
de fayence commune qui aient de la réputation,
Monftier & Rouen, & leur mérite eft moins dû aux
principes fur lefquels elles font établies, qu’à des
circonftanCes locales.
La fayence de Saint-Cenys en Picardie, étoit anciennement
très-recherchée : elle eft tombée dans le
difcrédit, & avec jufte raifon ; mais fa réputation
commence à fe rétablir.
Je connois des entrepreneurs qui ont abandonné
leur manufa&ure, parce qu’ils ne pouvoient donner
du brillant à leur, émail ^ d’autres, parce qu’ils ne
pouvoient faire prendre leur b la n c fur le bifcuit,
que par parties ; d’autres, parce qu’ils n’avoient pu
prévenir l’écaillage, &c.
Les fayenceries de Lille en Flandres, de Saint-
Cenys , de L yon, de Nantes, de Rouen , &c. tirent
leur fable de Nevers, tandis qu’elles en ont de plus
blanc à leur portée'.
On voit beaucoup de fayence qui fe fendille,
dont l’émail s’étonne à la plus légère chaleur ; on*
en voit peu qui ne foit infeâée d'écoujfages , & encore
moins qui ne foit coq d’oeuf., &c.
* Qui ne fent que cet art eft livré à une routine
aveugle ? Je ne me propofe pas de donner un traité
complet fur la fayencerie , ni .même de décrire
avec ordre toutes fes opérations. L’entreprife feroit
au defliis de mes forces ; je me bornerai à quelques
obfervations que j’ai principalement eu occafion de
faire dans une belle fayencerie en fin & en commun
, qu’un de mes proches parens-a établie depuis
quelques années : c’eft à l’académie à juger
jufqu’à quel point elles peuvent contribuer au progrès
de l’art.
L’émail de la meilleure qualité & le plus blanc ,
les couleurs les plus brillantes & du plus parfait
accord, les fourneaux les mieux conftruits , les ouvriers
les plus habiles & les plus expérimentés ,
feroient inutiles au manufacturier en fayence , fi
fa terre n’étoit pas de bonne nature, bien compofée
& bien préparée. L ’impéritie & la négligence à cet
égard ne pourroient que lui être funeftes. Il ferdit
inévitablement ruiné par la cafte dans les féçheries
& dans les fourneaux, ou par la déformation des
ouvrages, ou par l’efliiy ( l’émail terne ) ; ou par l’écaillage,
&c.
Tout le monde fait que dans le plus grand nombre
des fayenceries, on n’emploie que des terres communes
, de la glaife verte , ou bleue, de l’argile
rougeâtre, jaunâtre ou brune, de la' marne blanche,
grife ou brune; ( je n’entends pas parler ici delà
terre à pipe, ni de celle façon d’Angleterre., qui
n’en diffère que par la couverte, & qu’on a jufqu’à
préfent fi mal imitée). Ces deux efpèces ne font pas
de notre projet.
Les manufactures de Paris emploient, pour leur
fayence commune, de la glaife vérdâtre de Béllë-
v ille , de l’argile jaunâtre dë Charonne, & dé la
marne blanchâtre du côté de Picpus ; elles font
entrer dans leur brun ou terre à feu, delà glaife
d’ArcueiL AThionviüe, à Aprey, &c. on emploie
aufti trois efpèces de- terre, à peu de chofe prèss
de la même nature que celles de Paris. A Nevers
on ne fait entrer dans la compofition de la fayence
que deux efpèces de terre, de l’argile jaunâtre
grafle & de la marne blanche. Il y a , je penfe, peu
de fayenceries affez heureufement fituées , pour
n’avoir à employer qu’une feule terre.
La glaife bleue , verte, grife, ne me paroît que
'de l’argile pure, chargée d’une fubftance martiale,
d’une petite quantité de terre calcaire plus ou moins
groflière, d’un peu d’acide vitriolique, & quelquefois
d’un fable très-fin.
L’argile rougeâtre, jaunâtre ou brune, ou l’argile
à briques communes, ne diffère ordinairement de
la glaife, qu’en ce que la bafe ferrugineufe y eft
plus'abondante : celle de Nevers tient le milieu
entre les deux ; aufti, combinée avec une fufnfante
quantité de fable de groffeur moyenne,' eft-elle
propre à faire d’excellentes briques dures.
Perfonne n’ignore que la marne eft une terre calcaire;
mais celle dont on fë fert dans les fayenceries
eft mêlée avec une petite quantité d’argile,
& affez ordinairement avec un peu de fubftance
martiale ; on peut s’en aflùrer par fa diffolution dans
l’eau régale. Il y a un grand nombre de marnes ; la
moins colorée & celle qui fe divife le mieux dans
l’eau, doit être préférée dans les fayenceries.
Par quelle raifon eft-on obligé dfomployer pîu-
fieurs efpèces de terre ? Les ouvrages faits avec la
glaife feule, feroient trop long-temps à fe deffécher,
gerceroient & fe déformeroient dans les féçheries &
dans les fourneaux, feroient d’une lourdeur infup-
portàble, & on n’y verroit qii'effuy ; elle a befoin
d’un intermède qui prévienne une trop grande retraite,
qui la rende moins compacte, & qui ne fe
laiffe pas facilement attaquer par l’émail.
. L’argile rouge n’eft rien moins que propre à
remplir ces vues ; il y auroit à craindre les mêmes
inconvèniens à très-peu de chofe près, & les ouvrages
feroient plus difpofés à la fufion.
La marne offre ce qu’on defire : elle réduit la retraite
à un point convenable, donne à l’eau la facilité
de s’échapper promptement, & fans forcer les
ouvrages ; & toutes chofes d’ailleurs égaies, produit
le blanc , l’émail le mieux glacé, le plus brillant,
parce que fans doute, par io n moyen, les autres
terres étant moins difpofées à la fufion , ne peuvent
fe marier trop intimement & fe confondre arec
l’émail , ou, fi l’on veut, qu’elle donne, à l’émail ce
que les deux autres terres lui font perdre.
On fait que le verre approche d’autant plus du
bel émail blanc, qu’on l’a foulé d’une gr?*foe quantité
de terre calcaire trè$-blanehe;' la »erré calcaire
bien dépurée, produit dans l’ém a i lP éu près les
mêmes effets que la chaux d’étain Celui qui con-
eluroit, de ce que nous venons df dire *, que l’argile
rougeâtre eft inutile , me paroi* ^itfe tromper.
Les ouvrages faits uniquehcnt av^c la glaife &
la marne à dofe Convenab^» pour leblahc, nau-
roient pas affez de folidte » & s ecailleroient, à.
ftioîns qu’on ne leur fît fubir un degré de feu plus
violent que celui des fayenceries communes. C ’èft
l’argile rougeâtre,:&c. qui, à raifon de fa fubftance
martiale, leur donne, à la cuifton ordinaire, la liai-
fon néceffaire.
De ce que nous avons ‘établi, il eft aifé de .fentir
que fi l’on épargne la marne dans la compofition ,.
on s’expofe à la caffe , à la déformation, à.feffuy ;
que fi on la prodigue, on tombe dans le défaut de
iolidité & dans l’écaillage.
Dans toutes les manufactures, on ne fuit pas, la
même compofition. Un nombre affez confidérable
de fayenciers met parties égales de glaife & de
marne , ou trois parties de glaife , deux parties
d’argile colorée & cinq parties de marne; mais la
différence qui fe trouve prefque toujours dans les
terres d’une même efpèce, doit en produire une
très-grande dans les compofitions.
■ Tout ce qui ne fe divife pas en parties très-fines
dans l’eau, doit être regardé comme dommageable.
Il y a plufieurs moyens propres à aider cette di-
vifion; la gelée, le mouvement & le long féjour :
des terres dans l’eau. Ainfi ? pour éviter les erreurs
préjudiciables dans la compofition, il convient de
faire féparément l’effai des terres , de les expofer à
la gelée encore humides, de lès agiter'fortement
dans l’eau , de les y laiffer long-temps , & enfuite
de les paffer fur un tamis très-fin.
Nous verrons , lorfque nous parlerons de l’émail,
que la règle la plus fimple & la plus sure eft de
mettre dans la compofition le plus qu’il eft poftible
de terre blanche, fans nuire à la foliditê du bifcuit,
fait dans un fourneau bien conftruit, à un feu de
,Vingt-quatre heures.
Dans la plupart des fayenceries , on fe contente
de jeter dans une foffe les trois efpèces dé terres ,
de les y laiffer tremper dans l’eau un certain temps,
de les mêler & de les marcher. Je ne m’arrêterai
pas à faire fentir l’infuftifance de cette méthode ,
pour divifer complètement les terres & en opérer
le parfait mélange/
Décrire celle qu’on fiiit à Aprey, ç’eft , je crois,
donner l’idée de celle qui mérite la préférence.
M. dé Vilhaut a foin de faire tirer fes terres avant
l’hiver, afin que la gelée les ouvre , les divife. Au
printemps il fait fa compofition dans un patouillard,
où elles font brifées & exactement mêlées ; au fortir
du patouillard, le coulis eft reçu dans un crible conduit
par un très-long canal dans un tamis de crin -,
d’où il fe précipite dans un très-vafte baftin, qui laifle
couler l’eau à fur & à mefure que la terre s’affaiffe.
Sur le crible s’arrêtent les parties (les plus grôf-
fières : dans le canal fe dépotent les parties de la
groffeur du fable ordinaire , & le tamis arrête celles
qui auroient refté en forme de fablon.
Lorfque la terre commence à être un peu ferme,
on l’apporte dans un autre baftin couvert & plus
profond, d’où on la tire , pour la marcher & la
mettre dans des caves proprement voûtées & pâmées,
où elle refte à pourrir, .à fe diffoudre entièrement,
autant de temps queia confommation le
permet. Auffitôt que le premier baffin eft v id e , on
ne perd pas un moment pour le remplir de nouveau
, afin que la. terre y éprouve les plus grandes
rigueurs de l’hiver.
Cette compofition ainfi préparée, donneroit une
très-bonne terre à feu, fi la terre ferrugineufe ne-
rendoit le bifcuit trop ferré, trop compacte : aufti,
pour cette efpèce de fayence, eft-il d’ufage de
choifir une glaife où la fubftance martiale fe développe
plus difficilement, & de faire entrer dans là
compofition un fable de moyenne groffeur.
Je ne préfume pas quiil puiffe y avoir de compofition
plus propre à produire toutes les qualités
qu’on peut defirer dans la fayence, que celle où
l’on feroit entrer parties égales d’argile pure & de
marne pure, comme celle qu’on appelle blanc de
Troies.
Ces deux efpèces de terres ne font pas aufti rares
qu’on pourroit le penfer ; il y a un grand nombre
de moyens de remplacer la dernière. Cette compofition
n’a qu’un inconvénient, c’eft qu’elle demande
le double de feu des fayenceries ordinaires ; mais
on feroit amplement dédommagé de cette dépenfe,
par le plaifir de voir fon bifcuit blanc, d’avoir une
fayence légère, très-folide, capable; de foutenir le
feu, d’un beau blanc , & propre à recevoir admira-
blemënt les couleurs.
La confection du blanc- ou de l’émail, eft une
autre partie très-effentiellc de la fayencerie ;- il régne
fur celle-ci encore plus d’ignorance & de préjugés
que fur celle des terres, f ■ ■ . :
On voit aufti peu d’uniformité fur les proportions
que fur le choix des matières. Suivant le plus grand
nombre des manufacturiers, le fable de Neyers &
celui de Bone, peu éloigné de Befançon , font les
feuls propres à faire du beau blanc bien glacé. Ils
n’ont cependant que la propriété d’être un peu plus
fufibles que les beaux fables, à raifon de la fubftance
martiale dont ils font chargés. -
Les uns veulent pour fondant de -la fonde d’A licante,
d’autres de celle de Carthagène , d’autres
du falicote, d’autres du vareç; ceux-ci préfèrent
la potaffe, ceux-là le falin ou le fel de verre ; il y
en a enfin qui n’emploient que le fel marin.
Avec des matières fi différentes de leur nature,
pourroit-on produire un feul & même effet ? L’expérience
démontre le contraire. Cent livres de calcine
compofée de chaux de plomb , & d’environ
un feptième d’étain fin pour la fayence commune,
; & d’un quart pour la fayence fine, fuffifent pour
j fondre cent livres de beau fable ; ainfi la compofi-
tion de l’émail n’a pas befoin d’autre fondant que de
la chaux de plomb.
f Le fiel de verre & le fel marin ne peuvent pas,
dans le cas préfent , être regardés comme des fondons
; je l’ai prouvé dans un mémoire fur la caufe
des' bulles qui fe .trouvent dans le verre. Ces fels
produifent dans, l’émail un effet différent & très-
utilë, celui d’çnlevcr le principe^olorant groffier?