
Voici la façon de jeter la vaijfelle. Quand le
moule eft chaud comme il faut, on le prend avec
des morceaux de chapeau , qu’on appelle, des feutres
; on porte le noyau fur la felle à jeter., & on le
pofe fur la tenaille. (La felle à jeter eft une felle de
bois à quatre pieds , ouverte ou creufe à l’endroit
où on dreffe le moule de vaiffelle ; & la tenaille à
jeter eft compôfée de deux branches de fer qui fe
féparent au milieu, pour paffer la queue du noyau
du moule.-)
On ferme le noyau du moitié avec la chape ; &
pofantun morceau de bois de travers fous la tenaille,
on la ferre avec un anne.au de fer qui preffe les
dents de la queue de la tenaille. On dreffe le moule
le jet en haut ; & puifant de l’étain d’une main dans
la fofle ou chaudière, on jette fa pièce tout"d’un
je t , & dès qu’elle eft prife , on abaiffe le moule ,
on frappe fur le côté de la chape avqc un maillet
de bois de la main droite, en enlevant la chape
par la poignée de la gauche, le moule s’ouvre , &
on dépouille la pièce avec un couteau de deffus le
noyau où. elle tient ordinairement ; de la forte
on jette fucceflivement autant de pièces qu’on a
befoin.
Les moules de poterie font de quatre pièces pour
un bas & autant pour un haut, favoir, deux chapes
qui forment le dehors de la pièce , & deux noyaux
pour le dedans ; ces noyaux ont un cran qu’on
nomme portée, qui tiennent les chapes en place ,
& le jet tient aux chapes. On les prépare comme
ceux de vaifTelle : il y en a qui les poteyent d’ocre
ou de fuie , chacun à fa . manière , mais on jette
entre fes genoux, fur lefquéls on a la précaution
de mettre de vieux chapeaux forts. Les noyaux
ont des queues où on met des manches de bois
qui fervent à les manier ; & pour les chapes, on
les met 3c on les ôte avec des feutres. Quand on a
emboîté fes quatre pièces , on couche le moule de
c ô té , le jet en haut, entre fes genoux, & on dépouille
en frappant avec un maillet de bois fur la
portée des noyaux chaque pièce de moule l’une
après l’autre, les noyaux les premiers, & enfuite
les chapes.
Quand la chaudière ou fofle ne peut tenir tout
l’étain qu’on a à fondre & jeter eh un jour, il y
en a qui interrompent de' jeter lorfqu’un moule
eft fini pour fondre d’autre étain, & d’autres qui
fondent & jettent en même temps, parce qu’ils y
proportionnent leur feu.
MoiderJ.es anfes ml autres pièces.
Pour mouler, on jette des anfes ou autres chiofes
dans un moule particulier qui eft fait pour cela ;
enfuite on les ajufte , fuivant la grandeur de la
pièce où on les applique , en les attachant avec
une ou deux gouttes d’étain qu’on y met avec le
fer à fouder pour les tenir en place "feulement. Si
g’eft des anfes à charnière, on emplit d’abprd les
têtes des anfes avec du fable un peu mouillé ; on a de la rerre glaife qu’on a pétrie auparavant, dont
oft enveloppe le haut & lé bas de l’anfe, en laiflant
un endroit où elle doit fouder, c’eft-à-dire, s’attacher
, pour y jeter de l’étain bien chaud. On
emplit fon pot de fon, comme pour jeter fur la
pièce, & on jette de l’étain fur le bas de l’anfe
verfant fon étain jufqu’à ce qu’on s’apperçoive que
lîanfe doit être très-fondue , ç’eft-à-dire , foudée
& attachée : le furplus de cet étain , qu’on verfe,
coule dans une febille de bois qu’on tient fur fes
genoux, par une coulure qu’on fait de terre gu
de carte. Après avoir jeté tous les bas d’anfes, on
fait de même pour les hauts, en pofant le drapeau
à fable comme pour jeter les anfes fur la pièce ; &
quand tout eft jeté, on ôte la terre & le fable des
têtes , & on effuie la pièce avec un linge. Cette manière
de mouler étoit fort en ufage autrefois , avant
l’invention des moules à jeter fur la pièce : on s’en
fert encore lorfqu’on n’a pas des moules convenables
aux différentes grandeurs des pièces qu’on
eft obligé de faire. Mais la façon de jeter fur la
pièce eft infiniment plus diligente.
Épiller Vétain.
C ’eft ôter les jets des pièces avec le fer. Quand
on a jeté toute fa fonte, on met du feu au fourneau.
On ne fe fert que de charbon de bois. Le
fourneau doit être de brique , d’environ huit à dix
pouces de long, fur fix ou fept de large., ouvert
pardevant , avec une grille de fer deffous , pour
porter les fers & le charbon qu’on y met. On fe
fert ordinairement de deux fers à fouder, qui font
carrés & pointus par le bout, & dont la queue
entre dans un manche de bois percé , qui s’ôte &
fe remet chaque fois qu’on les prend. On frotte
un côté du fer fur de la pôix-réfine mêlée de grès,
égrugés enfemble. On effuie enfuite le fer fur un
torchon mouillé , qu’on nomme torche - fer ; puis
On ôte les jets des pièces, en les fondant avec le
, fer, & recevant l’étain qui en tombe dans une
écuelle de bois. Voilà ce qu’on- appelle! épiller.
Après quoi on bouche les trous & autres fautes
des pièces ; cela s’appelle revercher. Pendant qu’un
fer fert, l’autre chauffe , on s’en fert alternativement
, ainfi de même lorfqu’on foude la poterie.
Mais il faut apprêter auparavant ;. après quoi
on tourne les pièces qui font à tourner, on forge
la vaiffelle , & on achève la poterie ou menuiferie.
Revercher l’étain.
C’eft boucher les trous qui viennent aux pièces
dans les moules , ou d’autres manquesfur les extrémités
des pièces, ou des foùffiures dont on s’ap-
perçoit, ou même quelques gromelures à des pièces
qu’on ne paillonne point. Pour cela , on a du
• fable de mouleur qu’on mouille avec de l’eau, on
le pétrit, enforte qu’il ait la confiftance propre à
retenir une forme, & qu’il ne foit ni trop ni affez peu
mouillé ; ;on met de ce fable dans un lingefiin,
qu’on nomme drapeau à fable , à peu près de la
grandeur des trous qu’on veut revercher on empreint
ce fable dans'ce linge à un endroit uni de
ja pièce, de la-forme de l’endroit où eft le trou ou
goutte, 'comme on le nomme, & on pofe le drapeau
à fable à l’endroit du trou ; on enlève une
goutte d’étain d’un lingot qui eft devant fo i, avec
le fer chaud qu’on a frotté auparavant fur la réfine ,
& enfuite èffuyé fur le torche-fer ; on apporte fà
goutte fur le trou fous lequel on tient fon drapeau
à fable, le tenant avec la pièce de fa main gauche ,
& appuyant le fer en tournoyant ; on fait fondre
la goutte & les extrémités d’autour du trou , &
retirant le fer en l’air, il y refte attaché un filet ou
refte de goutte d’étain, & auflitôt on voit que
la goutte reverchée fe prend : avant qu’elle foit
totalement prife , on y rapporte au milieu ce refte
de goutte qui tient au fer ; cela s’appelle abreuver
la goutte, & empêche quelle ne fafle un creux en
dedans, qu’on nomme retïrure : fi les gouttes ou
trous font grands, on apporte avec le fer autant
de gouttes qu’il en faut pour les boucher, en rever-
chant d’abord les extrémités des trous , enfin le
milieu qu’il faut toujours avoir foin d’abreuver ;
& lorfque les trous font à différens endroits-, on
change la forme du fable , fuivant la place où ils
fe trouvent.
Obfervez que les gouttes fe reverchent toujours
par le deffus des pièces en poterie, & par le deffous
en vaiffelle, & le drapeau à fable fe met en dedans.
Apprêter Vétain.
Toutes les gouttes étant reverchées, on les apprête,
ainfi que les endroits des jets qu’on à épillés.
Apprêter , c’eft écouaner ou râper y ou limer la
pièce , pour la rendre unie & facile à tourner. On
dit écouaner , parce qu’on fe fert d’une écouane
ou écoine , ou. d’une râpe , outil de fer, dont les
dents font plus groffes que celles des limes. Pour
apprêter aifément, il faut avoir devant foi une felle
de bois à quatre pieds , de trois pieds de long , fur-
environ un pied de large , de la hauteur du gençu ,
au milieu de laquelle il y ait une planche en travers ,
d’environ 18 pouces de long, & de io ou 12 de
large : on arrête cette felle., que l’on appelle établi
ou apprêtoir , avec une perche ou moreçau de bois
pofé lur le milieu, & portant roide contre le plan--
cher , pour tenir Tapprêtoir èn arrêt. En tenant fa
pièce du genou gauche , fi c’eft de la poterie, & appuyant
contre l’apprêtoir,' on a les deux mains libres,
& avec ,1’écouane on râpe les gouttes en faifant aller
cet outil: à deux mains. Si c’eft dé la vaiffelle, on
tient-plùfieurs pièces enfemble l’une fur l’autre,
fur fes genoux, en les appuyant à l’apprêtoir , foit
pour râper les jets , foit pour râper les gouttes.
L’écouane ou la râpe doit être courbe lorfqu’il faut
aller fur les endroits plats , comme les fonds ; puis
on râpe les bavures d’autour du bord avec une
tape plus petite que l’écouane, ou un gratoir fous
bras. ; & fi les gouttes font un peu groffes par dedans
, on. les unit avec le gratoir ou un cifeau.
Ou dit encore apprêter pour tourner, de ce qui
fe répare à la main avant de tourner la pièce,
comme les oreilles d’écuelle , les cocardes ou becs
d’aiguière, &c.
Paillonner Vétain.
Paillonner , eft une façon qu’on donne à la vaiffelle
d’étain fin , après quelle a étéâpprêtée, avant
de la tourner.
Pour cela on prépare d’abord le paillon, avec un
lingot d’étain commun , dont on fait tomber avec
le fer chaud à fouder , une quantité fuffifante de
gouttes fur une platine de cuivre ; ce qui forme des
Feuilles d’étain minces , rondes , grandes environ
comme, des pièces de vingt-quatre fous , plus ou
moins : voilà comme fe fait le paillon. (Il faut dire
en p*affant qu’on emploie de ce paillon dans la teinture
de l’écarlate-).
Autrefois on fe fer voit d’étain en ratures , c’eft-
à-dire,. ce que les crochets ôtent fur .l’étain en le
tournant.
On fait enfuite un tampon de filaffe, qu’on roule
en long d’environ un demi-pied , & gros comme le
poignet pour de grands plats , & moins gros pour
de plus petites pièces. On a foin de le tenir chaud
par le bouttqui fe r t, en le mettant fur une petite
plaque de fer fous laquelle il y .a un petit feu : cela
fe fait après avoir allumé du feu de braife de charbon,
dans une bafiine qui eft comme le fond d’une
chaudière, dont la hauffe eft environ de trois ou
quatre pouces fie haut, & applatie fur le bord ; il
faut dilpofer fon feu fi également, qu’il ne ch .uffe
pas plus d’un côté que de l’autre , & qu’il chauffe
[ plus la circonférence de la pièce que fon milieu ;
enfuite on prend la pièce avec une tenaille à paillonner
,de la main gauche , & on met cette pièce
fur le feu : on a un morceau de poix-réfine, dont
on enduit la pièce deffus & deffous, en frottant
par-tout, parce que la rèfine fond deffus à mefure
que la pièce s’échauffe. On prend plufieurs feuilles
de paillon qu’on met deffus la pièce ; enfuite ,, avec
le tampon , on promène par-tout cet étain fondu ,
qui fe dilate & s’étend comme un étamage ; on
retourne fa pièce., & on en fait autant deffus comme
deffous après quoi on retire doucement la pièce
de deffus le feu, Sc on remet fon tampon en place.
On prend une autre pièce pour faire de même jufqu’à
la fin, obfervànt de maintenir toujours le feü
égal. Puis on reprend, s’il eft néceffaire , fes pièces
l’une après l’autre, pour paillonner l’endroit des
tenailles qu’on nomme le contre-jet.
Ce paillon fert à boucher les gromelures & empêcher
les caffures : c’eft un étamage plus fubtil &
plus difficile à faire que celui des chaudronniers.
Souder Vétain.
Souder les pots d’étain, c’eft unir, par le moyen
d’un fer à fouder, le haut & le bas d’un pot pour en
former un feùl corps. Pour cela, on prend une bande
de feutre de chapeau, qui forme la circonférence du
pot en dedans j cette bande eft plus ou moins large