
On dit hain, ain, ou tin , où inge. Les pêcheurs
normands & picards difent acq , ou eic/w. Les
bretons claveaux ; les provençaux moufclcau ou fer
à crac.
Les pêcheurs de quelques côtes, particulièrement
depuis Saint-Valéry jufqu’à Eraples, fe fervent affez
communément d’hains de bois qu’ils font avec des
épines, auxquelles ils confervent un peu du bois de
la branche ; ce qui a fait nommer la pêche qu’ils
font avec ces hains, pêche à Vèpinette.
Comme ces pêcheurs s’établiffent fur des fonds
de vafe, ils prétendent que les hains de métal s’y
enfonceroient au point de n’être pas apperçus par le
poiffon; ce qui n’arrive point aux épines qui font
plus légères que le volume d’eau qu’elles déplacent.
Comme ces épines n’ont pas de barbillon ,~il doit
s’échapper beaucoup de poiffon ; ainfi il paroîtroit
préférable de rendre les hains de métal fufnfamment
légers, au moyen d’un petit morceau de liège. Mais
les hains d’épine coûtent moins que ceux de métal ;
& c’eft chez les pêcheurs une raifon décifive pour
leur donner la préférence.
Les Groënlandois fe fervoient anciennement
d’hains faits avec des os de poiffons ; mais ils n’en
font plus d’ufage depuis que les Hollandois & les
Danois leur en ont fourni de métal.
Les hains que nos pêcheurs emploient, font faits
d’un bout de fil de fer ou d’acier, plus ou moins
gros, qui a à l’une de fes extrémités un petit anneau
; ou bien, comme on le pratique ordinairement,
ce bout étant applati forme un.évafement
qui fert, ainfi que l’anneau, à attacher l’hain à la
ligne ou à fon empile. Il n’y a guère que les petits
hains qui aient des anneaux. Les autres ont le bout
qui répond à la ligne, applati. Cependant l’hain ,
qui fert .pour la pêche des gros brochets , a un
anneau, le fil de métal qui forme l’hain, eft aiguifé
en pointe déliée ; à une petite diftance de cette
pointe, on détache une languette piquante , qu’on
nomme barbillon ou dardillon. Sa pointe doit avoir
une dire&ion oppofée à celle qui termine le bont de
l’hain , afin que quand celle-ci a piqué dans la chair,
l’autre s’oppofe à ce qu’elle en forte.
La partie du fil de métal qui eft du côté de la
pointe, eft recourbée, de forte que quand l’hain
pend à une ligne, le bout qui tient à la ligne, &
celui où eft la pointe, foient en haut : au contraire ,
la pointe du barbillon eft tournée en bas ; mais
l’extrémité de la branche pointue ne doit répondre
qu’au tiers de la longueur de l’autre branche. La
forme & l’ouverture .de ce crochet varient beaucoup
fuivant le caprice ou l’idée des ouvriers ou
des pêcheurs , les uns voulant que les crochets
foient fort ouverts , & d’autres peu. Plufieurs donnent
au pli qui fait le crochet, une forme arrondie :
d’autres veulent que toute la courbure foit en bas,
& que l’extrémité où eft la pointe, fe relève parallèlement
à la longue branche.
Il convient, pour certaines pêches, que les hains
gient deux crochets, quelquefois tournés à peu près
d’un même côté ; & d’autres fois dans des feus op-
pofés : ce qu’on peut faire , foit en liant enfemble
deux hains adoffés l’un à l’autre, foit en fe fervant
d’un même morceau de fil de fer appointi par les
deux bouts , qui portent chacun un barbillon & un
crochet. En ployant ce fil de fer par le milieu, de
façon que les deux crochets aient la difpofitioii
qu’on délire, on a un hain à double croc.
, Il eft fenfible qu’on doit proportionner la force
des hains à la groffeur des poiffons qu’on fe pro-
pofe de prendre : c’eft pourquoi il y a des hains de
bien des grandeurs différentes, depuis la groffeur
d’une aiguille à coudre, & qui n’ont que huit à
dix lignes tle longueur, jufqu’à la groffeur d’une
plume à écrire , ayant quelquefois huit pouces de
longueur.
Tous les hains dont on fe fert fur le Grand-Banc
font de fer étamé ; parce que , comme il y a beaucoup
de pierres au fond de la mer , ceux d’acier
feroient fujetsà fe rompre. A l’oueft de l’île de
Terre-Neuÿe, on fe fert volontiers des hains qui
font d’acier ; parce que, n’y ayant point de roches,
on ne craint pas qu’ils fe rompent.
Les lignes ont environ huit à neuf lignes de circonférence,
& 90 à 95 braffes de longueur. Les
cordes de l’empilage ont fix à fept lignes de circonférence.
• Quelques pêcheurs mettent entre l’empilage &
la ligne une corde à peu près de la groffeur de celle
qui forme l’empile ; ils la nomment apec. Elle paroît
affez inutile.
On nomme appelets toute la tiffure avec fes ha-,
meçons & fon attirail.
L’appelet qui fert à prendre des maquereaux, des
merlans & d’autres petits poiffons , eft compofé
d’une corde qui a au plus trois lignes de circonférence
, èc dont la longueur eft déterminée par la
profondeur de l’eau où l’on fe propofe de pêcher :
on attache le long de cette corde des baguettes menues
à environ deux braffes les unes des autres. Ces
baguettes , qu’on nomme baluettes 9 font faites d’un
bois léger, appellé en Normandie vergandier.
Ces baluettes ont à peu près fix à fept pouces de
longueur ; elles font toutes attachées à la corde,
d’un même côté. Au bout de ces baluettes font placées
les lignes qui ont. deux ou trois braffes de longueur
, & qui n’ont de groffeur que celle d’un fil
retors affez menu , mais très-bien travaillé. On
attache à l’extrémité de ces lignes un hain, qu’on
tient un peu plus gros quand on fe propofe de prendre
le maquereau , que pour pêcher le merlan.
On met au bout de la maîtreffe corde un boulet
ou une balle de plomb, du poids de fept à huit livres.
On appelle cette pêche traîner la balle, parce
qu’elle fe fait en bateau fous voile : & l’appelet fe
nomme balle. C ’eft pourquoi on dit qu’on jette à
la mer une balle bas-bord , une ftribord. Cette pêche
approche beaucoup de celle qu’on nomme au
libouret. ■
L>e libouret fert, comme la balle, à prendre des
maquereaux, des merlans, mais plus communément
des limandes, des carrelets, &c. Les hains
font d’une bonne grandeur pour les maquereaux;
mais la groffeur des hains varie beaucoup fuivant
les différens ports.
Les hains font attachés aux empiles, lefquelles
font jointes à la lanne ; & celle-ci eft amarrée au
bout d’un morceau de bois , qu’on nommé avalette.
Le bout de cette avalette eft percé d’un trou où paffe
librement la maîtreffe corde.. Cette corde a environ
quarante braffes de longueur, & trois à quatre lignes
de circonférence.
L’avalette qui a fept pouces de longueur, étant
traverfée à fon extrémité par la maîtreffe corde, y
eft retenue entre deux noeuds qui permettent à l’avalette
de tourner, la corde lui fervant d’axe. A l’extrémité
de la maitreffe corde eft attaché un plomb
du poids de deux à trois livres.
Il n’y a qu’une avalette au bas de la maîtreffe
corde , environ quatre à cinq pouces au deffus du
plomb. Mais au lieu des trois hains, on en met
- quelquefois huit ou neuf ; ayant attention de les attacher
à des empiles de différentes longueurs, pour
qu’ils ne fe rencontrent point dans la mer vis-à-vis
les uns des autres. Quelquefois même on fait la :
lanne fort longue, & l’on attache à environ trois
pieds les unes des autres huit à neuf empiles, qui
peuvent avoir trois pieds de longueur : elles font
faites de gros fil retors, & chacune porte un hain.
On conçoit qu’au moyen dé l’avalette les hains
fe dirigent fuivant le cours de l’eau ; qu’ainfi ils ne
s’emmêlent pçint ; & que comme ils font à une
petite diftance du fond , les poiffons apperçoivent
bien les appâts.
On a une autre efpèce de libouret, qui fert à
prendre les poiffons qui nagent entre deux eaux :
on le nomme le grand couple fur la côte des Bafques.
Voici en quoi il confifte. On prend un fil de fer de
deux pieds & demi de longueur, & d’une ligne de
circonférence ; on attache au milieu , par plufieurs
révolutions d’un fil à voile, deux petites jumelles
de bois, & l’on forme à cet endroit deux anfes de
corde : une longue, au dehors de la courbe ; elle
fert à attacher la coide ou ligne qui répond à la
chaloupe r au deffus de celle-là, en dedans de la
courbe, on forme une petite anfè ronde, à laquelle
on attache un plomb.-
On applatit les deux bouts du fil défier, comme
©n fait la queue des hains, & on attache à l’un &
Vautre bout de ce fil de fer une ligne ou lanne d’une
braffe de longueur , & qui eft de la groffeur d’un fil
retors. On amarré à cette ligne une ou plufieurs
empiles garnies d’hains. Ges empiles font affez dé-
, liées ; & quand on en met plufieurs, on a foin
qu’elles foient de différentes longueurs.
Nous avons dit que ce couple étoit attaché par
fianfe à une ligne menue qui répondoit à la chaloupe
de pêche. Comme on met à la mer un nombre de
«es couples, il faut.que les lignes qui les foutien-
nent foient les unes plus longues , les autres plus
courtes ; non-feulement pour que les empiles foient
moins fujettesà s’entremêle*-, mais encore pour que
les hains étant à différentes profondeurs, ils fe pré-
fentent aux poiffons, qui font les uns plus avant
dans l’eau , & les autres moins.
Cette pêche fe fait ordinairement à l’ancre, ou
le bâtiment dérivant feulement au gré des courans.
Cet appelet qui fe développe comme un éventail »
tient dans la mer une étendue confidérable en largeur
Les Bafques en font un grand ufage ; & elle
eft auffi pratiquée dans la Manche pendant la nuit,
lorfque le poiffon fe tient entre deux eaux.
La pêche aux anguilles eft un peu différente.
Comme elles couperoient avec leurs dents les empilages
de chanvre, on les fait en ctin : & même l’on
met quelquefois au bout de l’empile un petit bout de
fil de laiton.
L’extrémité de ces empilages eft attachée à une
ligne qui a quarante ou quarante-cinq braffes de
longueur. On met à l’extrémité du fil un petit plomb
pour faire caler, la ligne ; mais point d’avalette.
Les navigateurs qui font de grandes traverfées
jettent à la mer, quand ils rencontrent un banc de
poiffon, les hains pour prendre les pilotins & d’autres
petits poiffons.
On embarque aufli des hains pour prendre des
bonites & des tazars.
Il y a des appelets qui n’ont point de corceron de
liège fur les lignes. On peut s’en fervir à l’ancre fur
les fonds de fable pour prendre des poiffons plats ,
& quelquefois fous voile pour pêcher toutes fortes
de poiffons, prefque comme avec la balle ; mais
les hains font plus expofés à s’emmêler.
Pour prendre une jufte idée des hains qui fervent
à la pêche de la morue, on doit être prévenu qu’il
arrive affez fouvent qu’étant rendu au lieu de la pê-
i che, on manque d’appâts : en ce cas, ou lorfque
la morue raffafiée refùfe de mordre à ceux qu’on lui
préfente , on feffert des hains qui portent un leurre
en guife d’appât. Ce leurre eft une efpèce de poiG
fon figuré en plomb , ou en étain. Quelquefois
l’hain eft formé de deux hains adoffés l’un à l’autre,
& réunis par une maffe de plomb. On a foin de
tenir ce leurre brillant ; il en attire mieux le poiffon.
C ’eft pour cette raifon qu’on feroit bien d’étamer
ceux de plomb ; ce qui n’occafionneroit qu’une lé-;
gere dépenfe..
On ne fait guère ufage de ces leurres que quand
la morue donne en abondance, & lorfqu’elle fe
trouve tout au plus à quinze ou vingt pieds fous
l’eau.
Quand on peut fe fervir de leurre y le fervice eft
; bien plus prompt que quand 011 eft obligé d’amorcer,.
De la fabrication des hains.
Les uftenfiles pour la fabrication des hains corr-
fiftent en un établi pour chaque ouvrier; trois di£-
férens blocs qui peuvent fuffire à plufieurs ouvriers
chacune de ces pièces garnie de fies outils; & dTau-
tres uftenfiles pour i’étaraagp*