
qu’on doit chercher à faire écailler ; ce font ceux
qui fortent du moule plus épais qu’on ne le vou-
droit : les marmites , les cafferoles font de cette
efpèce ; fi ces vafes ne font pas fortis du moule affez
minces , tout ce qui fera détaché par les écailles-,
fera autant de gagné fur ce dont il faudroit les ufer,
foit à la lime., foit fur le tour.
J’ai donc fait des expériences, où non-feulement
j’ai employé à deffein la poudre d’os feule : je me
fuis même fervi de glane , de chaux ordinaire ,
& de gypfe calciné. La chaux feule fait beaucoup
plus d’effet que la glaife : le gypfe feul en produit
trop ; il pourroit creufer. Mais pour modérer fon
a&ivité, je n’ai entouré l’ouvrage que d’une couche
mince de cette poudre, & j’ai rempli le reffe du
creufet de poudre d’os à l’ordinaire : alors les écailles
n’ont eu qu’une épaiffeur convenable ; elles deviendront
plus ou moins épaiffes , félon que la couche
de gypfe ou de plâtre nn, qui entourera l’ouvragé,
fera plus ou moins épaiffe , & auffi félon la durée
du feu. Mais il faut faire enforte que les ouvrages
qu on Fera écailler chauffent également, fans quoi
les écailles fe trouveroient d’épaiffeurs trop inégales.
Je rapporterai, à l’occafion du gypfe , une expérience
qui ne fait pourtant rien au fond de notre
art ; c’eft que lorfque j’ai débouché & renverfé les
petits creufets dans lefquels j’avois mis de cette
poudre feule autour du fer fondu, avant d’avoir
donné le temps à la fonte defe roidir entièrement,
mais pendant qu’elle n’étoit que d’un’ rouge très-
brun , très-foncé ; dans ces circonftances , dis-je ,
j’ai vu des flammes s’élever de plus de vingt endroits
de cette poudre : elles avoient la couleur de celle
du foufre commun. Le fer fondu qui a été entouré
de gypfe, a auffi toujours pris une odeur de foufre
infupportable. Une autre remarque, c’eft qu’il m’a
paru que le gypfe fait beaucoup plus écailler les
fontes blanches que les fontes griles , & qu’il fait
plus écailler & plus promptement le fer forgé que
le fer fondu.
Nous avons parcouru jufqu’ici les principaux
■ ufages qu’on peut faire de notre nouvel art ; nous
ine devons pas être moins attentifs à arrêter les
efpérances trop avântageufes qu’on en pourroît
concevoir ; nous en avons fenti la néceffité depuis
que nous avons donné les fondemens de cet art
dans l’affemblée publique de l’académie , du mois
de novembre 1721. Nous avons été obligés plus de
fois à faire rabattre de ce qu’on s’en promettoit de
trop , qu’à répondre aux difficultés qu’on ,auroit pu
former contre divers ouvrages de ce fer. A entendre
certaines gens, il falloit abandonner tout le travail
de la forge ; ils. auroient voulu qu’on eût tout jeté
en moule, jufqu’aùx ouvrages les plus fimples, & je
crois jufqu’aux barres de fer : on veut qu’une découverte
ferve à tou t, & par-là fouvent on la rend
inutile. Il y a tel remède qui eftà préfent ignoré,
qui feroit encore en grande réputation & qui mé-
riteroit d’y être, fi on fe fût tenu à en faire ufage
dans les cas où il avoit réuffi d’abord, fi on n’eut
pas voulu l’étendre à toutes les maladies. Afin
qu’on ne fafTe point d’auffi mauvais emplois de nos
fers fondus, nous avertiffons avec grand, foin qu’ils
ne doivent jamais être la matière des ouvrages qui
demandent à être d’un fer très-doux, très-pliant.
Ce feroit en abufer que d’en faire, par exemple, des
canons de fufil , puifqu’il y a même quantité de
fers en barre qui n’y font pas propres. Je ne fais fi
le cliiefi du fufil, qui frappe avec une percuffion
très-prompte , peut même être fait de fer fondu.
Les ouvrages de fer qui ont beaucoup à fatiguer,
doivent en général être faits du fer le plus doux;
par conféquent le fer fondu ne leur convient point.
Tous les ouvrages grands & très-minces, dès qu’ils
auront quelque chofe à foutenir , ne doivent point
être de fer fondu.
D ’ailleurs on ne doit chercher à faire de ce fer
que des ouvrages dont le travail eft long à la lime
& au marteau : tout ce qui rie demande pas de
longues façons , doit fe faire de fer forgé* Nous
avons dit qu’on feroit de fer fondu des clés chargées
d’ornemens ; ce feroit mouler pour peu de
profit, & courir rifque de faire de moins bons ouvrages
, que de faire de fer fondu des clés ordinaires.
Il y a d’autant plus à gagner fur les ouvrages
de fer fondu, qu’ils feroient plus lopgs à finir à la
manière ordinaire ; & il en reftera aflez de ceux-ci
pour que les avantages de notre nouvel art s’étendent
loin. Ce fer pourra être la matière de bien des
efpèces d’ouvrages que nous n’avons pas indiqués.
Peut-être auffi trouvera-t-on des._ inconvéniens à
en faire .quelques-uns de ceux pour lefquels nous
l’avons jugé propre.
Extrait relatif à Vart d3 adoucir le fer fondu , tiré dit
Traité de M. Home, fur le fer & l3 acier , publié à
Londres en 1773* '
L’art d’adoucir le fer fondu ou de le tempérer
par une chaleur graduelle & réglée, eft une matière
fur laquelle il feroit inutile de s’étendre beaucoup
après les longs détails de MM. de Réaumur &
Duhamel fur cet objet. Cependant voici les obfer-
vations que M. Horne a faites à cet égard , après
avoir éprouvé fous toutes les formes poffibles la
théorie de ces académiciens.
Te l eft fon raifonnement. » Si d’un côté , en
» imprégnant le fer d’une quantité fuffifante de fel
» & de foufre , on le convertit en acier d’un degré
» plus ou moins parfait à proportion de la quantité
v des. ingrédiens dont on fera ufage dans cette
» opération & du temps qu’on y emploiera, &
» fi d’un autre côté l’on peut trouver des matières
» d’une nature oppofée , qui ,. ayant la faculté
» d’abforber , doivent néceffairement confirmer la
» première matière plus foible : en faifant cette
» opération, l’on fera aflùré de dépouiller entiè-
v rement l’acier de fa-qualité propre & de le ré-
» tablir dans fon premier état ; enforte qu’il ne
» fera plus alors que du fer en barre tout fimple. «
Pour pouyoir établir la vérité de cetijrhypothèfe a
M. de Réaumur s’eft fervi , fuivant l ’ufage l de
diverfes matières, & a fait un grand nombre d’expériences
qui l’induifirent à fe déterminer en faveur
des os d’animaux calcinés, réduits en poudre ; il
y fonda fes efpérances pour le fuccès .qu’il fe pro-
mettoit de fon entreprise. O r , on fait que ces cendres
d’o s , ainfi qu’on les appelle , eft la matière
dont fe fervent les raffineurs pour former les creufets
dans lefquels ils raffinent l’or & l’argent ; & comme
le medium employé à cet ufage eft du plomb, qui
a la propriété de détruire tout métal impur dont les
métaux purs font imprégnés & de les réfoudre en
fiimée , la partie de ce métal impur qu’on n’a pu
ainfi féparer du refte par la fublimation, eft réfervée
pour être abforbée par la cendre des o s , dont le
creufet eft compofé. Cette confidération eft, à n’en
pas douter , le fondement particulier fur lequel
M. de Réaumur a eu lieu de s’attendre à pouvoir
élever l’édifice de fon hypothèfe. Mais après avoir
continué fes expériences & fes obfervations, il fut
bientôt convaincu que le medium qu’il avoit choifi
n’étoit pas d’une nature à pouvoir remplir fes vues;
car quoique la matière fur laquelle en doit faire fes
expériences ne fût pas de l’acier, mais du fer non
encore forgé , ou fer fimplement fondu qui e ft ,
comme on l’a obfervé , de l’acier dans le plus haut
degré ; cependant cette matière avoit tant de force,
qu’en même temps qu’elle attiroit & abforboit le
fel & le foufre, elle calcinoit tellement le métal
par le moyen du feu néceftaire à cette opération,
que ce n’étoit plus qu’un fimple fâfran de mars.
Afin de remédier à cet mconvient, il fe vit dans
la néceffité de diminuer & de corriger fa force, en.
y mêlant dans la proportion fuivante , du charbon
de bois réduit en poudre ; favoir, deux portions
d’os calcinés & une portion de poudre de charbon.
Ce mélange lui réuffit fi bien , qu’il remplit fon
premier but, qui étoit la réduétion du métal. Mais .,
comme le fécond étoit de former de fins ouvrages
& des ornemens en fer non forgé, enfuite de les
perfe&ionner & de les polir, ce fut ici que fes expériences
portèrent à faux ; car, quoique par cette
méthode il réufsît à extraire du fer fondu le foufre
& le f e l , cependant , tout en produifant l’effet
defiré , il fe forma un fi grand nombre de trous de
la grandeur d’une tête d’épingle , ou de petites
cavités fur la furface, qu’il fut abfolument impof-
fible de polir les ouvrages d’omemens à un degré
paffable d’exa&itucle.
. Voilà ce que j’avois intention de mettre fous les1
yeux de mes leâeurs ; c’eft un narré court, mais
fidèle, de toute l’opération de M. de Réaumur. S’il
fe trouvoit quelqu’un qui fût curieux de faire des
expériences ultérieures fur ce fujet, i-Uui fera facile-,
de fe fatisfaire, d’après ce que M. de Réaumur a,
déjà découvert, fans même fe donner la peine de
répéter cette opération en entier.
Séduit par la beauté & Futilité de l’invention ,
J a i v o u lu me convaincre moi-même d u v r a i q u ’ i l
pouvoir, y avoir dans fon hypothèfe | j’ai fait une I
quantité d’expériences pour ce qui regarde la partie
de la température ou de la réduélion du métal,
autant qu’elle a quelque rapport à mon fujet ; je me
contenterai d’en citer deux , comme pour fervir
d’échantillon. J’avois plufieurs petits lingots de fer
fondu , de l’épaiffeur de trois quarts de pouce ; je
les mis dans un creufet entouré de la matière dont
nous avons parlé, & dans cette fituation je le plaçai
fur le feu , où je le laiffai un tempsYuffifant, puis
je l’en retirai & lui donnai enfuite une chaleur très-
vive ; & lorfque la partie extérieure fut devenue
capable de la uipporter, j’obfervai que l’intérieur fe
diffolvoit doucement & pénétroit dans le feu ;
j ’eflayai avec d’autres lingots de la forme extérieure
d’un canon de piftolet, mais maffif, & après les
avoir fait pafter par la même opération, je Vis qu’il
en rêfultoit le même effet. La partie extérieure refta
comme auparavant ferme & folide, tandis que l’intérieure
fut diffoute & fe porta dans le feu , donnant
lieu à des tuyaux précifément de la forme extérieure
& intérieure d’un ca-non de piftolet.
On a dit dans le profpeéhts d’un pont de fer 2
rapporté ci-devant, que M. de la Place a trouvé
le fecret d’augmenter la ténacité de la fonte , d’améliorer
, de modifier, de purifier le fer fans en
augmenter le prix que de très-peu de chofe. Suivant
le procès verbal ordonne par le gouvernement pour
constater l’efet du fecret de M. de la Place, pour
l amélioration des f e r s , & d’après les expériences
& les «fiais faits par MM. Rigoley , maître des
forges d’A ify , généralité de Paris , & Chefneau,
maître de celles du cpmte de Buffon en Bourgogne 5
» il refaite que loin que l’opération particulière de
» M. de la Place ait détérioré la nature des fers des
» fe>rgps. du comté de Buffon , ( où les épreuves
” ont été faites ) qu’elle a cependant changés ; elle
n leur a fait acquérir du corps, de la duSilité, &
” mis en état de paffer au feu plus de fois fans
» devenir nerfs, & fans les rendre caftans; mais
>» cet effet eft moins fenfible fur des fers naturelle-
» ment bons , tels que ceux du comté de Buffon
» qu il ne le feroit fur tous les autres fers. ( On doit
» même conclure qu’il feroit très - confidérable. Y
» C ’eft pourquoi nous penfons , difent les com-
» iptffaires , que le fecret de M. de la Place mérite
” l’attention du gouvernement , d’autant plus qu’il
» n’exige aucune manutention qui puiffe déranger
” Jp travail ordinaire des forges, & qu’il eft auflf
» fimple que facile dans fon exécution. «
Il a été auffi reconnu par les mêmes commif-
fatres , d’après les expériences de M. de la Place
P°ur convertir le fer en acier, que ce nouvel acier
eft bon, qu’il en a été fait des outils précieux avec
tout le fueces poifible, & q.u’il peut être comparé à
celui d’Angleterre. Sans doute que ces fecrets, R.
tntéreffans pour les arts & les fabriques de France,
feront un jour acquis par le gouvernement & rendus
publics.