
qu’il y a des fontes qui ont une difpofition beaucoup
plus grande que les autres à prendre la trempe, &
qu’il y en a qu’il eft prefque impoffible de ne pas
tremper. En voici des preuves inconteftablés. J’ai
fait fondre de la fonte grife dans un creufet, fans
addition d’aucune des matières employées ailleurs
pour cpnferver grifes celles qui le font : quand elle '
a été en fufion , on a arrêté le mouvement du
foufflet ; mais on n’a pas retiré le creufet du feu ;
mon intention é*oit que la fonte s’y refroidît par'
degrés infenfibles, afin quelle prît confiftance fans
fe tremper. Audi l’ai - je trouvée douce , comme
je m’y ètois attendu, J’ai traité précifément de la 4
même manière de la fonte blanche.mife dans un
autre creufet. Quand elle a été refroidie, je l’ai
trouvée un peu grife, mais bien moins grife &, bien
moins douce que la première.
Dans une autre épreuve, j’ai fait chauffer enfiiite
un fécond creufet prefque blanc ; j’ai verfé dans ce
fécond creufet la fonte qui étoit fluide dans l’autre.
Cette fonte qui n’avoit fait que changer de creufet,
qui en avoit rencontré un prefque auffi chaud que
celui qu’elle avoit quitté, a été trouvée de la fonte
très-blanche. Il y a plus : la difpofition à prendre
la trempe efl fi grande dans quelques fontes blanches
, que, quoiqu’on les laiffe refroidir dans le
creufet même où elles ont été fondues , fans retirer
ce creufet du milieu des charbons , elles ne laiffent
• pas de fe tremper. Afin qu’elles fe confervent douces
dans le creufet, il faut pouffer, l’attention jufqu’à
diminuer par degrés infenfibles le nombre & la
force des coups de foufflet. J ’en ai trouvé qui fe
font rendurcies dans le creufet, parce que cette
diminudou de l’aétion du foufflet n’avoit pas été
faite aflez imperceptiblement.
On ne fera pas furpris, malgré la difpofition que
la fonte a à fe tremper, qu’il .y ait des temps où
les fourneaux à mine en donnent de grife., & que
; d’autres la donnent toujours telle. Elle fort .de ce
-fourneau par une grande .ouverture. Le jet , ou
•plutôt le courant , efl confidérable lorfqu’on la
moule en gueufe ; la maffe pèfe fouvent plus de
deux milliers , & une de fes plus larges faces n’eft
touchée que par. l’air : elle n’eft donc pas refroidie
affez fubitemt n v Vingt-quatre heures après qu’une
gueufe a été coulée, fi on l’a laiffée dans le fable,
.elle eft quelquefois fi chaude qu’elle brûleroit les
„fouliers.
Une règle importante pour le choix des fontes
qu’on veut couler douces, fe tire directement des
■ remarques précédentes. Quand on veut acheter de
.la fonte à couleur & grainure égales, on préférera
.celle qui fera moulée le plus mince. Il efl: certain
.que c’eft celle q u i, par fa nature, eft la plus dou.ee :
celle qui paroît aufli grife étant épaiffe, feroit peut-
.être abfolument blanche , fi elle eût été coulée
mince.
Il eft extrêmement nêceffaire de fondre de la
fonte douce , & d’empêcher que pendant queja
fonte grife eft en fufion, elle ne fe change eu foute
blanche ; mais on regarde encore comme une régie J
que plus la fonte fera douce , & moins elle demandera
que le moule où elle doit être coulée foit
chaud.
Que l’ufage des châftis de fer ne paroiffe pas un
obftacle à cette nouvelle méthode. Ils ont des avantages
fur ceux de bois , qui même nous ont engagés
à en confeiller l’ufage dans un temps où nous ne
fongions pas à couler de la fonte douce. Plus un
moule eft chaud, plus la matière qui entre dans ce
moule conferve fa fluidité, plus cette matière s’y
moule parfaitement. Les traits des ouvrages moulés
dans des châftis de fer feront donc plus vifs que
ceux des ouvrages moulés dans des châftis de bois,
puifqu’il eft aifé de tenir ces derniers moules.plus
chauds :-.les ouvrages qui en fortiront, coûteront
moins à réparer.
Nous avons dit qu’il y a des précautions apprendre
pour empêcher les pièces minces de fe cafter dans
les moules. Tontes ces précautions ne feront plus
néceffaires : dès que le moule aura un degré de chaleur
confidérable , l’ouvrage fe. refroidira peu à peu
dans ce moule, comme s’il étoit mis dans un four
chaud.
Souvent des pièces fortent du moule avec des
fouffiures qui les rendent inutiles 'ou très - défec-
tueufes. L’air qui s’eft trouvé renfermé quelque
part, en eft la caufe principale ; le peu de fluidité
du métal en eft une. autre. Quand les moules feront
1 extrêmement chauds, ils contiendront moins d’air,
un air qui aura plus de difpofition à. s’échapper ; &
le fluide métallique fera fixé plus tard. 1 .
Les châftis de fer, fuflent-ils considérablement
plus çhers que ceux de bois , on feroit dédommagé
avec ufure de ce qu’ils auraient coûté de plus ,
parce qu’on auroit .moins d’ouvrages^ defeétueux ,
& qu’entre les ouvrages fortis des uns &.des autres
fans défauts fenfibles , ceux qui feront fortis des
moules de fer feroient toujours plus parfaits. Mais
d’ailleurs., quoique le châftis de fer foit plus cher
de premier achat, il y a de l’épargne à s’en'fervir,
parce que celui de bois n’eft pas de longue durée :
la traverfe de ces derniers châftis, qui eft du côté
du jet, eft bientôt brûlée ; elle s’enflamme chaque
fois qu’on coule du métal : on éteint le . feu le. plus
tôt qu’il eft poflible ; mais elles fe brûlent toujours
au point de ne pouvoir être de longue durée.
- Quelques fondeurs même ayant fait attention
depuis peu combien il leur en coûtoit en châftis, y
ont fait mettre la traverfe de fer : voilà, déjà un
quart du chemin que nous voulons faire, qui fe
trouve fait.
140. Des châjjls de fer propres aux différentes efp'ecsî
de moules.
Les obftacles qui peuvent empêcher les ouvrages
de fer de fortir limables. des moules , ont été levés.
Les principes généraux ont été établis ; mais il refte
à voir comment on réduira en pratique ces mêmes
principes commodément & fûrement. Nous nous
trouvons nêceffairement engagés à avoir recours à
bien des manoeuvres nouvelles, & ces manoeuvres
n’ont pas été ce qu’il y a eu de moins rebutant à
chercher. Il y en a plufieurs dont on n’a pu s’inf-
truire que par le travail en grand , où lés expériences
font chères & difficiles à répéter.
Dès le premier pas , le nouvel art demande que
nous nous écartions de l’art des autres fondeurs.
Ceux qui moulent en fable font leurs moules dans
des châftis de bois, & le nôtre ne veut que des
châftis de fer. On fait que les moules en fable font
ordinairement compofés de deux maffes de fable
égales , dans chacune defquelles une partie du
modèle eft imprimée en creux.- Ce fable eft gras ;
il a quelque confiftance : cependant il n’en auroit
pas aflez pour fe fbutenir feul ; mais'il fe fbutient à
l’aide des châffis.jQuand on veut mouler une pièce,
©n pofe le châftis fur une planche de bois ; il forme
avec cette planche une efpèce de boîte à qui il
manque le deflùs. On remplit alors ce châftis de
fable, dans lequel on enterre en partie le modèle.
Enfuite on preffe le fable , on le bat avec des
maillets ; à force de çoups, on le durcit le plus qu’il
eft poflible, & aflez pour que le modèle étant retiré,
l’impreflion qu’il y a laiffée fe conferve, & pour
que le châftis étant ôté de deflùs la planche qui lui
fervoit de fupport, le fable y refte attaché en quelque
pofition que le châftis foit mis. Nous ne nous
arrêterons point à décrire comment on remplit le
fécond châftis qui doit faire la fécondé moitié du
moule : ce feroit s’engager dans la defeription de
l’art du mouleur. II nous fuffit qu’on fe repréfente
le moule compofé de deux maffes de fable à peu
près égales, appliquées l’une contre l’autre, & que
le fable de chacune de ces ^maftes eft foutenu par
fa preffion & fon frottement contre les côtés du
châftis.
La forme de ceux de bois eft re&angle ; deux des
pièces qui le compofent font appelées les traverfes’,
& les deux autres les montans. Les montans font
plus longs que les traverfes , non-feulement parce
qu’ils forment les plus longs côtés de l ’intérieur du
châftis , mais encore parce que leur boùts ont environ
un pouce & demi de faillie par-delà les traverfes
: ces bouts font des poignées qui donnent
prife au mouleur. La face de chaque traverfe
qui eft dans .l’intérieur du châftis , eft aflez grof-
fièrement creufée en efpèce de gouttière : le fable
rcn eft mieux retenu. Au refte, on en fait de toutes
grandeurs & épaiffeurs , félon les ouvrages auxquels
on les deftine.
■ Ceux de fer demanderont moins d’épaiffeur ; leur
matière eft bien autrement en état de réfifter. Je les
ai fait faire d’abord minces, c’eft-à-dire , d’un fer
qui n’avoit que trois à quatre lignes. J’appréhendois
que leur poids ne rebutât les mouleurs ; mais dans
larfuite , tous ceux de grandeur commune ont été
faits de fer qui a environ fept lignes d’épaiffeur :
leur poids în’a pas pani a’afti incommode-que je
l’avois craint. Dans l’effentiel, ils ne diffèrent point
dé ceux de bois par leur figure ; elle montre fuffi-
famment à tout ferrurier comment doivent être
affemblées les barres de fer plat dont on les formera
, & il ne s’avifera pas de creufer dans les faces
intérieures des montans; , les rainures ou gouttières
qui font dans ceux de bois ; ce feroit un ouvrage
long ; il ferafimpleen emboutifl’ant ou eftampant à
chaud chacune de ces pièces : des châftis qui ne
feroient deftinés qu’à mouler des ouvrages très-
minces , peuvent même n’avoir point de ces rainures.
Ce qui eft encore plus fimple que les rainures
& ce qui équivaut, c’eft d attacher tout le long du
milieu de chaque montant une verge de fer, telle
qu’eft le fenton ordinaire. Il n’importe, pour retenir
le fable , qu’il aille s’engrener dans des creux du
moule, ou qu’au contraire ce moule ait des parties
faillantés qui aillent s’engrener dans ce fable. Ce
fera auffi la pratique qu’on fuivra pour tous les
moules d’une grandeur extraordinaire ; on rivera
de pareilles verges de fer aux traverfes de ceux-ci.
Dans ceux qui fervent à mouler des panneaux de
balcons ou des balcons entiers, & dans les autres
grands châffis, ‘outre les tringles dont nous venons
de parler, il en faut mettre d’autres parallèles aux
traverfes des bouts, & cela de diftance en diftance:
on fe repréfente aifément comment elles doivent
être difpofées. Une maffe de fable de cinq à-fix
pieds de longueur auroit peine à fe foutenir pendant
qu’on r'etourne le châftis: Au moyen de ces
tringles, ce grand moule eft dans le cas d’un de
pareille hauteur , qui n’auroit que douze à quinze
pouces de largeur ; les traverfes qui le foutiennent
•d’efpace en eipace, font un effet équivalent à une
divifion réelle du châftis en plufieurs parties.
Si nous n’avions à chauffer les châftis de fer
qu’autant qu’on a chauffé ceux de bois, la forme
des uns & des autres refteroit abfolument fem-
blable , à la différence d’épaiffeur près. Mais le
grand degré de chaleur qu’ont à foutenir ceux de
fe r , produit un mauvais effet, auquel il a fallu
chercher un remède dans leur forme même. Les
fondeurs ordinaires favent ce que c’eft que trouver
des toiles dans un moule ; ils donnent ce nom à des
feuilles de métal très - minces , qui s’y moulent
contre leur intention. Ces toiles ou feuilles minces
fe rencontrent entre les deux principales parties
dont le moule a été compofé , & auffi entre les
pièces de rapport qu’on y a fait entrer. Quoiqu’on
ait pris Coin de bien appliquer ces parties les unes
contre les autres , comme elles font couvertes de
poudre de charbon, ou de quelque autre poudre
fine, jamais l’union n’y eft auffi parfaite que dans
les autres endroits ; du fable gras s’attache mieux
contre de pareil fable gras, que contre de la poudre
d’une autre efpèce. Ainfi les parties rappliquées les
unes furies autres font plus aifées à léparer.,,
laiffent actuellement entre elles de petits vidés.
Ces vides s’augmentent lorfque le métal fluide
entre dans le moule : outre ‘que l’efforr de fa chût©.