
La France étant fournie de manufa&ures de fer
bien au-delà de fa.confommation, & comme il eft
vrai d’ailleurs que la multiplicité des forges eft une
des caufés de la diminution des bois de chauffage &
d’autres fervices ; cette diminution étant la caule de
leur cherté, & relativement de celle du fer, ne fe-
roit-ce pas rendre fervice au public de faire détruire
les ufines qui n’ont point d’affouages par elles-
mêmes , puifqne c’eft un moyen d’épargner les bois,
de les vendre à un moindre prix, & conféquemment
le fer ? Quelques propriétaires de forges pourroient
perdre à cet arrangement. Ceux qui penfent bien ,
facrifieroient volontiers une partie de leur revenu
en faveur du public : il ne faut guère s’inquiéter de
ceux qui penfent mal.
Des martinets.
Les martinets font compofés d’un foy er, & d’un
ou plufieurs marteaux mis en mouvement par
l’eau.
Le foyer d’un martinet eft élevé pour l’aifance de
l’ouvrier ; l’aire eft de terre battue comme un foyer
d’une forge de maréchal ; le devant garni d’une
grande taque , fous laquelle on place en pente un"
chio, dont le trou eft à fleur du foyer : la tuyère eft
aufli à fleur du foyer. Il h’y a qu’un foufflet double
de cuir ou de bois, pour communiquer le vent ; le
foufflet eft mis en mouvement par fes cames ou
une manivfelle, répondant de l’arbre au foufflet par
des leviers multipliés , ce qui fait lever le foufflet ;
il eft rabaiffé par un contre-poids. Devant le foyer
il y a un chevalet de bois pour foutenir le bout des
bandes.
Le marteau pèfe depuis 50 jufqu’à 1 50 livres. La
buraffe eft au tiers du manche ; les branches de la hu-
raffe font d’égale longueur ; les boîtes font dans de
fortes jumelles de bois, arrêtées en deffous dans un
fort châflis, & au deffus par une traverfe. L’ouverture
pour placer les boîtes eft à jour, & elles fe
montent, baillent, reculent ou avancent par des
coins qu’on chaffe en dehors : l’arbre du martinet
doit être le plus gros qu’il eft poflible, pour y loger
beaucoup de cames, qui doivent répondre à la
queue du manche. Quand une came vient à appuyer
fur fa queue, le .marteau lève ; pour qu’il
foit levé & rabaiffé également, fous la queue on
place une taque de fonte à allez de diftance pour làifler échapper la came. Cette taque renvoie le
manche ; il eft rabaiffé par une autre came, & c.
L’arbrefpeut porter de douze .jufqu’à vingt cames,
& conféquemment dans un tour, le marteau frappera
de douze jufqu’à vingt coups. Un même arbre
peut faire marcher plufieurs martinets : le marteau
eft de fer ; l’enclume eft aufli un morceau de /fer
enchâffé dans un bloc de fonte fervant de ftoc ,
dans lequel elle eft ferrée par des coins. L’enclume
& le marteau fie dreffent à la lime. L’objet du martinet
eft d’étirer le fer de forges, & de le réduire en
plus petits volumes ,biendreffé & bien poli , pour
différens ouvrages de ferrurie. Pour fervir un martinet,
il faut deux ou quatre ouvriers ; ordinairement
ils ne font que deux, le martineur & le chauffeur.
On coupe le fer de forge de deux à trois pieds
de longueur ; on en met dix, douze morceaux à-la-
fois au feu : on commence par faire chauffer le milieu.
Le martineur eft alïis proche Je marteau fur un
banc, tenant d’un bout dans un crochet de fer où il
eft mobile, & fufpendu de l’autre par une chaîne
afin de pouvoir avancer & reculer fans fe déplacer.
Le chauffeur porte une pièce quand elle eft chaude ;
le martineur la fait battre fur le travers de l’enclume
8c du marteau, pour l’étirer. Il ne fe lève que pour
parer , & arrofe lui-même le fer en tournant un
petit robinet répondant au deffus du marteau. Quand
la première eft battue d’une étendue convenable à
la chaude , le chauffeur en apporte une fécondé ,
& fucceflivement , jufqu’à ce qu’ils en aient ce
qu’ils peuvent forger en un jour ; puis on recommence
à chauffer une autre partie de la barre , &
ainfi jufqu’à ce qu’elles foient finies. Le marteau
n’arrête que pour les repas & le foir, qu’on emploie
à botteler la journée. Les bottes font de cinquante
livres,, poids de marc. Les fers fe battent en barreaux
de cinq , fix à fept lignes ; en mi-plats , en
ronds, en bandes de deux à trois lignes d’épaiffeur,
pour cercles de foudre, &c. On y bat & arrondit
du fer pour les fileries ; dans ce cas, le martineur
ne le pare jamais, mais fe contente de l’étirer fur le
travers, crainte de déranger le fil des nerfs. Deux
ouvriers peuvent forger cinq cents de fer par jour.
A rt. XI. Les fonderies.
Le but des fenderies eft de divifer une lame en
plufieurs baguettes, fuivant l’échantillon qu’on juge
à propos. Pour faire cette divifion avec exactitude,
il faut que les barres > de fer foient de la même
épaiffeur ; ce qui fe fait dans des cylindres. On a
une barre de fer qu’on applatit dans les cylindres,
efpatards ou applatiffoirs, qu’on paffe enfuite dans
•les taillans ou cifeaux. Il ne feroit pas poflible d’ap-
platir & fendre une barre de fer , fi elle n’étoit
adoucie au feu ; ce qui donne lieu à une efpèce de
dfcnffruâion de fours, pour les chauffer en grand
nombre & à peu de frais. Pour profiter de la chaleur
donnée au fè r , qui, quoique adouci, occafionne
un violent travail aux applatiffoirs & aux taillans,
on emploie la puiffance de l’eau d’une chute , ou de
rouets ou lanternes, pour avoir un grand mouvement.
Un coup-d’ceil fait voir que tout dépend
de la folidité & de l’exafritude des pièces d’une
fenderie.
On les fait Amples ou doubles. Les fimples font
celles dans lefquelles , comme on voit d’abord, on
ne monte que les efpatards pour applatir une quantité
de fer; enfuite^on démonte les efpatards, &
on fubftitue les taillans : cette efpèce a le défavan-
tage qu’il faut chauffer deux fois le fer ; mais il faut
moins d’eau, & on peut en efpérer plus d’exaditude.
Pour faire les deux ouvrages à-la-fois, on établit
i l’équipage des applatiffoirs, & dans la mèche du
cylindre du deffus, & en continuant la mèche Hu
cylindre du bas, on ajufte l’équipage des taillans ,
de façon que le travail fe fait fur la même ligne &
par le même mouvement. La barre , au fortir du
four, eft préfentée aux applatiffoirs , reçue enfuite
par un ouvrier qui la tire avec des tenailles pour
l’entretenir , & la pafl'e par deffus l’équipage à un
autre ouvrier qui la préfente aux taillans: toute cette
opération va affez vite pour n’être point obligé de
chauffer le fer deux fois ; mais l’inconvénient de ces
fenderies eft, qu’étant obligé de ferrer & defferrer
fouvent les tourillons des cylindres , il n’eft pas
poflible que cela n’influe fur les taillans , puifque le
mouvement eft commun. Cette efpèce de fenderie
eft très-commune.
La troifièmeefpèce eft celle où- les efpatards font
devant & les taillans derrière ; le tout dans un
mouvement uniforme, par la diftribution des rouets
& lanternes.
Pour donner une idée claire des fenderies, nous
dirons qu’il faut une affez grande quantité d’eau,
pour donner le mouvement aux applatiffoirs &
taillans de deffus, & à ceux de deffous en fens contraire,
afin qu’ils mordent & attirent ce qu’on leur
préfente, 8c afi'ez de viteffe pour qu’une barre foit
tirée du four, paffe fous les efpatards & foit fendue
dans les taillans en une minute. 11 faut que l’inte-
rieûr des bâtimens foit fpacieux pour loger les
deux équipages l’un derrière l’autre 8c fur la même
ligne; le four à la fête, avec un efpace au moins
de quinze pieds pour manier les bandes de fer ; derrière
l’équipage , de quoi les tirer, placer la verge;
les bancs pour l’emborteiage , les romaines, la petite
boutique pour la conftruéfion des outils , & le
magafin.
Comme il faut que les deux roues de chaque
coté qui reçoivent .l’eau du même réfervoir, tournent
en fens contraire, s’il y a affez de hauteur,
l’eau prendra, l’une par deffus & l’autre par deffous ;
finon, à un côté on ajoutera un rouet 8c une lanterne.
Les roues traverferont un cylindre de bois, qu’on
appelle arbre de fenderie, avec tourillons ordinaires
de fonte ou de fer , du coté du courtier ; & dans
l’intérieur, au lieu de tourillon, un morceau de fer
Carré , de trois pouces & demi de diamètre, faifant
croffe dans l’intérieur du bout de l’arbre où il eft
ferré, arrondi contre l’arbre pour porter furYune
empoiffe , & du refte , écarri pour recevoir une
boîte; ce morceau de fer s’appelle la mèche.
Une boîte eft un morceau de fer ou de fonte
d’environ neuf pouces de longueur fur fept pouces
■ de diamètre ou écarriffage , dans le milieu duquel
d y a une ouverture Carrée propre à recevoir le
bout de la mèche, d’environ quatre pouces de'lon-
gueur : le refte de l’intérieur de la boite eft pour
recevoir le bout carré de l’elpatard fimple , ou l'e
bout carré de la mèche qui a traverfé les taillans.
L efpatard double confifte en ce qu’on y ajoute
une partie quarrèe , pour recevoir une boîte à
chaque extrémité. Un efpatard eft un morceau de
fonte moulé, çompofé de cinq parties ; favoir, la
boffe de fept pouces de diamètre ; les deux parties
arrondies , fervant de tourillon , de cinq à frx
pouces de diamètre ; & la partie quarrée avec fa
correfpondante fuppofée pour le tourillon double.
L’arbre & l’efparard du bas portent fur une em-
poife mife fous la mèche vers l’arbre, & fur les
empoifes retenues dans les côtés des châfîis ; &
l’arbre & l’efpatard du deffus porte fur une em-
poife pofée' fur un chevalet fuppofé fous le tourillon
, & font retenus par les empoifes renverfées
& ferrées dans lès' châflis. Quand c’eft une fenderie
double, il en eft de même pour les taillans ^
dont la mèche excédant le châflis , eft coufue avec
le quarré débordant de l’efpatard par une boîte.
Dans une fe'nderie double , fur la même ligne,
l’équipage des efpatards & celui des taillans font
environ à fix pieds de diftance l’un de l’autre pour
l’aifance du travail. Leur folidité dépend de la
plate-forme & des montans.
La plate-forme eft un morceau de bois de dotlie
pieds de longueur fur deux pieds d’équarriffage,
enclavé dans les encoches d’un fort châflis fur lequel
il porte , de façon à pouvoir être reculé ou avancé
par des coins qu’on chaffe contre les parois des
encoches.
A trois pieds du milieu de la plate-forme, partent
quatre montans pour les efpatards ; autant de
l’autre côté pour les taillans. Tout ceci fera bien
aifé à appliquer aux autres efpèces de fenderies.
Ces montans font des pièces de fer de trois
pouces d’épaiffeur, réduites en dedans fur un pouce
en un demi-cercle de dix-huit lignes de diamètre,
pour recevoir les extrémités des empoifes , qui,
excavées dans la même dimenfion, font rendues
inébranlables^ Les montans traverfeçt la plateforme
, & font, arrêtés en deffous par des clés de
fer. Le devant & le derrière font arrêtés en deffus
-par les traverfes aufli de fer. Les empoifes font
des morceaux de fonte moulés en terre comme
les efpatards , ayant le milieu excavé en ceintre
pour recevoir les tourillons : les bouts des empoifes
font aufli excavés pour entrer & être affermis dans
le demi-cercle des montans.
Quand on veut monter un efpatard ou trouffe
de taillans , on commence par pofer l’empoife d’en
bas fous les tourillons de l’efpatard, enfuite le fécond
efpatard, & l’empoife renverfée deffus ; tout
fon effort fe faifant en enhaut. Le deffus des côtés
des montans eft arrêté par de fortes traverfes -, au
milieu defquelles il y a un écrou traverfé d’une
v is , portant fur le milieu de l’empoife , pour la
ferrer ou la defferrer d’un coup de main, eu maniant
la partie coudée;-par ce moyen , on approche
les efpatards l’un de l’autre -, tant qu’on pige à propos
pour l’efpèce de fer qu’on applatit : il en eft
de même pour les taillans. D ’autres, au lieu de vis -,
pratiquent dés momifies dans les montans ; 8c au