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On voit, fie. 27, pi. I I I , en A , le deflus d’un
fourneau ; en B , la grille ; en C , les creufets.
Les fie- 26 & 27, font les tours à creufet & à calotte.
Les autresjîg. font les différents inllrumens de la
fonderie dont nous avons parlé; 1 , etnet ou pince à
ranger le creufet ; 2 ,3 , attrape ou pince ; 4 , havet;
5 , bouriquet ; 6 palette ; 7 , tenaille double ; 8 , polichinelle;
9 , 10 , i l , divers ringards; 12 , 13,
inces; 1 4 , 1 5 , autres ringards ou fourgons ; 16 ,
atte.
Voici l’état des échantillons qu’un naturalise,
qui vifite une manufacture telle que celle que nous
venons de décrire, fe procurera. 1°. De la calamine
brute, telle qu’on la tire de la mine ; 20. de la calamine
calcinée & prête à être broyée ; 30. du cuivre
rouge ; 40. du vieux cuivre; 50. du cuivre de l’èpaif-
feur dont on coule les tables ; 6°. du cuivre battu ;
70. de la terre à creufet brute , préparée & recuite.
Avant l’année 1595, on battoit tous les cuivres à
bras; en 1595 les batteries furent inventées. La
première fut établie fur la Meufe. L’inventeur
obtint pour fa machine un privilège exclufif. Cette
machine renverfoit les établiffemens anciens des,
fondeurs & batteurs de cuivre ; car, quoique fes
martinets ne fuffent pas en grand nombre, elle
faifoit plus d’ouvrage en un jour, que dix manu-
fafturiers ordinaires n’en pouvoient faire en dix
jours. Les fondeurs & batteurs anciens fongèrent
donc à faire révoquer le privilège; pour cet effet,
il raffemblèrent leurs ouvriers avec leurs femmes
6 leurs enfans ; & à la tête de cette multitude, vêtus
de leurs habits de travail, ils allèrent à Bruxelles,
fe jettèrent aux pieds de l’infante Ifabelle qui en eut
pitié : elle accorda une récompenfe à l’inventeur des
batteries ; & permit à tout le monde la conflruftion
& l’ufage de cette machine.
Il n’y a pas deux partis à prendre avec les inventeurs
de machines utiles ; il faut, ou les récom-
penfer par le privilège exclufif, ou leur accorder
une fomme proportionnée à leur travail, aux frais
de leur expérience & à l’utilité de leur invention ;
fans quoi il faut que l’efprit d’induftrie s’éteigne ,
& que les arts demeurent dans un état d’engourdif-
fement. Le privilège exclufif eft une mauvaife
chofe , en ce qu’il reftreint, du moins pour un
tem p s le s avantages d'une machine à un leul particulier
, lorfqu’ils pourraient être étendus à un
grand nombre de citoyens qui tous en profiteraient.
Un autre inconvénient, c’eft de ruiner ceux qui
s’occupoient, avant l’invention, du même genre de
travail, qu’ils font forcés de quitter ; parce que leurs
frais font les mêmes, & que l’ouvrage baiffe né-
ceifairement de prix : donc il faut que le gouvernement
acquière à fes dépens toutes les machines nouvelles
& d’une utilité reconnue , & qu’il les rende
publiques ; & s’il arrive fju’il ne puiffe pas faire
cette’ dèpenfe, c’eft qu’il y a eu & qu’il y a encore
quelque vice dans l’adminiftration , un défaut d’é-
çonomie qu’il faut corriger.
Çeiqt qui réflecljiffenf ne feront pas jnédioçre-
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mentétonnés de voir la calamine qu’ils prendront
pour une terre, fe métallifer en s’unifiant au cuivre
rouge , & ils ne manqueront pas de demander pourquoi
n’y auroit-il pas dans la nature d’autres fubftances
propres à fubir la même transformation en fe combinant
avec l’o r , l’argent, le mercure ? pourquoi l’art
n’en prèpareroit-il pas ? Les prétentions des alchi-
miftes ne font donc pas mal fondées ?
Il n’y a pas long-temps que ce raifonnement étoit
fans réponfe; mais on a découvert que la calamine
n’étoit qu’un compofé de terre & de zinc ; que ce
n’eft pas la terre, mais le zinc qui s’unit au cuivre
rouge , qui change fa couleur & qui augmente fon
poids ,. & que le laiton Tentre dans la claffe de tous
les alliages artificiels de plufieurs métaux différens.
Si le cuivre rouge devient jaune par l’addition de
la calamine, c’eft que le zinc eft d’un blanc bleuâtre,
& qu’il n’eft pas difficile de concevoir comment un
blanc bleuâtre, fondu avec une couleur rouge,
donne un jaune verdâtre, tel qu’on le remarque
au laiton.
La merveille que les ignorans voient dans l’ünion
de la calamine au cuivre rouge, & les efpérances
que les âlchimiftes fondent fur le zinc , s’évanouif-«
lent donc aux yeux d’un homme un peut inftruit.
Manière dont on fait le laiton en Angleterre.
L’endroit d’Angleterre où l’on fait le plus de laiton
, eft proche Baptijl - Mills, aux environs de
Briftol. Il y a plus de vingt ans que l’on y a établi fix
manufactures & trente-fix fourneaux ; mais on n’y
travaille pas pendant toute l’année., Les creufets.
dont on fe fert font formés avec une argille qu’on
tire de Starbridg; on place dans chaque fourneau
. huit creufets qui fervent à deux fontes que l’on fait
toutes les vingt-quatre heures ; & lorfque ces creufets
ne peuvent plus fervir, on a coutume de les
cafter & de les réduire en poudre poür en féparer
j les petites parties de laiton qui y font reftées.
On met dans chaque creufet quarante livres de
cuivre , & depuis cinquante - fix jufqu’à foixante
j livres de calamine : ce qui produit une augmentation
de feize livres ; car le laiton qu’on obtient après
la fonte du mélange, pèfe cinquante-fix livres. Dans
la fuite.du travail on prend vingt-huit livres de cuivre
de rofette, vingt-huit livres de laiton, quatorze
livres de vieux laiton , qu’on nomme mitraille, en
anglois fehraf, & trente à trente-cinq livres de
calamine. Il y a un"laboratoire établi tout exprès
pour éprouver les différentes méthodes de convertir
le cuivre en laiton ; il s’y trouve plufieurs fonderies
, des fourneaux d’effais & une machine mue par
un courant d’eau ; on s!ÿ fert d’un marteau pour
éprouver la réfiftànce qu’oppofe le laiton aux coups
dont on le frappe avant de pouvoir le caffer. Il y a
aufli un poinçon pour marquer le laiton. On y
trouve encore une fenderie 8c une tréfilerie.
On a trouvé une méthode de granuler le cuivre
avant d’en faire le mélange avec la calamine ; car
on a obfervé qu’en projetant le cuivre dans les
creufets, il y a des morceaux qui entrent plutôt
en fonte que d’autres, & que la calamine ne produit
pas ion effet, lorfqu’elle n’eft pas bien mélangée
: c’eft pourquoi on a inventé un moyen de
granuler le cuivre, afin d’en faire un mélange plus
exa& avec la calamine ; ce qui rend , dit - o n ,
une augmentation plus confidérable qu’ailleurs. On j
granuloit ci-devant le cuivre en le jetant une feule
fois dans l’eau, ce qui ne fe faifoit pas fans danger
pour les afliftans ; aufii a-t-on abandonné cette pratique,
& l’on a en dernier lieu mis en ufage un
réfervoir conftruit de planches, qui a quatre à cinq
pieds de profondeur, & dont le fond mobile , qui
eft de cuivre ou de laiton, s’élève & s’abaifle à
volonté avec une chaîne ; on emplit ce réfervoir
d’eau froide, & on le couvre avec un couvercle de
cuivre percé dans fon milieu d’une ouverture d’un
demi-pied de diamètre ; cette ouverture eft pratiquée
pour recevoir une cuiller de même diamètre :
cette cuiller eft criblée de trous, & on l’enduit avec
de l’argille de Starbridg. On verfe avec d’autres
cuillers la fonte de cuivre dans cette cuiller percée,
d’où le cuivre fe répand & fe difperfe dans l’eau, où
fe trouvant faifi par le froid, il fe partage en gros
grains avant de tomber au fond du vaiffeau.
Dans les premiers eflais que l’on fit de cette méthode
, on dit que le cuivre ne fe congeloit point,
& qu’avant de tomber au fond, la chaleur de l’eau
lui faifoit prendre la forme de petites lames plates ;
on a remédié à cet inconvénient en verfant de l’eau
froide dans le vaiffeau à mefure que l’eau chaude
s’écoule par un autre côté. La granulation faite, on
retire le cuivre granulé en foulevant le fond de
métal dont il a été parlé plus haut. On peut par cette
méthodè grànùler à chaque fois 7 poids § de marine,
ou une tohndç cuivre. On tient que par cette pratique
on a une augmentation de vingt livres fur qua-.
rante , au lieu de feize que l’on obtenoit autrefois.
On a aufli trouvé une manière d’exalter la couleur
du laiton, par une chauffe qu’on lui donne avant de
le foumettre .à l’a&ion des martinets. On fe fert
pour cela d’un fourneau long & large de cinq pieds
en quarré, dont là hauteur eft de quatre pieds, &
voûté intérieurement. Les parois de ce fourneau
ont un pied § d’épaiffeur ; fur les côtés du fourneau
& à la naiffance de la voûte il y a deux trous par
lefquels darde la flamme du charbon de terre, avec
lequel on chauffe le fourneau. Ces trous peuvent
s’ouvrir ou fe fermer, félon que l’on a plus ou moins
befoin de vent pour entretenir l’aâion du feu. La
chape de ce fourneau, qui a trois ou quatre pieds
de long fur deux de large, eft conftruite de barres
de fer de fonte de fix à fept doigts d’épaiffeur, &
pofe fur des 'roulettes ; il y a encore d’autres barres -
de fer placées dans la longueur du fourneau &
recouvertes d’argille, fur lesquelles on arrange l’un
fur l’autre & deux à deux les creufets qui contiennent
le laiton ; ces creufets font bouchés de deux
couvercles bien lutés, & on les porte dans le fourneau
par le moyen d’un levier : il y à au devant du
f fourneau une porte quarrée de fer, qui s’élève & s’abaifle
avec une chaîne. On tient ainfi les creufets
pendant deux & trois heures à une chaleur égale &;
toujours la même. On fond chaque année dans cette
manufacture trois cens to n n de laiton.
La calamine d’Angleterre fe tire d’une mine de
plomb ; elle eft en grande partie chargée de ce métal,
& l’on en tire beaucoup de l’étranger pour l’ufage.
Manufacture de cuivre de M. Rajfaneau, établie près.
d’EJfone.
Il y a près d’Effone en France, dans l’endroit qu’on
nomme le Moulin-Galant, une manufacture où l’on
ravaillet le cuivre pour le difpofer à faire tous les
ouvrages dont les chaudronniers ont befoin pour
leur commerce. M. Raffaneau, propriétaire de cette
manufacture, y emploie plufieurs induftries qui ne
font point ailleurs , & que M. Duhamel Dumon-
ceau , dans la defeription qu’il en donne , s’eft principalement
attaché à faire remarquer.
Cette manufacture eflrdivifée en trois pièces ; dans
celle du milieu font les roues à aubes ; & aux deux
autres, les ufines dans chacune defquelles font trois
marteaux, deux fourneaux, dont l’un eft pour fon-
. dre & l’autre pour recuire ; des cïfailles, &c.
On ne travaille au M o u lin -G a la n t que des rofettes
du Lÿonnois, qui viennent des mines de Saint-Bel
& de Chefli. Ce métal eft d’une excellente qualité.
On le fait fondre dans un fourneau pêle-mêle avec
du charbon de bois. On en tire le métal fondu avec
une cuiller; & après avoir écumé les craffes, on le
coule dans des moules de cuivre qu’on a enduits en
dedans d’un peu de terre graffe pétrie avec de la
bouze de vache ; & pour que la fonte foit plus
régulière , on met dans le moule deux onces de
plomb fur cent vingt à cent trente livres de cuivre r
c’eft le poids d’une fonte ordinaire.
Les fondeurs prétendent que cette petite quantité
de plomb rend le bain plus uni & le métal plus
doux. Le plomb mêlé avec le cuivre, à raifon de
huit ou dix par cent, fait un métal fort aigre ; apparemment
qu’il n’en eft pas de même quand l’alliage
eft de un lur mille : car le cuivre qu’ils travaillent
eft fort doux.
Il paroît qu’on ajoute ici du plomb, afin de diminuer
la malléabilité du cuivre. La moindre portion
de ce métal fuffit pour produire cet effet. Dans les
mines de Saxe, on fait tout le contraire ; il faut employer
divers moyens pour dégager le cuivre de la,
trop grande quantité de plomb dont il eft chargé.
Il eft rare qu’on ait à battre une affez grande
& une affez épaifie table de cuivre pour y employer
un gâteau entier; c’eft pourquoi on le coupe par
tranches , qu’on recoupe encore par morceaux plus
petits.
Pour couper les gâteaux, on les fait rougir dans
un grand feu de charbon de bois r animé par de
grands foufflets.
Le fourneau doit être rétréci par en haut, pour
retenir & raflèmbler l’adivité du feu& des fouffletst