
longueur, tandis que dé l’autre moitié ils repréfen-
tent un couteau de chaleur oppofé dans chaque rang,
& répondent à la moitié dentée de l’autre. Communément
l’ouvrier forme les rangs droits fur leurs
bords fupérieurs & inférieurs. Ces rangs formés
droits, il en taille en dents la moitié ; mais, foit par
ignorance, foit par pareffe ou par intérêt, il s’épargne
le temps & la peine de ravaler le tranchant du
refie, & dès-lors l’appui du couteau fur le poil s’op-
pofe à ce que les dents parviennent à la peau. Je
conviens qu’un ouvrier plus intelligent ou de meilleure
fo i, peut, en ravalant les tranchans, obvier
à cette défeéluofité. Cette pratique néanmoins ne
m’offre aucune raifon de préférence fur la' méthode
que je confeille, car elle fera toujours plus compliquée
y & d’ailleurs l’expérience démontre qu’un couteau
de chaleur occupant toute la longueur de IV-
trille, n’efl pas moins efficace que les fix moitiés qui
entrent dans cette dernière conftruôion.
Au furplus, & à l’égard des ouvriers qui blanchif-
fent à la lime le dos du coffre , nous dirons que ce
foin efl affez déplacé relativement à un femblable
inftrument; & nous ajouterons encore qu’il peut
apporter un obftàcle à la durée, l’impreffion de la
forge, dont ils dépouillent le fer en le limant, étant
un vernis utile qui l’auroit long-temps défendu des
atteintes de la rouille.
Forge de Féperonnier.
Les outils de la forge font, outre la forge &
Ion foufflet, une enclume à deux bigornes , l’une
ronde du côté de la main, & l’autre carrée du côté
oppofé; une bigorne ordinaire; des tenailles croches
, plates & à canon ; des marteaux d’enlevure;
d’autres à panne; un marteau pour amboutir les
fonceaux ; des poinçons de différentes groffeurs,
une tranche , un mandrin ; un amboutiffoir & fon
étampe ; un fuage.
En général pour enlever les pièces , on prcid du
fer de Berri, carré , d’un pouce de gros, que Ton
étire à la groffeur convenable.
On enlève la partie qui doit former le banquet
fur le bord de l’enclume, en laiffant porter cêtfé
partie à faux : on enlève bout à bout les deux
branches du même mors, que l’on fépare avec la
tranche.
Après que les branches font enlevées, on les
forge pour leur donner la forme requife.
Pour forger donc la branche , on commence,
'ayant rechauffé, par ouvrir l’arc du banquet avec
un poinçon, dont la pointe tronquée a trois ou
quatre lignes de diamètre : on forme la broche &
Tare du banquet en bigornant.
On forge, l’oeil que l’on panne & qu’on agrandit
fur la bigorne.
On étire enfuite la foie; on perce le trou du
touret de bas de branche ; on étire la gargouille ;
on la foude après l’avoir pliée; on perce le ttou
du bas de branche qui doit feryir à attacher la
boffette.
Pour forger Tembouchure, on étire le fer a plat
plus étroit au milieu que par les extrémités : on commence
à le tourner fur le fuage, & on achève de
l’arrondir fur le mandrin.
Pour forger les fonceaux , on étire une partie
ronde, que l’on étampe avec le marteau à amboutir.
De la lime.
Il faut contre-percer tous les trous, enfuite dreffer
les branches fur la ligne ; après on évide le bas de
la branche, & on en liîfte le corps' auffi bien que
l’arc du banquet : on finit par l’oeil dont on évidc
l’intérieur.
Pour montêr les branches , il faut fendre diamétralement
les extrémités de l’embouchure avec un
tifeau, & réparer avec une lime à fendre pour
pouvoir y loger la broche de la branche , que l’on
y fait tenir en rabattant, avec un cifeau & un màt-
toir, les parties des fentes fur la branche.
On refend enfuite l’embouchure à angles droits
avec une lime, pour recevoir deux des quatre tenons
ou rivets du fonceau que l’on lime, en y
laiffant un bifeau v if qui doit, en rivant, être recouvert
par le bord du canon de l’embouchure,
que l’on lime par-tout auffi bien que les fonceaux,
qu’on enduit d’huile de navette pour empêcher la
rouille & donner pied à l’étamage. .
De Vétamage des mors & des gourmettes»
Les ouvrages étant huilés, comme il vient d’être
dit, ou reblanchis à la lime, fi ce font de vieux ouvrages,
enfuite huilés, on les poix-réfine, c’eft-à-
dire, qu’on les faupoudre de poix réfine pilée,
mêlée avec du fel ammoniac en poudre. On trempe
les mors dans le bain d’étain, fondu au degré de
chaleur qui lui donne la couleur jaune : on les retire
& on les fecoue au bout d’un.crochet de fe r , en
frappant avec un bâton pour faire tomber les goutt.es
‘d’étain fuperflues.
Pour étamer à blanc les gourmettes, on les fait
rougir au charbon dé terre ; & fortant de la forge ,
on fecoue les gourmettes contre ie billot de l’enclume
, pour en faire détacher les écailles : on les
jette enfuite dans le baquet plein d’eau qui efl au-
devant de la fécondé forge ; enfuite on les met
dans le moulin , qui efl un tonneau ou quar-
teau enarbré für un a x e , dont une des extrémités
efl tournée en manivelle. On tourne le moulin ; ce
qui fait rouler les gourmettes, & les décraffe entièrement
: cela fait ,■ on met lés gourmettes dans
une marmite de fer fondu que l’on échauffe à la
forge, & dans.lâquelle on met de l’étain & ‘du fel ammoniac
feul. On retourne, on fricaffe les gourmettes
jufqu’à ce qu’elles aient pris l’étain par-tout. Delà
on les jette dans le baquet d’eati claire, d’où on les
retire pour paffer au moulin dans lequel On met du
fon : on le fait tourner; ce qui sèche & éclaircit
les gourmettes.
. Communauté des éperonniers:
Anciennement on comprenoit, fous le titre de
lomïers » les éperonniers , les felliers & les bourreliers
que l’on appelloit alors couturiers de lor-
merie, & ces ouvriers ne formoient enfemble qu’un
feul & même corps. En 1678, les felliers-lormiers-
carroffiers, ou les felliers-garniffeurs , obtinrent,
hns la participation des lormiers-éperonniers, des
flatutsen qualité de maîtres d’une communauté
particulière : c’efl ainfi que ces artifans fe font
défunis ! & qu’ils compofent aujourd’hui deux corps
de métiers différens.
Des lettres du roi Jean I , appellé par d’autres
Jean I I , données à Paris le 20 mai 1357, & adref- "
fées au prévôt de Paris, ou à fon lieutenant, prou-'
vent l’ancienneté des maîtres lormiers, déjà établis
en corps de jurande , puifqu’ils fupplioient fa
majeflé de vouloir bien retrancher des flatuts de
leur communauté nombre d’articles qui,,depuis
très-long-temps, n’étoient d’aucune utilité, & y
en ajouter .plufieurs autrès également nécefïaires
au bien public & à celui de leur corps. En exécution
de ces-lettres, le prévôt de Paris ayant affem-
blé la plus grande & la plus faine partie des maîtres
& des compagnons ; on dreffa de nouveaux
ïéglemens que l’on rédigea en trente-un articles ,
& qui furent approuvés , confirmés & homologués
par des lettres-patentes , données au mois de fep-
tembre de la même année.
Les flatuts faits en 1576 , en conféquence de
l’ordonnance d’Orléans , pour la correction & la
réformation de tous les flatuts & réglemens donnés
jufqù’alors aux maîtres des communautés érigées
en corps de jurande , diffèrent peu de ceux
de 1357 ; d’une part ils expliquent & règlent la
police & la difeipline du corps, & de l’autre ils
contiennent le détail des ouvrages que les lormiers
peuvent fabriquer & vendre.
La féparation des éperonniers & des felliers,
opérée en 1678, ne porta aucune atteinte à leurs
droits ; les lormiers-éperonniers s’étant fait maintenir,
en l’année 1 7 1 7 , par arrêt du parlement,
dans la faculté dé faire & de vendre des carroffes
& autres femblables voitures & ouvrages, ainfi
qu’elle leur étoit accordée dans leurs anciens ré-
glemens ; & les lormiers-félliers-cârroffiers ayant
confervé , dans leurs flatuts de 1678, le privilège
de forger, dorer , argenter , vernir & vendre toutes
fortes d’étriers, mors., éperons , &c.
Au furplus, S. Eloi étoit autrefois le patron des
lormiers-éperonniers , comme il l’efl encore des
felliers-lormiers-carroffiers ; mais la communauté
des éperonniers de la ville & fauxbourgs de Paris,
n’invoque à.préfent que S. Leti,J& S. Gilles , parce
que lé nommé Gilles-, ancien juré de ce corps,
& fa femme, biffèrent à la confrairie qui efl érigée
dans l’églife de S. Jacques de la Boucherie, une
fomme , à condition que S. Gilles,en feroit à l’avenir
le patron. La loi par laquelle Gilles a voulu
immortalifer fon nom, & qui a contraint cette
communauté de renoncer à la proteélion de S. Eloi,
ne lui a rien offert que d’avantageux, puifqu’outre
les fonds dont elle a été gratifiée, elle a acquis un
patron de plus.
Les maîtres éperonniers, depuis leur féparation
des felliers , ont réduit le nombre de leurs jurés à
deux, dont un s’élit tous les ans.
Il faut quatre ans d’apprentiffage, & cinq de
compagnonnage pour afpirer à la maitrife, & faire
chef-d’oeuvre.
Les maîtres n’ont qu’un apprenti à-îa-fois.
Les éperonniers font réunis, par l’édit du mois
d’août 1776 , à la communauté des maréchaux
ferrans, & leurs droits de réception font de 600
livres.'
Explication des Planches relatives a l art de l Épe-
ronnier, tome I I des gravures.
Planche 1. La vignette repréfente l’intérieur de
la boutique d’un éperonnier.
Fig 1 y ouvrier occupé à huiler les ouvrages avec
l’huile de navette, contenue dans une terrine qui
efi devant lui : il fe fert pour appliquer l’huile d’une
patte de lièvre.
Fig. Zsy ouvrier ou petit apprenti occupé à poix-
réfine r les mors. Il a devant lui une febille de bois
qui contient la poix-réfine & le fel ammoniac. De
la main droite il tient une fpatule ou petite pelle
avec laquelle il répand la poudre fur les ouvrages.
A fa gauche font des mors huilés par l’ouvrier
fig. 1 , & à fa droite font les mors, poix-réfinés à
portée de l’étameur.
Fig. H Yétameur. Il prend les mors poix-réfinés
avec des tenailles : il les plonge dans le bain d’étain
où il les retourne de temps en temps ; il les donne
enfuite à l’ouvrier figure 4 , qu’on nomme fe-
coueur.. -
Fig. 4. Le fecoueur ayant reçu le mors étamé
fur le bout de fon crochet de fer qu’il tient de la
main gauche , appuyée fur le genou, tenant de la
main droite un bâton, frappe deffous le crochet
auquel le mors efi fufpendu , ce qui en fait tomber
des gouttes d’étain, lefquelles font reçues dans une
plaque de tôle , dont les bords font retrouffés : c’efi
auffi dans cette efpèce d’auge de tôle que l’étameur
rejette la craffes de fa chaudière d’étain chaque fois
qu’il l’écume.
Au deflus de l’appui de la boutique, on voit la
barre qui fert d’étalage, à laquelle plufieurs mors
font fufpendus.
Bas de la planche.
Fig. t , étau. L’étau des éperonniers diffère des-
étaux des autres artifans , en ce que les mâchoires
font beaucoup plus élevées au deflus de la boite,
& que les mors de l’étau font plus courts, n’ayant
tout au plus que trois pouces de long. Ils font élevés
de fix pouces au deflus du nud fupérieur de la
boîte.