
Eau de Noyaux des pèche.
Nous avons rejeté le bois des noyaux d’abricots
, parce qu’il-communiquoit un goût défagréa-
ble à la liqueur; nous admettons, au contraire,
l’afage de celui des noyaux de pêches, parce que la
teinture qu’on tire du bois de ces noyaux eft non-
feulement plus huileufe, mais on remarque auiîl,
quand on jette dans l’eau - de - vie re&ifiée ces
noyaux fortans du fru it, que la teinture donne
l’odeur 6c la faveur agréables de ce fruit & de la
vanille. O r , comme de ces principes balfamiques
dépendent tout l’agrément & la majeure partie des
propriétés de cette liqueur, pour mieux extraire
ces principes, on verte deux pintes d’eau-de-vie
reftinée dans une bouteille de quatre pintes, dont
le goulot foit affez large pour laiffer pafl'er les
noyaux, & dans laquelle on a foin de les jeter
* fitôt qu’on les tire des pêches.
Lorfque ce vaiffeau eft rempli, on verfe la même
quantité d’eau-de-vie re&ifiée dans une autre bouteille
, qu’on remplit également de noyaux de pêches
, & ainfi de mite, jufqu’à ce qu’on ait le nombre
fuffifant pour la quantité qu’on veut faire de
liqueur ; puis on laiffe infufer jufqu’à ce que l’eau-
de - vie fe foit chargée de l’huile effentielle des
noyaux.
Quand on veut accélérer l’opération de l’infu-
fion, on jette le tout dans une cucurbite qu’on
place dans fon bain-marie ; on lute la'jointure ; 1
•on échauffe, & on entretient le liquide pendant
cinq ou fix jours, au 70e degré de chaleur, & on
agite autant de fois que la liqueur fe refroidit ; puis ...
on laifte repofer ; on démonte la vaiffeau ; on fou-
tire par inclinaifon, & on verfe fur le marc autant
de chopines d’eau de rivière , qu’on avoit de bouteilles
remplies de noyaux & d’eau-de-vie.
On fait encore infufer pendant cinq ou fix heures ;
on coule la liqueur au travers d’un tamis; on rejette
les noyaux comme inutiles ; on verfe le dernier produit
avec la teinture, & on y fait infufer une quantité
tùffifante de vanille qu’on a préalablement coupée
par morceaux.
Quand on veut paffer à la compofttion, on fait
clarifier autant de livres & demie de fucre qu’on
a de pintes de teinture; & lorfque l’écume eft blanche
, on fait cuire au fort boulet ; on retire le vaiffeau
du feu ;, on laiffe refroidir ; on mêle le tout
enfemble, & pour le furplus, comme il a été dit.
On fait encore, & par les mêmes procédés, de
l’eau de noyaux avec toutes les efpèces de noyaux
de prunes ; mais comme ces noyaux, par leurs
qualités, font bien inférieurs à ceux dont nous
avons fait ufage, on ne doit y avoir recours, que
dans le cas où on feroit dans l’impoflibilité de s’en
procurer d’autres.
Eau de Canelle & Cinnamomum.
Toute la différence entre Veau de canelle 6c le
cinnamomum, confifte dans la plus grande quantité
d’aromates qu’on fait entrer dans la liqueur
appellée cinnamomum, du nom que les anciens don-
noient à la canelle.
L’eau - de - vie 6c l’efprit - de - vin diffolvent en
grande quantité le principe réfineux de la canelle •
mais ils en expriment en même temps un fel âcre
& défagréable au goût ; ce qui a engagé M. Du-
buiffon à leur préférer le diffolvant de l’eau fimple
& à établir fon procédé de la manière fùivante.
On fait choix de deux livres de canelle de l’ile de
Ceylan, qu’on appelle communément la lettre rouge,
dont les écorces font minces, odorantes, piquant la
langue lorfqu’on mâche cette écorce ; on la caffe
par morceaux, on la met dans un mortier de fonte,
on y ajoute quatre onces de fel marin, on l’arrofe
avec un peu d’eau de rivière, & on la réduit grof
fièrement en poudre.
On la jette avec fept pintes d’eau dans une cucurbite
qu’on place dans fon bain, & que l’on couvre
de fon chapiteau aveugle ; on lute la jointure ; oij
échauffe & on entretient le liquide pendant quarante
huit heures au foixante-douzième degré de
chaleur ; puis on démonte la calotte, on tire la cucurbite
de fon bain, on la place fur un fourneau,
on la couvre d'un chapiteau armé d’un réfrigérant,
on ajufte le ferpentin avec le récipient, & on fait
diftiller à feu ouvert.
Quand on a obtenu quatre pintes de liqueur,
on change de récipient ; on met le premier produit
en réferve ; on verfe quatre autres pintes d’eau
chaude dans la cucurbite par le tuyau de cohoba-
tion, & on continue la diftillation jufqu’à' ce qu’on
! ait encore obtenu la même quantité de liqueur.
On met féparément ce fécond produit en réferve;
on démonte l’appareil, on replace la cucurbite dans
fon bain, & on verfe neuf pintes d’efprit-de-vin (
commun fur le réfidu ; on la recouvre de fon chapiteau
aveugle; on fait infûfer comme ci-devant;
puis on démonte la calotte à laquelle on fubftitue
un chapiteau armé de fon réfrigérant.
On ajufte le ferpentin avec le récipient, on lute
les jointures, on place le thermomètre dans le bain,
& on procède à la diftillation, qui doit s’exécuter
depuis le foixante-quatorzième jufqu’au foixante-
dix-neuvième degré. Quand on a obtenu huit pintes
d’efprit, on change de récipient, on laiffe couler
jufqu’au degré de l’eau bouillante, on démonte l’appareil
, & on met ce dernier produit en réferve pour
n’en faire ufage qu’après avoir été reâifié dans une
fécondé opération.
Si l’on exécute ces différens procédés avec la
- même exaétitude, on obtiendra, i°. une eautres-
pénétrante, laiteufe, remplie d’une partie huileufe
fpiritueufe , d’une faveur aromatique très-agréable.
Cette huile ou ce liquide étant fpécifiquement
plus pefant que l’eau, fe précipite au fond du van-
fe.au ; c’eft auffi ce qui nous fait obferver qu’on doit
agiter de temps à autre le vaiffeau qui contient
notre eau de canelle, jufqu’à ce que l’huile fubb
] tantielle foit intimement unie avec cette eau ; ce q®
fe connoît, lorfque fa couleur devient plus transparente.
,
20. En faifant infufer le marc de la canelle dans
l’efprit-de-vin commun, ce menftrue diffout la partie
réfineufe de cette écorce, & s’en charge de manière
que le marc ne contient plus que le fel uri-
neux ammoniacal qui fe manifefte par la faveur
du réfidu ; ce qui prouve que les produits de ces
opérations ne- contiennent que les principes a&ifs,
agréables & balfamiques de la canelle.
Quand notre eau de canelle double* que nous appellerons
eau de canelle orgée, aura acquis la couleur,
tranfparente, on paffera à la compofttion de la
liqueur appellée cinnamomum.
Pour cet effet, on mêle cette eau aromatique
avec les huit pintes d’efprit-de-vin qu’on a diftil-
lées & mifes en réferve, on agite fortement le
mélange, puis on fait clarifier & cuire au fort boulet
dix-neuf livres de fucre : lorfque ce firop eft refroidi
& encore un peu tiède, on y verfe l’efprit de canelle,
auquel on ajoute fept ou huit gouttes d’effence
d’ambre ; on agite encore le mélange, on le verfe
dans de groffes bouteilles de verre, on laiffe repofer
pendant quinze jours, puis on colle ; on laiffe
éclaircir ; un foutire avec un fiphon, & on paffe
le dépôt à la chauffe.
A l’égard des;quatre pintes d’eau de canelle fimple
, qu’on a également mifes en réferve, on fait
clarifier & cuire jufqu’à confiftance de firop douze
livres de fucre.
Lorfque le firop eft totalement refroidi, on y
verfe cette eau aromatique avec fept pintes d’efprit
de-vin , auxquelles on ajoute cinq ou fix gouttes
d’effence d’ambre, puis on fait éclaircir.
On a , par ce moyen, une eau de canelle fpiritueufe,
fort agréable, mais beaucoup moins efficace
que notre cinnamomum, parce que celle-ci
contient une plus grande quantité d’huile effentielle
aromatique, d’où fon aélion paroît dépendre.
Elixir aromatique huileux de Canelle, de M. Dubuijfon.
Pour la compofttion de cet élixir de canelle, de
l’invention de M. Dubuiffon, il faut choifir huit
onces de canelle, & deux onces de gouffes de
vanille du Mexique. On les coupe par petits morceaux;
on jette le tout avec huit onces de fucre
■ dans un mortier de fonte ; on triture en pilant,
! jufqu’à ce que ces fubftances commencent à poudrer
; alors on paffe au travers du tambour de foie.
On verfe dans le mortier ce qui eft refté dans le
tamis; on triture comme ci-devant, & on répète
opération jufqu’à ce que la totalité de ces
lubitances foit paffée au travers du tamis ; on met
cette poudre en réferve dans un vaiffeau de faïence
qu on tient bien bouché.
On fait enfuite clarifier quatorze livres de fucre
iuivant les règles de l’art; & quand l’écume qui
monte eft blanche , on fait cuire ce firop au ca f é ;
alors on enfonce & on roule très - doucement
1 ecumoire pendant quatre ou cinq minutes dans le
Arts 6* Métiers. Tome . II. Partis /.
fond de la poêle, puis on l’enlève promptement
en ligne perpendiculaire ; & fi l’on remarque que le
fucre qui s’eft attaché au bout de cette écumoire eft
de couleur d’o r , on agite promptement, plus fortement,
& jufqu’à ce que toute là mafle ait acquis
la même couleur : alors on verfe peu à peu, environ
deux pintes d’eau tiède,’en continuant d’agiter
jufqu’à ce que le .firop commence à bouillir ; on.
retire le vaiffeau du feu, & on l’expofe pendant
trois ou quatre jours dans un air libre.
On remet la poêle fur le feu; quand la liqueur eft
tiède, on y fait entrer la poudre de canefle qu’on
a mife à part; on agite & on entretient le liquide
pendant un quart-d’heure dans le même degré de
chaleur.
On retire le vaiffeau du feu; on laiffe refroidir;
on y verfe cinq pintes d’efprit-d'e-vin reélifié, avec
cinq ou fix gouttes d’effence d’ambre.
On garde le mélange dans de groffes bouteilles
de verre ; on laiffe repofer pendant quinze jours ou
trois femaines, fi l’opération fe fait dans le temps
que le thermomètre eft au tempéré, avec la précaution
cependant d’agiter la liqueur au moins une
fois par jour; puis on colle ; on laiffe éclaircir ; on
foutire, 6c on paffe le dépôt au travers de la chauffe
de drap.
Pour le furplus, nous obfervons que le degré
de cuiffon que nous avons donné au fucre, eft
le feul qu’il convient d’y appliquer, lorfqu’on veut
convertir cette fubftance fous la forme d’huile : cette
opération doit encore s’exécuter avec d’autant plust
de précaution, que ce degré de cuiffon n’eft pas fort»
éloigné de celui qu’on emploie quand on a deffein
de le convertir en caramel; car s’il étoit dans ce
dernier état, alors l’opération feroit manquée.
N. B. Il faut bien obferver qu’en augmentant les
dofes de fucre d’un dixième au total de ce qui a été
prefcrit pour chacune des différentes formules ci-
deffus, oc en faifant fubir le même degré de cuiffon
à la fubftance fucrante, toutes les liqueurs dans
lefquelles on fera entrer cette efpèce de firop huileux
, auront la couleur & le ton favoureux des
huiles onElueufes qu’on tire par expreffion.
Huile d’Anis & de Fenouil.
Les femences du grand 6c petit anis ont beaucoup
de rapport avec celles de fenouil, c’eft pourquoi
oh lés comprend dans le même article. La
formule de l’un fervira pour l’autre, les quantités 6c
les procédés qu’on emploie étant les mêmes.
Ces femences font petites, arrondies, terminées
en pointe, cannelées, verdâtres ; d’une odeur gra-
cieufe , pénétrante 6c balfamique, d’une faveur
doucinâtre 6c aromatique. On fème beaucoup d’a-
nis dans la Thuringe, dans le territoire de Panberg ,
6c dans bien d’autres pays. L’efpèce qui vient de-
l’île de Malte eft reconnue pour la meilleure.
La femence d’anis étoilé, appellée badiane, nous
vient de l’Inde Orientale & de la Ruffie : la plante-
dont le cara&ère fpécifique ne paroît pas encore
E,c