Sans leur fecoitrs, l’émail feroit d’un jaune plus ou
moins foncé, plus Ou moins défagrépble.
La meilleure fonde d’Alicante & la potaffe de
très-bonne qualité, font les plus mauvaifes pour les
fayenceries , parce qu’elles ont une trop grande
quantité de fel alkali fix e, & trop peu de fel de
verre. L’émail où on les afait entrer eftjaune, peu
glacé & fe fendille , par la raifon qu’elles n’ont pas
fourni fuffifamment de fel neutre, pour enlever le
principe colorant greffier; qu’elles ont rendu l’émail
trop tendre , pour ne pas attaquer la terre , &
qu’elles l’ont trop rapproché de l’état de verre.
J’ai obfervé plus d’une fois ce phénomène , &
les manufafturiers m’en paroiffoient plus furpris que
perfuadês, qu’il fût la fuite nèceflaire de la trop
bonne qualité des matières. Ils aimoient mieux
croire qu’ils avoient été trompés par celui qui les
leur avoit vendues.
La foude de Carthagène , le falicote & le varec,
contenant moins de fel alkali fixe & plus de fel de
verre, produifent de moins mauvais effets. Quoiqu’on
ne mette que de 15 à 30 liv. de ces matières
dans chaque compofition de 200 livres, il eft
très-effentiel pour la bonté & la beauté du blanc,
de ne pas les employer,' pas même en y ajoutant
quelques livres de fel marin , fuivant l’ufage de
quelques fayenceries. C ’eft feulement diminuer le
mal & augmenter fans néceffité la dépenfe.
Il y a un autre inconvénient à employer les
foudes elles font chargées d’une très-grande quantité
de principe colorant, qui ne peut être entièrement
détruit, ni dans le colombin , ni dans la
fritte. N’eft-ce pas affez d’avoir à diffiper le jaune que
donne le fable ordinaire & la chaux de plomb ? Il
femble que dans les arts on ait été plus occupé à
multiplier les difficultés qu’à les lever.
Que le fel de verre ou le fel marin, le fel admirable
de Glauber & le tartre vitriolé , réduits en
vapeurs, entraînent avec eux le principe colorant
greffier des matières avec lefquellesdls font combinés,
c’eft ce que je crois avoir folidement prouvé
dans mon mémoire fur la perfeftion de la verrerie ;
les fayenceries en fourniffent journellement des
preuves non moins évidentes.
Le tartre vitriolé ou le fel de verre de potaffe, éft
moins propre à la fayence que les deux autres,
parce- qu’il eft un peu plus fixe au feu. Ordinairement
le fel marin de cuifine réuffit mieux & produit
plus d’effet à dofe égale , que le fel de verre,
même des foudes ; par la raifon qu’il eft en petit
grain , déjà ouvert par l’humidité, & conféquem-
ment bien difpofé au mélange avec les autres matières
, à la fufion, à la raréfaftion & à l’évaporation;
& que le fel de verre eft en gros morceaux
três-compa&es, très-difficiles à être réduits en pouf-
fière, privés d’humidité, & chargés de beaucoup
de principe colorant greffier. Cette différence eft
d’autant plus fenfible, que les manufacturiers ne le
font pas ecrafer avec foin.
J’ai très-fouvent vu dans l’émail en pain, des
grains, de fel plus gros qu’un pois ; preuve certaine
du mélange imparfait, & que le fel n’étoit
pas affez divifè pour être, par le feu, réduit en
vapeurs, & pour enlever avec lui le premier principe
colorant groffier. » L’inconvénient n’eft pas
» aulîi grand que vous le penfez, dit-on : ce fel
» fera broyé avec l’émail dans les moulins, & il
» produira fon effet fur les ouvrages, lorfqu’on
» les aura mis au blanc. « Ce rationnement n’a
•qu’une apparence de vérité. L’émail eft broyé dans
l’eau fous une meule horizontale ; l’eau 'diffout le
fel & l’emporte, à coup sûr, avec elle dans la décantation.
.
Le fel de verre de foude, préparé convenablement
, produira, à poids égal, plus d’effet que le
fel marin ordinaire, parce que ce dernier eft chargé
d’un certaine quantité d’eau , & d’une plus grande
quantité de parties hétérogènes : on peut s’en affurer
par la diffolution des deux fels.
Pour fe fervir du fel de verre avec le plus grand
avantage , il feroit nèceflaire de l’écrafer, de le
faire diffoudre dans l’eau, de précipiter les matières
hétérogènes dont il peut être^chargé, fur-tout le
principe colorant greffier, avec un peu de glaife
délayée dans l’eau; de décanter la diflolution claire,
de la faire évaporer jufqu’à pellicule, de la laiffer refroidir
, & de mêler exaâement ce fe l, encore humide
, foit avec le fable, pour le colombin , foit
avec le fable & la calcine, pour la fritte.
Peut-être les manufacturiers trouveront - ils ce
procédé trop long & trop .pénible : dans ce cas,
quoiqu’ils fuffent bien dédommagés de leurs peines,
ils pourront fe contenter de faire écrafer ce fel le
mieux qu’il leur fera poffible, & de le mettre, pendant
quelques jours avant que de l’employer, dans
une fuflifante quantité d’eau , pour qu’il en foit pé^
nétré & ouvert, quoiqu’il foit dans l’état ou eft le
fel marin, lorfqu’ils l’achètent.
Cette précaution eft très-effentielle. L’eau, comme
nous l’avons déjà dit, difpofe les fels neutres à la
fufion & à la raréfaction ; elle augmente leur fur-
face , en les divifant ; & ces fels, comme prefque
tous les autres agens , ne peuvent agir que fur les
parties qu’ils touchent.
Il eft de fait qu’une vieille fritte, compofée de
parties égales de foude & de fable, fe blanchit &
plus promptement & plus parfaitement, en repaffant
au feu, qu’une nouvelle compofée dans les mêmes
proportions & avec les mêmes matières. Pourquoi ?
parce que l’hümidité de l’air ou du lieu a eu le temps
de pénétrer intimement la première. La preuve,
•c’eft qu’on opère le même effet, f i , avant de remettre
une nouvelle fritte dans le fourneau, on
l’arrofe avec de l’eau claire, jufqu’à ce qu’on la fente
un peu humide dans toutes fes parties.
Le fel de verre n’eft pas rare en France ; il Ie
deviendroit, fi tous fes ufages étoient connus. Les
petites verreries où l’on n’emploie que la potaffe
rouge, produifent beaucoup de cette matière : celles
©ù l’on ne connoît que le warec,l- ■ ■ ■ encore d’ava' ntagec*e
ce fel fe vend actuellement de 6 à 8 livres le cent
efant. Si ce fel’devenoit moins commun .ou plus
cher« on trouveroit une nouvelle reffource dans
l’extraftion du tel de varec, ou même des foudes
de Villeneuve & de Pèrols en Languedoc. Trois
livres de chaux d’étain , ou quatre livres de chaux
ordinaire bien pure, à raifon de la petite quantité
de fel alkali fixe que le fel de ces foudes contient,
feroient un très-bon équivalent du fiel de verre.
Peut-être feroit-il digne de la fageffe du gouvernement
, de donner la iàcilité de fe procurer du fel
marin à bon marché , à ceux qui peuvent difficilement
profiter de ces reffources. Il y auroit des
moyens auffi sûrs que fimples de prévenir l’abus.
L’on mêle ordinairement 100 livres de fable avec
8 à 20 liv. de fel de verre; l’on humefte ce mélange,
& l’on en forme fous le fourneau à cuire la fayence,
ou dans fon cendrier, le baffin de la compofition
delà fritte, ce que l’on appelle ‘colombin.
Aptes avoir défourné, on tire ce fable qui eft
devenu très-blanc , fi le mélange du fel a été bien
fait, & fi les parois du baffin (le colombin) nont
pas été trop épaiffes. , .
On fent aifément que l’on blanchirait beaucoup
mieux le fable dans un fourneau à fritte de verrerie
, où l’on pourrait le remuer pendant l’aCtion
du feu; il en coûteroitun peu plus de bois &■ de
main-d’oeuvre, mais on pourroit épargner environ
le cinquième de fel. ,
On joint au colombin bien écrafé, 8 à 20 livres
de fel de verre, & ioo livres de calcine compofee,
comme nous l’avons dit ci-deffus ; & cette compofition
exactement mêlée, eft mife fous le fourneau
à cuire la fayence , dans un nouveau baffin ou colombin.
'
Si l’on préparoit le fel de verre comme nous
l’avons indiqué, 25 ou 36 livres fuffiroient ; au
refte , une plus grande quantité ne peut jamais
nuire ; le blanc n’en fera meme que plus beau :
ceux qui ne font pas de colombin, ne font pas à
imiter.
La proportion de 16 livres d’etaifl fin , ou de
28 livres d’étain de vaiflelle commune fur 100 liv.
de plomb, me paroît très-bonne pour la fayence
commune ; mais la proportion de 32 ou 33 livres
d’étain fin fur 100 livres de plomb, compofition
ordinaire pour la fayence fine, me paroît trop forte,
rendre l’écaillage prefqu’inévitable , & produire un
blanc fade : l’émail provenant de la dernière, me
femble trop dur pour mordre fuffifamment fur la
terre compofée. comme il a été dit ci-deffus, & pour
s’y attacher fortement.
L’on peut, à la vérité, prévenir en très-grande
partie l’écaillage, en obligeant les ouvriers à n e-
ponger leurs ouvrages qu’avec la barbotine , partie
très-fine de la glaife & de l’argile coloree \ ou a.
ne pas éponger du tout, crainte qu’ils ne degraif-
fent trop la terre, & qu’ils ne laiffent fur la furface
des pièces , que la partie calcaire ; c’eft vouloir fe
Arts & Métiers Tome, IL Partie IL
ruiner, que de s’en rapporter entièrement aux foins
des ouvriers/ A ,
Il me paroîtroit bien plus fage & plus sur de ne
mettre fur 100 liv. de plomb, que 25 liv. détain
fin ; l’émail feroit très-folide fur le bifeuit, & d un
beau blanc, tirant un peu fur le bleu, qui elt le
blanc de fayence le plus recherché. Règle générale,
il eft moins dangereux de diminuer l’étain dans
l’émail , ' que la marne dans la compofition des
terres. Je crois l’avoir prouvé. I
L’écaillage offre un phénomène très - ùngulier;
Toutes les fois que l’émail écaille, il eft plus ou
moins bourfoufflé. Quelle peut être la caufe de
cette extenfion , de ce bourfoufflement. Il me paroît
qu’on ne peut la trouver que dans une vapeur
qui, au dernier degré de feu , s’échappe de la terre ;
l’émail- trop compaCte pour s’en laiffer penetrer,
■ &. trop’ peu adhérent à la terre, lui cède, en eft
diftendu jufqu’à une certain point, jufqu à ce qu il
arrive folution de continuité. Mais de quelle nature
eft cette vapeur ? La queftion eft, fuivant moi, très-
difficile à décider. Ne fer oit-elle pas l’acide vitrio-
lique qui fe trouve ordinairement dans 1a glâile .
Je le croirois d’autant plus volontiers , que je n ai
jamais vu d’écaillage avec bourfoufflement, fur de
la fayence faite avec l’argile pure & la terre calcaire
Il n’eft pas rare de voirie rouge de la terre a travers
l’émail, la couche du blanc étant trop mince;
Je fuppofe que l’émail n’eft pas trop tendre, & qu’on
n’a pas pouffé trop loin le feu; ces deux caufes
pourraient produire le même effet que la trop legere
couche de blanc. , —
Les écouffages font le produit d une fumee gralle
qui a fait! le bifeuit, ou de l’inattention des ouvriers'
qui l’ont touché avec leurs doigts gras ou
fuans. Peut-on attendre de ces gens-là l’attention ,
la propreté néceffaires ? Il eft plus prudent de prévenir
les fuites de leurs fautes.
.C’eft ce qu’a heureufement fait M. de Vîlhaut, a
l’égard du rouge & des écouffages ; le remède eft aum
sûr que fimple. Il confifte à faire moins broyer 1 e-
mail, qu’il n’eft d’ufage de le faire , & à 1 employer
de la groffeur du grain du fable ordinaire. 11 elt
auffi commun de voir fur la fayence des picajfurcs,
des points noirs ou d’un gris foncé ; ces picajfures
ne font que de petites parties de plomb , qui le
revivifient lorfque l’émail n’a pas été purge avec
foin du principe colorant greffier.
r La fayence fine ne diffère de la commune que
par l’élégance des formes , par la. blancheur & le
brillant de l’émail, par la fineffe & l’éclat des cou-
leurs, & par la beauté de la peinture.
Explication fuivie des dix planches de la fayencerie ;
tome U des gravures,
planche l , fayencerie , ouvrages.
La vignette repréfente une manufacture de fayence,
& l’atelier où Ion prépare la terre qui lui eft propre.
a , eft le foffè où l’on met tremper la terre..
Y v v ,