
de lilas, ou de ces couleurs qu’on appelle communément
gorge de pigeon.
Pulvérifez-la groffiérement , & mettez-la dans
une capfule de v erre, ou dans un matras , avec
deux onces & demie d’eau forte, affoiblie par une
pareille quantité d’eau. Laiffez palier la première
ébullition que produira l’aôion du dilTolvant ; après
cela , vous mettrez le vailfeau fur un bain de fable '
bien doux, & tenez-le en digeftion jufqu’à ce que
vous ne voyez plus de bulles d’air s’élever au travers
de la liqueur ; vous augmènterez alors la chaleur
pour le faire bouillir pendant un quart d’heüre.
Si la mine de cobalt eft de bonne qualité, la I
diffolution achevée aura la couleur d’une forte
bierre rouge ; lailTez-la refroidir, & décantez-la
une ou deux fois pour l’avoir bien claire , mais ne
la filtrez pas. ,
Verfez cette diflolution clarifiée dans une capfule
, avec une once de fel marin naturellement
blanc, ou lavé-, fi vous êtes obligé d’employer celui
de la gabelle.
Placez la capfule fur un bain de fable pour faire
fondre le fel en le remuant un peu avec une fpa-
tule de bois ou avec un tube de v erre, & pour
évaporer la liqueur. Il reftera au fond du vailfeau
une malle faline , prefqu'e fèche , que vous entrei-
tiendrez en poudre en la remuant. Si cette évaporation
fe faiioit en plus grande quantité , ou dans
un lieu étroit & fermé , çlle produiroit des vapeurs
dangereufes. Le plus fur eft d’en faire peu à la
fo is , & d’évaporer fous le manteau d’une cheminée
ou dans un lieu découvert.
Ne cherchez point à fécher parfaitement le fel
qui relie au fond de la capfule , de peur qu’en lui
donnant un-trop grand degré de chaleur, vous ne
lui falfiez perdre fa belle couleùr d’émeraude, & j
qu’il ne paffe au jaune fa le , car alors l’opération
feroit manquée; il faut qu’en fe refroidiffant il
prenne la couleur des rofes.
Vous mettrez ce fel dans un vafe de verre plus
haut que large ( dans une petite cucurbite, par
exemple) , aveclept à huit fois autant d’eau diftillée
prife au poids, & vous le lailferez fe dilfoudre peu
à peu fur un bain de fable fort doux ; l’eau prendra
une belle couleur de lilas, & vous la décanterez
doucement pour la garder dans un flacon bien
bouché.
Au fond du vaifleau où s’efl fait la diflolution du
fel couleur de rofe , il reftera une poudre qui ne fera
plus propre à rien , fi elle eft blanche ; mais', fi elle
a encore de la couleur, c’eft une marque que vous
n’aurez pas employé allez d’eau d’abord pour rendre
la diflolution complète ; vous y en remettrez de nouv
elle, autant que vous le croirez néceflaire pour
enlever toute la partie colorante ; & vous joindrez;
le refte de teinture à celle que vous aurez tirée en
premier lieu.
Vous ferez l’eflai de cette préparation en écrivant
avec la liqueur fur du papier bien blanc &
fuffifammeru collé vous fervant d’une* plume
I neuve ou bien lavée ; vous lailferez fécher les
cara&ères qui deviendront invifibles. Après cel
vous chaufferez le papier en le tenant au deffus
d’un réchaud plein de braife ardente ; l’écriture
prendra une couleur verte tirant fur le bleu , & £
■ gardera tant qu’elle aura un degré de chaleur fuffi.
fant ; mais elle difparoîtra fi vous faites refroidir
le papier ; & cette alternative fe répétera autant de
fois que vous le voudrez ; mais fi,p a r un degré
de chaleur un peu trop grand , l’écriture devient
d’un jaune feuille morte , elle ne difparoîtra plus.
Si vous voulez tirer, du cobalt deux autres couleurs
différentes , ©bfervez les procédés fuivans.
Quand vous aurez dilfous la mine de cobalt
dans de l’eau forte , au lieu de fel, marin mettez-
y en pareille dofe du falpêtre bien purifié, & faites
évaporer la liqueur. La maffe faline, en fe defféchant
prendra une couleur purpurine , qui blanchira dès
que vous verferez l’eau deffus pour la fondre •
mais cette eau deviendra une teinture couleur de
roje , qui difparoîtra en fe féchant fur le . papier
& qui renaîtra lorfqu’elle fentira le feu; *
^ Voulez-vous encore une autre couleur ? dans la
diffolution' de la mine de cobalt par l’eau forte
jettez peu à peu, de peur d’une trop grande fermentation
, du fel de tartre , jufqu’à ce qu’il n’occa-
fionne plus de mouvement dans la liqueur. Def-
féchez ce mélange par l’évaporation , vous aurez
un fel d’une belle couleur pourpre tant qu’il fera
chaud' ; il pâlit en fe refroidiffant ; mais fondu dans
l’eau il donnera une teinture qui fera fur le papier
un vcàvCincarnat qui difparoîtra en féchant, & qui
reparoîtra dès qu’il fera chauffé.
Si vous frottez unpemavec le crayon de mine
de plomb , l’endroit où vous voulez appliquer cette
liqueur-, au lieu de rouge incarnat, elle vous donnera
une nuance entre le rouge & le violet, qu’on
nomme communément gorge de pigeon.
A in fi, en préparant la mine de "cobalt avec le
fel marin, avec le nitre , & avec le fel de tartre,
on fe procure trois liqueurs qui ont la propriété
de difparoître & de reparoître , & qui donnent
quatre couleurs différentes.
Encre fympathique tirée du Safre.
Il eft plus facile d’avoir une encre fympathique
tirée du fafre.
Faites difloudre du fafre dans de l’eau régale,
autant qu’elle en pourra fondre à l’aide d’une douce
chaleur ; décantez cette diffolution autant de fois
qu’il le faudra pour l’avoir bien claire, & verfez-
y deA 1 eau diftillée en affez grande quantité pour
empecher que la liqueur brûle ou ne corrode le •
papier, quand vous écrirez avec la plume ; vous
aurez les mêmes effets que fi vous employez la
diffolution de la mine de cobalt préparée avec le
fel marin.
Ce que l’on écrira avec cette encre fympathique
ne paroîtra que lorfqu’on expofera le papier à une
chaleur modérée, ou aux rayons d’un foleil très-
, ' ardent;
ardent; & les caraâères feront d’une couleur verte,
femblables à ceux qu'on pourroit former avec le
verd d’eau qui fert à laver les plans.
Encre fympathique féline.
Un grand nombre de . liqueurs falines , telles que
celles produites par les acides minéraux , vitrioli-
fjue, nitreux & marin , affoiblis par l’eau ou par
l’allcali fixe végétal, & même le vinaigre diftUlé,
font propres à donner des encres fympathiques.
Quand on fe fert de papier un peu fort & bien
collé, & que les liqueurs falines qu’on emploie
font fuffifamment affoiblies, par exemple, d’une
once d?eau-forte communb mêlée avec trois onces
d’eau , l’écriture fe fèche. bien , devient invifible ,
& ne fe déforme point lorfqu’on la fait paroître
en mouillant le papier ; elle s’efface enfuite à me-
fùre que le papier fe feche : elle peut fe reproduire
& difparoître ainfi deux ou trois fois.
Encre fympathique tirée du bifmuth.
On fait une diffolution de bifmuth dans l’acide
nitreux ; on écrit avec cette diffolution des caractères
invifibles ; expofe-t-on le papier à la vapeur
du foie de foufre, qui eft un mélange d’alkali fixe
& de foufre , l’écriture paroît de couleur noire. Ces
vapeurs font fi défiées & fi aéiives-, .comme on l’a
dit plus haut, qu’elles peuvent même produire leurs
effets à travers un volume entier de papier : ainfi ,
qu’on écrive fur Un'e dés premières feuilles d’un
in-folio avec la diffolution de bifmuth , qu’on mette
enfuite fur la dernière feuille de ce livre un papier
imbibé de la diffolution du foie de foufre , les
vapeurs pénétreront à travers toutes les feuilles du
gros volume, & feront paroître l’écriture qui étoif
invifible, fous des traits noirs très-marqués.
On peut imaginer une infinité d’encres fympathiques
dont nous avons donné les-plus recherchées.
Il nous fuffira d’ajouter qu’on en peut faire de
prefque toutes les couleurs.
La diffolution d’or forme une encre fympathique
purpurine.
Nous avons vu que la mine de cobalt préparèe
avec le fel marin, le nitre ou le fel dè tartre, donne
une encre verte, rofe•, purpurine.
Le fafre procure uné encre verte.
La diffolution de vitriol vivifiée par une liqueur
faturée de bleu de Pruffe , produit une encre
bleue.
La diffolution d’argent en fournit une couleur
d'ardoife.
Enfin divers fucs des végétaux, tirés par infit-
fion , trituration & expreflion , peuvent auffi
donner des encres dè différentes couleurs, comme
nous;1-avons- rapporté ci-deffus;
Moyen d!écrire pendant lar nuit'.
On a effàyé d’écrire très-diftinâement la nuit
fans lumière', par une méthode fort {impie. On
Arts & Métiers. é/Tome II. Partie I,
a fous le chevet de fon lit une feuille de papier
blanc ,; roulée & applatie , avec un crayon : fi
l’on veut écrire , on prend le papier applati qu’on
fient couché dans fa main, ce qui fert de guide.
On écrit un peu gros & en abrégé ; enfuite on
roule le papier dans l’autre fens, & on le replie
pour reconnoître le côté fur lequel on n’a pas
encore écrit. ,
On a auffi. imaginé depuis quelque temps des
tablettes d’ivoire pour écrire dans la nuit. Ces-
feuilles d’ivoire entrent fous un cadre dont les' espaces
évidés fervent à diriger la main , de manière
que le crayon , en écrivant, ne puiffe s’éloigner
de la ligne droite.
Matières fur le(quelle s On peut écrire.
Il feroit trop long de fpécifier ici . toutes les différentes
matières fur lefquellies les hommes, en divers
temps & en divers lieux, ont imaginé d’écrire leurs
penfées ; e’eft affez de dire que récriture une fois
trouvée, a été pratiquée fur tout ce qui pouvoir la
recevoir. On l’a mife en ufagc fur les pierres , les
briques , les feuilles , les pellicules , l’écorce, le
liber des arbres : on l’a employée fur des plaques de
plomb , des tablettes de; bois , de cire & d’ivoire :
enfin on inventa le papier égyptien, le parchemin f
le papier de coton, le papier d’écorce ; & dans ces
derniers temps, le papier qui eft fait de vieux linge
ou de chiffons.
Dans certains fiécles barbares & dans certains
lieux , on a auffi écrit fur des peaux de poiflbns ,
fur des boyaux d’animaux , fur des écailles de tortues.
Mais1 ce font principalement les' plantes dont on-
s’eft fervi pour écrire ; c’eft delà que font venus les
; différens termes de biblos , liber, folium 9 filura »
fçheda , &c.
A Ceylan on écrivoit fur des feuilles de talipot ,
avant que les Hollandois fe fuffent rendus maîtres
i de eette île.
Le manufcrit bramin en langue tulingienne, en-
i voyé à Oxford, du fort Saint-George , eft écrit fur
i des feuilles d’un palmier du Malabar.
Herman parle d’un autre palmier des montagnes
, de ce pays-là, qui porte des feuilles pliées & larges
1 de quelques pieds ; les habitans écrivent entre les
plis de ces feuilles en enlevant la fuperficie de la
S j Aux îles Maldives, les habitans écrivent auffi fur
: les feuilles d’un arbre appelé macaraqueau, qui font
\ longues de trois pieds & larges d’un demi-pied.
Dans différentes contrées des Indes orientales
; les feuilles de mufa ou bananier fervoient à l’écri-
| tiare , avant que les nations commerçantes de l’Eu-
| rope leur euffent enfeigné l’ufage du papier.
i Ray nomme quelques arbres des-.Indes & d’Amé-
! rique dont lés feuilles font-très propres à l’écriture ;
de la fubftance intérieure de ces feuilles, on tire
une membrane blanchâtre , large & fine comme la
pellicule-d’un oeuf, & fur laquelle on écrit paffables
!