
fe formeroit, fur fon épaiffeur, des efpèces de
gerçures blanchâtres , caufées par la trop grande
aftion du feu qui, fe fixant, dêfunit les parties de
l'écaille, & même les brûle.
Cette manière de redreffer l’écaille n’eft guère
ufitée, tant par rapport aux acddens qui en réful-
tent, que parce que beaucoup d’ouvriers prétendent
que le feu en gâte la couleur.
Cependant les couteliers ne font pas autrement
pour dreffer les manches de couteaux faits en écaille,
q u i, à la vérité, ne font que de petits morceaux qui
font bientôt échauffés ; c’eft pourquoi ils fe contentent
de les dreffer à la flamme d’une chandelle.
Quand l’écaille eft dreffée, on la met d’épaiff
feu r , foit avec le grattoir qui eff une efpèce de
couperet à deux tranchans, lefquels n’ont chacun
qu'un bifeau ; ou tout Amplement avec le rabot à
dents , qui mord affez bien deffus ; ce que ne peut
pas faire le fer du rabot ordinaire , parce que
l’écaille eff compofée d’une fubffance graveleufe
qui en détruit bien vite le tranchant ; ce qui fait
préférer les fers brettés ou dentés, les râpes & les
urnes qui n’attaquent fa furface que par parties.
Si l’on veut mettre les feuilles d’écaille d’épaiffeur,
on commence avec le rabot à dents', pour les dreffer
en deffous, c'eft-à-dire , du côté quelles font adhérentes
au corps de l’animal ; enfuite on les retourne
de l’autre côté, pour les réduire à l’épaiffeur convenable
; alors on fait ufage des râpes , du grattoir &
du rabot bretté.
Cette opération demande beaucoup de précaution
& d’ufage de la part des ouvriers, parce que quand
l'écaille eff trop épaiffe , & qu’il y a par conféquent
beaucoup de matière à ôter, il arrive fouvent qu’on
cafle la feuille d’écaille qui eff très-fragile , & qu’on
ne peut conferver entière qu’en la traitant avec beau-
coup de ménagement, en obfervant fur-tout qu’elle
porte bien également dans toutes fes parties, fur
l'établi fur lequel on la dreffe.
On ôte le furplus de l’épaiffeur des feuilles d’écaille
du côté du deffus, parce que celui de la chair eff
ordinairement le plus beau , & où les nuances font
les plus fenfibles, du moins à ce que difent les ouvriers.
L’épaiffeur de l’écaille varie félon les différens
ouvrages où on l’emploie ; cependant cette épaiffeur
ne paffe guère une ligne & demie , & rie peut être
moindre que trois quarts de ligne, parce quequand
elle eff plus mince , elle fe travaille difficilement,
fbn peu de confiffance l’expofant à fe rompre au
moindre effort.
Quelque épaiffeur qu’on donne à l’écaille ,ï l faut
avoir foin qu’elle foit égale par-tout, afin qu’elle
foit également flexible ; & avant de la mettre en
ufage , il faut la garder quelque temps dans un en- j
droit fec & même un peu chaud', afin qu’elle fe retire
fur elle-même avant d’être employée.
Maniéré de ceintrer les feuilles d’Ecaille.-
On ne ceintre guère les feuilles d’écaille avant
1 que d’êtrô découpées & collées avec le cuivre ï cependant,
comme il pourroit arriver qu’on voulût la
ceintrer d’une certaine forme, étant en feuille on
le fait de la manière fuivante.
On commence d’abord par tracer à part le ceintre
que doit avoit l’écaille, lorfqu’elle fera moulée, pUls
on fait le développement de ce ceintre fur une ligne
droite, pour avoir la longueur jufte de la Feuille
d’êcaille, qu’il eff bon de couper un tant foit peu
plus longue qu’il ne faut.
On fait enfuite le moule intérieur & extérieur en
pratiquant dans chaque partie une rainure , dans laquelle
l’écaille puifle entrer , lorfque la chaleur de
l’eau bouillante & la preffion du moule la forceront
de s’étendre.
Manière de mouler l'Ecaille.
De quelque forme que foit le moule , il doit être
compofé de deux parties évidées à contre-fens l’une
de l’autre. Ces parties doivent être difpofées de manière
qu’elles s’emboîtent l’une avec l’autre ;& pour
qu’elles ne fe dérangent en aucune manière , il eff
bon d’y placer des goujons aux quatre .coins.
Quand on veut mouler de l’écaille , on ne la met
pas toute droite dans le moule ; mais, après l’avoir
dreffée & mife d’épaiffeur, on la trempe dans l’eau
bouillante ; & quand elle eff amollie, on commence
, par la ceintrer à la main , à peu près félon la forme
qu’elle doit avoir ; enfuite on la met dans le moule,
& ce dernier dans la preffe, qu’on ne ferre d’abord
qu’autant qu’il eff néceffaire pour empêcher l’écaille
de gliflêr : cela fait, ©n trempe le tout dans l’eau,
bouillante , & on ferre la vis de la preffe à raefure
qu’on s’apperçoit que l’écaille ne fait pas deréfiftance.
Quand le deffus du moule eff defeendu autant
qu’il eff néceffaire, & que par conféquent l’écaille a
pris la forme du moule , on retire la preffe de l’eau,
& on laiffe refroidir le tout à l’ordinaire. ; ce qui ne ■
fouffre aucune difficulté-
Les moules, dont on vient de parler, font ordinairement
faits de bois dur ; ce qui eff fuffifant quand
on n’apas beaucoup de pièces femblables à. mouler,
ou qu’ils font très-grands ; autrement.il feroit con-
| venable de les avoir en- cuivre , parce, qu’ils réfiffe?
: roient mieux à l’affion de l’eau bouillante, que ceux
de bois ; d’ailleurs ils conferyeroient mieux leurs
formes, & dureroient plus long-temps.
Il eff affez rare qu'on moule l’écaille avant d’être
découpée; cependant, comme il y a dés occafions
où cela eff néceffaire, il eff à propos d’entrer dans
quelques détails à ce fujet.
* Manière de fouder VEcaille.
On a dit plus haut qu’on foudoit l’écaille fans le
fécours d’aucun agent; ce qui fé fait-de la manière
fuivante.
Pour fouder deux morceaux d’écaille enfemble
on commence, après avoir marqué l'endroit du joint,
par abattre le reffe du chanfrein : ©n en fait autant à
chaque pièce ,. en obfervant que les deux pentes ou
chanfreins aient une même indinaifon; ce qui étant
fait on les met l’un fur l’autre ; & quand ils joignent
bien enfemble , On .les entoure de papier un peu
fort pÜê en trois ou quatre doubles : ou. arrête le
iDu'aVee du fil ; enfuite on fait chauffer des pinces
affei grandes pour qu’elles embraffent toute la lon-
pieur du joint, qu’on terre avec ces dernières, juf-
qu’à ce qu’on s’apperçoive que l’écaille devenue
molle ploie par fon propre poids , ou du moins
obéiffe aifément fous le doigt : alors on la retire des
pinces ; on la laiffe refroidir, & elle eff parfaitement
foudée.
Il faut prendre garde que les pinces ne foient trop
chaudes, car elles brûleroient l’écaille fans la fouder :
c’eff pourquoi, avant que de ferrer le joint avec les
pinces , il faut les effayer fur du papier ; & quand
elles ne font que rouffir un peu ce dernier, fans
cependant le brûler , c’eff un figne qu’elles font à un^
degré convenable de chaleur.
Pour bien fouder ainfi l’écaille , il feroit bon
d’avoir des pinces faites exprès , dont les mâchoires
un peu épaiffes , fuffent difpofées de manière que
quand elles faifiroient l’écaille & le papier qui l’entoure
, elles fuffent exactement parallèles , afin que
leur preffion fût parfaitement égale dans toute l’étendue
du joint : c’eft à peu près de cette manière que
les Chinois foudent les cornes de leurs lanternes.
On foude encore l’écaille par le moyen de l’eau
bouillante ; ce qui fe fait de ia manière fuivante.
On difpofe le joint en flûte ; puis on met les deux
pièces ajuffées dans la preffe , entre deux morceaux
de cuivre , obfervant que les joints fe chevauchent
un peu ; enfuite on ferre médiocrement la vis pour
mieux affujettir.les morceaux à leur place ; & quand
on eff certain qu’ils font bien , on met le tout dans
l’eau bouillante , après quoi on achève de ferrer la
vis de la preffe, pour faire prendre le joint de l’écaille
à mefure qu’elle s’amollit.
De quelque manière qu’on foude l’écaille , il faut
avoir grand foin que les joints foient très-vifs & très-
propres , parce que la moindre particule de graiffe
ou d’ordure empêcheroit l’aélion delà foudure ; il
faut même éviter de paffer fon haleine fur ces joints,
ni d’y toucher avec les doigts.
Quand on foude deux morceaux d’écaille enfemble,
il faut les choifir de manière qu’à l’endroit
du joint, leurs couleurs ou leurs nuances foient à
peu près femblables, afin que le joint ne foit pas apparent.,
du moins autant que cela eff poffible.
• De la doublure de VEcaille.
Les ébéniftes n’emploient pas l’écaille toute nue,
c eft-à-dîre, qu’ils ne l’appliquent pas immédiatement
fur le bois, mais , après l’avoir dreffée & mife
d épaiffeur , ils la doublent pour y donner du fond,
& pour que la colle & les nuances du bâtis ne pa-
roiffent point au travers. Cette doublure n’eff autre
chofe qu’une couche de noir ou de rouge étendue
fur l’écaille du côté de la chair, & recouverte enfuite
avec du papier qu’on y applique en même, temps que
la couleur, laquelle fert de mordant pour retenir le
papier.
Ces deux couleurs fe fon t, l’une avec du noir de ,
fumée , & l’autre avec du vermillon , l’un & l’autre
détrempés & broyés avec de la cplle de poiffon,
qu’on préfère à la colle d’Angleterre, non-feulement
parce qu elle eff plus tenace, mais encore parce
qu’étant plus claire & limpide, elle ne gâte pas la couleur
du vermillon, qu’on doit employer 1e plus pur
poffible, -pour qu’il donne une plus belle couleur à
l’écaille. Ces deux couleurs font les feules qu’on
donne à l’écaille, du moins pour l’ordinaire, & la
rouge eff celle qui eff la plus ufitée.
On po.urroit cependant doubler l’écaille avec
d’autres couleurs. ; ce qui feroit très-bien dans différentes
occafions , en donnant. plus de variété aux
ouvrages de marqueterie.
D e - l a C o r n e .
La corne eff cette partie dure & folide qui naît fur
la tête de quelques animaux à quatre pieds.
Son tiffu paroît être un compofé de filets qui naif-
fent par étages de toute la furface de la peau qui eff
deflous la corne. Tous ces filets étant réunis , collé«
& foudés enfemble par une humeur vifqueufe qui
les abreuve, forment autant de cornets de différente
hauteur , qui font enchâffés les uns dans les autres ,
& prolongés jufqu’à la pointe delà corne; d’où vient
que cette pointe compofée de toutes ces enveloppes,
eff fort folide , & que plus on approche de la bafe
où ces cornets finiffent par étages }/plus on voit que
l’épaiffeur &Ta dureté de la corne diminuent.
Les ébéniftes emploient une efpèce de corne
blanche , qu’on vend à Paris fous le nom de corne
d'Angleterre, d’où elle eff apportée dans de petits
barils. Ce font de ces cornes dont les ferblantiers,
font auffi ufage pour fermer les lanternes.
On en vend de plus ou moins épaiffes ; celles qui
font les plus blanches , qui n’ont point de taches , &
qui font les plus tranfparentes , font les plus re-
• cherchées parles ébéniftes , à moins qu’ils ne veuillent
en faire de fauffes écailles ; alors ils fe fervent de
la corne ronfle , qui imite, en quelque façon, le clair
de l’écaille , dont ils contrefont les.nuances avec de
la couleur.
On trouve la corne toute apprêtée ,.& il’ne s’agît
que du choix quand on veut en faire emplette.
Manière de. teindre la Corne, de forte qu elle imite'
V Écaillé.
Il faut d’abord que la corne foit réduite en tablettes
, en lames, ou autre forme plate ; enfuite on,
prépare le mélange fùivanf.
Prenez deux parties de chaux vive & une partie-
de litharge; mêlez le tout enfemble ,.&.fôrmez-en
une pâte avec la- Ièflîve de favon.
Appliquez de cette pâte fur toutes les parties de
la corne que vous voulez colorer, ayant foin de
n’en pas mettre fur celles qui doivent refter tranfparentes
, afin d’imiter le plus qu’il eff poffible l'écaille
de. tortue.