
qui auront le courage de s’occuper’ de la peinture
lur l’émail, ou plutôt fur la porcelaine. Ce font
des notions élémentaires qui auroient leur utilité , '
fi nous avions pu les multiplier, & en former un
tout ; mais il faut efpérer que quelque homme
ennemi du myftère , & bien inftruit de tous ceux
de la peinturé fur l’émail & fur la- porcelaine,
achèvera, re&ifiera même, dans un traité complet
ce que nous ne faifons qu’ébaucher ici. Ceux
qui connoiflent l’état ou-font les chofes aujourd’hui
, apprécieront les peines que nous nous fom-
mes données , en profiteront, nous fauront gré du
peu que nous révélons de l’art, & trouveront notre
ignorance, & même nos erreurs jrès-pardon-
nables. '
i. Toutes les quinteflences peuvent fervir avec
fuccès dans l’emploi des couleurs en émail. On
fait de grands éloges de celle d’ambre ; mais elle
eft fort chère.
a. Toutes les couleurs font tirées des métaux,
ou des bols dont la teinture tient au feu. Ce font
des argiles colorées par les métaux-couleurs.
3. On tire du fafre un très-beau bleu. Le co-
bolt donne la même couleur, mais plus belle ; àulîi
celui-ci efib-il plus rare & plus cher; car le fafre
n’eft autre chofe que du cobolt adultéré.
4. Tous les verds viennent du cuivre, foit par
la diffolution, foit par la calcination.
5. On tire lés mars du fer. Ces couleurs font
volatiles ; à un certain degré de feu , elles s’évaporent
ou fe noircififent.
.6. Les mars font de différentes couleurs, félon
les diffèrens fondans. Ils varient suffi félon la moindre
variété qu’il y ait dans la rédmftion du métal
en fafran.
■ 7- La plus belle couleur que l’on puifle fe pro-
pofer d’obtenir du fe r , c’eff le rouge. Les autres
couleurs qu’on en tire, ne font que des combinai-
fons de diffèrens difîolvans de ce métal.
8. L’or donnera les pourpres, les carmins , &
les violets. La teinture en eft fi forte , qu’un grain
d’or peut colorer jufqu’à 400 fois fa pefanteur de
fondant.
9- L°s bruns qui viennent de l’or ne font que
des pourpres manqués ; ils n’en font pas moins
eflentdels à Tartifte.
10. En général , les couleurs qui-viennent de
l’or font permanentes. Elles fouffrent un degré de
feu confidérable. Cet agent les altérera pourtant,
fi l’on porte fon aéfion à un degré exceflif. Il n’y
a guère d’exception à cette règle, que le violet
qui s’embellit à la violence du feu.
11. On peut tirer un violet de la manganèfe;
mais il eft plus commun que celui qui vient de l’or.
12. Le jaune n’eft pour l’ordinaire qu’un émail
opaque qu’on achète en pain , & que l’on broie
très-fin. On tire encore cette couleur , belle, mais
foncée , du jaune de Naples.
13. Les pains de verre opaque donnent auffi des
verds : ils peuvent être trop durs ; mais on les I
attendrira par le fondant. Alors leur coiffeur ea
deviendra moins foncée.
14. L’étain donnera du blanc.
15. On tirera un noir du fer.
16. Le plomb ou le minium donnera un fondant;
mais ce fondant n’eft pas fans" défaut. Cependant
on s’opiniâtre à s’en fervir, parce qu’il
eft le plus facile à préparer.
17. La glace de Yenife , les ftras, la rocaille
de Hollande , les pierres à fufil bien mûres, c’eft-
à-dire bien noires ; le verre de Nevers, les crif-
taux de Bohême , le fablon d’Etampes , en un mot
tontes les matières vitrifiables non colorées , fourniront
des fondans, entre lefquels un des meilleurs
fera la pierre à fufil calcinée.
18. Entre ces fondans , c’eft à l’artifte à donner
à chaque .couleur celle qui lui convient. Tel fondant
eft excellent pour le rouge , qui ne vaut rien
pour une autre couleur. Et fans aller chercher loin
un exemple, le violet & le carmin n’ont pas le
même fondant. g
*9* En général, toutes les matières calculables
& . coloriées après l’aâiôn du feu , donneront des
couleurs pour l’émail.
20. Ces couleurs primitives produifent par leur
mélange une variété infinie de teintes, dont Far-
tifte doit avoir la connoiflance, ainfi que de l’affinité
& de l’antipathie qu’il peut y avoir entr’elles
toutes.
21. Le verd, le jaune & le bleu ne s’accordent
point avec les mars, quels qu’ils foient. Si vous
mettez des mars fur le verd ou le jaune , ou le
bleu , avant que de pafler au feu ; quand votre
pièce, foit émail, loit porcelaine, fortira de la
moufle , les mars auront difparu , comme fi l’on
n’en avoit point employé. Il n’en fera pas de même
fi le verd-, le jaune & le bleu ont été cuits, avant
que d’avoir employé les mars.
22. Que tout artifte qui voudra s’effayer à peindre
en émail, ait plufieurs inventaires, c’eft-à-dire,
une plaque qui puifle contenir autant de petits
quarrés que de couleurs primitives ; qu’il y éprouve
les couleurs dégradées de teintes,-félon le plus &
le moins d’épaiflèur. Si l’on glace d’une même couleur
tous ces quarrés de différentes couleurs, on
parviendra néceflâirement à des découvertes. Le
feul inconvénient, c’eft d’éviter le mélange de deux
couleurs qui bouillonnent, quand elles fe trouvent
l’urie fur l’autre avant la cuiflbn. .
23. Au refte, les meilleures couleurs mal employées
, pourront bouillonner. Les inégalités feules
d’épaifleur, peuvent >jeter dans cet inconvénient
; le lifle s’en altérera. J’entends par le lijjfe,
l’égalité d’éclat & de fuperficie.
24. On peut peindre_, foit à l’huile, foit à l’eau.
Chacune de ces manières^ fes avantages. Les avantages
de l’eau font d’avoir une palette chargée de
toutes les couleurs pour un très-long temps ; de
les avoir toutes à la fois fous les yeu x , & de pouvoir
terminer un-morceau en moins de feu, &
m i conféquent avec moins de danger. D ’ailleurs
on expédie plus promptement avec l’eau. Quant
aux avantagés de l’huile, 'le pointillé eft plus facile
: il en eft de même pour les petits détails ; &
cela à caufe de la finefle des pinceaux qu’ori emploie
, & la lente évaporation de l’huile que Fon
aura eu la précaution d’engraifler au foleil ou au
bain-marie. *
a5. Pour peindre à l’eau, prenez de la couleur
en poudre ; broyez-la avec de l’eau filtrée : ajoutez-
y la quantité de gomme néceflaire ; laiflez-la fécher
fur votre palette , en la garantiflant de la pouffière
jufqu’à ce qu’elle, foit parfaitement fèche ; alors
prenez un pinceau avec de l’eau pure, enlevez par
le frottement avec le pinceau chargé d’eau toute la
fuperficie de votre couleur, pour en féparer la
gomme qui fe porte toujours à la furface. Quand
vous aurez fait cette opération à toutes vos couleurs
, peignez, mais avec le moins d’eau qu’il
vous fera poflible ; car fi votre couleur eft trop
fluide , elle fera fujette à couler inégalement. Votre
furface fera jafpée ; c’eft une fuite du mouvement
que la couleur aura confervé après que Far-.
tifte aura donné fa touche , &'dé la pente du fluide
qui aura entraîné la couleur. La richefle de la teinte
en fouffrira auffi ; elle deviendra liv id ep lom b é e ,
louche, ce que les peintres appellent n o y é e . Employez
donc vos couleurs le plus fèches qu’il vous
fera poflible , & le plus également ; vous éviterez
en même temps les épaifleurs. Lorfque vous voudrez
mettre une teinte fur une autre, opérez de
manière que vous ne pafliez le^ pinceau qu’une
feule fois fur le même endroit. Attendez que la
couleur foit fèche pour en remettre une autre par
defliis, fans quoi vous vous expoferez à délayer
celle de dèflbus ; inconvénient dans lequel on tombe
néceflâirement, lorfqu’appliquant la couleur fupé-
rieure à plufieurs reprifes, le pinceau va & revient
plufieurs fois fur la couleur inférieure. Si vos
contours ont befoin d’être châtiés, prenez, pour
les diminuer d’épaifleur,. une pointe d’ivoire 611
de buis, & les rendez corre&s en retranchant le
fiiperflu avec cette pointe ; évitez fur-tout le trop
de gomme dans vos couleurs. Quand elles font
trop gommées, elles ■ fe déchirent par veines, &
laiffent au fortir du feu , en fe ramaflânt fur elles-
mêmes , de petites traces qui forment comme un
réfeau très-fin , & le fond paroît à travers ces traces
, qui font comme les fils du réfeau. N’épargnez
pas les expériences, afin de conftater la jufte valeur
de vos teintes. N’employez que celles dont
vous ferez parfaitement sur , tant pour la quantité
de gomme que pour l’aâion du feu ; vous remédieriez
au trop de gomme, en rebroyant les couleurs
à l’eau, & y rajoutant une quantité fuffifante
de couleurs en poudre.
2.6. Le blanc eft ami de toutes les couleurs ; mêlé
avec le carmin, il donne une teinte ro fe , plus
©u moins foncée, félon le plus ou le moins de
carmin.
27. Le blanc & le pourpre donnent le lilas ;
ajoutez-y du bleu, & vous aurez un violet clair.
Sa propriété fera d’éclaircir les couleurs, en leur
donnant de l’opacité.
28. Le bleu & le jaune produiront le verd. Plus
de jaune1 que de bleu , donnera un verd plus foncé •
& plus bléu.
•29, L’addition du violet rendra le noir plus bean
& plus fondant, & l’empêchera de fe déchirer-;
ce qui lui arrive toujours, -quand il eft -employé
feul.
30. Le bleu & le pourpre formeront un violet.
31. Le bleu ne perdra jamais fa beauté, à quelque
feu que ce foit.
32. Les verds , jaunes, pourpres & carmins ne
s’évaporent point ; mais leurs teintes s’affoib liftent,
& leur fraîcheur fe fane.
33. Les mars font tous volatils; le fer fe re v ivifiant
par la moindre- fumée, l’étincelle la plus
légère, ils deviennent noirs & non brillans.
Voilà l’alphabet le plus complet qu’on connoifle
de" celui qui fe propofe de peindre, foit fur l’émail,
.'foit fur la porcelaine.
On peut fe fervir de l’émail dans la frefque,
pourvu qu’on couche cette couleur dès les premiers
momens, tandis que la chaux eft bien humide
; autrement l’émail ne s’incorpore point avec
l’enduit. Si Fon retouche avec cette même couleur
, il faut le faire au plus une heure après avoir
ébauché, afin'qu’elle ait de l’éclat.
L'art d’employer les émaux traîifparens & clairs.
Ce travail ne fe peut faire que fur For ; o u ,. fi
l’on veut appliquer des émaux clairs & tranfparens
fur le cuivre , il faut ( félon quelques auteurs )
mettre au fond du champlevé une couche de verre
ou d’émail noir, & couvrir cette couche d’une
feuille d’or qui reçoive enfuite les autres émaux.
Quant au travail fur For , on commencera par
tracer fon deflin fur la plaque , par le champlever,
& par exécuter, comme en bas-relief, au fond du
champlevé, toutes fes figures , de manière que
leur point le plus élevé foit cependant inférieur
au filet de la plaque. La raifon en eft évidente ;
car ce font les différentes diftances du fond à la
furface qui font les ombres & les clairs : mais comme
une peinture en général n’eft qu’un aflemblage
d’ombres & de_ clairs convenablement diftribués,
on parvient à grouper des figures dans le genre
même de peinture dont il s’agit.
On prétend qu’il faut que For employé foit très-
pur , parce que les émaux clairs , mis fur un or bas,
plombent, c’eft-à-dire qu’il s’y forme un louche
qui en obfcurcit la couleur & la bordure.
Lcrfque la plaque a été ébauchée à l’échoppe ,
ton la finit avec des outils dont le tranchant eft
moufle , parce qu’il faut que tout l’ouvrage foit
coupé d’un poli bruni, fans quoi on appèrcevroit
au travers des émaux l«es traits grofliers du deflin.
Cela fait, il faut broyer des émaux. Les broyer