
été coulés ? C ’eft ce qui ne m’a pas pafu Impoflible ]
parce que l’expérience m’avoit appris que la fonte
adoucie, qui a Amplement pris le grain gris, eft
encore fufible.
Outre qu’il feroit avantageux d’avoir' doux, à la
fortie du moule , les ouvrages à qui un adoucifle-
ment médiocre fuffit, il le feroit pour ceux qui
veulent l’adouciffement plus parfait. La douceur
qu’ils auroient, feroit déjà d’autant d’avance fur
celle qu’ils doivent avoir. Convaincu de l’utilité
de ce fecret, & n’ayant aucune raifon de le regarder
comme impoflible, j’ai fait des tentatives , &
en grand nombre, pour le découvrir. Il eft rare que
celles par où on commence foient heureufes ; mes
premières aufli ne l’ont pas été. Je vais pourtant les
rapporter. Les raifons qui m’ont déterminé tant de
fois à ne pas taire les expériences qui n’ont pas réuffi,
fubfiftent encore ici ; j’épargnerai à d’autres la peine
de les faire , & elles ne feront pas inutiles pour expliquer
d’où dépend le fuccès de celles qui nous
conduiront au but principal de notre recherche.
La première méthode que j’ai tentée , a été de
mettre de la fonte en parfaite fufion dans un creu-
fet, & de jeter fur cette fonte fluide quelqu’ingré-
dient, pour voir fi par-là je ne parviendras pas à
la rendre telle qu’elle pût être tirée du creufet douce
& limable. Tantôt je laiffois cet ingrédient fur
la fonte , comme il y étoit tombé ; tantôt je les mê-
lois enfemble , agitant le tout avec une baguette de
fer. Je faifois bouillir ces deux matières, plus ou
moins, félon que je l’imaginois convenable, quelquefois
feulement pendant un quart-d’heure, &
quelquefois pendant plus d’une heure, ou d’une
heure & demie.
i°. La poudre d’os brûlée étoit la matière qui
fembloit la plus indiquée, & a été aufli celle que
j’ai employée d’abord. T ai jeté beaucoup de cette
poudre fur de la fonte fluide ; je les ai fait bouillir
long-temps enfemble ; la fonte que j’ai coulée n’en
a été de rien moins dure , moins rebelle à la lime ,
qu’elle l’eût été A elle eût bouilli feule. L’efpérance
que j’avois dans cette matière, me l’a fait tenir plus
de deux heures avec la fonte en fufion ; la durée de
.^opération n’a produit aucun changement ; cependant
, A cette même fonte étant en mafle folide eût
été entourée de poudrecomme elle l’étoit ici étant
en liqueur-, alors cette fonte eût été adoucie, &
même à fond : car elle étoit en petite quantité, &
expofée à, un feu violent.
2°. Sur d’autre fonte en fufion j’ai jeté de la poudre
de charbon, j’ai mêlé même cette poudre avec
la fonte.
3°. Dans d’autre ,* j’ai jeté du fable.
4°. Dans d’autre , du verre pilé.
f°. Dans d’autre, de la pierre calaminaire, &
cela par rapport aune vue qu’il eft inutile d’expliquer
à préfent. La fonte tenue avec ces différentes
matières, a été coulée aufli dure & aufli blanche
qu’elle l’eût été A elle fût reftée feule dans le creufet
: j’ai dit aufli dure & aufli blanche. Je veux
faire fouvenir pour la fuite, que ces deux termes font
ici fynonymes : de la fonte bien blanche eft toujours
de la fonte très-dure.
6°. On pourroit efpérer que de la fonte qui auroit
été mêlée avec de la limaille de fe r , compoferoit
une nouvelle fonte plus traitable que A elle eût été
coulée feule : dans trois parties de fonte fluide j’ai
fait entrer une partie de limaille de fer v & cela à
diverfes reprifes , ne mettant la limaille que peu à
peu. La fonte ainA compofée étoit peu coulante ;
difficilement eût-elle pu être jetée en moule : mais
un plus grand défaut, c’ eft qu’elle avoit toute la
blancheur & la dureté des fontes les plus rebelles.
7°. Le fafran de mars fembloit aufli promettre
pour l’adouciflement de la fonte ; dénué comme il
e ft, des foufres & des fels qu’il avoit quand il étoit
fer, il fembloit qu’il de.voitfe charger de ce que la
fonte fluide en avoit de trop : mais quelque chofe
que j’^ie tentée , il n’a produit aucun effet ; il s’eft
vitrifié à la furface de la fonte , fur laquelle il
s’eft toujours élevé, étant une matière trop légère.
8°. J’ai paffé enfuite aux eflais des fels. Qu’on ne
s’étonne point, au refte, que pour adoucir la fonte
j’aie tenté l’effet de matières qui femblent durcir le
fer , qui le changent en acier. On a tant d’expériences
que les mêmes chofes font en phyftque des
effets contraires, par des changemens de circonf-
tances peu importans en apparence , qu il n eft
rien qui ne doive être eflayé : la matière que nous
examinons exempteroit d’aller chercher ailleurs des
exemples propres à le prouver. J’ai donc mêlé avec
• de la fonte en fufion, tantôt du fel marin, tantôt
du borax, tantôt du vitriol, tantôt de l’alun * tantôt
du fel ammoniac, tantôt de la foude, ou du
fel de foude, ou des cendres gravelées : aucun de
ces mélanges n’a produit d’adouciflement fenftble.
9°. Un fel dont on pouvoit plus attendre que des
précédens, eft le falpêtre. On fait qu’il peut être
tenu en fufion dans le creufet le plus violemment
chauffé , fans donner la moindre étincelle, & que
A au contraire on le jette fur le fer fondu , il y
fufe comme fur les charbons. Quand le falpêtre
contiendroit réellement de la matière inflammable,
ce que d’excellens phyficiens ne veulent pas , il eft
toujours fûr que lorfqu’il s’enflamme, il demande à
être environné d’une, matière inflammable qui lui
foit étrangère ; il fufe dès qu’il eft jeté fur les charbons
, parce qu’ils lui fourniflent cette matière;
le fer fur lequel il détonne lui en fournit de telle :
il femble donc propre à-brûler les foufres du fer.
J’ai jeté à différentes fois de ce fel fur de la fonte en
fufion : il y a détonné tout autant.de fois, J’ai fait
brûler de la forte plus d’un quarteron de falpêtre
fur une livre de fonte. L’effet qu’il y a produit n’eft
pas favorable à ceux qui la veulent jeter en moule;
foudainement il l’a figée : dans l’inftant qu’il a étéjeté,
il fe fait unecroûte fur cette fonte ; le refte s’épaiflit
aflezvîte, & bientôt toute la mafle devient folide.
Qu’on ne foupçonne point que cet effet pourroit
être attribué au refroicliffement caufe a la matière
en fufion par l*attouchement du falpêtre, dont le
degré de chaleur étoit fort inférieur au fieu. Deux
remarques feront voir que ce n’eft eft pas là la
véritable caufe : i°. A on jette^dans le même creufet
d’autres fels en grande quantité que le falpêtre,
& des fels qui n’ayant pas la propriété de s’enflammer
, doivent refter pendant long-temps moins
chauds que la fonte, ces fels ne l’épaimront pas
fenfiblement ; ils ne formeront pas fur fa furface
la croûte folide dont nous avons parlé ; 2°. enfin
A cette croûte & un épaiffiflement général de la
fonte ont été occafionnés par la Ample fraîcheur
d’une matière étrangère, on n’a qu’a continuer le
feu, la fonte redevient fluide comme elle l’étoit
auparavant ; au lieu que celle qui a pris confif-
tance après que le falpêtre l’a touchée , ne peut
plusrevenir à fa premièrefluidité : elle refte conftam-
ment épaifle, au moins pour la plus grande partie,
& ne laifle au plus couler que quelques gouttes.
Puifqu’il eft certain que le falpêtre ne s’enflamme
que lorfqu’il eft environné de corps qui peuvent
lui fournir des matières fulphureufes, il eft vifible
que le falpêtre en brûlant brûle une partie des foufres
de la fonte. Ces foufres étant brûlés , elle
s’épaiflit de façon que le feu ne peut la rendre coulante
; donc elle devoit aux foufres qui lui ont été
enlevés., fa difpofition à devenir fluide : cependant
elle eft encore alors très-dure ; elle ne devoit donc
pas fa dureté à ces mêmes foufres. Mais c’eft une
conféquence que nous ne youlonsà préfent qu’indiquer
; il n’eft pas temps de nous y arrêter : nous
y reviendrons ailleurs.
Au refte, pour produire l’épaiffiflement de la
fonte, il n’eft pas befoin de mettre autant de falpêtre
que j’en ai mis dans l’expérience que je viens
de citer : ufte quantité beaucoup moindre y fuffit.
Il eft Angulier que, quoique les fondeurs cherchent
fur-tout à rendre leur fonte coulante, il y
en ait de très-habiles , dont l’ufage eft de jeter un
peu de falpêtre fur leur fonte de fer en bain, immédiatement
avant de la couler : ils s’imaginent
que c’eft un moyen de la mieux affiner. Après avoir
jeté ce falpêtre , ils peuvent enlever une croûte
épaifle , qii’ils regardent comme une crafle dont la
fonte s’eft purgée à l’aide du falpêtre ; cette prétendue
crafle n’eft que la fonte même de la furface
qui s’eft épaiflie : cette couche épaiffie leur donne
plus de facilité à enlever les charbons qui font tombés
dans le creufet, & tout ce qui s’y eft vitrifié ;
ils les emportent aifément avec la couche du métal
: c’eft là le feul avantage qu’ils doivent attendre
de cette pratique.
io°. Il y a eu aufli des expériences où la fonte
s’eft épaiffie après que j’ai eu jeté deflùs de la foude
ou du favon ; mais ces mêmes matières n’ont pas
diminué fenfiblement la fluidité de quelques autres
fontes ; il y en a à qui elle eft plus difficile à
Oter qu’aux autres. Le gypfe a aufli épaiffi quelques
fontes , mais en a laiffé d’autres très-fluides :
la chaux & la craie ne l’ont ni épaiflie, ni adoucie.
i i ° . Le tartre, les huiles, les graiffc.s que j’ai
fait brûler fur des fontes liquides, & que j’y ai
mêlés., autant que la différence de pefanteur l’a pu
permettre , ne leur ont procuré ni adouciflement,
ni épaiffiflement.
i2°. J’ai jeté, comme dans les expériences précédentes
, fur la fonte en fufion ,• du foufre commun
, de l’antimoine, de l’orpiment, du verd-de-
gris : toutes ces matières lui ont laifle fa dureté.
L’orpiment la rend beaucoup plus fluide ; celle
dans laquelle l’antimoine a été jeté eft très-fpon-,
gieufe-: le foufre aufli la rend fpongieufe.
130. Je ne parlerai point des alliages que j’ai tenté
de faire du fer avec différens métaux ; ces expériences
mériteront un article particulier, & ne m’ont
rien fourni pour avoir une fonte plus douce.
Le réfultat effentiel des expériences que nous-
venons de rapporter, c’eft qu’il n’eft aucune des
matières dont j’ai parlé, q u i, étant jetée fur la
fonte en fufion & mêlée avec cette fonte , lui procure
^'quelque adouçiflement fenftble. Il ne paroît
pas même qu’il y ait à efpérer que le mélange &
la combinaiîon de ces matières produife cet effet.
Quoi qu’il en foit, j’ai défefpéré d’y parvenir par
cette voie ; je ne fais A quelqu’autre fera plus
heureux que je ne l’ai été.
Quoique je n’aie pu adoucir les fontes pendant
quelles étoient en fufion , quoique l’efpérance d’y
parvenir m’ait été ôtée, je n’ai pas cru qu’il fût
impoflible , par toute autre voie , de couler des
fontes limables. Rappelions-nous les idées que nous
avons données des différentes fontes ; elles nous
prouveront la poffibilité d’en couler de douces.
Nous les avons diftinguées en blanches & en grifes
; nous avons dit que les grifes font fouvent
limables ; & les obfervations que j’ai faites depuis ,
m’ont prouvé qu’elles le font prefque toutes : elles
le font d’autant plus , qu’elles font plus grifes. Pour
les fontes blanches , elles font toujours à l’épreuve
de la lime : parmi une quantité prodigieufe que j’ai
eflayée, il ne s’en eft jamais préfenté une limable.
Toutes ces fontes grifes & limables font des
fontes telles qu’elles font forties du fourneau, où-
la mine a été fondue ; qu’on les mette une fécondé
fois en fufion , elles deviennent blanches ou en
entier, ou en grande partie ; c’eft-à-dire , comme
nous l’avons remarqué ailleurs, que A l’intérieur-
de l’ouvrage qui en a été fait a confervé quelques
nuances de l’ancienne couleur de cette fonte , tout
l’extérieur a pris la couleur des fontes blanches.
Par conféquent la lime n’y fauroit faire d’impref-
fion , ou A quelques endroits de la furface font
par hafard reftés limables, il y a beaucoup plus
d’autres endroits qui ne le font point.
Si l’on s’en tient Amplement à refondre dans des
creufets ces fontes qui font forties douces du
fourneau où la mine a été fondue, on ne peut s’en
promettre des ouvrages limables ; mais comme
nous venons de dire qu’il y a quantité de fourneaux
d’où on tire des fontes grifes , fans s’embar-*