
venons de lui donner pour efp.èce de couvercle.
11 ne refte plus qu’à bien nettoyer cette partie du
creufet qui eft entre le bec & la pièce de terre cuite,
qui forme une cloifon ; & on la nettoie, comme
nous l’avons dit , en l ’écumant d’abord avec un
ringard crochu, & enfuite en fouillant deffus avec
le fouffiet à main. Pendant que tout cela fe prépare,
l’ouvrier qui eft chargé du recuit * diipofe les moules
, & ôte les couvercles du fourneau ; il range les
charbons qui fe trouvent fur le deffus des moules,
il les fait tomber dans les foyers. Avec une pin-
cette il foulève & détache les bouchons des moules
qu’on veut remplir, de crainte que quelqu’un ne
s’y. fut attaché. Il les remet auilitôt chacun dans
leur première place, pour ne les retirer entièrement
de deffus chaque moule que dans l’in liant
que la foïfte fera prête à y couler.
Retournons à notre creufet : deux hommes fai-
fiffent un des ringards, & trois fe mettent fur l’autre.
Le poids à porter eft augmenté de celui de l’armure ;
deux hommes ne feroient plus affez forts, comme
ils l’étoient quand il ne s’agiffoit que de porter le
creufet. Si toute leur force étoit employée à porter,
ils ne feroient pas maîtres de bien ajufter leur creufet
au deffus des moules , de l’incliner, de le redreffer
à volonté. C’eft pour faciliter ces derniers mou-
vemens-, qu’il y a un homme de plus fur un levier
que fur l’autre. Il tient une verge de fer courbe, qui
eft engagée dans le levier : ils la nomment le gouvernail.
Confidérons les deux leviers comme s’ils
paffoient au travers du creufet, comme s’ils n’en
faifoient qu’un qui lui fervît d’arbre. En faifant tourner
cet arbre fur fon centre, on fait tourner le
creufet , on l’incline , ou on le redreffe félon le
fens dans lequel l’arbre tourne. L’aâion de l’homme
fur le gouvernail eft pour faire tourner le levier dans
lequel il eft engagé : les deux hommes qui portent
Y autre , n’ont prefque point de peine à déterminer
le leur à fuivre ce mouvement.
Laiffons pour un inftant nos cinq hommes chargés
de leur creufet, pour conftdérer l’ufage de quelques
pièces qu’on met fur le fourneau de recuit,
avant qu’ils y arrivent; & pour l’entendre mieux,
remarquons que dans le temps qu’on remplit un
moule , le creufet. doit être foutenu à une certaine
hauteur, qu’on ne doit l’incliner qu’avec une certaine
vîtefîe & jufqu’à un certain point. Il n’eft pas
fur que des hommes que le poids & la chaleur du
creufet mettent mal à leur aife , s’entendent toujours
affez bien pour agir de concert : mais ce qui leur
refte à. faire devient fimple , dès qu’ils fe trouvent
prefque déchargés de leur fardeau, & que ce fardeau
fe trouve naturellement placé à la hauteur convenable
: c’eft ce qu’opèrent les deux pièces dont nous
voulons parler. Ce font deux efpèces de chevrettes
pareilles à celles qu’on met dans les cheminées, qui
n’ont point de chenets , ou qu’on met quelquefois
à- côté' dés-chénets. Les nôtres font considérablement
plus longues ; elles le font autant que le: fourneau,
ou que la moitié au moins du fourneau de; recuit.
Une eft placée deffus un de fes murs, & l’autre fur
l’autre. Au lieu que les chevrettes ordinaires n’ont
qu’un pied à chaque bout, celles-ci en ont un autre
vers le milieu , ou même en ont d’autres de dif-
tance en diftance. Tout ce qu’on fe propofe ic i,
c’eft d’avoir en chaque chevrette une barre de fer
foutenue horizontalement & folidement à une certaine
hauteur au deffus de chaque mur ; & c’eft
ce qui détermine la hauteur & le nombre des pieds. '
Faifons marcher nos ouvriers chargés du creufet ;
dès qu’ils l’ont conduit au fourneau de recuit, ils
élèvent leurs ringards au deffus des chevrettes, &
bientôt les laiffent pofer deffus. Ainfi ils fe déchargent
de la plus grande partie de leur fardeau ; ils
l’avancent ou le reculent à leur aife1, jufqu’à ce qu’ils
jugent le bec du creufet à une diftance convenable
du moule qu’ils veulent remplir : alors ils n’ont plus
qu’à l’incliner. Celui qui tient le gouvernail eft
principalement chargé de cesfoin ;.le métal coule,
il tombe dans le moule. Dès que ce moule eft
rempli, on redreffe le creufet, on le porte fur le
moule fuivant; & ainfi l’on continué à les remplir
les uns après les autres , tant que le creufet peut
fournir de matière, & cela fans rifque.ni fatigue,
& avec beaucoup de jufteffe. Quelque commode
pourtant que foit l’ufage des fupports, l’exercice a
rendu les porteurs de creufets fi adroits & fî fûrs,
qu’ils [négligent le plus fouvent de • s’ën fèrvir.
Il eft cependant extrêmement effentiel que les
verfeursTdient bien maîtres de leur creufet ; des que
la fonte commence à couler , elle doit le faire fans
interruption. Lé fil, le jet du liquide doit être continu
, & tomber, autant qu’il eft poflible , dans le
milieu de l’embouchure du moule. Un inftant d’interruption
caufe quelquefois un défaut fenfibïe ; la
reprife paroît; fi‘ la fonte tombe fur les bords de
l’embouchure, fouvent il fe fait dans l’ouvrage d’autres
défauts appelés gouttes froides : ce font des re-
prifes plus petites que celles qui fe feroient en interrompant
le je t , mais fouvent plus marquées ; la
fonte qui eft tombée fur les bords du moule , prend
une direftion différente de celle du gros courant ;
elle va feule pendant quelques ihftans ;& par-là,
plus expoféè aux impreflions de l’air, elle fe refroidit
& produit des défauts dont le nom eft pris de l’état
des gouttes qui les ont occafionnés. La groffeur du
jet fera auflî proportionnée à l’épaiffenr des maffes
qu’elle doit former ; il ne feroit pas prudent de
faire entrer à la fois une aufli grande quantité de
i matière dans un moule dont on veut tirer des pla-
! ques de quelques lignes d’épaiffeur, que dans celui
où fe doivent mouler des pièces épaiffés- de plu-
fieurs pouces.
Quelquefois la fonte qui eft entrée dans un moule,
en fort fur le champ par bouillons, même avant
que le moule en foit rempli à beaucoup près ; c’eft
une marque que le moule a confervé de l’humidité.
Un moule froid , mais bien fée, rie fera pas bouillonner
la fonte ; & uri moule , quelque chaud qu’il
• foit, Vil eft un peu humide, donnera des bouillons
qui ordinairement produifent des fautes dans l’ouvrage.
Malgré ces bouillons, il faut pourtant continuer
de verfer jufqu’à ce que le moule paroiffe
véritablement plein.
L’infpeâion du jet de fonte qui tombe dans le
moule, met en état de prédire affez fûrement quelle
fera la qualité de l’ouvrage. Si elle eft extrêmement
pâteufe , fi épaiffe qu’elle coule difficilement, on
a lieu de craindre que l’ouvrage ne foit floux, ou en
termes plus connus que celui de l’art, qu’il ne foit
pas moulé vif ; que les ornemens n’aient pas le
relief du modèle ; que les arêtes qui devroiént
être aiguës, ne foient mouffes & arrondies, Si la
fonte, au contraire , eft extrêmement fluide, que
fon rouge tire fur le blanc , l’ouvrage court rifqu'e
d’être dur, fi le moule n’eft pas extrêmement chaud,
& fî la fonte en elle-même n’eft pas excellente. Mais
fi la fonte n’eft que médiocrement fluide, ce qu’un
peu d’habitude fait diftinguer , & ce qu’on recon-
noît à fa couleur qui eft d’un rouge affez beau , elle
eft la plus propre à être jetée dans des moules
chauds ; elle s’y moulera parfaitement &, reftera
douce. Ce degré de fluidité, qui eft le meilleur pour
lès moules chauds , dont il s’agit à préfent, n’eft
pourtant pas celui qui convient à ceux qu’on ne
recuit point. La fonte qui entre dans un moule
froid, demande à être extrêment fluide. Un fondeur
habile & attentif donnera aifément à la même fonte
ces différens degrés de fluidité ,' félon les ufages
auxquels on les deftine.
Nos expériences d’effais nous ont appris que de
la fonte grife qui a-été mife en fufion dans un creufet.
ordinaire.,. où lé feu n’agit fur le métal qu’après
avoir traverfé les parois , peut être coulée grife,
quoiqu’on n’ait employé aucune compofition dans
le creufët, fi on la verfe auflitôt qu’elle aura été
fondue ; qu’au contraire cette fonte ne pourra être
coulée que blanche, malgré là compofition, fi on
là tient très-long-témps fondue. Le feu continué
augmente fa liquidité, la rend plus fluide ; & il eft
très-difficile de ne pas couler blanche de la fonte
trop fluide. Ce principe me mit en état de tirer parti
d’une fonte excellente qu’on étoit près d’abandonner.
Elle avoit toutes les marques extérieures deda
meilleure fonte ; cependant après avoir été. fondue:
par le vent de nos foufflets à eau, & reçue liquide,
dans nos grands creufets de fer, tous lés ouvrages
qui en .étoierff jetés dans lès moules très - chauds ,,
etoient très-blancs. & très-durs. Dans cette manière
de fondre , la fonte, n’acquiert point ou. acquiert
peu de fluidité après être tombéè dans le creufet :
mais elle peut y tomber plus ou inoins liquide, &
y tomber tellement liquide, qu.ell'è feradàns le cas-
d’une fonte quia fbuffert un long feu dàns un creufet
ordinaire. Je penfai que là fonte dont il s’agit
étoit très>-fondante dé fa nature ~ & que le feu qui
agiffoit deffous étoit trop vivement pouffé par le
vent des foufflets : je fis percer le deffus dés foufflets
dun trou qui avoit plus d’un pouce de diamètre;
d s’échappoit prefque autant d’air par ce trou que
par la buze du foufflet. Le vent pourtant fortoit affei
fort encore pour fondre notre métal ; & fondu par
un feu moins ad if, il prit un moindre degré de
fluidité : verfé dans les moules, il donna des ouvrages
très-limables.
Quand donc la fonte deviendra trop fluide pour
être verfée dans des moules chauds, on diminuera
le vent des foufflets en en laiffant échapper une
partie par un trou percé à leur table fupérieure. On
peut avoir plufieurs de ces trous de différens diamètres
, fermés par des bouchons. Ces trous feront
autant de regiftres ;~on ouvrira les uns ou les autrés,
ou on les tiendra tous fermés , félon que le demandera
la fonte qu’on veut couler. Souvent un grand
moule ne fauroit être rempli par la fonte d’un feul
creufet : tels font ceux de quelques balcons & de
quelques vafes. Alors on fond en même temps dans
deux ou trois fourneaux différens, & dans autant
de creufets : on les retire du feu en même temps*
Les moules des balcons ont deux embouchures ÿ
chacun des creufets, porté par un nombre d’hpmmes
égal, verfe en même temps dans une des embouchures.
Les verfeurs ne s’embarraffent point dans
leurs manoeuvres; ceux d’un creufet font près d’un
des bouts du moule , & ceux; de l’autre , près de
l’autre bout, difpofés de manière que les ringards
qui foutiennent l’armure d’un creufet, font parallèles
à ceux de l’autre , & croisent à angle droit la.
bandé fupérieure du châflis du- moule.-
Les grands moules de vafe n’ont qu’une embouchure
: les verfeurs en ont moins de commodité-
à s’arranger ;. aufli ne verfent-ils pas précifément
en même temps. Les uns ne commencent à pencher'
leur creufet, que quand celui des autres eft prefque-
entièrement vide : cela s’exécute pourtant avec aflèz*
de facilité. Après que les moules ont été remplis , on
les laiffe refroidir jufqu’à ce qu’on puiffe s’en approcher
pour les retirer avec des tenailles , fans
avoir trop à fouffrir du feu. Retirés du fourneau,
il ne refte plus qu’à les ouvrir pour en ôter les ouvrages
: on ménage les châflis, fi on a la patience,
de ne les féparer l’un de l’autre que quand, ils font?
froids. Il y-a toujours quelques coups de marteau-
à donner,, foitpour faire fortir les clavettes, foit
pour dégager les liens. Ces coups fatiguent les
châflis encore ramollis par la-chaleur , & -ne font
point d’impreflion fur ceux qui font froids. Si cependant,
on ouvre, les moules pendant qu’ils font
chauds, on trouve les ouvrages encore rouges, &
alors leurs jets en font plus ailes, à abattre. L’une &
l’autre pratique ont donc leurs inconvéniens & leurs
avantages: félon que les jets feront plus ou moins
difficiles à caffér, ou qu’il y aura plus ou moins de
rifque à tourmenter lès châflis de certaines efpèces
dé moules , on ouvrira ces moules plus, tôt ou plus
tard.
Il y a des pièces qui n’ont beloin , pour être
moulées, que d’un feul châflis, & qui même peuvent
être moulées fans châflis : telles font toutes celles
qui n’ont des ornemens que d’un côté , & qui font