :
avec cette feule différence, que l’on pourra com-
pofer chaque charge de morceaux plus grands &
plus épais.
La fécondé manière eft de fondre les morceaux
de fontes entières , ou même de fondre des gue-
zards ou des gueufes. Alors on les placera près de
la tuyère, comme on le pratique dans les affineriés
ordinaires , & comme nous l’avons fait pratiquer
dans les nôtres. Pour cela, la tour aura en bas une
échancrure proportionnée aux dimenfions des morceaux
que l’on voudra fondre. On jettera tous les
charbons par l’ouverture fupérieure. L’ardeur du
feu étant ainfi renfermée, & le vent étant obligé
de faire plus d’effort pour s’échapper, on doit fondre
confidérablement plus de métal dans le même
temps. Mais je n’ai pu parvenir encore à faire faire
ufage de cette manche, ni de l’une ni de l’autre
façon. La fufion fe fait bien & v ite , quoique les
charbons foient à découvert : la confommation en
eft plus grande ; mais ce n’eft pas une raifon fuflï-
fante pour déterminer des ouvriers qui ne travaillent
pas pour leur compte, à prendre une pratique
nouvelle.
Quand on n’a à remplir qu’un grand moule ,'
comme celui d’un vafe , d’un balcon , on peut
s’épargner la peine de retirer le creufet du fourneau.
Alors le creufet aura près de fon fond une
ouverture de fept à huit lignes de diamètre : le
plus ou le moins fera réglé par la groffeur qu’on
veut au jet de fonte. Pour avoir une ouverture de
cette grandeur, on en percera pourtant une plus
confidérable dans le creufet, dans laquelle on fera