
contraire ceitse fonte a été rendue liquide au milieu
d’une compofition où l’alun en poudre avoit été
bien mêlé , la fonte n’en devient pas moins limable.
Ici l’alun mêlé par plus petites parties , & qui partout
eft environné de poudre de charbon, ne peut
pas produire de mauvais effet. Ainfi il m’a femblé
que fi de la fonte ayant été mife en fufion au milieu
de la poudre de charbon 8c de lapoudre com-
pofée de charbon & d ’os , on jettoit demis «ne autre
poudre où l’alun fût bien mélangé avec le charbon,
alors on pourroit donner de la blancheur à la fonte,
fans courir trop de rifque de .l’endurcir. L’expérience
m’a fait voir que mon idée étoit vraie, &
nous en pouvons tirer la règle la plus commode
pourfe conduire dans la fitfion des fontes. On fe contentera
de mettre dans le creufet une poudre com-
pofée d’os & de charbon , & en affez grande quantité
pour couvrir toute la fonte : dès que la fonte
y aura- été entièrement fondue, on en retirera un
peu du creufet avec une cuiller de fer; onia laif-
fera refroidir doucement : alors on examinera fa couleur
; fi elle paroît trop brune, on jettera dans le creufet
de la compofition faite avec l’alun & le charbon :
quelques minutes après on retirera un fécond effai
de fonte, qui fera connoître le changement de
couleur qui s’eft fait ; s’il ne paroît pas fuffifant,
on jettera de nouvelle compofition à alun ; & ainfi
de fuite, jufqu’à ce qu’on foit parvenu à un eifai
de la couleur duquel on foit fatisfait.
Ï30. Précaution ejfentielle avec laquelle la fente douce
demande à être jetée en moult : que la fonte blanche
■ tjl de la fonte trempée ; mais que certaines fontes
ont plus de difpoftion à prendre la trempe que les
autres : avantages des châjjîs de fer.
Tout femble fait, du moins tout me le paroiffoit,
lorfqu’on eft parvenu à avoir de la fonte qui | étant
tirée du creulet où elle a été fondue , eft aufli douce
& aufli belle qu’on peut la defirer. Nos mémoires
précédens nous en ont appris les moyens ; que
peut-ii refter à faire que de jeter cette fonte en
moule , comme on jette çelle des autres métaux ?
Je le penfai ainfi, & je ne m’avifatde fonger à en
remplir des moules , que quand j’eus entièrement
découvert les procédés qui la donnent douce &
belle ; alors, ne foupçonnant pas même qu’on dût
être inquiet fur le fuccès, je fis verfer de cette fonte
dans des moules préparés : à peine eus-je fait ef-
fayer de limer les ouvrages minces qui en furent tirés,
que je trouvai le plus rude comme le plus inattendu
mécompte : tout étoit dur ; la lime n avoit aucune
prife fur les ouvrages ; enfin les ayant caftes , les
caffures me montrèrent dans la plupart des endroits
de la fonte la plus blanche , de la moins grainée &
de la plus dure : au moins la couche extérieure
étoit telle par-tout. Dans un inftant, en entrant dans
le moule , ma fonte grife 8c douce avoit donc été
transformée en fonte blanche & dure. Je ne pou-
vois douter que cette fonte, avant d’être entrée
dans le moule, ne fût de nature a stre douce : j’ejü
avois fait tirer du creufet dans l’inftant qui avoîÉ
précédé celui où elle avoit été coulée ; j’en avois
même fait verfer un peu dans un autre creufet
voifin du fourneau : l’une & l’autre avoient été
•trouvées douces.
Dans nos matières de phyfique , les événement
imprévus , quelque oppofés qu’ils foient à ce qu’on
s’étoit promis , ne doivent point alarmer quand on
a le courage d’y chercher des remèdes : on doit
même les voir avec plaifir ; ils nous mettent ordL
nairement fur une nouvelle voie d’acquérir des
connoiflances. Un peu de foufre, un peu de vitriol
un peu d’alun, peuvent fur le champ métamorphofer
la fonte douce en fonte dure. Ces faits connus, il
étoit naturel de penfer que le fable où la fonte avoit
été moulée , tenoit quelque chofe d’analogue à ce9
matières. Je fis donc jeter de la fonte douce dans
diverfes autres efpèces de fables & de terres , dent
les unes font a&uellement employées à mouler dans
quelques pays , & dont les autres ne fervent pas à
cet ufage ; la fonte fortit dure & blanche, au moins
en partie , de tant de différens moules. Toutes les
efpèces de terre & de fable auroient-elles eu de ces
foufres & de ces fels nuifibles ? Il n’étoit pas naturel
de le penfer. Je fis enfuite couler de la même fonte
entre des lames de fe r , & entre des pièces de bois
qui formoient des efpèces de moules ; la reuffite
fut la même qu’elle avoit été dans les moules de
fable ou de terre. Au lieu de former mes moules,
de faire remplir les châflis avec de la terre & du
fable, je les ns remplir de poudre d’o s , de charbon
pur, de charbon mêlé avec la poudre d’o s , de craie,
de chaux , de fable à fondeur mêlé avec la poudre
d’os & la poudre de charbon: dans quelques-unes de
ces expériences, une plus grande partie_de la fonte
fe trouva douce. Mais elle ne fe trouva pas douce
en entier : les endroits minces furent toujours extrêmement
durs ; & c’en étoit affez pour rendre
inutiles nos recherches précédentes. A quoi avoir
recours pour empêcher la fonte de prendre une
qualité fi différente de celle qu’elle avoit en fortant
du creufet ?
Une autre caufe à laquelle j’attribuai cet effet fi
fubit, fut que les moulés étoient trop froids ou trop
humides. Les fondeurs font fécher & chauffer ceux
dans lefquels ils veulent couler du métal. Je fis
fécher & chauffer ceux dont je voulois me fervir,
autant & même beaucoup plus que les fondeurs no
le font ordinairement. Souvent ils étoient fi chauds,
qu’on ne pouvoit tenir la main deffus pendant un
inftant : ma fonte grife y devenoit cependant dure
& blanche. D e cette même fonte qui prenoit de la
dureté dès qu’elle étoit entrée dans le moule, que j’en
filTe jeter dans un creufet médiocrement chaud &
même froid ; que j’en fiffe jeter fur une couehe de
fable pareil à celui dont les moules avoient été faits :
la fonte jetée fur ce fable fec , ou jetée fur ce fable
même humide & froid, de la fpnte même tombée
à terre, fe trouvoit douce & grife, & cela conf-
tamment ; & cette fonte coulée entre deux plaque*
fie terré tùîte appliquées l’une contre l’autre, y devenoit
dure & blanche, quoique ces plaques fuffent
de la même terre que lé creufet, ou étant verfée
elle fe trouvoit douce.
Il fembloit que la fonte la plus douce ne pouvoit
permettre qu’on la renfermât dans un moule ; que
dès qu’elle étoit conduite par une petite ouverture
dans une cavité clofe, elle s’y rendurciffoit. Quand
Tentrée du moule étoit large , que le jet fe trouvoit
gros, toute la partie de ce jet qui étoit la plus
proche de l’embouchure, étoit très-douce 8c très-
grife : devoit-on attribuer cet effet à l’air qu’elle ren-
eontroit dans fbn chemin ? On auroit pu imaginer
encore qu’il s’échappe continuellement des vapeurs,
foit fulfiireufes, foit falines, de la fonte qui eft
fluide ; qu’elle refte douce lorfque ces vapeurs ont
eu la facilité de fe difliper ; mais que fi elles ne
peuvent en fortir, ou que quelques circonftances
les contraignent d’y rentrer, elles laiflfent à la fonte
fa dureté, ou elles la rendurçiffent. De pareilles
vapeurs pourraient n’avoir pas une libre circulation
dans un moule , comme elles l’ont lorfque la fonte
eft coulée fur une fimple couche de fable , ou dans
lin creufet, ou même à terre. Je multipliai les évents
des moules , afin de donner à l’air & aux‘vapeurs
plus de liberté pour fortir, & cet expédient ne pro-
duifit nul effet.
Tout pourtant bien expérimenté & bien confi-
déré , je vis qu’il falloit abandonner ces dernières
idées , & je penfai que je devois revenir à une des
premières ; que ce phénomène ne pouvoit être attribué
qu’au peu de chaleur des moules ; que , quoique
je leur en fiffe prendre bien davantage que 11’en
ont ceux où les fondeurs coulent le cuivre & l’argent,
ce n’étoit pas une preuve que je leur en
donnaffe affez : ces derniers métaux ne font pas
fufceptibles de la trempe, comme le fer l’eft en certains
états. Je crus donc que la fonte fe trempoit
dans les moules ; & cette idée étoit la vraie, quoiqu’elle
parût fortement combattue par les expériences
où la fonte s’étoit trouvée douce, quoiqu’elle
«ut été jetée dans des creufets froids , fur du fable
froid, ou même qu’elle eût été verfée par térre. Ces
expériences ne me femblèrent que des objections
qui pouvoient être éclaircies.*
Pour avoir preuve que la fonte douce 8c grife
pouvoit devenir parfaitement femblable à la fonte
la plus blanche, par l’effet de la trempe, je verfai
dans de l’eau de la fonte liquide , qui eût été très-
grife& très-douce, fi elle fe fût refroidie , expofée
à Pair libre : tirée de Peau, elle ne parut en rien
différente de ces fontes blanches que nous avons
nommées de plufieurs fufions, blanches par art.
On fait que tremper Pacier, n’eft que le refroidir
fubitement; que l’acier prend d’autant plus de dureté
qu’il étoit plus chaud lorfqu’il a été plongé
dans l’eau ou dans toute autre liqueur ; que plus la
liqueur eft froide, plus elle peut faire d’effet fur
de l’acier trempé au même degré de chaleur ; que
fi on fe contente de chauffer de l’acier couleur de
cerife, 8c qu’on le trempe dans l’eau bouillante, il
fortira limable de cette trempe. Qu’on chauffe le
même acier tout blanc, & qu’on le plonge dan*
l’eau bouillante , il en fortira aufli dur que s>’il eût
été trempé rouge dans l’eau froide. De la fonte en
fufion eft échauffée bien par-delà le point où eft
échauffé l’acier qui eft trempé le plus chaud : donc
cette fonte peut être rendujcie par un degré de
froid , ou fi l’on v eu t, par un degré de chaud qui
n’endurciroit pas l’acier. Si de l’eau bouillante peut
tremper l’acier chauffé blanc, fi elle eft froide par
rapport à cet acier , une liqueur capable de prendre
un plus grand degré de chaleur que l’eau, de l’huile
bouillante, par exemple, pourra être froide pour
la fonte en fufion , & elle l’eft réellement, puifque
la fonte fe fige dans cette huile. Mais fi on n’aime
pas à donner à l’huile bouillante l’épithète de froide,
quoique le froid & le chaud ne foient que des termes
relatifs : difons que l’huille bouillante pourra tremper
de la fonte en fufion, comme de l’eau bouillante
trempe de l’acier chauffé blanc.
L’effet de la trempe peut être opéré par des
corps folides , comme il le peut être par des liqueurs.
Dans le mémoire furies trempes , que nous
avons cité ci-deffus , nous avons fait voir qu’en enfonçant
une pointe d’acier toute rouge dans le plomb J
dans l’étain, dans l’antimoine , on la trempe. Tremper
a’eft que refroidir , arrêter le mouvement des
parties ; plus ce mouvement eft fubitement arrêté ,
& plus l’effet eft confidérable. Le mercure trempe
plus efficacement que l’eau froide ; par cette raifon,
ne foyons donc point étonnés que le fable qui eft
dans un moule puiffe tremper de la fonte , & que
le fable étant plus folide que l’eau , il puifîe même
la tremper plus efficacement. Mais remarquons avec
attention, que quand l’acier ne demanderait, pour
être trempé , que le même degré de froid , ou de
moins de chaleur dans le corps qui le touche que
celui que demande la fonte , il ne pourroit pas
être trempé aufli efficacement par le fable ; & cela
parce que le fable compofant une maffe fpongieufe,
il ne s’applique pas exactement fur toute la furface
d’un corps folide. Suppofons , par exemple , que la
fomme des vides que laiffent les grains de fable
entr’eux eft égale en volume à la fomme des grains de
fable pris eniemble ; il eft vifible que l’acier enfoncé
chaud dans ce fable, n’eft pas refroidi aufli vite qu’il
le feraityfi les intervalles que laiffent entre eux les
grains , étoient remplis par une matière femblable
à celle des grains, ou par une autre aufli denfe :
il s’en faudra de moitié. Ménageons à préfent dans
ce même fable , un creux dont la capacité foit égale,
femblable au volume du morceau d’acier que nous
y avons fait entrer ci-devant ; rempliffons ce creux
de fonte fluide : fi nous y prenons bien garde,
dans notre fuppofition de la fomme des vides que
laiffent les grains, égale à celle des pleins des grains,
l’acier n’a été touché que par une moitié des grains
qui n’ont pu toucher la fonte, & ne l’eft pas, à
beaucoup près, par la moitié de la furface de ees