
DIAMANTAIRE-LAPIDAIRE,
( Art du )
JOAILLIER METTEUR-EN-OEUVRE»'
De la Joaillerie & parure des Pierres précieufes.
L E S daines Romaines portaient des pendans
d’oreilles , des colliers , & des braffelets à trois
rangs , non-feulement de perles , mais encore de
pierres de couleurs, & fur - tout d’émeraudes &
d’opales.
Les hommes & les femmes , à Rome, faifoient
grand ufage des bagues ; on en mit d’abord à
findex , enfuite au petit doigt, puis au doigt voifin
du petit doigt ; enforte que tous les doigts s’en
trouvèrent chargés, à l’exception de celui du milieu.
Enfin, on en changeoit félon les faifons ; on avoit
des bagues légères pour l’eté ; & de pefantes , chargées
de plus groffes pierres, pour l’hiver. On voit
encore de ces bagues dans les cabinets des Antiquaires
, qui pèfent jufqu’à une once.
A l’égard des Grecs , il nous refte peu de veftiges
de leur parure.
Les femmes Turques, qui pafferit la moitié de
leur vie fur un fopha, ont les pieds toujours nus
en é té , & y mettent des bagues à tous les doigts.
En France , fous Henri I I I , c’ètoit encore la
mode dé porter trois bagues à la main gauche ,
une au fécond doigt, une autre au quatrième, &
la troifième au petit doigt.
On employoit fort rarement le diamant avant
le règne de Louis X III, parce qu’on n’avoit point
encore trouvé le fecret de le tailler ; &; ce n’eft que
fpus Louis XIV que l’on a commencé à en faire
ufage. Les anciens le connoiffoient , mais ils en
faifoient peu de cas , ne fachant point lui donner
tout fon brillant parla taille, & par l’art de le monter.
Ils efiipioient beaucoup plus les pierres de couleurs,
& fur-tout les perles.
' Agnès Sorel, qui aimoit la parure, eft la première
femme qui ait porté des pierreries en France.
Anne de Bretagne eft la fécondé.
Depuis François I , qui a rappelé les arts , jufqu’à
Louis XIII, toutes les parures n’étoient compofées
que de pierres de couleur & de perles. On portoit
des agraffes de différentes pierres dé couleur, &
quelquefois on y attachoit un diamant au 'milieu.
Les femmes ont confervé l’ufage des perles jufqu’àç
la mort de la reine Marie-Thèrefe d’Autriche. C’eft
à peu près l’époque où les diamans brillans ont
sommençé à devenir en yogue , & à obtenir la
préférence fur toutes les autres parures de pierres
précieufes.
Enfin, le commerce & le travail, des pierreries
font devenus confidérables. On y diftingue le Diamantaire
, ou le marchand autorifé à faire le commerce
des diamans.
Le Lapidaire ; celui qui taille les pierres précieufes.
Le Joaillier ; fabriquant qui peut mettre en oeuvre,
monter, & fabriquer les pierreries.
Enfin , le Metteur-en-ceuvre eft l’artifte qui s’applique
à monter les pierres fines fur l’or & fur
ent.
ous exercent le même art, & doivent également
apprendre : i°. à connoître les pierres fines , à les
évaluer, & même à les imiter ; 2°. à les tailler &.
à leur donner leur brillant; 30. à les monter & à
les mettre en oeuvre. Nous donnerons donc une
connoiffance fuffifante de cet art, en le préfentant
fous ces trois points de v u e , avec les details coi>
venables.
Des Pierres précieufes & des Pierres fines.
M. Dutens, dans fon excellent petit Traité ( qui
nous fervira de guide principal pour une partie de
cet article ) , diftingue deux genres de pierreries ;
les pierres précieufes & les pierres fines : les unes ,
qui appartiennent aux criftaux ; & les autres, aux
cailloux; ayant toutes, pour caractère commun, la
propriété de faire feu avec l’acier.
' Pierres précieufes.
Parmi les pierres précieufes criftalliféés , on doit
claffer fuivant l’ordre ordinaire de leur dureté, &
fuivant le rang que leur donnent les bons lapidaires,
le diamant, le rubis , le faphir, la topaze , Véme-
. raude, Yaméthyfie, Yaigue-marine , la chryfolite, le
grenat y & Y hyacinthe.
Il y a apparence que ces pierres précieufes font
formées dans la terre par la voie de la criftalli&tion.
M. Achard., célèbre chimifte allemand, de l’Académie
de Berlin , dans un fayant Traité de Vanalyfe
de quelques pierres précieufes , traduit en françois
par M. Dubois, en 1783 , rapporte beaucoup d’expériences
, d’où il réfulte que les pierres précieufês
font en grande partie compofées de terres alkalines
qu’on n’a jamais cm y trouver. *
Par ce moyen, on eft en état d expliquer, comment
fe fait la criftallifation de ces pierres ; ce qui
a été impoflible aufli long - temps qu’on a cru
qu’elles étoient compofées de terre de filex.
Chaque Criftallifation exige néceffairement une
diffolution préliminaire ;. mais comme les criftaux ,
tels qu’on les trouve dans les pierres précieufes,
font indiffolubles , il faut abfolument que le diffol-
vant abandonne la fubftance diffoute dans i’inftant
que la criftallifation fe forme.
O r , l’air fixe eft le feul diffolvant de la nature
qui réponde à cette condition ; ainfi , M. Achard
imagine que l’eau ' chargée, d’air fixe , qui eft fi
commune , diffout les terres alkalines dont les
pierres précieufes font compofées.
Lorfque cette diffolution fe filtre par la lefiive
; de la terre, & fe fufpend enfin en forme de gouttes
blanches, l’air fixe le fépare des parties terreufes
qu’il tenoit en diffolution dans l’eau , & qui fe
réunifient pour former des criftaux.
Le chimifte allemand a effayé de faire des
pierres criftalliféés d’après cette théorie , & il a
eu , dit-il, le bonheur de réuflir.
Mais ce n’eft pas à nous qu’il appartient d’entrer
■ dans ces myftères ; laiffons au favant naturalifte le
i foin de fuivre la marche de la nature, comme de
prendre compte de fes opérations ; & ne fortons
pas des bornes qui nous, font circonfcrites dans ce
Diftionnaire des Arts & Métiers..
On prétend que le hazard a procuré la décou-
i verte de la première mine de diamans , & que, ce
\ fut un berger qui, en gardant fon troupeau , trouva
' fous fes pieds une pierre qui lui parut avoir quelque
' éclat ; que cette pierre ayant paffé entre les mains
de-personnes qui en ignoraient la valeur , tomba
enfin entre les mains d’un marchand qui en connut
tout le prix ; & qui, à force de recherches, découvrit
l’endroit où cette mine étoit fituée ; qu’ayant
fait foui%r au pied de la montagne qui eft près de
la rivière de Chriftiena, & peu éloignée de -la for-
tereffe de Golconde , il découvrit une terre rouge
mêlée de cailloux, & parfemée de veines , tantôt
blanches & quelquefois jaunes , dont la matière
avoit rapport avec la chaux.
Méthold, Anglois de nation, eft le premier qui
ait eu connoiffance de cette mine, qui devint fi
confidérable dans la fuite, qu’en 1622 elle occupoit
trente mille ouvriers, dont les uns travailloient à
fouiller la terre , à en remplir des tonneaux ; à
puifer les eaux , & à fortir la terre de la mine pour
la porter dans un lieu fort u n i, fur lequel on en fait
un lit de quatre pu cinq pouces de hauteur , & où
on la laiffe fécher au foleil pour la broyer le lendemain
avec des pierres ; les autres ramaffent ayec
foin tous les cailloux qui fe trouvent dans la mine,
les caftent, & y cherchent les diamans.
La plus grande partie des ouvriers connoît, au
premier cpup-d’oe il, les terres qui donnent-le plus
À rts 6» Métiers. Tome II. Partie /♦
d’efpérance , & les diffinguent même, dit - ou , à
l’odeur.
Tavernier , qui vifita les mines de Golconde en
165 2 , dit que dans leurs environs, il y a une terre
fablonnenfe, pleine de rochers & de taillis; que
dans ces rochers on vt>it des veines d’un demi-
doigt , ou d’un doigt de largeur ; que pour fortir
le labié & la terre qui font dans ces veines , les
mineurs y insèrent de petits fers crochus ; que c’eft
dans cette terre qu’ils trouvent des diamans ; mais
que comme ces veines varient dans leur dire&ion *
ils font obligés de cafter ces rochers pour ne pas
perdre le fil de leurs veines ; que pour féparer les
diamans qui font dans la terre, iis la lavent deux
ou trois fois ; mais qu’il leur arrive fouvent qu’en
brifant les rochers avec leurs leviers de fer , ils
étonnent le diamant, ou qu’ils y font des glaces ou
fêlures.
Lorfqu’un diamant fe trouve avoir une glace
un peu grande , ils le clivent, c’eft-à-dire, qu’ils le
fendent.
’ Lorfque la pierre eft nette , les mineurs ne font
que la paffer fur la roue, fans s’attacher à lui donner
aucune forme , dans la crainte de lui ôter quelque
chofe de fon poids..
Lorfque le diamant a quelques points ou petites
taches , les Indiens tâchent de malquer ces défauts
j en couvrant toute la pierre de facettes.
Ces ouvriers travaillent tout nus, & font affez
mal payés ; aufli plufieurs cherchent à fe dédommager
, en avalant des diamans qu’ils peuvent dérober
aux yeux de leurs furveillans.
Les marchands qui Viennent pour acheter les
diamans , ne peuvent point entrer dans les mines ;
ils doivent attendre que les maîtres mineurs leur
apportent des montres ou échantillons de diamans,;
& il faut conclure le marché, tout de fuite , fans
quoi les mineurs reprennent leurs pierres , & ne
reparoiffent plus avec les mêmes.
On dit que des enfans de dix à treize ans fe
mêlent de. ce commerce ; & que l’acheteur ne peut
être trompé fur le poids d’un diamant, parce qu’il
y a toujours un officier du Roi qui eft obligé de
pefer & de vérifier fans exiger aucune rétribution.
Du Diamant,
Le diamant eft de toutes lçs pierres la plus dure.
la plus pelante, la plus brillante. Il doit être fans
couleur, comme l’eau , quoiqu’on en trouve quelquefois
de colorés, Il rèfifte à la lime , & ne peut
être, poli qu’avec la poudre de diamant même. Il a
la propriété phofphorique & éleârique ; c’eft-à-dire,
qu’il devient phofphorique & lumineux étant ex-
pofè quelques heures aux rayons du foleil, ou après
avoir rougi quelque temps dans tm çreufet bien
luté. <
Il eft éleârique, en çe qu’il attire à lui la paille ,
les plumes, les feuilles d’o r , le papier, les. cheveux;,
1 les poils d’animaux, & fur-tout le maftic quand op,
1 l’a échauffé par le frottement,
r ?