
voir le fondeiïr d’une province qui employé certaines
efpècés de mines, réuflir dans une autre province
avec des mines différentes : il faudroit donc
qu’un fondeur connut parfaitement les difpofitions
de chaque mine , le nettoiement, le mélange, l’ar-
b u ë , la caftine, & les opérations intérieures des
fourneaux. Les mines, au fortir des lavoirs, doivent
fpécialement regarder le fondeur; elles devroient
être préparées d’avance pour qu’il pût régler fon
ouvrage en confèqüence : c’eft à lui à préfider au
bâtiment des parois & de l’ouvrage ; examiner les
matériaux qu’on y emploie ; connoître ceux qui ré-
fiftent au feu ; dreffer les foufflets ; -être inftruit de la
quantité des charbons ; bien diriger & entretenir fa
tuyère ; diftinguer aux crades & au feu les altérations
ou indigeftions de l’intérieur ; & favoir les remèdes
convenables. Ils ont ordinairement fous eux
des garde-fourneaux, dont le métier eft de conduire
le fondage , & q u i,- à l’ouvrage près, qu’ils ne font
pas cenfés favoir, doivent avoir toutes les connoif-
fances d’un fondeur , & y joindre beaucoup de foin
& d’a&ivité. Il eft étonnant qu’on ne fe foit pas encore
avifé d’établir une école de fondeurs : d’habiles
maîtres, avec la dépenfe des expériences, ren-
droient un fervice effentiel, en diminuant lacon-
fommation des bois ; & on jouiroit de fondeurs qui
-fauroient les raifons de-leur travail.
D e s m a rte leu rs .
Les marteleurs font une claffe d’ouvriers qui de-
Vroient être inftruits, laborieux, fidèles & doux.
L ’ouvrage particulier d’un marteleur regarde les
foyers ; ce qui fuppofe la connoiffânce de la fonte
qu’il a à employer : il doit auffi bien connoître l’équipage
du marteau , parce que cette partie le regarde
feul, & que les autres ne font que comme des
bras qu’il fait mouvoir. Dans les forges où l’on fe
fert de marteaux huraffes de fe r , il doit en favoir
la fabrication, en préparer ou réparer dans les eaux
baffes , pour ne pas retarder le travail. Chargé de
tous les outils , il doit les entretenir, les renouveller
& n’en jamais manquer. Sa fidélité doit être grande,
par le maniement des matières fabriquées ; qu’il réponde
à fa fupériorité fur les autres, à l’exemple
qu’il leur doit, à la confiance que le maître a nécef-
fairement en lui ; il doit fur-tout entretenir le bon
ordre & une févère difcipline dans fon atelier. Il
lui faut beaucoup de douceur & de fermeté dans le
befoin.
A r t . II. D e la r echerche d e s m in e s & d e leu r
d ï fp o j it io n .
Rien de fi commun que les mines de fer, & de fi
varié : figure, couleur, mélange, profondeur, inégalité
prefque par-tout différentes ; elles feront toujours
un fujet nouveau de recherches. Rien n’eft d’un
ufage fi néceffaire que le fer': tout le monde s’eii
fert : tout le monde croit le connoître , nous le
voyons journellement naître & périr; & quand il
eft queftion d’approfondir ce que c’eft que mines,
ce que lions fàifons conftamment avec certaines
méthodes , devient par fa conftitution élémentaire
impénétrable.
Quand nous comparons quelques livres de mine
brute avec un reffort de montre ; que nous confidé-
rons toutes les opérations que ce reffort a dû effuyer
la combinaifon & rinduftrie dont ces opérations ont
été- accompagnées , qui ne croiroit. que l’homme
connoît l’effence de la mine ? Cependant il n’en eft
rien ; c’eft un des effets ordinaires de la Providence,
qui laiffe à notre portée ce qui eft néceffaire à nos
befoins ,& qui dérobe à nos recherches le principe
des chofes. Le philofophe & l’artifte en font réduits
à quelques raifonnemens & expériences, defquelles
ils déduifent la manière la plus utile d’employer les
chofes.
Bien des gens,étonnés de la prodigieufe quantité
de fer qui fe fabrique annuellement dans les mêmes
endroits , demandent fi les mines fe reproduifent.
Cela arrive dans le fens que des particules de mines
en pouflière, raffemblées par toutes les caufes qui
mettent le corps en mouvement, les dirigent en un
même lieu , les appliquent les unes aux autres, en
forment de petites maffes, peuvent être raffemblées,
& avec le temps donner des morceaux ou grains*
affez pefàns pour être employés. Il eft encore commun
, proche & dans les minières, de trouver des
pierres remplies de parties de mines , qu’on abandonne
à caufe de fafolidité & delà quantité de corps
étrangers. La gelée dans les corps folides comprime
fi fort les refforts de l’air qui cherchent àfe Éétendre,
que des matières très-compaâes ne peuvent y ré-
fifter. La chaleur dilatant les mêmes refforts, occa-
fionne le même effet : d’où il s’enfuit que ces pierres
qui ne font qu’un mélange de mines & caftine,
jointes par une partie d’argile, font aïfément mifes
en poulfière par la comprefliort ou dilatation de
l’air. Les parties de mines qui ont réfifté à cette
diffolution appelléè macération , font d’un bon-fer-
| vice. Par-tout où il y a des mines en pouflière, ou
des pierres expofées à l’a ir , remplies de parties
de mines , le temps peut renouveller une ' minière
utile.
On trouve des parties de mine répandues partout,
même jufqu’au fommet des plus hautes montagnes
, toujours du côté du midi, aux environs des
minières & des fourneaux, quoique la fouille dans
l’intérieur n’en donne point. C ’eft un phénomène
qui demande des éclairciffemens , & qui a fou vent
occafionné bien delà dépenfe & du travail, à des
gens qui n’ont jamais voulu comprendre que l’air
feul peut en porter beaucoup en petites parties , &
que ces petites parties peuvent être raffemblées par
des agens naturels en une où plùfieurs fort greffes.
Ces parties de mine que j’appelle accidentelles peuvent
fe connoître de plufieurs façons. La première,
c’efl: de fe rencontrer dans des lieux élevés & difpo-
fés à ne pouvoir être regardés comme l’écoulement
d’une minière. La fécondé, c’eft que les mçrceaux
en paroiffent purs ou mélangés : purs, la couleur en
eft d’un rouge foncé ou noirâtre ; la figure extrêmement
rameufe, plate ou anguleufe, ce qui fait voir
qu’ils n’ont pas fait beaucoup de chemin ; la maffe
très-fouvent creufe, ou avec quelques marqués d’ébullition
, parce que , n’ayant pu fe raffembler que
parle mouvement & dépôt çle l’air, & la jon&ion
de l’eau, il ÿ a dilatation, bourfoufflement, quand
la contexture eft folide ; ou crevaffe , quand la liai-
fon n’eft pas affez nerveufe : mélangés, les corps
qui feront l’alliage feront femblable9 à ceux du terrain
où on les trouvera.
Ces parties de mines accidentelles peuvent encore
venir des orages qui laiffent le terrain à découvert,
& de la fublimation que la chaleur peut faire ;
ce quifortifie cette conjeéture, c’eft que nous voyons
des fommets de montagnes fur léfquels on ne trouve
des parties de mines raffemblées, que du côté le plus
expofé au foleil, & des campagnes entières qui en
font couvertes.
La connoiffânce des mines de fer qui font à la fur-
face de la terre ou qui en font proches, èft chofe aifée
à des yeux exercés & clairvoyans. Quant à celles qui
s’éloignent de la furface de la terre, il faut ufer de
grandes précautions pour ne pas courir les rifques
d’une infru&ueufe dépenfe. Mais on fera éclairé par
la force de l’eau qui entraîne, un tremblement de
terre qui détache, un feu fouterrain qui fe fait jour, 1
l’examen des autres matières concomitantes, & la
reffemblance des terrains qui fourniffent des minières
connues. L’eau, l’air & le feu font les agens
qui donneront des idées fur l’intérieur de la terre.
L’eau entre autres peut nous découvrir des mines de
plufieurs façons ; par une éruption violente qui entraîne
des parties de montagnes , de rochers ; qui
creufe des profondeurs, des abîmes ; qui, dans la
force de fon courant, mêle & confond tout ce qu’elle
charrie ; qui, en fe ralentiffant, dépofe fuivant certaines
lois; qui, coulant fur la terre, quoique quel-
fois affez tranquillement, mais pendant des fiècles,
ronge & entraîne des parties de mine quelle met à
découvert ; ou qui, après s’être excavé un baflin
plus grand , fait perdre l’équilibre à la voûte, &
occafionné un effondrement. L’air extérieur en dé-
pofant, le feu en foulevant, donnent aufli lieu à la
découverte de matières nouvelles.
Si l’on rencontre quelques parties de mine, la
première attention eft de bien examiner fi ce ne font
point de mines accidentelles ; enfuité voir fi par la
forme du terrain elles peuvent être venues de loin :
leur figure., la matière qui les accompagne, doivent
vous décider. Si vous prévoyez qu’elles ne
foient pas venues de loin, faites une ouverture proche
le premier enfoncement, & du côté du nord ;
pour en régler la profondeur, voyez fi la couche
des pierres & des autres matières indique quelque
dérangement; pouffez tant que vous aurez lieu d’en
foupçonner un, puifque nous difons que ces parties
de mine doivent venir d’une éruption ou d’une excavation
, quoique tout paroifféprefque rempli : mais
quand vous trouverez les chofes giflantes dans un
état naturel , fans rencontrer ni l’efpèce de glaife
qui accompagne ordinairement la mine , ni aucunes
parties dé mine mêlées avec les pierres ou autres
matières, abandonnez le travail, du moins dans nos
contrées.
Pour trouver la minière dont l’eau aura entraîné
des parties, repréfentez-vous par l’infpeétion du terrain
, le cours que l’eau a dû faire naturellement :
dans un coude vous en trouverez de l’entaffée, mais
félon la pofition conforme à l’angle qu’a décrit l’eau ;
concluez des couches de différentes matières, que
ce n’eft qu’une alluvion; fuivez, & de temps en temps
vous rencontrerez de petits puits remplis de mines
mêlées avec d’autre matière ; plus loin des amas
plus gros ; & à la fin , & fur-tout par l’infpeâion
des lieux, vous déterminerez de quel côté vient l’écoulement
, ou lequel a effuyé l’écoulement. Arrivé
à ce point, ne vous flattez encore de rien : l’eau a
peut-être entraîné toute la veine de mine, ou la
partie qui refte fe trouvera défendue par des rochers,
ou engloutie dans les eaux. Ces obfervations, au
moins , vous mettront à l’abri d’un travail inutile
ou mal entendu.
Dans le cas où vous aurez lieu d’efpérer que vous
êtes arrivé à la minière, & qu’elle peut être ouverte
fans trop grands frais, employez d’abord la fonde ;
fi elle ne fuffit ou ne convient pas, il ne faut point
héfiter de travailler plus haut, en tirant aii nord : ne
faites d’abord qu’un trou cylindrique ; un tour enlève
les déblais : examinez fi vous êtes bien au-deffus des
eaux ; avec deux bons ouvriers, en peu de temps
& fans grande dépenfe 3 vous devez trouver la mine.
Enlevez le matin les eaux que la fuinte de la terre
aura raffemblées pendant la nuit. Si l’excavation
vous occafionné uneplus grande abondance d’eaux,
vous trouverez à la traite des mines, la façon de
vous en débarraffer.
La recherche que nos befoins nous font faire de
toutes efpèces de matières, a quelquefois fait découvrir
des mines de fer; mais on en a plus communément
l’obligation à la reffemblance d’un terrain
qu’on voit, qu’à celui où il y a déjà des minières ouvertes
: or., pour cela il faut des yeux accoutumés
& intelligens.
Delà on peut conclure que l’incertitude & la dépenfe
de pareilles recherches, doivent engager un
maître qui veut prendre une forge, à bien favoir où
il trouvera des mines.'- Je confeillerai toujours les
tentatives faites avec réflexion ; mais elles ne doivent
aller qu’au mieux de la chofe. Réufliffez-vous,
vous êtes récompenfé ; ne réufliffez-vous pas, vous
avez recours aux minières, fur lefquelles vous deviez
compter.
Comme il ferait avantageux pour la fociété, que
les traces des mine$ fuffent fuivies quand on les découvre
, & que l’on prit des précautions pour qu’on
pût toujours les retrouver , le plus expédient feroit
que les maîtres de forges fiffent toutes les tentatives
convenables félon une grande probabilité, & que