
& que la pipe elle-même eft bien affujettie en équilibre
, on -bouche bien les trois trous de la pipe :
on calfeutre les deux premiers avec de l’étoupe ou
de vieilles-cordes effilées ou épluchées , autour du
tuyau fortant de la ferpentine ; & le troifième , qui
eft celui de derrière, doit être bien fermé par la
fontaine que l’on y a fait entrer.
Pour favoir fi la ferpentine eft bien pofée & a
affez de pente , on prend une balle de fufil qui ne
foit pas d’un trop gros calibre, & on la laiffe couler
dans la grande ouverture de la ferpentine ; elle doit
rouler aifément, faire tous les tours de la ferpentine
, & fortir par le petit bout ; alors elle eft bien
pofée. Si la balle s’arrête dans la ferpentine , ce qui
peut quelquefois être caufé par un grain de foudure
des tuyaux , que le poêlier aura lamé échapper dans
le dedans des tuyaux en la foudant, ou parce que
la ferpentine n’eft pas bien foudée , il faut faire
fortir cette balle ; & pour y rèuffir, il faut mettre
dans le trou de la ferpentine la queue du chapeau
renverfé , c’eft-à-dire, fon vide en dehors, & jetter
dans ce chapeau environ un feau d’eau, laquelle
s’écoulant à force dans cette ferpentine, entraînera
avec elle la balle qui y eft reftée ; & ft la pipe n’eft
pas droite ou pofée comme il faut, il faut la rétablir
, & remettre cette balle jufqu’à ce qu’elle paffe.
Pour favoir s’il n’y a point de petits trous à la
chaudière , au chapeau ou à la ferpentine, il faut ,
pour la ferpentine , la remplir d’eau avant de la
mettre dans la pipe, boucher bien de trou d’en bas
avec un bouchon de liège , & fouffler par le gros
bout avec un fouffiet qui prenne bien jufte ; s’il y
a quelque fmus, l’eau fortdra par-là, attendu que
le vent du fouffiet la preffe vivement ; alors il faut
faire fouder cet endroit avant de la mettre dans la
pipe : s’il n’y a point de trou , on fentira que l’eau
fait réfiftance au vent du fouffiet : on le retire,
parce que la ferpentine eft bien-jointe & bien
foudée. Pour le chapeau, il faut le mettre entre
fes yeux & le jour , le vide du côté des yeux ; s’il
y a des linus , on les verra ; s’il n’y en a point, le
chapeau eft en bon état. Pour la chaudière , on
s’apperçoit qu’il y a un ou plufieurs trous ; quand
on voit dégoutter du vin dans le feu , ou quelque
endroit de la maçonnerie mouillé , il faut alors
démaçonner la chaudière pour réparer le mal.
Quand tous les uftenfiles font en ordre, on remplit
la pipe d’eau froide, n’importe de quel fond
elle vienne, foit de rivière , de puits , de pluie ,
ou de mer; celle de mer eft la moins bonne, parce
qu’elle eft plus tôt chaude. Il faut que l’eau furmonte
la ferpentine d’environ un pied. Cette eau fert à
rafraîchir l’ea u -d e -v ie qui fort bouillante de^la
chaudière en s’élevant en vapeur vers les parois
du chapeau , s’écoule par l’ouvermre du chapeau,
paffe dans la queue de ce chapeau, & de-là dans
les tours de la ferpentine , & en fort par le petit
b out, où elle eft reçue dans un baffiot couvert,
qui eft dans un trou en terre au bas de la pipe, &
où elle entre au moyen d’un petit vafe de cuivre
ou d'autre métal, qui eft fait eu forme d’un petit
entonnoir plat, que l’on place fur le petit bout de
la ferpentine.
Cet entonnoir eft percé à l’autre bout, d’un trou
fous lequel il y a une petite queue ou douille, qui
entre dans un trou fait exprès au baffiot, par où fe
vide l’eau - de - vie qui vient de la chaudière. On
appelle le trou en terre où l’on place le baffiot
faux bajjiot. On donne à ces uftenfiles les noms qui
font en ufage dans la province où l’on s’en fert.
On a dit que cette eau dans la pipe fert à rafraîchir
l’eau-de-vie avant qu’elle entre dans le baffiot;
ca r , quand elle y entre chaude , elle eft ordinairement
âcre, ce qui lui vient des parties de feu dont
elle eft remplie en fortant de la chaudière'; & plus
elle fe décharge promptement de ces parties ignées,
&plus l’eau-de-vie eft douce & agréable à boire, fans
rien perdre de fa force : ainfi, il eft à propos de
rafraîchir cette eau de la pipe de,temps en temps,
en y en mettant de nouvelle , afin qu’elle foit toujours
froide s’il eft pollible ; car plus l’eau-de-vie
vient froide , & meilleure elle eft. Il faut toujours
de nouvelle eau à toutes les chauffes.
Le baffiot eft fait avec des douves , comme font
celles des tonneaux ; il eft lié avec des cerceaux,
comme on lie les tonneaux ; il eft fermé ou foncé
deffus & deffous pour la conservation, & empêcher
l’évaporation de l’eau-de-vie qui y entre. Ce baffiot
a deux trous fur fon fond d’en haut, qui ont chacun
leur bouchon mobile ; l’un des trous eft celui où
entre la queue du petit entonnoir, & l’autre fert pour
fonder & voir combien il y a d’eau-de-vie de venue;
Ce baffiot eft jaugé à la jauge d’ufage dans le
pays , afin que l’on puiffe favoir prêcifément ce
qu’il contient. On fait ce qu’il y a dedans d’eau-
de-vie-, quoiqu’il ne foit pas plein ; on a pour cela
un bâton fait exprès, fur lequel on a meniré exactement
les pots & veltes de liqueur que l’on y a
mifie, à meiure qu’on l’a jaugé, tellement que quand
il n’y a dans le baffiot que quatre, cinq, fix, fept
pots plus ou moins de liqueur, en coulant le bâton
dedans & l’appuyant au fond du baffiot, Vendroit
où finit la hauteur de la liqueur qui eft dans le
baffiot, doit marquer fur le bâton le nombre des
pots ou veltes qui y font contenues & cela par
des marques graduées & numérotées qui font en>
preintes ou entaillées fur ce bâton. Ce baffiot doit
être pofe bien à-plomb & bien fol'ide dans le faux
baffiot.
On fait que pour un pot il faut-deux pintes , &
que lavelte contient quatre pots.
On a dit qu’au fourneau qui eft fous la chaudière,
il y avoit deux ouvertures-; l’une pour y faire entrer
le bois , & l’autre pour iaiffer échapper la fumée.
Ces deux ouvertures ont chacune leur fermeture
de fer celle de devant par une plaque de fer , avec
une poignée pour la placer ou l’enlever à volonté:
on appelle cette plaque une trappe. L’ouverture de
la fumée a également fa • fermeture, mais elle n elt
pas placée à l’orifice du trou; on fait que* par çe
fron - la- fumée du feu monte dans la cheminée
sourie répandre dans l’air : la fermeture de ce trou
eft placée au deffous de la maçonnerie de la chaudière
, un peu fur le côté ; enforte que le tuyau de
cette fumée , qui prend fous la chaudière eft un
peu dévoyé pour gagner le conduit de la cheminée.
Cette fermeture confifte dans une*plaque de fer,
longue environ d’un pied, & large de quatre pouces
& demi, ce qui doit boucher le tuyau de la cheminée
: ainfi ce tuyau ne doit avoir que cela de largeur
, & être prefque carré ; on appelle cette fermeture
, une tirette , parce qu’on la tire pour 1 oter,
& on la pouffe pour la remettre, c’eft-à-dire, pour
ouvrir & fermer ce trou, qui répond au dehors,
au deffus de la chaudière.par une fente, dans le
mur du tuyau de la cheminée. Il ne faut pas néanmoins
que cette tirette bouche tout-à-fait le tuyau
de la cheminée, parce que pour l’entretien du feu ,
il faut qu’il s’en exhale un peu de fumée, fans quoi
il feroit étouffé fous le fourneau : ainfi il peut refter
autour de la tirette une ligne ou deux de vuide.
Ces deux plaques de ter fervent pour entretenir
le feu fous le fourneau dans un degré égal de chaleur;
& quand il n’y a pas affez d’air, on tire tant
foit peu la tirette ; s’il y en a trop, on la pouffe tout-
à-fait ^de façon que le feu qui eft fous la chaudière,
n’étant point animé'par un air étranger, brûle également,
& entretient le bouillon de la chaudière
dans une égale effervefcence ; ce qui fait que l’eau-
de-vie vient toujours prefque également & doucement
, ce qui contribue beaucoup à fa bonté.
Quand la chaudière eft coiffée, on continue à
mettre du menu bois fous le fourneau, jufqu’à ce
que la vapeur qui fort du v in, & qui monte au fond
du chapeau, foit entrée dans la ferpentine, & foit
fur le point de gagner les tours de la ferpentine ; ce
que l’on connoît en mettant la main fur le bout
de la queue du chapeau, du côté de la ferpentine :
s’il eft bien chaud, e’eft une preuve qu’il y a paffé de
la vapeur affez eonfidérablement pour l’échauffer :
ald'rs on met du gros bois fous le fourneau ; ce font
des bûches coupées de longueur, pour ne pas excéder
celle du fourneau, & ne pas empêcher que l’on
n’en ferme bien l’ouverture avec la trappe; on y"
met de ce gros bois autant qu’il en faut pour
remplir le fourneau prefque en entier , & affez
pour faire venir toute la bonne eau - de - vie ;
car lé fourneau une fois fermé, on ne doit plus l’ouvrir
: on laiffe cependant parmi ces bûches affez de
vuide pour l’agitation de Pair. On appelle cela,
garnir la chaudière.
Lorfque le fourneau eft rempli, on met la trappe
pour en boucher l’ouverture d’entrée, & on pouffe
la tirette pour e® fermer l’ouverture de la cheminée :
ce que l’on n’avoit pas fait, lorfque l’on mettoit la
chaudière en train ; l’eau-de-vie alors vient tranquillement,
& le courant ne doit avoir qu’une demi-
ligne ou environ de diamètre : plus le courant eft
fin , & plus l’eau-de-vie eft bonne.
C’eft au brûtenr, comme condu&eur de la chaudière,
à voir comment ce courant vient : car quelquefois
, fur-tout dans le commencement, il eft
trouble & gros, parce que l’on n’a pas garni & fermé
les ouvertures affez tôt ; & le feu alors ayant trop
d’aftivité , fait monter le vin de la chaudière par
fon bouillon, par l’ouverture du chapeau, qui paffe
ainfi. dans la ferpentine, & en fort de même : quand
on a un ouvrier entendu & foigneux, cela n’arrive
point ; mais fi cela arrivoit, il faudroit fur le champ
jetter un peu d’eau froide fur le chapeau & fur la
ferpentine, pour arrêter & réprimer cette vivacité
du feu : cela ordinairement ne dure qu’un bouillon,
parce que le gros bois qu’on a mis dans le fourneau
fous la chaudière , & la fuppreflion de l’air par les
fermetures des trous, amortit cêtte vivacité. S’il
étoit entré de cette liqueur trouble dans le baffiot,
il faudroit l’ôter en la vuidant, pour ne pas la laiffer
mêlée avec la bonne eau-de-vie, car cela la ren-
droit trouble & dèfeftueufe. Lorfque c’eft une première
chauffe que l’on repaffe une fécondé fois
dans la chaudière, certe liqueur trouble mêlée avec
l’autre, n’y fait rien ; car on remettra le tout dans la
chaudière pour une fécondé chauffe.
L’on doit favoir que le grand nombre des brûleurs
& de ceux qui font convertir leurs eaux-de-
v ie , font deux çhauffes pour une, la fimple & la
double; la fimple, c’eft la première fois; la double
,. c’eft la fécondé fo is , dans laquelle 011 repaffe
tout ce qui eft venu dans la premièrë'âvec de nouveau
v in , autant qu’il en faut pour achever de remplir
la chaudière jufqu’au point où elle doit l’être.
Suppofé que l’on s’apperçoive que le bois ne brûle
point finis la chaudière par le défaut de fa qualité,
& qu’il n’a pas affez d’air , il faut lui en donner en
tirant un peu la tirette : cela le ranimera ; mais d’abord
que l’on s’apperçoit que l’eau-de-vie vient
mieux, & par coniéquent que le bois brûle mieux ,
il faut repôuffer cette tirette & fermer.
Il ne faut prefque jamais ôter la trappe pendant
que l’eau-de-vie vient, on courroit des rifques de
la faire venir trouble : car le feu étant animé par l’air
qui entre fous le fourneau, peut tellement prendre
de l’a&ivité, qiîe le bouillon du vin en der
vienne trop élevé, & qu’il ne furmonte jufqu’au trou
du chapeau, & de-là ne coule dans la ferpentine
Il peut même arriver encore d’autres accidens plus
funeftes : car Je bouillon du vin étant très-violent
peut faire fauter le chapeau de la chaudière, & répandre
le vin qui prend feu alors comme la poudre
ou comme l’eau-de-vie même , ce qui peut mettre
le feu. dans la maifon, brûler les perfonnes, &
caufer un incendie des plus fâcheux; car le feu
prenant dans la chaudière,. il s’en élève une flamme
que l’on ne peut éteindre qu’avec de très-grandes
peines & beaucoup de danger, & tout ce qui fe
rencontre de combuftible eft incendié.
Ce font des malheurs qui arrivent quelquefois
par l’ignorance , l’imprudence, ou la négligence de
l’ouvrier brûleur ; c’eft à quoi il faut bien prendre
garde, & on y veille dès qu’on coiffe la chaudière 5