
plutôt petites que greffes ; ôn prend enfuite un
creufet cylindrique plus haut d’environ trois ponces
que les barreaux ou morceaux de fer que l’on
Veut convertir en acier.
On met au fond du creufet une couche d’une
poudre ou mélange qu’on nomme cément. La matière
de ce cément varie fuivant les manufactures ;
mais elles doivent contenir toujours beaucoup de
principe inflammable, pourvu cependant qu’il n’y
ait ni loufre, ni acide vitriolique, qui ramèneroient
le fer à l’état minéral ou pyriteux, & lui donne-
roient des qualités bien différentes de celles que
doit avoir le bon acier.
Les matières ordinaires dont on compofe le cément
, font les charbons de fubftances végétales ou
«animales mêlées avec des cendres , des os'calcinés ,
dé!s cornes, poils, ou peaux d’anim.iux.
M. Cramer propofe deux recettes de cerne»; pour
l ’acier , qui paroiffent très-bonnes les voici.
Prene{ poudre de charbon médiocrement pulvé-
t-ifée , une partie ; cendre de bois , une demi partie
; mêlez enfemble ces deux matières exactement.
Autre : Prenez poudre de charbon de bois 9 deux
parties ; o s , cornes, poils on peaux d’animaux
brûlés dans un vaiffeau clos jufqu’à noirceur &
réduits en poudre, une partie ; cendres de bois, une
demi-partie ; mêlez bien ces matières enfemble.
M. de Réaumur, qui a fait beaucoup de recherches
& d’expériences fur la fabrication de l’acier ,
parle de plufieurs autres céments qui font plus ou
moins avantageux. Il a remarqué que le fel com-
piun , le fel ammoniac , ou des fubftances qui
contiennent ces fels, leurs acides & les principes
dont ils font formés, contribuent beaucoup.à la
bonté du cément pour l’acier. Il en propofe deux.
Le premier qui eff le plus aâ;if> eft compofé de
feize oncès de fuie de cheminée réduite en charbon,
de huit'onces de charbon pilé , de huit onces de
cendres , & de cinq onces de fel marin.
Le fécond qui eft moins fo r t, eft compofé de
huit onces de fuie réduite en charbon , de huit
pnees de charbon pilé, de feize onces de cendres ,
& de quatre onces de fel commun.
On met donc au fond du creufet unç couche de
çément ; on place defîiis les barreaux de fer, qu’on
éloigne les uns des autres & de$ parois du creufet
, d'environ un pouce. On remplit enfuite exactement
avec le cément tous L • interftices, enforte
que le creufet en foit exactement plein, & que les
barreaux en-foient couverts d’une épaiffeur au
pioins de deux pouces. Il faut enfuite couvrir le
creufet avec un couvercle, & le luter bien exalter
ment avec de l’argile mêlée de fable. On le place
dans un fourneau où l’on a foin d’entretenir un feu
égal ; on l’y tient rouge & bleu pendant huit ou
dix heures. Après ce temps le fer fe trouye converti
en acier, d’autant meilleur que le fer étoit
lui même de la meilleure qualité. Cet acier fait par
la cémentation fe nomme acier-'poule.
Selon M. de Réaumur, il vaut mieux que les barç
reaux de fer foient pofés horizontalement fur le
creufet que verticalement ; c’eft pourquoi il pref-
crit de les mettre dans cette dernière fituation, dans
une caiffe de terre conforme à cet arrangement.
L’objet de cette opération eft de bien métallifer
toutes les parties du fe r , & de furcharger ce métal
du principe inflammable; mais fl le fer contenoit
des parties terreufes non métalliques , elles n’en
pourroient être féparées par la cémentation, parce
qu’il n’y a pas eu de fufion.
Une choie remarquable dans cette opération de
la cémentation , c’eft que le fer n’éprouve aucune
diminution de poids, & qu’il ne paroît aucune feorie
à fa furface, le fer même ainft changé en acier augmente
& de volume & de poids , par l’addition
d’une nouvelle quantité de matière que le fer prend
dans cette combinaifon.
Le meilleur fer forgé qui eft dans le commerce
n’eft jamais aufli exa&ement purifié des matières
étrangères que celui qu’on convertit en acier dans
les travaux en grand des ancres ; aufli on peut
dire en général que l’acier artificiel par cémentation
n’eft jamais aufli parfait que celui produit pas
la fonte.
L’açier, après avoir reçu les préparations dont
pn vient de parler, acquiert une couleur plus fom-
bre & plus brune que celle du fer. Il a le grain
beaucoup plus fin & plus ferré, il eft d’une du&i-
lité , d’une flexibilité , & d’une molleffe en quelque
forte plus grande ; mais la différence effentielle de
l’acier d’avec le fe r , la qualité qui le rend fl précieux
pour une infinité d’ufàges , & dans un grand
nombre d’arts , c’eft la dureté, extrême qu’il eft
alors en état d’acquérir par la trempe. Cette dernière
opération, toute Ample qu’elle eft, produit des effets
merveilleux,
J)e lu trempe.
L’opération de la trempe confifte à faire rôugir
l’acier, & à le plonger tout rouge dans l’eau froide
pour l’éteindre & le refroidir fubitement.
En un inftant toutes~les qualités de ce métal
font changées. L’acier, de du&ile & de prefque mqu
qu’il étoit, devient tout-à-coup fl dur & fi roide,
qu’il ne fe laiffe plus entamer par la lime ; il eft alors
en état d’entamer lui-même , de percer & de dm-
fer le» corps les plus durs ; il ne cède en aucune
manière au marteau, & fe laiffe plutôt brifer par
morceaux comme un caillou que de s’étendre. Il eft
fonnant, fragile , élaftique, & fufceptible de prendre
le poli le plus vif & le plus beau.
Une propriété' des plus fingulières & des plus
importantes de l’acier, c’eft de pouvoir diverflfier à
volonté fa dureté & fa duéfilité, fuivant l’ufage
qu’on en veut faire ; ce qui dépend principalement
du degré de f e ç , & de la qualité dé la trempe qu’on
lui donne.
En effet, plus l’acier eft chaud, & plus l’eau eft
froide quand on le trempe, plus il acquiert de dureté.
Mais il devient d’autant plus aigre & caffant,
qu’on
qu’on lui a donné par ce moyen une pliis grande
dureté. Cette trempe fl forte eft néceffaire pour
les limes & les outils deftinés à entamer des corps
très-durs.
Au contraire moins l’acier eft chaud quand on
le trempe, moins l’eau eft froide", & moins ce
métal acquiert de dureté ; mais en revanche il con-
ferve plus de duélilité, ce qui donne la facilité de
faire une infinité d’outils deftinés à divifer les
corps qui ne font pas de la plus grande dureté. Les
outils faits de cet acier, d’une trempe douce, font
moins fujets à s’épointer & à s’ébrécher que- ceux
qui font trempés fi fec.
Les degrés de la trempe, la bonté des outils,
& les qualités de l’acier dépendent, comme l’on
voit, de l ’habitude & de l’intelligence des ouvriers.
On a encore imaginé de tremper l’acier dans différentes
fubftances, comme dans du fuif, de l’huile,
de l’urine, dans de l’eau chargée de fuie, de fel
ammoniac & d’autres fels.
Ces pratiques particulières font la bafe de plufieurs
fecrets qu’on a dans différentes manufactures
d’acier.
Il y a des ouvriers qui font rougir & recuire leurs
ouvrages dans un feu de bois pour les adoucir &
les dreffer avant de les tremper, ce qui fait une
opération d’autant meilleure que ce recuit tient
l’acier dans fon prejnier état, fait qu’il fe tourmente
moins à la trempe, & qu’il eft moins fujet à fe
caffer ou à fe gauchir.
D ’autres ouvriers , après avoir fait rougir leur
fer à la forge , le plongent d’abord dans une eau qui
leur fert pour arrofer leur feu, l’en retirent fans
attendre qu’il foit totalement r e fro id ile font rougir
de nouveau & le trempent une fécondé fois
dans la même eau où ils le laiffent jufqu’à ce qu’il
foit entièrement refroidi.
Il y en a qui à la place de l’eau de forge fe fervent
de l’eau ordinaire, & cherchent une chaleur
égale & moins violente.
Plufieurs avant de tremper leur fer le font rougir
au charbon de bois.
Quelques-uns, particulièrement ceux qui font
des refforts de montres & de pendules, font un peu
chauffer l’eau avant d’y rien tremper, afin que leurs
refforts, n’étant pas furpris par l’eau froide, ne caf-
fent point à la trempe ; ils les font enfuite revenir
& recuire doucement fans les tremper une fécondé
fois, ce qui eft, à ce qu’on prétend, la meilleure de
toutes les méthodes.
On a éprouvé, dans quelques manufactures, que
la trempe faite dans l’huile ou dans la graiffe étoit
la plus fiire & la meilleure de toutes. Pour s’en
affurer, de trois refforts ou de trois outils faits d’un
même acier & rougis dans un même feu , on en a
jeté un dans de l’huile ou de la graiffe, un autre
dans l’eau, & le troifième dans l’urine ; on les a
fait revenir tous trois également fur une barre de
fer rouge, ou fur le feu. Tous les trois étant refroidis
, on a vu que celui trempé dans l’huile, quoique
Arts é* Métiers. Tome II. Partie II9
plus doux à la lime que celui trempé dans de l’eau
blanche , avoit cependant autant de force & de ref-
fort, & qu’il étoit moins fujet à fe caffer ; on a ob~
fervé que celui trempé dans l’urine n’en étoit ni plus
fort ni plus élaftique, & quoique plus dur à la lime,
il n’en étoit pas moins fujet à fe caffer totalement ou.
en partie lorfqu’on le trempoit.
On a encore obfervé cette différence entre les
trois, c’eft que les outils trempés dansTurine s’égrènent
& font d’un très-mauvais ufage, que ceux
trempés dans l’eau ont fouvent des caffures, ce qui
n’arrive point à ceux trempés dans l’huile. Ce qui
prouve que cette dernière trempe eft la meilleure
dont on puiffe fe fervir.
Pour donner une meilleure qualité aux outils qui
ont déjà été trempés dans l’eau, on peut les tremper
une fécondé fois dans la graiffe après les avoir
fait revenir : mais cette opération ne réuffit que pour
les petits outils, comme les lames des couteaux ,
cifeaux & autres.
Il eft donc d’une expérience confiante que toutes
les eaux dans lefquelles il y a du fel & des drogues
fortes, comme de l’a il, de l’urine, rendent
l’acier plus caffant ; quoique pour corriger en quelque
manière ces drogues , on ajoute de la fuie de
cheminée & des cuirs brûlés qui forment une efpèce
de graiffe.
Ceux qui travaillent aux refforts de montre doivent
d’autant plus fe fervir de la trempe à l’huile ,
que par là ils fe mettent en état de travailler dans
le grand froid, fans craindre que la trempe manque
, & que les refforts caffent, comme il arrive
quand on les trempe en hyver par un procédé different.
Trempe en paquet.
Il y a encore une manière de tremper l’acier fort
ufitée & fort bonne en ce qu’elle a l’avantage d’empêcher
l’acier de fe brûler à fa furface. C’eft celle
qu’on nomme trempe en paquet. Elle confifte à enfermer
dans une boîte de tôle remplie , fuivant
M. de Réaumur , d’une pâte compofée de fuie de
cheminée, de fel ammoniac, & de fuffifante quantité
d’urine, les morceaux ou outils d’aciér qu’on
veut tremper de cette façon , à faire rougir le tout
au degré convenable, & tremper la boîte fans l’ouvrir
, avec ce qu’elle contient.
Voici de quelle manière on procède.
Détachez de la fuie de cheminée la plus dure &
la plus compa&e ; broyez-la ave*c de l’urine ; rédui-
fez-la en confiftance de mortier ; formez une boîte
de grandeur convenable avec une feuille de tôle ;
étendez dedans un morceau de linge vieux, & mettez
au fond une couche épaiffe comme le doigt de
la fuie détrempée, fur laquelle vous placerez les
pièces de fer que vous voulez tremper, & vous
les recouvrirez d’une pareille couche de fuie.
Si tout votre fer ne peut tenir entre ces deux
premières couches, vous ftratifierez le' refte entre
la fécondé & une troifième ; vous replierez le linge
A a a a a