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blanches, & la métamorphofo des fontes grlfes en
fontes blanches eft aifée à faire : mais on a des
ouvrages intraitables, qu’on eft obligé de laiffer tels
que le moule les a donnés. Il eft vrai que des curieux
ont fait jeter de ces fontes , pour en compo-
fer des médailles, des deffus de tabatières , &
d’autres pièces délicates ; & ces pièces moulées &
fondues avec adreffe font quelquefois forties fi nettes
du moule , avoient ft bien pris les traits les plus
fins, qu’il n’étoit nullement nèceffaire de les réparer.
C e ft à quoi l’on réuflira , quand on fera les
moules de ces petites pièces, avec autant de foin
qu’on fait ceux où le verre prend ft exactement les
empreintes des pierres gravées. Mais inutilement
tenteroit-on quelque chofe de pareil en grand, on
n’y parviendroit pas ; quelque parfaite qu’une grande
pièce fïit fortie du moule, il refteroit à couper fes
jets , à l’ébarber, & encore à la rendre moins caf-
fante. Au moins favons-nous que la fonte blanche
fe peut très-bien mouler, quoiqu’on ne la moule
pas ordinairement.- Il y a plus, c’eft que la fonte
blanche fe moule aufft aifément que la grife ; on la
rend même plus fluide.
Il faut fi peu d’art pouf changer de la fonte grife
en fonte blanche, qu’on fait même ce changement
fans chercher à le faire. Qu’on prenne de la première
fonte , qu’on la mette en fufion dans un creu-
fet ; en la rendant fluide on la rendra blanche :
l’ouvrage formé de cette fonte , qui a ete Amplement
refondue, fe trouvera de fonte blanche. Il
eft vrai pourtant q ue . plus elle aura été tenue en
fufion, & plus elle fera blanche; que félon qu’elle
étoit d’abord plus ou moins grife, elle fera devenue
plus ou moins blanche , pendant une^ fufion
d’une même durée : mais quelque grife qu’elle ait
é té , quelque peu qu’elle ait été tenue en fufion,
au moins une partie de cette fonte fera-1-elle très-
blanche.
Mais rien ne contribue davantage à rendre blanche
la fonte grife, que de la couler en moule, &
fur-tout de l’y couler très-mince. J’en ai eu la
preuve , en obfervant bien des fois un fait qui
d’abord m’a paru fingulier. Après avoir fait refondre
des fontes grifes , & les avoir fait jeter en des
moules, où elles dévoient prendre certaines figures
, quand quelqu’accident a empêché la pièce de
bien venir, il m’eft arrivé de la caffer. Dans cette
même pièce, je trouvois de la fonte de différente
couleur : dans quelques endroits elle étoit prefque
aufli grife que quand elle avoit été jetée dans le
creufet ; & dans d’autres elle étoit très-blanche :
mais la remarque la plus effentielle, c’eft que les
endroits où elle étoit grife, étoient communément
les plus épais, & c’étoit fur-tout vers le centre des
endroits épais qu’elle l’étoit : tout ce qui approchoit
de la furface étoit blanc. On donne le nom de jets
k la matière qui a rempli les conduits par où a paffé
celle qui a rempli le moule ; fouvent j’ai vu que
tous les jets étoient blancs ; la furface des ouvrages
, & tout ce qui en approchoitétoit blanche
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aufli ; tous les feuillages ou autres ornemens minces
l’étoient de même : mais ce qui étoit épais étoit
gris. Quand les jets n’étoient pas entièrement
blancs, au moins leurs couches extérieures l’étoient-
elles. Enfin, il m’a paru confiant que la fonte cou.
lée mince devenoit blanche : il .y a pourtant quelquefois
des endroits d’égale épaiffeur, dont les uns
feront blancs & les autres gris.
Les fontes blanches femblent plus pures, plus
affinées, & contenir plus de matière métallique
que les fontes grifes : nous les avons données ailleurs
pour telles. Leur couleur qui s’éloigne davantage
d,e celles des matières purement terreufes,
difpofe à recevoir ces idées. D’ailleurs , généralement
parlant, le fer & tous les métaux encore im-
purs s’affinent en foutenant le feu ; les fontes de"
viennent plus blanches quand elles ont été fondues
plus de fois. On tient pour un fait confiant dans
les forges, qu’on retire plus de métal malléable
d’un certain poids de fonte blanche que d’un poids
égal de fonte grife. Cependant toutes ces vraifem-
blances réunies n’établiffent pas encore affez foli-
dement que les fontes blanches font plus pures ou
plus métalliques.
Enfin, à quoi fe réduit ce que nous avons vu
jufqu’ici? C ’eft i°. que quand des fontes grifes fe-
roient reliées douces & limables , après avoir pris
les formes qu’on leur vouloit, elles compoferoient
toujours des ouvrages incapables de recevoir un |
beau poli, & d’avoir une belle couleur de fer ; ils
feroient toujours gris & ternes. 2,0. Q u ’on n’a pu
même jufqu’ici jeter en moule des ouvrages qui
fuffent par-tout de fonte grife ; elle fe trouve prefque
néceffairement mêlée avec de la fonte blanche
; fi un endroit de l’ouvrage eft traitable, l’autre
ne l’eft pas, & cela quoique cette fonte ait été prife
liquide dans le fourneau même où la mine a été
fondue. 30. Que les fontes grifes étant refondues
& jetées en moule, deviennent blanches, au moins
à leur furface , & par conféquent en un état où la
lime & les cifelets n’y fauroient faire d’impreffion.
Ainfi les difficultés à lever pour avoir des ouvrages
de fer fondu beaux & finis, fe réduifent à trouver
les moyens d’avoir des ouvrages de fonte qui fe
laiffe réparer, & q u i, après être réparée , ait une
belle couleur & de l’éclat.
Il peut y avoir deux manières d’adoucir le fer
: fondu; favoir, i° . ou de l’adoucir pendant qu’il
eft en fufion, de le rendre tel que les ouvrages
qui en feront faits fe laiffent réparer ; a0, ou on |
peut mouler des ouvrages d’une belle fonte, qui
auront la dureté & la roideur dont nous avons
parlé, mais qu’on adoucira & rendra traitables par |
la fuite. Il eft indifférent dans lequel des deux états
on adouciffe notre métal, ou pendant qu’il eft fluide
, ou quand il eft folide , pourvu qu’on le rende
propre à nos ufages : le fecret de l’adoucir à ce
point eft ce qui nous manquoit.
I Si l’on s’en rapporte à la tradition des ouvriers,
I c’eft un fecret qui a été perdu & trouvé plufieurs
fois : tout ce que nous voyons de grand & de fur-
prenant en fer , comme font les ferrures des portes
de Notre-Dame, ils veulent que ce foient des ouvrages
de fer fondu. Ce qu’ii y a de plus ceïtain
& d’affez récent, c’eft qu’un particulier a eu en
France quelque chofe de fort approchant du véritable
fecrer d’adoucir le fer fondu qui a été jeté en
moule. Il entreprit même d’en faire'des établiffe-
inens à Cône, & à Paris dans le fauxbourg Saint-
Marceau. Il y a vingt ans & quelques années , il
faffembla une compagnie qui devoit fournir aux
frais.,• & qui fit même , à ce qu’on m’a d it, des
Avances confidérables ; elle fit exécuter quelques
beaux modèles qui furent enfuite jetés en fer. Il
y eut divers ouvrages de fer fondu adoucis ; cependant
l’entreprife échoua, & l’entrepreneur d\f-
parut, fans qu’on ait fu en aucune façon ce qu’il
eft devenu. Il avoit apparemment commencé trop
légèrement avant d’être affez fûr de fon fecret,
avant de l’avoir porté au degré de perfection né-
ceffaire. J’ai vu des ouvrages venus de cette manufacture
, & paffablement adoucis ; mais ceux qui
ont eu quelques connoiflances de ces établiffemens,
m’ont affuré que le hafard avoit trop de part au
fuccès ; quelquefois , après avoir bien çonfumé du
bois, on retrouvoit aux ouvrages toute leur première
dureté ; plus fouvent les ouvrages n’étoient
ramollis que par partie ; il y reftoit des endroits
durs, intraitables , qui obligeoient à abandonner
le refte : fouvent enfin les ouvrages fortoient du
fourneau, défigurés par les écailles qui s’en déta-
choient. J’ai'rencontré toutes ces difficultés en mon
chemin ; elles ne font pas moins capables, que le
fond du fecret même, d’arrêter ceux qui ne fe
conduifent pas par principes.
& de fairq remarquer ce que ceux où le for doit
être coulé exigent de particulier. Les moules fe font
de différentes matières; ceux des fondeurs en petit
font d’un fable gras, ou plutôt d’une terre fine argil-
leufe ou marneufe, mêlée avec un fable fin , dont
les particules font égales entre elles. Il faut que
ce fable ou cette terre aient affez de confiftance
pour conferver les empreintes qu’on leur a données.
Comme nous aurons fouvent à citer ces derniers
moules, il eft bon qu’on fâche de plus qu’ils font
ordinairement de deux pièces, dans chacune def-
quelles une portion de l’ouvrage eft imprimée *
que chacune des pièces ou de ces maffes de fable
eft foutenue dans un châffis de bois, & que c’eft
dans ce châffis qu’on a mis & battu le fable pour y
former le creux deftiné à recevoir le métal; que.,
avant de fonger à l’y verfer, on fait bien féeher
ces deux moitiés du moule : on les dreffe l’une contre
l’autre : on les affemble enfuite l’une contre l’autre
& on les aflèmble toujours exaClement, parce qu’un
des châffis porte des chevilles ou goujons de bois
qui fe logent en des trous percés dans l’autre châffis.
Enfin, quand ces deux châffis font bien ajuftés, on
met un ou plufieurs moules dans une preffe affez
femblable à celles dont on fe fort pour preffer le
linge de table., pour preffer le papier, afin de bien
maintenir l’une contre l’autre les deux parties de
chaque moule. Alors ils font en état de recevoir le
métal : on a ménage une embouchure où il doit
tomber, & des conduits appelés je ts , par où il fe
rend dans la cavité qui a été préparée.
Nous fuppofons donc qu’on fait faire de ces
moules & de ceux de toute autre efpèce, & nous
nous renfermerons actuellement à expliquer les manières
de fondre le fe r , qui ont été mifes en ufage ,
& les additions que nous y avons faites pour remplir
commodément de ce métal des moules de
toutes grandeurs, & à moins de frais qu’on ne l’a
fait ci-devant.
Toutes les manières de fondre le for fé réduifent
à deux manières générales : favoir, ou de le fondre
dans des creufets où il n’eft rendu fluide que par la
chaleur qui ’paffe au travers de leurs parois, ou de
le fondre en le tenant immédiatement expofé à
l’aétion du feu, en le tenant au milieu de la flamme
& des charbons. Mais il y a plufieurs moyens de
mettre ce métal en fufion, foit pendant qu’il eft
renfermé dans des creufets, foit pendant qu’il eft
placé immédiatement au milieu des charbons allumés.
Les fondeurs ordinaires en cuivre fondent le
fer comme lê cuivré , dans de femblable creufets ,
& dans le même fourneau. Le fer eft un peu plus
long-temps à y être rendu liquide ; mais cela ne
va pas à une différence de temps affez confidérable
pour enchérir beaucoup la façon ; il l’eft d’autant
plus v ite , qu’il a été concàffé en plus petits morceaux
: on y en peut pourtant fondre de très-gros ,
& l’on peut fo fervir de creufets qui contiendront
chacun trente ou quarante livres de métal fondu. On