
On met le moulin en mouvement, & l'on y
verfe du blanc peu-à-peu, jufqu’à ce qu’il y en ait
affez; & Ton continue à tourner le moulin , qui eft
fort rude. Si le moulin eft grand, on y emploie cinq
à fix hommes pour engrener : au bout d’une heure
de travail, quatre hommes fuffiront, puis trois ;
au bout de 4 heures, un homme feul fuffira. On
continue ce travail jufqu’à ce que le blanc foit
moulu aufli fin que la farine : pour s’afiurer s’il eft
affez menu, on en prend une goutte tandis que le
moulin eft en mouvement ; on la laiffe tomber fur
l'ongle du pouce gauche, on frotte avec le pouce
droit; & fi l’on ne fent rien de rude, c’eft figne
qu’il eft affez broyé.
Quand on quitte le moulin ou le foir ou à dîner,
on tourne la meule trois ou quatre tours avec toute
la viteffe poflible, & on l’arrête tout court : alors
perfonne ne la touche que celui qui doit la faire
aller, fans quoi on expoferoit, en tournant la roue,
la matière à fe prendre & à fe durcir ; on auroit
enfuite beaucoup de peine à faire aller le moulin :
on feroit meme quelquefois obligé d’enlever la plus
grande partie de la matière, ce qui deviendroit dif-
pendieux par la perte du temps.
On a de la peine à concevoir pourquoi , en
tournant trois ou quatre tours avec viteffe, on
empêche le blanc de fe prendre. J’avois cru d’abord
qu’en tournant ainfi très-rapidement, -on forçoit les
parties les plus fluides à fe féparer des groffières &
à monter au deffus d’elles ; d’où cherchant enfuite
à defcendre , elles arrofoient continuellement ces
parties groffières , fe remêloient avec elles, & en-
tretenoient la fluidité, qui auroit ceffé bien promptement,
fi on n’avoit pris cette précaution de les
féparer & de les faire monter par un mouvement
rapide. Je penfois que, fi on les eût laiffé mêlées ,
elles fe feroient féparées d’elles-mêmes ; & qu’au
lieu de fe trouver fur les parties groffières, elles
feroient defcendues au deffous, & que les parties
groffières fe feroient prifes. Un homme intelligent
à qui je propofai ce phénomène à expliquer, m’en
donna une autre raiion qui peut être meilleure. Il
me dit que dans les tours rapides qu’on faifoit faire
à la roue avant que d’enrayer, les matières mon-
toient en abondance entre la meule & l’auge ; que
c’étoit cette feule abondance de matière dont la
déification étoit lente, qui les empêchoit de prendre
& de fe durcir ; & que le même phénomène arrivait
à ceux qui porphyrifent les couleurs , • ces ouvriers
ayant d’autant plus de peine à féparer la molette
du marbre, qu’il y a moins de couleur fur le
marbre.
Il faut que le blanc (oit fort fin, parce qu’il en fera
plus beau fur la marchandife ; & que les furfaces en
étant plus multipliées, il en couvrira d’autant plus
de pièces.
Le blanc étant bien broyé , on le videra du
moulin dans une cuve plus grande ou plus petite,
félon la quantité qu’on en aura, & le nombre des
pièces à tremper : on le remuera, pour le rendre
également liquide, tant au fond qu’à la furface}
fi o,n le trouvoit trop épais, on le rendra fluide en y
ajoutant de l’eau.
On prend enfuite une pièce de bifcùit, on la
plonge dans le blanc, on l’en retire promptement,
ïaiffant égoutter le furperflu du blanc dans la cuve :
la pièce trempée fe léchera fur le champ : on gratera
un peu le blanc avec l’ongle ; fi on le trouvoit trop
épais, on ajouteroit encore de l’eau au blanc dans
la cuve, & l’on remueroit comme auparavant. On
feroit enfuite un nouvel effai, en trempant un autre
vaiffeau. On continuera de tremper les vaiffeaux
les uns après les autres, & on les arrangera fur la
planche.
Dans le cas ou le ‘blanc fût trop clair , on le
laifferoit repofer , & on ôteroit le fuperflu de
l’eau. Une obfervation qu’il faut faire , c’eft que
quand le bifcuit eft déjà blanc .& qu’il eft bien cuit,
il ne demande pas que le blanc foit fi épais ; c’eft
le contraire fi le hifcuit eft rouge : on fe règle là-
deffus.
Une autre obfervation non moins importante,
c’eft que quand le bifcuit eft d’une extrême dureté,
on prend de la terre ; on en prépare un la i t d ’a rg ile,
en la détrempant claire, & en donnant lieu au fable
dont elle eft mêlée, de tomber au fond de l’eau ; on
fépare la partie la plus tendre .& la plus fine , & on
en donne une couche aux pièces, foit par immer-
, fion, foit à la broffe ; ce qui forme une affiette
excellente à l’émail : fans cette affiette , l’émail ondulera
& couvrira mal.
Cette manoeuvre eft très-délicate ; les Chinois
l’ont pratiquée dans quelques-unes de leurs porcelaines
, où l’on diftingue très-bien trois fubftances
différentes , le bifcuit, la couverte, & la ligne
mince d’afliette qui eft entre le bifcuit & la couverte,
& qui leur fort pour ainfi dire de gluten.
La beauté de la fayence dépend, en grande partie,
de la blancheur de la couverte, qui doit être bien
fondue, très-mince, & d’une épaiffeur égale partout.
Il faut aufli que cet émail ne foit pas fujet à
fe trézaler & à s’écailler ; ce qui arrive communément
à la plupart des fayences;
Toutes les pièces étant trempées & prêtes à être
enfournées, on à des gafettes de la même figure que
les premières (Jig.y&8,pl. V î ) , mais d’une grandeur
proportionnée à celle des pièces. Ces gafettes
font percées en trois endroits de rangs de trous parallèles
& en triangle. La bafe du triangle çft tournée
vers la bafe de la gafette, & l’angle regarde le haut
de ce vaiffeau. Ces rangs de trous font deux à deux.
Par les trois trous d’en bas, on paffe trois pernettes
ou prifmes de terre (fig-16, même planche ) , dont le
bout de chacune entre en dedans de la gafette,
de neuf lignes ou environ.. Sur ces 3 extrémités de
pernettes, on pofe une affiette ou un plat ; on place
trois autres pernettes dans les trous qui font au
deffus des précédentes ; on y pofe un fecond plat »
& l’on continue ainfi jufqu’à ce que la gafette foit
pleine. On remplit de même les q u t r e s & on les
enfourne comme ci-devant. On peut cuire dans le
même four & dans la même fournée, le cru aufli
bien que le bifcuit émaillé. S’il arrive que la terre
foit trop dure à cuire, on met le cru en bas ou fur
la planche du four, & le bifcuit émaillé en haut :
au contraire, fi la terre n’eft pas dure, on met
l’émaillé en bas & le bifcuit en haut. Il eft bon de
(avoir qiie fi le bifcuit eft trop cuit, il ne prendra
plus le blanc ; c’eft pourquoi l’on place ordinairement
le cru en haut, à moins que la terre ne foit
extraordinairement dure à cuire.
Conjlruêlion des gafettes & des pernettes. '
Les gafettes font faites ou au tour ou au moule ;
on leur donne, dans l’un & l’autre cas, l’épaiffeur ,
la largeur & la hauteur convenables. La plupart des
fabricans les font faire fans fond, mais leur laiffent
feulement un bord d’environ neuf à dix lignes de
largeur.
Pour faire les gafettes au moule, il faut avoir un
moule à tuile, & un autre en rond ou en ovale pour
les façonner. Il y a des gafettes de foixante polices
en diamètre, de vingt & de quatorze. Si on les vou-
loit de quatorze pouces de diamètre fur autant de
hauteur, le moule pour la tuile devroit être de quarante
quatre pouceS: de tour ( parce que la terre
prend retraite ) , d’environ quatorze pouces de longueur
dans oeuvre, & de fept lignes de profondeur
ou à peu près.
. On pofe le moule fur une table unie ; on répand
deffus un peu de fable fec & fin, & on le remplit
de terre qu’on ferre bien avec la main : s’il y en a
trop, on enlève le fuperflu avec un fil d’archal ou
de cuivre ; après quoi on le repaffe avec une latte -
ou couteau , afin de l’égalifer par-tout. On enlève
enfuite le moule, & la tuile refte. Alors on prend
l’autre moule qui eft bâti de cerceaux, comme ceux
avec lefquels on,fait les tambours; i l doit avoir
quatorze pouces en diamètre , & la même hauteur
que la tuile ; un bâton placé en travers à fa partie
fupérieure, lui fort d’anle.
On place fur les parois extérieures du rond, la
tuile, de forte que les bords de la tuile & ceux du
rond ne s’excèdent pas; puis avec une main, on
eleve un bout de la tuile, & on la' preffe contre le
rond ; & en tournant, les deux bouts de la tuile fe
rencontreront : alors on place une main où ils fe
rencontrent, & l’autre vis-à-vis : on enlève le rond
avec la tuile, & on les pofe fur une planche ronde.
Là on confolideles deux bouts delà tuile enfemble,
on porte le tout fur la planche ronde, & on le glifté
a terre : on retire enfuite le moule, & l’on recommence.
Quand les gafettes font un peu durcies, alors, on
fait le trous à pernettes. Pour cet effet, on a une
planche percée triangulaire, dont les trous foient
a une diftance les uns dés autres, telle que cette
diftance foit du moins égale à la hauteur d’une
affiette ; puis avec un perçoir triangulaire de fer ou
de b o ism a is le fer vaut mieux, la planche étant
placée contre les parois de la gafette, on ouvre des
trous égaux & triangulaires , en paffant le perçoir
par les trous de la planche d’une main, & en fou-
tenant de l’autre main là furface de la gafette : cela
fait., on recommence la même chofe en deux autres
endroits de la gafette, afin que chaque plat ou affiette
puiffe être pofe fur les angles des trois pernettes..
Il faut que les pièces pofent fur ces angles, parce
qu’ainfi elles ne font touchées des trois pernettes
qu’en trois points ; qu’elles chauffent également
par-tout ; & que s’il arrive à l’émail de couler, l’ad-
héfion n’eft rien. C’eft pour empêcher cette adhé-
fion, qu’on n’apperçoit point d’émail ou de couverte
à la partie inferieure des pièces fur laquelle elles
font pofées dans le four. Cela fait, on met la gafette
à fécher.
Ces gafettes étant faites & bifcuitées, de même
que les pernettes, qui ne font qu’un prifme triangulaire
fait de bonne terre , on fait les pernettes. Les
pernettes fe font à la main, mais on peut aufli les
faire au moule. Quand ces pernettes font cuites,
on les ajuffe dans les trous des gafettes ; quand les
gafettes font encaftrées , on les enfourne , & avec
elles des marchandifes en ééhappades, comme on
l’a déjà dit.
De la fayence qui va fur le feu.
La fayence qui va fur le feu, eft à peu prés la
même que la première dont il vient d’être parlé ;
mais pour lui donner cette propriété, on ajoute ,
dans fa compofition , une certaine quantité de terre
cuite qui a été réduite en poudre.
L’intérieur de ces pièces de fayence deftinées à
aller au feu, eft ordinairement enduit d’émail blanc ,
qui eft à peu près le même que celui qu’on met fur
la belle fayence ; mais il eft moins beau, parce.
qu’il eft cha^p d’une plus grande quantité de verre
de plomb.
L’extérieur de cette fayence, eft enduit d’une
couverte ou émail brun, qui s’applique de même
que l’émail de la belle fayence. Il ne diffère de ce
dernier, qu’en ce qu’au lieu de chaux d’étain on
fait entrer l’ocre dans fa compofition.
Parmi les terres qu’on emploie en France pour
la fayence, on n’en trouve qu’une feule propre à
faire la fayence fine qui fouffre le feu : elle eft affez
rare. Il y en a en Bourgogne dans le marquifat
de Lanocle ; mais cette terre ne prend jamais un
aufli beau blanc que les autres, parce qu’elle eft
fort poreufequalité effent.ielle pour la faire réfifter
au feu.
Des Couleurs applicables fur la fayence*
La plus grande partie des fayences font peintes :
on y applique des couleurs qui forment différens
deflins.
■' Quelques-unes de ces couleurs fe mettent fiir la
couverte avant de la cuire.
I La fayence commune n’eft ordinairement peinte