
Quand on a retiré du fer fondu du fourneau à
recuit, & qu’on l’a laiffé refroidir , à la feule inf-
peftion de l’extérieur, on peut juger s’il a été
adouci en partie, ou s’il ne l’a pas été du tout.
Le fer qui s’eft refroidi dans le moule où il a été
coulé, aune couleur bleuâtre, d’un bleu ardoife;
s’il a confervè cette couleur, ou fi apres lui avoir
été ôtée par une forte de rouille ou autrement,
elle lui eft revenue dans le fourneau, ce fer n’eft
point du tout adouci. La lime mord rarement fur
celui qui a cette couleur bleuâtre ; mais fi la couleur
eft terne, d’un brun tirant fur le café, ou plus
noirâtre, on peut compter fùrement que fa furface
eft douce.
Le fer fondu, dont la furface a pris une couleur
brune, eft donc devenu du fer limable , au moins
auprès de la furface. Caffons-le pour obferver les
changemens fenfibles qui fe font faits dans fon
intérieur ; mais commençons par caffer un morceau
qui ne foit pas adouci à fond : nous trouverons
un changement de couleur dans toute la caft-.
fure ; fi la fonte étoit blanche, elle fera moins blanche
; fi elle étoit grife, elle fera devenue plus brune
& prefque noire ; la fonte qui étoit noire, devient
d’un noir plus foncé. On fera fùrement cette com-
paraifon de couleur, fi l’on conferve des morceaux
des mêmes baguettes qu’on a mifes dans le fourneau.
Ce changement de couleur s’étendra jufqu’aii
centre d’un morceau avant qu’il s’y foit fait aucun
adouciffement confidérable ; il le précède fouvent
de long-temps ; à peine la plus mince couche de
la furface, plus mince que du papier, eft adoucié,
que tout a changé dé couleur, comme nous venons
de le dire. Mais le changement le plus remarquable
qui fe fait dans le fer'pendant l’adoucifl'ement, eft
celui de fa tiffure'; celle de la fonte blanche, qui
étoit compafle, où l’on nevoyoit point de grains,
où à peine pouvoit-on diftinguer quelques lames,
même avec un microfcope , devient plus-rare.
Tout autour de la.furface on apperçoit un cordon
compofé de grains ; par-tout où cette fonte a
pris des grains, elle eft adoucie : infenfiblement
les grains s’étendent, & gagnent jufqu’au centre.
Quand tout l’intérieur jufqu’au centre eft parvenu
à être grainé , le fer y eft adouci; il eft limable
par-tout ou il a pris des grains : mais dans les endroits
qui commencent à"s’adoucir, les grains n’y
font que parfemés , ils font écartés les uns des autres.
A mefure que l’adouciffement avance , la
quantité de grains fe multiplie en chaque endroit,
ils y deviennent plus preffés les uns contre les autres.
A mefure aufli que l’adouciffement continue ,
la couleur du fer devient plus terne ; la fonte blanche
& la plus blanche, deyient plus grife que l’acier
ordinaire, même que l’acier le plus difficile à travailler.
Mais une ftngularité à remarquer , c’eft
qu’au milieu de ces grains, il y a- des endroits parfemés
de grains plus gros & plus noirs : elle en
pft toute piquée.
Suivons encore le changement un peu plus loin.
Le recuit a rendu notre fer fondu d’une couleur
plus terne; fi on continue ce recuit, il fe forme
autour de fa furface un cordon blanc, brillant,
d’une couleur plus claire que- celle de l’acier; en
un mot, qui approche de cèlle des fers blancs à
lames : aufli ce cordon eft-il un véritable cordon
de fe r ; il feroit malléable comme le fer ordinaire.
Enfin, le recuit eft-il encore pouffé plus loin,
le cordon blanc s’étend, tout l’intérieur reprend
des nuances de plus claires en plus claires , &
enfuite de la blancheur. Mais ce qu’il y a encore
plus à remarquer, c’eft le changement de tiffure
qui continue à fe faire. Nous avons, divifé les fers,
dans l’art de convertir le fer en acier, en différentes ;
claffes par rapport aux variétés qui paroiffent fur
leurs caffures. 11 y a des fers fondus, dont la caf-
fure devient précifément femblable a celle des fers
à lames, que nous avons rangés dans la première
& dans la fécondé claffe. Il ne feroit nullement I
polîible , en comparant la caflùre de ces fers forgés
avec celle de nos fers fondus, de décider lefquels.
ont été fondus ; elles montrent l’une & l’autre des
lames très-grandes , mêlées avec de plus petites,
& d’un très-grand éclat': s’il y a quelqu’avantage
du côté de la blancheur & du brillant, il eft en
faveur de notre fer fondu. D ’autres fers fondus,
après des recuits , ont des caffures femblables 1
celles des fers à grains ; elles font moins blanches
& moins brillantes que celles des autres fers fondus
, mais toujours au- moins aufli blanches que
celles des fers forgés , à qui elles reffemblent :
aufli font-elles redevenues à l’état du fer forgé.
Arrêtons-nous encore à remarquer les changemens
qui fe font faits dans nos fontes blanches,
à mefure qu’elles ont changé de tiffure & de couleur.
Nous n’avons point parlé jufqu’ici allez noblement
de nos ouvrages jetés en moule. Au moins,
fi l’acier eft plus noble que le fe r , ils font, quand
. on le v eu t, des ouvrages d’acier , femblables àj
ceux d’acier ordinaire ; & il eft plus difficile ou
au . moins plus long de les ramener à être de fet
commun. C ’étoit une conféquence néceffaire de
tout ce que nous avons réconnu ailleurs-de la nature
de l’acier, de celle du fe r , & de celle de la
fonte, que nos fontes, en s’adouciffant, dévoient
devenir acier femblable à l’acier ordinaire : elles
le font aufli lorfqu’elles ont pris une couleur terne,
& que leur caflùrè paroît compofée de grains. Si
ces fers rendus' limables font chauffés & trempés
comme l’acier ordinaire , ils prennent de - même
de la dureté par la trempe ; .quand ils font fortis
de l’eau , la lime n’a plus de prife fur eux; & u
on les chauffe enfuite fur les charbons , ils redeviendront
limables , comme le redeviennent les
aciers ordinaires : en un mot, notre fonte eft alors
transformée en véritable acier , pareil à l’acier or-
dipaire.
Mais ce nouvel acier ne doit pas être d’une condition
plus durable que l’autre ; on doit le détruire»
le ramener à être fer , le mettre hors d’état de
prendre la trempe, en continuant à lui enlever fes
foufres, o u , ce qui eft la même chofe , en continuant
de le recuire : c’eft aufli ce qui ne manque
pas d’arriver. Dès que le cordon gris, compofé
de grains, eft devenu blanc & compofé de lames,
alors il eft- fer. Qu’on le trempe en cet état, &
l’on trouvera précifément ce qu’on a trouvé dans
nos aciers qui, ayant été adoucis par des recuits ;
ont été enveloppés d’une couche de fer« Après la
trempe, la lime mordra fur la première furface,
elle eft fer : mais elle ne mordra pas par-delà l’endroit
où ceffe le cordon de fer. S i , après avoir endurci
par la trempe le centre de notre morceau
de fer fondu, on le met fur les charbons , qu’on
l’y faffe rougir, & qu’on l’y laiffe enfuite refroidir
lentement, il redeviendra limable, comme l’eft
l’acier ordinaire non trempé.
Si l’ouvrage de fer fondu eft épais, on peut donc,
dans le même endroit de la caflùre, avoir du fer
dans tous les états, & cela par le moyen du recuit.
La furface pourra être fe r , ce qui fuivra fera acier ;
fi par-delà il n’a pas encore été affez adouci, il y
fera refté fonte : & cette fonte , à différentes distances
du centre, fera de différentes qualités.
De tout cela il réfulte que, fi l’adouciffement
eft porté feulement jufques à un certain point,
l’ouvrage de fer fondu eft devenu un ouvrage
d’acier; que s’il eft pouffé plus lo in, il eft d’acier
revêtu de fer ; & qu’enfin un adouciffement encore
plus long rend l’ouvrage de fer fondu de
même nature que celui de fer forgé.
Nous parcourrons les ufages qu’on doit faire du
fer fondu , ramené à ces différens états , pour dif-
férens ouvrages : mais pour la plus grande partie ,
il ne demande que d’être ramené à être acier de
forte que réellement la plupart de nos ouvrages
fondus deviennent & reftent des ouvrages d’acier.
Gomme le nouveau nom n’ajouteroit rien à leur
mérite, laiffons-leur porter l’ancien.
Notre fer fondu, qui a été mis blanc dans le fourneau
, y eft d’abord devenu d’une couleur terne ; il
y a enfuite pris des nuances de plus brunes en plus
brunes, en continuant à s’adoucir. Devenu brun
ou gris jufqu’à un certain point , & continuant
toujours à s’adoucir, il a enfuite commencé à prendre
des nuances blanches , & de plus blanches en
plus blanches ; & enfin il eft arrivé à être plus blanc
qu’il ne l’a jamais été.
On demandera apparemment' pourquoi le fer qui
commence à s’adoucir devient de moins blanc en
moins blanc ; on demandera fur-tout pourquoi,
après être devenu gris , brun ou noir jufqu’à un
certain point, il retourne au blanc. Voici, ce me
femble , ce qu’on peut dire de plus probable pour
expliquer la raifon de ce retour. Quand le fer fondu
a commencé à fouffrir le recuit, fa tiffure étoit comp
t e . , toutes fes parties étoient à peu près également
pénétrées de foufres & de fels ; il n’y avoit
ni grains ni lames vifibles , & alors il paroiffoit
blanc. Le feu art-il agi fur ce fer pendant un cer-.
tain temps ? il paroît grainé ; les foufres & les fels
qui fe font évaporés, ou qui fe font mis en route
de s’évaporer, ont trouvé des chemins plus com-
modesi en certaines direétions que dans d’autres ;
en fe faifant paffage, ils ont divifé par parcelles la
maffe du fe r , & c’eft-cette efpèce de divifion qui
produit la grainure qui paroît alors. De cela feui
que ce fer eft devenu grainé, il doit paroître moins
blanc qu’il ne le paroiffoit ; fa tiffure rendue moins
compare , par les vides qui y ont été introduits ,
eft moins propre à réfléchir autant de lumière vers
les mêmes côtés ; car on doit concevoir qu’il s’eft
paffé dans chaque grain quelque chofe de pareil
à ce qui s’eft pafiê fenfiblement dans le total de la
maffe, que les grains eux-mêmes font devenus grai-.
nés, qu’ils font devenus fpongieux : nous avons
donc affez de quoi le rendre de plus brun en plus
brun.
Nous avons rapporté en paffant, comme une
fingularité, qu’il paroît parlemé en certains endroits
de grains très-noirs ; ces grains noirs peuvent
eux-mêmes nous faire voir d’où vient la couleur
brune du refte. Je les ai obfervés au microfcope,
& alors je n’ai plus trouvé de grains dans ces endroits
; j’ai vu que ce que je prenois pour des grains
noirs étoient des cavités beaucoup plus confidéra-
bles que celles qui font ailleurs. Des cavités plus
petites, & pofées plus proches les unes des autres ,
ne donneront donc qu’une couleur brune ou terne
à notre fer fondu.
Il eft plus difficile de voir ce qui va le ramener
au blanc ; la difficulté pourtant feroit plus confidé-
rable, f i , devenu blanc pour la féconde fois , il ,
avoit fon premier blanc & fa première tiffure. Mais
on obfervera que ce dernier blanc eft un blanc v i f
& éclatant, au lieu que le premier étoit mat. D ’ailleurs,
au lieu que la première, tiffure étoit égale,
la dernière eft très-inégale. On y obferve, ou des
grains qui laiffent entr’eux des vides, ou des lames
féparées les unes des autres par des vides encore
plus grands, & l’on-n’y^oyoit rien de pareil quand
il a été mis au feu. Les vides qui fe trouvent entre
les grains & les lames , & qui n’y étoient pas auparavant
, ne fauroient être pris pour les places qui
ont été abandonnées par les foufres & les fels.5
ils n’étoient pas ainfi amoncelés. Mais il faut concevoir
que les grains qui étoient fpongieux quand
les foufres ont été évaporés, font enfuite devenus
plus compares ; les parties du métal ayant été mifes
dans un état approchant de celui de la fufion,
: fe font touchées les unes les autres , & collées les
unes contre les autres ; il n’y a donc plus eu alors
! autant de vide dans chaque grain , dans chaque lame
, & i l s’en eft fait de plus grands entre les grains
& les lames. Mais les grains vifibles par eux-mêmes
, dès qu’ils font devenus d’une tiflure plus fer-
! rée, font devenus plus blancs & d’un blanc plus v i f
' & plus éclatant que celui qu’ils a voient d’abord y
; parce que les parties métalliques ne font plus mé-
; langées avec autant de matières étrangères»