
trouve alors fur le grand nombre, quelques morceaux
d’une finguliere beauté.
On parvient encore à donner au criftal de roche,
la couleur du rubis balais / du rubis, de la topaze,
de Y opale, &c. Pour cet effet, on prend d’orpiment
bien jaune, & d’arfenic blanc, de chacun deux
onces ; d’antimoine crud & de fel ammoniac, de
chacun une once ; on pùlvérife ces matières; on les
mêle avec foin; on les met dans un creufet affez I
grand ; on pofe par deffus, d’abord les morceaux _
de criftal de roche les plus petits ; enfuite de plus
grands qui n’aient ni taches, ni défauts ; on couvre
ce creufet d’un autre creufet renverfé, au fond
duquel il doit y avoir une ouverture de la grandeur
d’un pois, ce qui fe pratique, afin que la fumée qui
s’élève des matières étant contrainte d’aller droit,
colore les morceaux dé criftal en paffant, mieux
que fi elle alloit obliquement, & fortoit par les
jointures du creufet que l’on a eu foin de bien
luter.
Le lut étant féchè, on met le creufet au milieu
des charbons * de manière que le creufet de deffous
foit entièrement couvert par les charbons, & celui -
de deffus à moitié. On laiffera pour lors le feu s’allumer
petit à petit & de lui-même fans fouffler , à
moins qu’il ne vînt à s’éteindre. Il faut que les charbons
foient grands & de bois de chêne, & l’on
procédera, comme il a été dit ci-deffus en fe garan-
tiflànt de la fumée, qui eft très-dangereufe. Il faut
faire enforte que les charbons une rois allumés fe
confument ; fans cela l’opération ne pourroit réuflir.
On laiffera la fumée & le feu ceffer d’eux-mêmes.
L’on prendra garde qu’il n’entre ni vent, ni air
froid, car cela feroit caffer les morceaux de criftal.
Lorfque tout fera refroidi, la plus grande partie
du criftal fera teinte de couleur de topaze, de
rubis, de chryfolite, d’opale, & formera uii très-
beau coup-d’oeil. On choifira les morceaux qui font
les mieux colorés ; on les polira à la roue, & ils prendront
un éclat que n’ont peut-être pas les vraies
pierres précieufes, fans rien perdre de la dureté
qui, comme on le fait, eft affez grande dans le
Criftal de roche. En montant ces criftaux en o r , &
mettant une feuille deffous, ils feront un très-bel
fffet.
On aura foin de choifir de l’orpiment bien jaune,
car c’eft de-là que dépend toute la beauté de l’opération
, & l’on obfervera exactement les précautions
qüi ont été indiquées.
Si l’opération ne*réuffiffoit pas la première fois ,
il faudroit recommencer, & attendre avec confiance
le fuccès défiré.
J’ai éprouvé, dit Kunckel, les deux opérations
que l’on vient de rapporter, & je conviens qu’elles
donnent de belles couleurs ; mais le criftal de roche y
devient comme froiffé, & il s’y fait de petites fentes
& éclats qui empêchent que l’on puiffe venir à bout
de le bien tailler; cela eft d’autant plus vrai , qu’il
eft difficile qu’un morceau de criftal réunifie les
dçux qualités d’çtrç bien coloré ? & 4’§tre affez dut
pour pouvoir foutenir le poli. Il eft néanmoins certain
que fi on pouvoit le conferver en entier & en
gros morceaux, ce procédé feroit le-meilleur pour
imiter les pierres précieufes.
Quant à ce que l’auteur dit en avoir taille de
belles pierres , je ne trouve pas , ajoute Kunckel,
que la chofe réufliffe de quelque façon qu’on s’y
prenne, comme cela m’eft arrivé. Il eft vrai qu’il y a
quelques morceaux de criftal qui prennent une belle
couleur de rubis ; mais en obfervant la chofe de plus
près, je trouve que cette couleur ne vient que de
la fumée de l’orpiment, qui s’eft gliffée dans les
petites crevaffes ou fentes déliées dont on vient de
: parler, & y a formé une efpèce de feuille. Si l’on
venoit à fendre ces criftaux, ou qu’on en grattât la
furface, le beau rubis difparoîtroit, d’ou ïon voit
que ce n’eft ici qu’un tour d’adreffe ; & il en eft
des autres pierres comme du rubis. Voilà ce que
j’ai cru devoir faire obferver.
Stras, ou faux Diamant«
On imite affez bien les diamans avec une com-,
pofition qu’on appelle Jbas, du nom de fon inventeur.
Elle fe fait avec un verre de plomb, qui
étant mêlé avec une quantité fuffifante de criftal de
roche ou de beau verre blanc, forme un diamant
brillant & affez dur.
Le firas eut une vogue fi prodîgieufe, que penv
dant quelque temps les femmes élégantes de Paris,'
qui le trouvoient à bon marché, ne portoient plus
que de ces pierres ; mais comme elles étoient fi
tendres qu’au bout de quelques mois elles ne bril-
loient plus, lorfqu’elles s’en plaignirent au lapidaire
; inventeur, il répondit, j e travaille tous les jours à
leur dureté. En effet, il eft parvenu à ne plus vendre;
que du diamant fin.
Le cheron, autre diamant fa&ice de la compoli-
tion d’un joaillier nommé Cheron, fe fait à peu
près comme le ftras. Une livre de criftal déroché,
huit onces de nitre , quatre onces de borax, deux
onces d’arfenic blanc, le tout mis en fufion à un
feu fort v if , donne un crifial quifert de bafe non-
feulement au diamant fa&içe , mais aux autres,
pierres en y ajoutant la couleur. *
Rubis ( faux).
Faites fondre à un feu très-violent, fix onces de
criftal dont nous venons de donner la compofition ;
ajoutèz-y un gros d’orpiment, une once de fafran
- de vénus, deux grains d’or fulminant, auquel on a
ôté fa vertu fulminante ; vous aurez un rubis.
■ Rubis fpinel (faux').
Le rubis fpinel eft, comme on fait, une pierre
précieufe d’un rouge clair.
Pour le contrefaire, on prend un poids égal de
fritte de criftal .& de celle de roquette, qu’on mêle
avec foin. Sur deux cens livres de ce mélange , on
met une livre de magnéfie de Piémont, & une once
I 4e fafre préparé & bien uni avec la magnéfie ; on
mêle exaftement cette poudre, avec les frittes fuf-
dites; puis on jette le tout petit à petit dans les
creufets, parce que la magnéfie fait gonfler le verre.
Lé fafre bien mêlé à la magnéfie 1m donnera de
l’éclat; & au bout de quatre jours, lorfque le verre
fera bien purifié & qu’il aura pris couleur, il faudra
mettre la main à l’oeuvre. C’eft la jufte dofe de
magnéfie qu’il faut pour faire des vafes d’une grandeur
médiocre, & pour que la couleur en foit affez
forte,.
Les vafes de moindre grandeur en demandent
davantage; les plus grands en exigent moins ; alors
la moitié de la dofe de poudre qui a été prefcrite
fuffit ; il eft donc à propos de confulter la nature
des ouvrages que l’on a à faire, afin de rendre la
couleur plus ou moins foncée.
Saphir (faux).
Le faphir, pierre précieufe d’un beau b leu, peut
être contrefait de la manière fuivante :
Prenez de la fritte de roquette, & fur cent livres
de cette fritte, mettez une livre de fafre ; fur chaque
liVre de fafre, avant de la mêler à la fritte, ajoutez
une once de magnéfie de Piémont préparée; ex-
pofez le mélange au fourneau ; laiuez-le enfuite
. bien entrer en fufion & fe purifier ; vous aurez par
ce moyen une couleur de faphir d’un beau bleu ;
c’eft ce que lui procure la petite quantité de magnéfie
que l’on y mêle. La couleur fera encore plus belle
fi on fe lert de la feule fritte de criftal. Il faut
‘ avoir atténtion de ne point remuer la compofition ,
i car fl s’y forme des bulles par le mouvement.
Autre.
On imite encore parfaitement le faphir avec
le verre de plomb. Pour cet effet, on prendra
quinze livres de fritte de criftal, & douze livres
de chaux de plomb ; après les avoir tamifées &
mêlées, on y joindra deux onces de fafre, & vingt-
quatre grains de magnéfie de Piémont; on mêlera
ces matières qu’on tiendra au fourneau pendant
douze heures ; après en avoir fait l’extraâion dans
L’eau, & en avoir fêparé le plomb à l’ordinaire,
on remettra le toutrau fourneau pour douze autres
heures ; on aüra par ce moyen une très-belle couleur
de faphir.
Topaze {fmjfe).
La topaze, qui eft une pierre précieufe de couleur
jaune, le contrefait de la manière fuivante :
Le criftal dont noüs avons donné la compofition
ci-devant au diamant fa u x , joint avec du fafre, de
ï’efprit de nitre & l’écaille du cuivre, donne la
topaze.
Autre compofition.
Prenez quinze livres de fritte de criftal, & douze
livres de chaux de plomb ; mêlez ces matières ;
paffez-les au tamis ; expofez-les -à un feu doux; &
au bout de huit heures faites-en l’extin&ion dans
l’eau ; réitérez la même chofe une fécondé fois ;
ayez foin d’ôter le plomb qui fera réduit ; ajoutez en-
fuite moitié du verre d’un jaune ,d’or coloré ; mêlez
bien le tout ; vous aurez une matière très-reffem-
blante à la topaze orientale. Nous avons dit, en
parlant de la topaze, comment la topaze du Bréfil
peut être convertie en rubis balais.
Emeraude (fauffe).
On imite l’émeraude, qui eft d’une belle couleur
verte ; par le procédé fuivant :
Quatre onces du criftal dont on a donné la compofition
à l’article du diamant faux, deux onces de
minium , un fcrupule de fafran de mars ou de
chaux d’argent, & dix grains de verd-de-gris , font
Y émeraude,
Autre compofition.
Prenez vingt livres de fritte faite avec la roquette
; feize livres de chaux de plomb tamifée :
on les mêle avec foin ; puis on les tamife. On met
ce mélange dans un creufet à une chaleur modérée;
en dix heures de temps toute la matière veft bien
fondue ; on en fait l’extinfition dans l’eau, en obfervant
toujours d’ôter le plomb réduit , qui fe
trouvera, foit au fond du creufet, foit dans l’eau.
On remettra enfuite la matière darô le creufet; &
on la laiffera pendant fix ou huit heures en fufion:
au bout de ce temps on en fera de nouveau l’extinction
dans l’eau. Par ce moyen le verre fera dégagé
de toutes les faletés' de la chaux de plomb & du
fel ; au bout de peu d’heures il fera parfaitement
purifié ; alors on y mettra fix onces de cuivre jaune
calciné, & mêlé avec vingt-quatre grains de fafran
de mars fait par le vinaigre. On ne mettra qu’un
fixième de cette poudre à la fois , obfervant de
remuer le verre, & de laiffer entre chaque dofe un
intervalle de deux à trois minutes. Le mélange re-
pofera pendant une heure, au bout de laquelle on
en fera l’épreuve ; & fi la couleur eft telle qu’on la
demande, on n’y touchera point pendant huit
heures.
Après ce fécond repos on fe mettra à travailler
ce verre ; on en formera des ouvrages qui égaleront
en beauté les émeraudes orientales.
En fubftituant aux écailles de cuivre la même
quantité de caput mortuum de vitriol de venus
préparé, on obtient encore un verre d’émeraude
bien fupérieur.
Améthyfie (fauffe).
Voici le procédé que donne Néri pour contrefaire
Y améthyfie» dont la couleur eft d’un mélange
très-agréable de rouge & de violet.
Gn prendra de la fritte de criftal faite avec 1«
tartre ; mais avant qu’elle entre en fufion, on mettra
fur chaque livre de cette fritte une once de la
poudre que l’on va indiquer ci-après. On les mêlera
bien enfemble, & on les expofera petit à petit au
fourneau, car ce mélange s’enfle beaucoup.