
courent rifque de plier, lorfque la chaleur les aura
ramollis, on choifira quelqu’un des enduits dont nous
avons parlé ci-devant. Nous en avons indiqué plu-
lieurs qui font excellens ; on emploiera par préférence
ceùx dont les matières feront plus ailées à trouver
dans l’endroit où l’on aura fait Ion établiffement.
Une règle générale, c’eft de proportionner la
force du lut au degré de feu qu’on veut employer,
c’eft-à-dire, de compofer un lut plus difficile à
fondre, félon que les ouvrages doivent fouffrir une
plus longue & une plus violente chaleur. La mine
de plomb peut en foutenir une affez confidèrable ,
& étant refroidie, paroître avec fa première couleur
noirâtre. Mais fi le degré de chaleur qui a agi
fur elle a eu un certain degré de force ; refroidie,
elle eft d’une couleur rougeâtre femblable à celle de
certains pots de terre .cuite. Plus les nuances que le
feu lui a fait prendre font rouges, & plus l’enduit,
qu’elle forme eft en rifque de tomber en écailles.
La mine de plomb produit un effet qui tient
quelque chofe de.celui de la poudre de charbon , &
a l’avantage de réfifter au feu ouvert ; ce ne feroit
pas une mauvaife pratique que celle d’enduire légèrement
les pièces de mines de plomb , & de recouvrir
ce premier enduit d’un lut d’une terre extrêmement
fablonneufe.
Dans' tout ce qui eft de pratique, l’épargne du
temps mérite grande attention ; rien de plus fimple
que d’enduire nos ouvrages de fer fondu. Cependant
il y a deux manières de le faire, dont l’une
eft bien plus expéditive que l’autre. La première,
qui 3 quoique commode, eft la plus longue,. c’eft
de préparer la pâte dont on veut faire l’enduit, de
telle confiftance qu’onpuiffe la prendre, & l’étendre
avec un pinceau : en frottant ainfi une pièce avec le
pinceau , on lui donne une couche : on laiffe fecher
cette première couche, fur laquelle on en applique
enfuite une fécondé, & fur celle-ci une troifième.
On donnera plus ou moins de couches , félon
l’épaiffeur qu’on veut à l’enduit, & aufli fuivant
que la matière de cet enduit étoit plus ou moins
épaiffe lorfqu’on l’a étendue. Mais la règle générale
eft toujours de ne biffer rien à découvert, de re-
paffer fur les endroits qu’on a touchés néceffaire-
ment pendant qu’on enduifoit l’ouvrage. Il y en
a certains à qui il fera plus commode de ne donner
d ’abord qu’une demi-couche; c’eft-à-dire, qu’on
n’étendra chaque couche que fur une moitié de l’ouvrage
, on la laiffera fécher avant de la continuer fur
le côté oppofé à celui où elle a été mile.
J’ai éprouvé une autre manière d’enduire, incomparablement
plus prompte que celle d’enduire au
pinceau ; fur - tout lorfqu’il s’agira des pièces. ou
petites, ou d’une groffeur médiocre ; c’eft de les
plonger fimplement dans la compofition, d’appliquer
l’enduit par immerfion, comme les fayenciers
appliquent l’émail fur leurs terres. La matière dont
il doit être fait, n-’aura alors que la confiftance d’une
bouillie claire.
Le grand fecret, pour employer le temps des
ouvriers le plus avantageufement qu’il eft poffibîe J
eft d’occuper autant qu’on peut les mêmes à faire
les mêmes ouvrages, fans les détourner pour d’autres
d’une autre efpèce. Delà vient, par exemple,
que nous avons des épingles à fi bon marché. Selon
ce principe , on attendra à donner les enduits juf-
qu’à ce que l’on ait affez d’ouvrages fondus pour
en remplir le fourneau. L’endroit où on y travaillera
, fera une efpèce d’atelier, particulier. Dans
cet atelier , l’on aura un ou plufieurs baquets remplis
de la bouillie claire dans laquelle les ouvrages
doivent être trempés. Dans le même endroit il y
aura différentes tables rangées tout autour des
murs ; fi celles-là même ne fuffifent p a s , on en
difpofera en allée. A mefure qu’une pièce aura été
plongée dans la bouillie , on la pofera fur la table.
Ce travail pourra occuper deux hommes ; l’un fera
chargé de remuer de temps en temps cette bouillie
avec un bâton, afin que les grains ne fe précipitent
pas au fond ; le même trempera les ouvrages dans
îa bouillie ; il donnera auffitôt la pièce qui vient
de recevoir une couche au fécond ouvrier pour
la porter fur les tables. Celui-ci, en prenant une
pièce, en donnera une autre à enduire, & ainfi.
de fuite.
Le travail, conduit avec cet ordre, ira extrêmement
vite : quelque quantité d'ouvrages qu’on ait,
bientôt on les aura tous fait paffer par les baquets ;
mais chaque pièce aura à y paffer plus d’une fois,
& cela parce qu’à chaque fois elle ne prendra qu’une
couche bien mince, fi la compofition eft liquide,
ce. qui eft le mieux. Il feroit inutile de donner une
fécondé couche avant que la première eût pris de
la confiftance. On pourra cependant continuer le
travail fans interruption au moyen d’un expédienc
affez fimple : c’eft de difpofer des réchauds de feu
fous les tables, d’efpace en efpace ; ou de difpo-
fer fous ces tables des efpèces de grils qui fou.-
tiendront quelques charbons allumés. Le feu en
fera plus tôt fou effet,: fi les deffus des tables font
minces : ils pourront être des plaques de fonte;
mais l’epaiffeur de la tôle forte leur fuffira. Ces
plaques feront percées de quantité de trous, afin
que la chaleur des réchauds parvienne plus aifé-.
ment jufqu’aux pièces. Cet attplier pourroit être
une efpèce d’étuve ; cependant les ouvriers travaillent
toujours avec peine dans les étuves , &
nos- réchauds donneront une chaleur fuffifante.
Quand les dernières pièces auront reçu une coiif
che, les premières fe trouveront affez.lèches pour
en recevoir une fécondé.
Qu’on ne me demande point que je détermine
le nombre des couches néceffaires ;. il dépendra de
îa confiftance de la bouillie. Je,ne faurois même
déterminer l’épaiffeur que doit avoir tout l’enduit ;
il convient qu’il en ait plus ou moins „ félon la
matière dont on l’aura fait. Quelques remarques
tiendront peut-être lieu de règles plus prècifes. Si
l’enduit étoit extrêmement mince, il ne fuffiroit
pas : fi on frotte fimplement un ouvrage de fer avec
de la mine de plomb, on lui donne le plus mince
de tous les enduits ; mais aufli on ne le met pas
à l’abri des écailles. Une couche fi mince ne fau-
roit tenir contre les plus petits bouilloiinemens qui
arrivent à la furfa.ee du fer ; tout eft capable de
l’emporter. Si l’enduit eft épais jufqu’à un certain
point; outré qu’il confumera inutilement de la matière
, il ne fera pas affez flexible pour fuivre le
fer quand il Viendra, à fe plier ; cet enduit fera plus
aifé à fe caffer. Si l’on emploie de la mine de plomb
pure, lés termes de l ’épaiffeur de. l’enduit me pà-
roiffênt devoir être entre une ligne & une demi-
ligne. Plus d’épaiffeur feroit fuperflue ou nuiflble ,
& moins ne fuffiroit pas.
L’enduit s’attachera fans peine fur tous les endroits
plats ou creux ; mais il ne prendra pas toujours
fl bien fur les angles, fur-tout fur ceux qui font
à vives-arêtes & près des bords. Quand les ouvrages
auront été trempés affez de fois pour avoir
reçu un enduit d’épaiffeur convenable, & quand
cet enduit fera fe c , on examinera s’il no manque
rien fur les angles ; s’ils font à découvert quelque
part, on paffera le pinceau fur ces endroits , après
l’avoir trempé dans une matière plus épaiffe que
celle où l’on plonge les ouvrages.
Nous avons dit que les pièces qui n’auroient été
que frottées à la main avec de la mine de plomb
lèche, ne feroient pas en: état de foutenir un long
feu fans s’écailler ; elles en foutiendront pourtant
un plus long que ne feroient des pièces expofées
toutes nues : c’eft un enduit très-mince ; mais c’eft
toujours un enduit. Aufli voudrois-je qu’on commençât
par le donner avant de plonger des pièces
dans notre efpèce de bouillie , & lur-tout avant
de couvrir celles qu’on couvre avec le pinceau.
8°. Différentes manières dont on peut recuire & adoucir
les ouvragés enduits.
Au moyen de nos enduits, les ouvrages de fer
fondu peuvent être adoucis par tout feu d’une activité
fuffifante ; qu’il foit de bois ou de charbon , il
n’importe. La forme du fourneau n’importe aufli
qu’autant qu’elle conferve ou augmente davantage
la force du feu , & qu’autant qu’elle donné plus de
commodité pour arranger les pièces.
. Dans cette façon .d’adoucir, on peut très-bien
fe fervir du feu d’une forge ordinaire , pourvu que
la, grandeur des .piècesr permette de les y placer :
fi ces pièces font épaiffes ,>on^peut les, mettre au
mjlieu même des charbons' dé la-forge. Je fuppofe
néanmoins que l’ouvrier fera attentif à ne pas faire
agir le-foufflet trop vivement : il fera bon même:
que, de temps en temps il ceffe de le tirer.
Si les, ouvrages font minces ou chargés .d’oriie-
mens délicats, le rifque de les fondré feroit encore
plus grand ; ils demanderôient par conféquent encore
plus d’attention , & peut-être en demande-
roient-ils au-delà de ce que le commun des ouvriers,
eft capable d’en avoir. Pour les adoucir à la forge 9
au lieu de les placer immédiatement au milieu, des.
charbons, le plus fur fera de les mettre dans un
creufet, foit carré , foit carré long , foit rond ; en
un mot, tel que leur grandeur & leur figure l’exigent.
Ce creufet aura un couvercle ; on fe difpen-
.fera de le luter : il en fera plus commode à lever;
& c’eft ce qu’on aura foin de faire de temps en
temps pour voir les pièces & juger par leur couleur
s’il eft à propos d’augmenter leur degré de
chaleur ou de le diminuer.
Le feu de forge ainfi ménagé adoucira bien &
vite ; il peut fuffire à un ouvrier qui fondroit &
répareroit lui-même fes ouvrages, & qui n’entre-
prendroit pas d’en adoucir dont lé volume furpaffât
celui des marteaux de porte cochère.
Le feu de la forge peut fervir encore utilement
pour des pièces, foit grandes , foit petites, qui
ayant été mifes dans les recuits, ou qui ayant été
adoucies par la méthode dont il fera parlé dans la
troifième partie , font cependant reftées dures en
quelques endroits d’une étendue peu confidèrable.
On expofera ces endroits au feu de la forge à nu ,
s’ils n’ont point d’ornemens qui méritent d’être
ménagés , ou après les avoir enduits, s’ils ont des
ornemens délicats. Mais il conviendra, dans une
manufaéture en règle, qu’on ait des fourneaux pour,
adoucir des, ouvrages enduits.
Il fuffit que lés ouvrages enduits foient fimplement
mis dans des caiffes les uns fur les autres ;
au lieu que quand on les y veut adoucir fans les
enduire, on remplit les vides qu’ils laiffent eritr’eux
avec la poudre compofée : alors tout l’intérieur de
chaque caiffe eft un maflif à échauffer. O r , comme
le poids des ouvrages & des poudres pris enfem-
ble eft au poids des ouvragés feuls ; ainfi eft le
rapport de la maffe que le feu a à échauffer dans
• le premier cas, à celui de la maffe qu’il a à échauffer
dans ce cas-ci : & cette différence eft affez confidé-
rableparce que les poudres, & fur-tout celle d’os ,
pèfent beaucoup.
On pourroit chauffer les fourneaux avec le bois
ou avec le charbon ; mais le charbon produiront
un plus prompt adouciffement. Le cours libre de
l’air fuffira, fi on ménage affez d’ouvertures pour
lui donner de libres entrées. Mais dès que les ouvrages
feront enduits , les fourneaux dont nous
venons de parler, quoique bons, ne doivent pas
être regardés comme les plus avantageux dont on
puiffe fe-fervir : on peut en employer d’autres de
formes plus convenables. Les fourneaux de réver-
; hère pareils à • ceux où l’on chauffe les barres de
fe r , avant.de les faire paffer entre les rouleaux des
: applatifferies , ou les couteaux des fenderies, y
pourroient être propres ; on y arrangeroit facilement
une grande quantité d’ouvrages. Il faudroit
pourtant les conftruire de façon qu’ils chauffaffent
plus violemment que ces fourneaux ne font pour
l’ordinaire. Autrement -, le fer ne s’y adouciroit
que pour former des écailles, comme je l’ai éprouvé
dans les fourneaux de réverbère , dont j’ ai parlé
çi-devant. Mais il n’eft pas difficile d’en conftruir^