
du bifmuth la teint d’une couleur qui paroît blanchâtre
& opaque, lorfque la lumière frappe deffus,
& brune quand on la regarde à travers le jour. Les
autres diffolutions de métaux & de minéraux, employées
de la même manière, n’ont donné aucune
forte de teinture.
Pour réuflir dans cette opération, il eft néceflaire
d’expofer l’agate au foleil. M. Dufay en a mis fous
une moiiffle ; mais elles n’ont pris que très-peu de
couleur, 6c elle ne pénétroit pas fi avant. Il a même
remarqué plufieurs fois, que celles qu’il avoit expo-
fées au foleil ont pris moins de couleur dans tout
le cours de la.première journée, qu’en une demi-
heure du fécond jour, même fans y remettre de la
diffolution. Cela lui a fait foupçonner que peut-être
l’humidité de l’air é.toit très-propre à faire pénétrer
les parties métalliques. En effet, il a fait colorer
des agates très-promptement en les portant dans
un lieu humide auflitôt que le foleil avoit fait fécher
la diffolution, & les expofant derechef au foleil.
Pour tracer fur l’agate blanche ou la calcédoine
laiteufe des figures qui aient quelque régularité,
la manière qui féuflit le mieux eft de prendre la
diffolution d’argent avec une plume, ou un petit
bâton fendu, de fuivre les contours avec une épingle
: fi l’agate eft dépolie , le trait neft jamais bien
fin , parce que la diffolution s’étend en très-peu de
temps ; mais fi elle eft bien chargée d’argent, &
qu’elle fe puiffe criftallifer promptement_au foleil,
elle ne court plus rifque de s’épancher, & les traits
en feront affez délicats. Ils n’approcheront cependant
jamais du trait de la plume, & par confisquent
de ces petits arbres qu’on voit fi délicatement
formç^ par les dendrites.
Suppofé pourtant qu’on parvînt à les imiter,
voici deux moyens de diftinguer celles qui font
naturelles, d’avec les fa&ices.
i°. En échauffant l’agate colorée artificiellement,
elle perd une grande partie de fa couleur, & on
ne peut la lui faire reprendre qu’en remettant deffus
de nouvelle diffolution d’argent.
2.0. La fécondé manière , qui eft plus fimple &
plus facile, eft de mettre fur l’agate colorée un peu
d’eau-forte ou d’efprit de nitre fans l’expofer au
foleil ; il ne faut qu’une nuit pour la déteindre
entièrement.
Lorfque l’épreuve fera faite, on lui reftituera, fi
l’on veut, toute fa couleur, en l’expofant au foleil
plufieurs jours de fuite. Cependant il ne faut pas
trop compter fur cet expédient, comme on le verra
par ce qui fuit.
On fait que par le. moyen du feu on peut changer
la couleur de la plupart des pierres fines ; c’eft ainfi
qifon fait les faphirs blancs, les améthyftes blanches.
On met ces pierres dans un creufet, & on les
entoure de fable 6c de limaille de fer ; elles perdent
leurs couleurs à mefure qu’elles s’échauffent.; on
les retire quelquefois fort, blanches. Si l’on chauffe
de même la calcédoine ordinaire, elle devient d’un
blanc opaque ; & fi l’on fait des taches avec de
la diffolution d’argent, ces taches feront d’un jaune
citron , auquel l’eau- forte n’apporte plus aucun
changement. La diffolution d’argent mife fur la calcédoine
ainfi blanchie , & expofée au foleil plufieurs
jours de fuite, y fait des taches brunes.
La diffolution d’argent donne à l’agate orientale
une couleur plus noire qu’à la calcédoine commune.
Sur une agate parfemée de taches jaunes, elle a
donné une couleur de pourpre.
Nous avons dit que pour reconnoître l’agate teinte
d’avec l’agate naturelle, il ne falloit pas trop compter
fur l’eau-forte. En effet, M. de la Çondamine
ayant mis deux dendrites naturelles dans de l’eau-
forté pendant trois ou quatre jours, il n’y eut point
de changement. Les dendrites mifes en expériences
ayant été oubliées fur une fenêtre pendant quinze
jours d’un temps humide & pluvieux , il fe mêla
un peu d’eau de pluie dans l’eau-forte, 6c l’agate
où les arbriffeaux étoient très-fins fe déteignit entièrement
; le même fort arriva à l’autre, du moins
pour la partie qui trempoit dans l’eau-forte.
Calcédoine ( faujfe).
La calcédoine eft, comme nous l’avons dît, une
pierre demi - tranfparentenébuleufe , d’un bleu
laiteux.
Voici le procédé que Kunkel enfeigne pour fe
procurer des calcédoines fa&ices, avec lesquelles
on puiffe former .des vafes.
On met dans un matras de verre à long col deux
livres d’eau-forte; l’on y jette quatre onces d’argent
réduit en petits morceaux ou en lames. En plaçant
le matras auprès du feu ou dans l’eau chaude, l’argent
fe diffoudra bientôt ; quand il eft entièrement
diffous, on met dans un autre matras , pareil au premier
, une livre & demie d’eau-fbrte ; on y fait dif-
fioudre fix onces de vif-argent ; on mêle enfuite les
deux folutions dans un plus grand vafe , & on y
ajoute fix onces de fel ammoniac que l’on y fait fondre
à une chaleur modérée. La diffolution faite, on
y ajoute de fafre broyé, une once, de magnéfie,
demi-once, & autant de ferret d’Efpagne ; mais
on ne met cetté dernière matière que petit à petit,
parce que la magnéfie fait gonfler le mélange, elle
y caufe de l’ébullition, & la matière eft en danger
de fortir des vaiffeaux, ou même de les rompre.
On continue l’opération en mêlant un quart-
d’once de fafran de mars calciné par le foufre,
ainfi que demi-once d’écailles de cuivre calcinées
par trois, fois; on y joint autant de bleu d’émail &
de minium ; on pulvérife bien toutes ces matières
fèparément, 6c on les met dans le matras petit à
petit 6c par degrés, les remuant de nouveau, afin
que ces poudres fe délaient exaélement, & fe méfiant
toujours de l’effervefcençe. Il faut tenir le vafe
bien bouché, 6c remuer le mélange fout de nouveau
plufieurs fois pendant dix jours. A u bout de
ce teinpslyous mettrez le matras débouché au bain
de fable, afin de faire évaporer l’eau-forte, ce qui
peut s’exécuter en vingt-quatre heures. Il convient ,
de donner an feu très-doux, 6c cela eft de grande
importance : on pourra, fi l’on v eut, adapter un
ballon pour recevoir l’eau-forte ; 6c on trouvera au
fond du vafe une poudre d’un brun jaunâtre, que
l’on confervera dans des vaiffeaux de verre.
Ces préparations faites, quand on voudra faire
des calcédoines, ayez un verre de crîftal bien pur
6c qui foit fait avec des morceaux de vafe de criftal
cafles, car le verre fait avec une fritte nouvelle
n’eft pas bon à cet ufage ; les couleurs n’y paroiffent
point, parce qu’elles font abforbées par la fritte.
Sur vingt livres de ce verre réduit en poudre, vous
mettrez deux onces ôc demie ou trois onces de la
poudre que l’on vient d’indiquer ; vous l’y mettrez
en trois fois, obfervant de bien remuer le verre
en fufion ; il s’élève alors une efpèce de fumée ou
vapeur bleue. Vous laifferez enfuite repofer le verre !
pendant une heure ; au bout de ce temps, vous mêlerez
de la poudre pour la fécondé fois ; vous laifferez
cuire le mélange fans y toucher pendant vingt-
quatre heures, au bout defquelles vous remuerez !
la matière; 6c en faifant l’effai, vous trouverez que
le verre eft d’une couleur qui tient le milieu entre le
jaune 6c le bleu. On fait plufieurs fois recuire cet
effai au feu, d’où on le retire enfuite pour le refroidir
; 6c l’on trouve ce verre d’une couleur d’aigue-
marine 6c d’autres couleurs fort belles.
Il faut tenir prêtes huit onces de tartre calciné,
de la fuie de cheminée vitrifiée, deux onces, 6c une
demi-once de fafran de mars. On réduit ces matières
en poudre, 6c on les mêle au verre en fonte
à cinq ou fix reprifes ; l’on verra par ces additions
le verre fe gonfler confidérablement, 6c tout fera
en danger de fe perdre fi l’ouvrier n’ufe de précaution.
Il faut donc qu’il ait foin de ne jetter cette
poudre que petit à petit 6c par intervalles, 6c qu’il
ait l’attention de bien remuer le verre pour y incorporer
la poudre.
Lorfqu’on y aura tout mis, il faut laiffer cuire le
verre fans y toucher pendant vingt-quatre heures :
au bout de ce temps l’on en formera un vafe que
l ’on fera recuire à plufieurs reprifes dans le fourneau,
6c l’on verra fi ce verre a pris une couleur
telle qu’on la defire.
Si ce verre étant refroidi offre à la Vue toutes les
couleurs du jafpe, de la calcédoine, ou de l’agate
orientale, 6c que le vafe que l’on aura fait pour
effai , regardé du côté du jour, paroiffe rouge comme
du feu, alors il fera temps de fe mettre à travailler
la matière pour en faire des vafes tels qu’on voudra
; mais en les travaillant il faut avoir foin de les
rendre unis 6c polis, 6c non pas en relief, car ceux
en relief ne font pas d’^n bon effet.
L’ouvrier aura l’attention de prendre le verre
qu’il a travaillé avec des pincettes, 6c de le faire
fuffifamment recuire, afin qu’il s’y forme des ondes
& des effets de différentes nuances 6c couleurs.
On peut polir cette matière à la roue comme
les pierres précieufes, car elle prend fort bien’ le
poli.
Si le verre, au lieu d’être opaque, devient tranf-
parent, ce qui gâteroit l’ouvrage, il faudroit fuf-
pendre le travail, 6c remettre dans la compofition
du tartre calciné, de la fuie 6c du fafran de mars,
comme on l’a déjà dit ; par ce moyen il reprend du
corps, 6c en redevenant opaque les couleurs repa-
roiffent.
Turquoife artificielle.
Pour imiter la turquoife, prenez du fel marin
gris, mettez-le dans le fourneau à calciner pour
en tirer toute l’humidité, broyez-le bien, 6c vous
aurez une poudre fort blanche, qu’il faut conferver
pour en faire ufage dans la préparation du bleu
de turquoife. Ayez enfuite dans un creufet, au
fourneau, de la fritte de criftal teinte en couleur
d’aigue-marine Un peu foncée, 6c préparée de l’une
des manières rapportées à l’aigue-marine faâice ;
d’autant que la préparation du bleu de turquoife
dépend de la qualité de l’aigüe-marine.
Mêlez petit à petit, 6c en remuant bien, dans
ce verre ainfi coloré, le fel marin préparé comme
on vient de le dire ; vous verrez alors la couleur
d’aigue-marine devenir Opaque ; car le fe l, en fe
vitrifiant, ôte la tranfparence au verre , 6c lui
donne une pâleur qui produit le bleu de turquoife.
Auflitôt que la couleur eft telle qu’on la defire ,
I l faut fe mettre à travailler le verre , fans cela
le fH fë confumeroit, s’en iroit en vapeurs, 6c le
vetre redeviendroit tranfparent 6c difforme.
Si pendant le travail la couleur venoit à difpa-
roître, on poürroit la reftituer en remettant un peu
de fel comme auparavant.
Enfin , pour avoir une belle couleur, il fuffit de
prendre un verre d’aigue-marine, fait de parties
égales de criftal 6c de roquette.
On fait avec cette compofition differens petits
ouvrages.
Malachite artificielle.
La malachite eft, comme nous l’avorfs d it, une
pierre verte fufceptible d’un beau poli.
M. Sage, ayant eu occafion d’examiner cette
matière, a reconnu que le cuivre contenu dans la
malachite, a été réduit dans l’état où il s’y trouve
par la diffolution qu’il a éprouvée d’abord par l’action
d’un alkali volatil, qui s’étant exhalé enfuite,
l’a laiffé imprégné d’une matière graffe. D’après
ces connoiffànces, il a compofé lui-même une e f pèce
de malachite, en faifant diffoudre du cuivre
dans de l’alkali volatil ou fel ammoniac dégagé
par l’alkali fixe. Il a obtenu de cette diffolution
des criftâux d’un beau bleu, qui ayant été expo-r
fés à l’air pendant un certain temps, ont pris une
belle couleur verte femblable à celle de la malachite.
Mais cette préparation que M. Sage a faite pour
imiter la malachite naturelle, en a l’éclat fans ea
avoir la dureté. X ij