
Les ouvrages de fer & d’acier ne fauroient être
trop mous pendant qu’on les lime & qu’on les ci-,
fêle ; mais fouvent il eft à propos de leur donner
de la dureté , lorfque la lime, les cifeaux .& les
burins n’ont plus à mordre déffus. Si on les rendoit
durs, on ne. parviendroit pas à leur faire prendre
un poli v if & brillant : dans les métaux comme dans
les pierres., le degré du poli eft néceflairement proportionné
au degré de dureté. D’ailleurs ces ouvrages
conferveroient mal le poli qu’ils ont reçu ,
s’ils n’avoient de la dureté ; une clé extrêmement
finie , comme font celles qu’on nous apportexl’An-
gletçrre, perdroit bientôt fon luftre, fi avant d’ache-
yer de la polir , on n’avôit eu la précaution de la
tremper ; on trempe l’acier d’autant plus dur, qu’on
veut le polir avec plus de foin. Quand l’adouçifi-
fement n’a ramené notre fer fondu qu’à être acier,
il n’ÿ a pas à douter qu’il ne puiffe être trempé
comme l’acier, & quand l’adouciffement n’a recouvert
l’acier que d’une couche de fer mince, fi en
travaillant, la pièce bn emporte cette couche de
fe r , la pièce pourra encore prendre la trempe ; fi
l’adouciflement l’a rendue trop fer, s’il l’a amenée
en entier ou fort avant à l’état du fer doux, elle ne
pourra plus s’endurcir par la trempe Ordinaire-,
cOmme nous l’avons dit ci-deffus.
Mais j’ai éprouvé qu’on l’endurcira de nouveau
à quel point on voudra , en la trempant en paquet.
Il n’y a point d’acier dont la dureté furpalïe
celle qu’on peut lui donner au moyen de cette forte
de trempe ; & alors elle pourra être polie aufli parfaitement
qu’on le voudra. D ’ailleurs il faut moins
de temps pour tremper en paquet les ouvrages de
fer fondu, que pour tremper ceux de fer forgé.
Nous avons vu que , pour : tremper une pièce en
paquet , on la fait recuire dans des matières qui
feraient propres à la convertir en' acier , qui . lui
fourniffent des foufres & des fels,; il fiiffit de. donner
un recuit d’une durée affez courte , pour mettre
la pièce en état de ^endurcir » étant trempée dans
L’eau, froide. Mais j’ai donné à dieflein un recuit très-
long à des ouvrages de fer fondu, adoucis aupoint
d’ayoir pris un grand blanc. Pendant ce recuit ils
étoient entourés de la même compofition que j?al
décrite pour convertir le fer en acier. Au fbrtir du
recuit , le fer fondu que je n’avois pas trempé dans.
l’eau, avoit repris une grande partie de fa première-
dureté: il y ayoit des endroits que la lime ne potr-
yoit plus attaquer; d’autres endroits: étoient feuler
ment moins, doux, & la couleur blanche qu'ils
avoient acquife ci-devant, étoit redevenue plus:
brune. Apparemment qu’en pouffant plus loin l’expérience
, on rendroit de la forte à une naa-fjTe de
fer adoucie toute.fon ancienne dureté. Pour adoucir
le fer fondu., nous l’avons décompofè, Si parcette^
opération nous, le recompofons. Mais fi le recuit, dç.;
cette efpèce n’eff pas fait à fou violent ^ ni exceffir-
vement lo n g i l n’augmentera pas la dureté : il do®~
sera même du corps»
6°. Comment on peut adoucir 1er ouvragesde fer fondu,
fans lés renfermer dans des creufefs ou capacités
équivalentes.
Nous avons pris pour principe , qu’adoucir le
fer fondu, c’eft lui enlever les foufres & les fels
dont il eft trop pénétré- Selon ce principe, pour parvenir
à rendre traitables les ouvrages de ce métal,
nous les: avons fait recuire dans des efpèces de
grands creufets, où ils font entourés principalement
de poudre d’os , q u i, des matières que nous con-
nôinons , eft peut-être la plus dénuée de parties
fulfureufes & de parties falines. Outre que cette
méthode , celle de renfermer les ouvrages dans des
creufets , eft celle qui femble . fe préfenter le plus
naturellement , j’avois encore été déterminé à la
tenter , parce que j’avois appris qu’elle avoit été
pratiquée à Cône ,-lorfqu’on y travailla, il y a vingt
& quelques années , à adoucir le. fèr fondu.
Depuis j’ai appris du fils d’un des jntéreffés delà
manufa&ure de Çonches en Normandie , que fa
pratique1 étoit de rècouvrir les ouvrages d’une certaine
compofition , & ainfi recouverts , de les ex*
pofer au feu ; que, quoique aufli épais que le font J
les balcons ordinaires, un jour de feu les rendoit
limables ; il me fit voir un panneau de balcon ,
& de grands chenets, qui avoient été affez bien
adoucis par cette méthode. Lorfqu’il perdit fon
père, -il étoit dans un âge auquel on ne pouvoit
. lui confier un fêcret, & auquel même ©n n’auroit
pu le lui apprendre.
La méthode d’adouçîr les ouvrages en les tenant
renfermés dans des efpèces de creufets, eft-bonne,
& .préférable même à l’autre dans des cas que-nous
déterminerons par la fuite; mais dans d’autres cas,
& fur-tout dans ceux où il s’agit d’ouvrages qui
ont de Lépaiffeur, il eft plus avantageux de pouvoir
les adoucir après les avôir fimplement recouverts
d’un enduit : cette fécondé méthode épargne çon-
fidérabïement de bois ou rde charbon & de temps.
Qu^nd le feu a à traverferles parois épaiffes . d’un
yafte creufet, fon ardeur eft amortie avant d’être
parvenue jufqu’au centre. Nous, avons expliqué les
moyens-de donner à ce feu toute la-violence né-
ceffaire; mais alors.il -faut lui oppofer des parois
; d’pne épaiffeür proportionnée à ion aéiivité ; &
plus,, les parois font maflives » plus le,feu eft inuti-
' 1 eurent- employé à les chauffer elles - mêmes. S’il
; fuffifo.it d’enduire la pièce de fonte d’rçne, coucha
■ mince de quelque matière, & qu’elle pût èn êet étàfi 4 être environnée de charbons ardens. qu èjxpofée à
1 l’aftion de la flamm£ la plus, vive , il eft clair que
l’adouciffement en ferait bientôt achevé-; & quoù
qu’on imagine que ce moyen accélère confidéra-
• blement l’opération. , on n’imagine pourtant pasi
; qu’il 4’accèfore autant- qu’il. 1/5 fait..
Pour-parvenir à recuire djes'ouvrages: félon cette
méthode , la difficulté fe réduit à trouver une pâte
pour ! es -enduire , qui ait trois qualités* clbnt la
première eft.,..que sèche elle réfifte au fe® fons. fo
fondre ; la fécondé, qu’elle ne fort pas de nature à !
s’oppofer, par fes foufres & par fes fels , à l’adou-
ciffement que le feu doit opérer ; cette fécondé
qualité fe trouvera affez ordinairement réunie à la
première : la matière qui auroit beaucoup de foufres
ou beaucoup de fels, foutiendroit mal le feu.
La troifièmé qualité eft celle qui paroîtra la plus
difficile à trouver. C ’eft que cette matière > après
avoir été rarifollie par l’eau, fe sèche fans diminuer
fenfiblement de volume ; & c’eft une propriété au
moins auffi effentielle qu’aucune des deux précédentes.
Car, que nous propofons-nous , en recouvrant
chaque ouvrage d’un enduit ? Nous voulons
le mettre dans une efpèce de creufet exa&ement
moulé fur fa figure. Cet enduit, cette efpèce de
creufet, qui n’a pas à foutenir-k poids de l’ouvrage,
& qui lui-même eft foutenu par la pièce qu’il renferme
, peut être extrêmement mince, dès qu’il ne
fera pas fondant par fa nature; mais il faut qu’il
renferme l’ouvrage aufli parfaitement que le renfermerait
un creufet ordinaire bien luté. De-là on
voit que les terres dont on fait les pots de verrerie
&les meilleurs creufets dés fondeurs , ne rempliraient
pas nos vues : ces terres ne peuvent être
façonnées que lorfqu’ellès ont été ramollies par
l’eau. Quand on les fait fëcher , elles perdent ffe
leiir volume, les unes plus & les autres moins ;
communément c’eft un douzième ou un treizième
fur chaque dimenfion. Si nous enduifons notre ouvrage
d’une pareille terre , nous prévoyons que
lorfqu’elle fera sèche, elle le laiffera à découvert
en plufteurs endroits ; car, puifqu’en féchant elle
diminuera de volume, pendant que le fer confer-
vera le fien , il fe fera néceflairement dès fentes *
dans cette terre, qui donneraient lieu au feu d’attaquer
le fer immédiatement : les fentes faites pendant
que l’enduit a féché à l’air , pourraient être
bouchées ; mais celles qui s’y feroient pendant qu’il
ferait dans le fourneau , ne le pourraient pas être
de même.
Quoique ce raifonnement fi naturel m’ait épargné
l’effai des meilleures terres , il ne m’a pas empêché
d’en éprouver plufieurs. Nous devons à toute recherche
des tentatives inutiles ; en revanche , ces
mêmes tentatives , qui ne répondent pas à nos
deffeins préfens , nous fervent quelquefois dans
d’autres circonftances où nous n’euffions pas imaginé
d’y avoir recours. Des expériences faites dans
des vues fort différentes de celles d’adoucir le fe r ,
m’ont fait connoître la matière dont je devois lé
plus, me promettre , pour l’enduire fûrement ; &
cette matière a parfaitement répondu à mon attente :
c eft La mine de plomb dont je veux parler. Ce que
j appelle ici mine de plomb , n’eft point le'minéral
d’où l’on tire. le plomb ; e’eft cette matière dont la
plus fine eft employée à faire lés crayons: elle n’a
nen de commun avec la véritable mine de-plomb^
que le nom & la couleur ; & malgré cette reffem-
blance de nom & de couleur, elle ne-' contient point'
du tout de plomb* Ofl s’en fett en Allemagne pour
faire des creufets qui réfiftent bien au feu ; voilà
déjà une des propriétés que nous cherchons : ces
creufets ont une qualité qui dénote la propriété
que nous avons regardée comme la plus difficile à
■ trouver ; ils peuvent être tirés rouges du fe u , &
expofés à l’air froid fans fe caffer : refroidis , ils
peuvent être fubitement expofés une fécondé fois
à une chaleur affez conflderable ; ce qui n’eft propre
qu’à dès terres qui, en s’échauffant & en fe refroi-
diffant, perdent peu de leur volume, qu’à des terres
que la chaleur & l'humidité dilatent peu.
Mais des épreuves plus direâes & plus décifives
m’ont convaincu que la mine de plomb, après avoir
été très-hume&ée d’eau,, peut devenir très-sèche ,
fans perdre fenfiblement de fon premier volume.
Après l’avoir réduite en poudre , je l’ai détrempée’
à confiftance de pâte molle ; de cette pâte j’ai formé-
des bandes longues" de huit à dix pouces ; je les ai
mefurées d’abord-qu’elles ont été faites , & je les ai
mefurêes encore après qu’elles ont été sèches : dans
' ces deux états, je ne leur ai point trouvé de différence
fenfible en longueurs
- Je crus donc pouvoir me ferviravec fuccés de
cette mine de plomb, pour enduire le fer : l’ayant
fait réduire en poudre , 8b paffer cette poudre par
le tamis, je la délayai’ avec de l’eau j* j’en formai
une pâte très-molle , une efpèce de bouillie ; &
avec un pinceah j’en couchai à différentes reprifes
des enduits d’environ une demi-ligne ou une ligne
d’épaiffeur fur des ouvrages de fer que je voulois
adoucir. Parmi ces ouvrages, il y avoit des boules
de plus de quinze à feize lignes de diamètre ; les
enduits féchèrent fans qu’il s’y frt la moindre fente,
la moindre gerçure ; lorfqu’ils furent bien fecs, }&
mis les ouvrages dans un fourneau à effai de mine y
on y jette le charbon par en haut ; le feu y eft
entretenu par le cours de l’air qui entre par différentes
ouvertures que l’on augmente ou diminue'
félon qu’on tire plus ou moins les regiftres. Je retirai
les ouvrages de ce fourneau après cinq heures de
feu ; Ce temps, quoique affez court par rapport à
des ouvrages de quelque épaiffeür, avoit fufli pour"
les bien adoucir; ils étoient peut-être plus doux
qu’ils ne l’euffent été fi on les eut tenus plufieurs
jours dans nos grands fourneaux à acier , ou x
recuit : les boules étoient aufli ailées à percer de*
part en p a r tq u e fi elles eùffent été de fer ordinaire.-
Au refte, nulle écaille né parôiffoit fur la furface*
de ces ouvrages. En un mot, ils furent très-bien &
promptement adoucis.
Je répétai Cette expérience plufieurs fois dans le?
même fourneau , & toujours avec le même Aiccès»
Mais ce fourneau ne me paroiffant pas d’une forme
trop convenable pour le travail en grand ,■ j3en fes
foire un de réverbère qui pourrait fervir de modèle
pour en conftruire dé propres à: contenir autant
d’ouvrages que l’on fouhaiterait, & où ils- pourraient
être arrangés‘commodément. Ce fourneat®
de réverbère étoit fait pour être chauffé- avec le
I bois- j’y mis des ouvrages enduits de mine de