
durcir avant que de mettre la féconde ; & cela pour
qu’une partie de la colle ne traverfe pas la feuille
d’argent quand on l’applique , ou que l’argent ,
comme les ouvriers dîfent, ne s’y noie pas ; ce qui
arriveroit fi l’épaiffeur de la couche de-colle étoit
trop grande.
Le carreau étant encollé pour la fécondé fois, on
y applique l’argent. Pouf cet effet, l’ouvrier prend
la peau encore humide & l’étend fur une table ; il
a à côté de lui un grand livre de papier gris, dans
lequel font les feuilles d’argent ; d’où il les tire l’une
après l’autre avec une petite pince de bois, pour les
faire tomber fur un morceau de carton un peu plus
grand qu’une feuille d’argent : cette feuille de carton
fe nomme la palette.
La palette étant chargée, l’ouvrier la tient de la
main gauche, & il fait tomber la feuille fur la peau,
enforte que fes côtés foient parallèles à ceux de la
peau ; il fait ainfi un rang, & il couvre fucceffive-
ment toute la peau : il faut obferver que pour faire
cet ouvrage, on ne doit pas fe placer dans un endroit
expofé à quelque vent paffant, car il ne faut
qu’un fouffle pour enlever les feuilles d’argent, les
chiffonner & les gâter.
La peau étant couverte de feuilles d’argent, l’ouvrier
prend une queue de renard, dont il fait un
tampon, avec lequeHl preffe les feuilles, afin de
les obliger à prendre fur la colle ; c’eflr ce qu’il appelle
étoupper. Il frotte enfuite légèrement, avec
la même queue, le carreau de tous côtés ,'afin d’enlever
l'argent qui n’eft pas collé & qui eft de trop.
Çela fait, on met fécher la peau dans une chambre
où il y a des cordes tendues à une certaine hauteur
; on met la peau fur les cordes, l’argent en dehors,
avec un uftenftle qu’on nomme la croix.Y.fig. y.
Il leur faut quatre à cinq heures pour fécher en été,
§L en hiver les peaux demeurent plus long-temps
fur les cordes; mais on ne les laiffe pas fécher là entièrement;
on les cloue fur des planches , l’argent
en dedans, afin que la pouffière ne tombe pas def-
fus, & on les expofe au foleil dans un jardin; la
peau ainfi clouée ne peut pas fe retirer ou fa racornir
, comme difent les ouvriers, en féchant.
O n n’attend p as , pour brunir la peau, qu’elle
{bit tout-à-fait fèche, il faut qu’elle conferve une
certaine molleffe fans être humide, c’eft ce .que
l’habitude apprend à eonnoître. Pour brunir une
peau, on l’étpnd fur une pièce bien unie qui eft
fur une table, & on paffe avec force le brunifloir
fur chaque partie de la peau, jufqu’à ce qu’elle ait
acquis le brillant que l’on cherche. Le bruniffoir
n’eft autre chofe qu’un caillou bien uni, que l’on
enchâffe dans une pièce de bois, afin de le tenir
plus commodément.
Pour avoir des tentures, il ne s’agit plus que
d’imprimer les carreaux ; mais comme on imprime
prefque de la même manière les cuirs argentés &
les cuirs dorés, nous différerons à parler de l’im-
preffion que l’on donne aux uns & aux autres, juf-
çu’à çe que nous ayons yu comment on ÿpre. Nous
avons déjà dit que c’étoit au moyen d’un vernis*
nous allons maintenant en donner la compofition.
Prenez quatre livres & demie d’arcanfon ou co-
lophone, autant de réftne ordinaire , deux livres 8c
demie de fandaraqué, & deux livres d’aloès : mêlez
ces quatre drogues enfemble , après avoir concaffè
celles qui font en gros morceaux ; mettez-les
dans un pot de terre, fur un bon feu de charbons.
Faîtes fondre toutes ces drogues, &' remuez - les-
avec une fpatule, afin qu’elles.fe mêlent & qu’elles
ne s’attachent point au fond. Lorfqu’elles feront»
bien fondues, verfez fept pintes d’huile de lin dans
le même vaifleau ; & avec la fpatule mêlez-ia avec
les drogues. Faites cuire le tout, en remuant de
temps en temps , pour empêcher, autant qu’on le
peut,. une efpèce de marc qui fé forme & qui ne
le mêle point avec l ’huile, de s’attacher au fond
du vaifleau. Quand votre vernis eft cuit, ce que,
l’on connoît, en en prenant une goutte avec une,
cuiller d’argent, & en examinant -s’il file , en 1$
touchant avec le doigt & le retirant ; & s’il poiffe,
on le paffe à travers un linge ou une chauffe.
Ce vernis eft celui qui eft le plus en ufage parmi
les ouvriers ; on pôurroit bien le perfectionner ;
en lui donnant plus de brillant, au moyen de quelques
autres gommes.
Nous allons maintenant voir comment on étend
ce vernis fur les feuilles d’argent, c’eft ce que les
- ouvriers nomment dorer.
Pour dorer on choifit des jours fereins, où il y a
apparence que l’on jouira d’un beau foleil. On porte
les carreaux brunis dans un jardin, que les ouvriers
nomment l’atelier du dorage ; c’eft le même en-’
droit où l’on a fait fécher les peaux avant de les
brunir. C’eft auffi fur les mêmes planches où elles
étoient attachées alors, qu’on les cloue, avec cette
différence que l’on met maintenant la furface argentée
en deflùs. On prépare ainfi une vingtaine de
peaux, & on les pofe fur des tréteaux les unes à
côté des autres. Tout étant ainfi difpofé , l’ouvrier
qui a la direction de ce travail, commence par paf-
fer deflùs le carreau un blanc d’oeuf, tk l’y laiffe.
fécher. Quelques ouvriers croient que ce procédé
nuit à la folidité de l’ouvrage & ne le pratiquent
point : quoi qu’il en foit, il faut que cette couche
îbit légère ; car le blanc d’oeufs s’écailleroit, fi on le;
mettoit trop épais.
Quand il eft bien fe c , l’ouvrier qui dore, met.
devant lui le pot à l’or ou au vernis, qui a la con-
fiftance d’un ftrop épais ; il trempe dans ce pot les.
quatre doigts d’une main, & s’en fert comme d’un
pinceau pour appliquer le vernis ; il les tient un
peu écartés les uns des autres, & il fait décrire à
chaque doigt une efpèce d’S ; c’eft ainfi qu’il remplit
le carreau de lignes de vernis glacées à égales
diftances les unes des autres. Voyez fig. 6 » PI■
Cela fait, on emplâtre les carreaux, comme
difent les ouvriers, c’eft-à-dire, on étend fur toute
la fiirfacç 4e la peau lç vernis qu’on a d’abord mis
pat
par raies, en ne fe fervant que de la main que
l’on tient étendue fur la peau. . . .
Ouoiqu’on cherche à étendre le vernis le plus
également qu’il eft poffible , en le promenant ainfi
fur la peau il ne laiffe pas d y avoir des
creux qui en gardent, plus que d autres, ce qui
donnerait à l’or différentes nuances, fi on latfloit
la peau verniffée en cet état. Pour remédier à cela,
l’ouvrier bat, avec le plat de la main, les peaux
qui ont été cmplâtrées les premières, en leur donnant
de petits coups redoublés, fur-tout dans les
endroits où il remarque plus d’or que dans les autres,
fig- s ; il oblige ainfi l’or à s’étendre également
par-rout, & à s’incorporer avec les feuilles
d’argent. Lorfqu’on a battu les peaux, on les met
fécher au foleil en les appuyant contre le mur;
alors l’ouvrier prend de nouvelles peaux qu’il met
fur les tréteaux, fur lefquelles il fait les mêmes
opérations. ' HHH
Quand* la première couche eft fèche, on en met
de même une fécondé, ayant foin de la mettre plus
épaiffe dans la plus légère. Dans les beaux jours
d’été, le vernis eft fec au bout de quelques heures ;
ce que l’on connoît, s’il ne colle point, ni ne colore
le doigt qui le touche.
Ceft ici le lieu de parler d’une efpèce de tentures
qui ne font dorées qu’en partie. On choiftt pour
l’efpèce dont il eft ici queftion, des deflins légers
& qui ne demandent pas une gravure profonde
fur les planches. On imprime donc avec de telles
planches les peaux argentées, en les faifant paffer
fous la preffe, comme on le dira ci-après, ou bien
on calque feulement le deflin fur l’argent. On enduit
le tout de vernis; mais auflitôt après que les
peaux font emplâtrées , l’ouvrier regarde les endroits
où l’argent doit paroître, & en les foulevant,
il paffe un couteau par deflùs pour enlever le vernis,
fig. p ; il donne enfuite fon carreau à un autre ouvrier,
fig. 10, qui emporte avec" un linge le vernis
qu’il peut y avoir encore de trop dans quelques
endroits.
Lorfque le vernis eft affez fec pour ne plus s’attacher
aux doigts, on imprime alors les peaux, c’eft-
à-dire, on leur donne, les figures de relief qui pa-
roiffent dans les cuirs dorés. Pour cet effet, on fe
fert d’une planche, laquelle' confifte en différentes
pièces de poirier ou de cormier fans noeuds,
que l’on affemble à queue d’aronde, & qu’on unit
comme il convient; -c’eft là-deffus qu’on grave le "
deflin qu’on juge à propos, en creufant dans certaines
parties du bois, les endroits qui doivent former
des reliefs fur le cuir.
On obferve dans cette efpèce de gravure en
bois, de faire enforte que la vive-arête des parties
creufes & des parties Taillantes, ne fe termine
pas par des angles trop aigus ; on courroit rifque
de couper le cuir en imprimant avec de telles planches
; l’art confifte ici à adoucir ces creux, de façon
que l’on n’ôte rien à la netteté & à la précifion du
deflin. Afin de faire entrer le cuir jufqu’au fond de
Arts & Métiers. Tome IL Partie /.
ces cavités, on fe fert de contre-moules ou de con-
tre-eftampes, fur lefquelles on voit en relief le deflin
qui fe trouve dans la planche gravée : voici comme
on les forme.
On prend un morceau de carton, d’une grandeur
convenable, fur lequel on étend une pâte compo- ■
fée de rognures de peau de gant, que l’on amollit
en les laiffant tremper quelque temps dans l’eati. On
en met une épaiffeur mffifante fur la feuille de carton
, pour que tous les reliefs s’y trouvent formée.
On couvre cette pâte avec une feuille de papier qui
s’y colle d’elle-même ; on met ce carton ainfi préparé
dans une des cavités de la planche ; on fait
paffer le tout fous la preffe, & on l’en retire avec
la contre-eftampe du deflin repréfenté fur la planche
gravée. La pâte fe retire en féchant, & laiffe
un efpace pour le cuir, que l’on mettra entre le
moule & le contre - moule, comme nous allons
le dire.
Le vernis étant affez fec pour que la peau puifle
recevoir l’impreflion, on hume&e avec une éponge
fon envers, afin de la rendre flexible; on la couche
fur la planche gravée, la dorure en deffous, &
on la fait paffer fous la preffe : voici comment cela
fe fait. La preffe dont on fe fert ici eft la même que
celle que l’on emploie pour l’impreflion des tailles
douces. On pofe la planche gravée fur une autre
planche, qui porte immédiatement fur le rouleau
inférieur, & on la couvre avec une couverture de
laine pliée en quatre, que l’on fait paffer entre les
rouleaux pour la rendre bien unie avant que d’y
mettre la planche gravée.: cela fait, un certain nombre
d’ouvriers faififlànt les bras qui font au rouleau
fupérieur, & le faifant tourner avec force, ils obligent
toutes les planches à paffer entre les rouleaux.
Comme le tout eft extrêmement ferré., le frottement
de la planche qui repofe fur le rouleau inférieur
, le fait auffi tourner. La peau ayant entièrement
paffé entre les rouleaux , on lève la couverture
, & l’on trouve que la peau, par la preflion
de la couverture, s’eft enfoncée dans les endroits
creux de la planche : mais , comme elle n’a pas été
jufqu’au fond de la gravure, on applique alors les
contre-moules, & on la fait paffer derechef entre
les rouleaux.
Si on n’a pas des contre-moules , on emplit les
creux avec du fable ; mais cette manière eft beaucoup
plus longue que l’autre, & ne réuflit pas aufli
bien. Si la planche n’eft pas affez ferrée entre les
rouleaux , on augmente la preflion à l’aide de quelques
feuilles de carton que l’on place entre deux.
L’impreflion des cuirs argentés eft prefque la
même que celle des cuirs dorés ; la feule différence
à obferver, c’eft que quelques maîtres paffent fur
l’argent, avant que d’imprimer, une couche de colle
de parchemin en guife de vernis, pour le conferver :
d’autres y. paffent une couche peu épaiffe de colle
de poiffon ou d’un blanc d’oeuf, mais feulement
apres que le cuir a été imprimé.
I II vaudroit mieux appliquer fur l’argent quel