
mière que j’y ai établie ; & depuis il s’en eft formé
de femblables de proche en proche , en Alface , en
Lorraine , en Bourgogne, dans le Nivernois , dans
la Touraine , dans le Forez, dans le, Limoufin &
en Champagne. Les ouvriers que j’avols formés fe
font répandus dans tous les nouveaux établiflemens' ;
ceux-ci en ont formé d’autres ; ainfi la France pre-
fentément, loin de tirer des bras de l’étranger , en
en état de lui en fournir.
Si la nation jouit actuellement de cette branche
d’induftrie, je penfe quelle m’en eft redevable ;
mais je crois lui devoir communiquer encore la mé- 1
thode qu’une fuite d’expériences opiniâtres m a fait
trouver pour perfectionner & fimplifier la fabrication
des fils de fer avec plus d’économie dans tous les
détails. -
Les tireries , telles que je les avois montées dans
le principe fur le modèle de l’etranger , maigre leurs
avantages, étoient bien loin d’un certain degre de
perfection ; les reCtifier n’étoit pas l’ouvrage dun
moment, il a fallu multiplier les effais,. employer
beaucoup de temps , de foins & d’argent.
J’ai remarqué que la méthode dans certaines tireries
, de fendre les barreaux en verge , étoit nui-
fible ; quelle décompofoit le fe r , lui coupoit fon
nerf & le détruifoit 3 qu’il devenoit caffant & ne
pouvoit réfifter à l’effort des tenailles fans faire beau-’
coup de bouts, & occafionner des déchets confi-
dérablès. . — —-
La verge fabriquée au martinet feroit fans doute
préférable : cependant l’expérience m à démontré
que cette verge forgée, pour ainfi dire , en oCtogone
de quatre lignes , occafionooit aufii quantité de rebuts
& de déchets , dont le détail feroit trop long ;
mais voici les principaux défauts de cette verge.
i°. Il n’eft pas poffible de fabriquer en fi petites
verges au martinet des barreaux mal travailles &
mal fondés- à la forge ; il ne s’y en trouve que trop
de cette efpèce , malgré toute l’attention-du maître.
? ap. Les barreaux les mieux foudés & les mieux
travaillés ne peuvent pas fe forger en fi petites
verges dans toute leur longueur ; il en faut rogner
ce qu’on appelle les bouts écrus dun a deux pieds
de longueur ; ce qu’on a coupé n’eft plus qu’un fer
de rebut, dont valeur intrinfèque diminue en
proportion.
■ 30. En forgeant du fer en fi petit diamètre, cela
occaûonne beaucoup de verges • ecrafees qui ne
peuvent fervir aux tireries : une partie ne peut etre
que rebroyée, l’autre vendue aux cloutiers à vil
prix ; cependant l’ouvrier n’en eft pas moins paye,
le charbon n’en eft pas moins confbmmé , &c. ,Un
millier pefant de barreaux ne peut tout au plus
donner qué fix cents livres de cette verge propre
aux tireries, encore faut-il.qil’eilê fait forgée bien
jufte & bien égale, ce qui eft fort rare ; les fcubre-
fauts y mettent fouvent obftacle ; mais le plus grand
provient, ou de l’inattention, ou de la négligence
des ouvriers à tenir leurs ordons en état : nouvelle
caufe de déchets & de bouts. Il faut d’ailleurs recuire
trois fols cette verge, & lapaffer fix fois par la
filière, ayant que.d’être au n°. 24, dont la groffeur
eft de quatre lignes de diamètre ; mais le fer à ce n°.
n’eft pas encore bien rond.
Pour parer à ces inconvéniens,. je fais forger la
verge de fix lignes de diamètre en diagonale irrégulière
; à cette groffeur , le fer s’écrafe beaucoup
moins ; l’on forge les barreaux dans toutes leurs longueurs
, fans rien diminuer pour les bouts écrus ;
l’on confomme moins de charbon , & il en coûte
moins pour la façon , l’entretien , les outils , &c.
Mais pour faire du fil de fer de cette verge, je fuis un
procédé' différent de toutes les tireries connues ; je
me fers d’une machine que j’ai imaginée , qui accé-.
1ère la fabrication, adoucit la matière , amalgame
& ralonge le nerf, qui diminue les déchets [y les
bouts, le fu if& le s recuites multipliées.Une verge
de fix lignes , de quinze pieds de long, s’alongeà
trente pieds d’une feule recuite ; c’eft une fimple' opération
, pour fix qu’il auroit fallu faire à la tenaille
avec une verge de quatre lignes. Ôn épargne encore
bien d’autres frais de main-d’oeuvre ; tels que pour
appointer , porter le fer au four deux fois pour le
recuire , !’appointer & le reporter de nouveau , le
graiffer avec du fuif pour le tirer fix fois à froid par
la filière , avant qu’il foit au n°. 2.4. Cette machine
rend le fer dans toute fon étendue de la meme force,
dfprocure une marche égale aux fils de fer ; elle évite
les ruptures fréquentes de la tenaillej fix ouvriers
principaux, afîiftés de quelques enfans, alongent
dans vingt-quatre heures fix milliers de ce fer de fix
| lignes de diamètre, tandis que quatre ouvriers oc*
; cupés autan« de temps à la tenaille , ne pourroient
tirer que cinq cents livres au plus de verge de quatre
lignes de diamètre. • .
Si je n’avois confulté que* mon intérêt, je me remis
borné de vendre mon fer aux tréfiieries. de différentes
provinces où j’en ai fourni , ce qui eft une
preuve fans répliqué delà fupériorité de ce fer fur
celui qu’ôn y fabrique , & des avantages que les
entrepreneurs en retiroient, malgré les frais d’acquit,
d’entrée & de tranfport confidérables ; mais après l’ordonnance du glorieux monarque Louis XVI, du
2.8 décembre 1777 , je me crois obligé de rendre
mon invention publique. Quel motif pourroit etre
plus preffant pour -une ame patriotique , pour l’engager
à frayer.de nouvelles routes à la perfection de
l’induftrie nationale 1
Cette machine comprend quatre cages de fer,
* dans chacune defquelles font adaptes, deux cylindres
qui produifent à l’alternative des -effets contraires.
Dans la première, on -paffe à chaud ce fer en verge
de fix .lignes entre deux cylindres unis, qui l’appla-
tiffent d’environ fept lignes, fur trois d’épaiffeur ;
fortant de-là , on le fait rentrer, entre deux-cylindres
rayés dans la fécondé cage , q u i, en mettant
le plat en haut, donne un ,fer rond d’environ cinq
lignes de diamètre ; de fuite on le paffe par latroi-
fième entre deux autres cylindres unis , qui l’appla-
I tiffent de nouveau d’enyiron cinq lignes, fur deux
(Vépaiffeur. Enfin le paffant toujours de la même
chaude par la quatrième cage, & mettant le plat en
haut, ces deux derniers cylindres rayés forment
un fer rond d’environ quatre lignes de diamètre,
& donnent un fil de fer du n°. 2.4 •> alongé du double
de ce qu’étoit la verge , avec les avantages détaillés
pi-devant. ,. .. x
Cette machine, comme on le v o it , eft tres-peu
compliquée ;.elle tient de l’efpatard &.du cylindre ;
j’en ai fait tirer le plan fous différens points de. vue
que j’ai joints ail préfent mémoire en manuferit,
lequel j’ai adreffé à M. le fecrétaire général du commerce
, fuivant qu’il étoit indiqué par ladite ordonnance
de fa majefté du 28 décembre 1777 ; je
la ferai voir aux amateurs , & je m’offre d’en faire
faire une femb!able\à ceux qui lexdefireront. lien
eft de même de la: penderie dont il fera parlé ci-,
après.
Il n’y a d’entretien que les cylindres qui font de
fer trempé en paquet, & qui s’entretiennent à peu
de frais, en les rechargeant de fer ; cela n’arrive
fouvent qu’après avoir paffé une centaine de milliers 1
de verges de fix lignes , comme on 1 a dit. Je fais
ufage de cette machine depuis plus de quinze ans;fans
augmenter le no'mbre de mes tenailles , j’ai augmente
la fabrication de près de moitié ; le volume des
bouts & des rebuts fe trouve diminué de plus des
trois quarts , la confommation dp fuif eft diminuée
de pareille quantité, Sec.
Je confeillerois encore de fe fervir de tourniquets
à la manière de lierre , pour épailler le fer,
en placé de tenailles, ou d’urf marteau de bois.
Les tenailles à épailler fe dérangent journellement;
elles font d’un grand entretien ; elles mordent fou-
vent trop le fe r , ce qui le corrompt.
Le marteau de bois le corrompt encore davantage
, le durcit & l’eftropie ; de-la le volume des
. bouts & la quantité de déchets, fur-tout en tirant
le fer jufqües dans les fins numéros , tandis que les
tourniquets ne font fujets à aucun de ces inconvéniens.
Les filières font ordinairement d’un pouce d’épaiffeur,
compofées de fer & d’acier fuperpofe; le fer
a environ neuf lignes d’épaiffeur, & l’acier trois
lignes ; l’ufagé aclùeleft de lès rougir plufieurs fois
pour les percer : un ouvrier tient un gros poinçon ;
un autre ouvrier, fouvent deux, touchent de (fus à
grands coups de raaffe , -tandis qu’on la tient fur une
enclume. Cette opération fe répète douze à dix-huit
fois ; à chaque fois il faut reporter la filière à la
fournaife. Ces chaudes multipliées la corrompent
•&la décompofent ; l’acier perd ta qualité ; les filières,
Ou ne valent rien , ou né font pas de la même dureté
qu’elles deyroient être : propriété effentielle
pour réfifter au frottement. Cet outil coûte cher ;
& quand il a été manqué, c’eft une double perte,
& de la matière , & de la main-d’oeuvre.
Pour remédier à ces inconvéniens , j’ai imaginé
un tour à eau à plufieurs poinçons qui joueront tous
enfemble. Ces poinçons perceront le fer de la filière
à froid jul'qu’à ce qu’ils rencontreront l’acier ; après
quoi, n’y ayant plus que Fèpaiffeur de trois lignes
d’acier à trouer, un ouvrier pourra feul, à l’aide
de quelques petites chaudes, achever de la percer,
en touchant à petits coups d’une main*fur un poinçon
qu’il tiendra de l’autre ; fa filière, par cette
opération , ne fera point fatiguée , l'acier confervera
fa force & fa qualité ; il aura un bon outil dont les
trous réfifteront au frottement lors du paffage du fil
de .fer ; la filière durera par conféquent plus longtemps
, & le fil fe trouvera de groffeur égale dans
toute fa longueur. Ce tour peut s’adapter à un arbre
qui fera mouvoir d’autres machines;.fi l’on veut,
on épargnera encore par-là les charbons, ce qui
eft une confidération qui doit lui faire donner la
préférence fur la méthode ordinaire.
Toutes les tentatives Si les expériences rapportées
ci-deffus pour fimplifter le mécanifme des tréfiieries,
autrement des tireries de fils de fe r , en augmenter
la fabrication & diminuer la dépenfe, fuppofent ef-
fentiellement une certaine qualité dans le fer que
l’on deftine à faire paffer par la filière. Ce fer doit être
doux, duétile, nerveux & compacté ; qualités qui dépendent
autant de'la façon de le préparer , que de
la matière première.
J’ai d’abord reconnu que les fontes ne doivent
être ni blanches, ni trop noires, mais d’un gros grain
gris-clair ou de fonte mêlée.
Les feux de forges doivent être conftruits tout
différemment que pour du fer marchand; la pofirion
de la tuyère, la direction durent qui doit fe croifer
& tourbillonner dans le creufet, font des caufes phy-
fiques effentieUes à bien faifir : les connoifiances
pratiques d’ un bon affineur, valent peut-être mieux
pour diriger un feu , que tous les préceptes que les
favans ont pu mettre par écrit jufqu’à ce jour? ,
Le degré de chaleur néceffaire dépend de la bonté
du charbon & de l’habileté du forgeron. La manipulation
de celui-ci contribue effentièllement à purifier
le fer; car après une première fufion du fer
coulé, il n’eft encore dégagé que d’une partie de
fes feories les plus grofîières ; & au lieu de retirer
cette mafffi du creufet pour la porter fous le marteau
, comme il eft d’ufage pour du fer ordinaire ,
il faut.au contraire retourner cette maffe fens-deffus-
deffous dans le creufet, en détacher une efpèce de
gâteau que les forgerons appellent la [orne : ce font
les parties les plus craffes qui fe précipitent dans
la fufion ; & c’eft ici que par une manipulation fou-
tenue , le forgeron tient cette maffe expofée de nouveau
à l’aétion du feu & du vent : la grande dilatation
des pores eft une efpèce de nouvelle fufion ; les
pores ainfi ouverts,s’imbibent de nouveau du laitier,
dans lequel nage cette maffe , à peu près comme
une éponge s’imbiberoit d’eau ; & par un travail
afiidu & redoublé, les parties métalliques fe précipitent
de nouveau au fond du creufet, après être
I dégagées des corps hétérogènes qui empêchoient