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redreffc les ouvrages de fer o rd in a ire s& c’eft la
feule méthode que j’aie enseignée ci - devant. Mais
comme on n’en pas toujours allez attentif au choix
des fontes, & que fouvent on n’a pas la patience de
pouffer l’adouciffement affez loin, il y a ordinairement
du rifque à redreffer au marteau les ouvrages
adoucis. Quand les entrepreneurs de la manufacture
dont je viens de faire mention , me parlèrent de cet
inconvénient par rapport aux palâtres , je leur pro-
pofai la maniéré de les redreffer, que je vais donner
içi : mais comme on avoit mon livre, & qu on
avoit fait depuis des expériences, on croyoit que je
ne pouvois plus donner d’idées neuves, ou qui apprirent
quelque chofe ; & l’on négligea de fe fervir
du plus {impie & duplus fur de tous les expediens. -
Les ouvrages qui fe plient, qui fe courbent dans
le fourneau fans fe caffer, nous apprennent clairement
que nous pouvons les redreffer , & meme,
s’il en eft befoin, leur donner une courbure qu’ils
n’avoient pas lorfqu’ils font fortis du moule ; & cela
aufli fans les caffer. Pourquoi dans le recuit fe courbent
ils fans fç caffer ? C’eft que quand ils fe courbent,
ils font ramollis, & que la force qui tend à
leur faire prendre le p li, agit avec lenteur ; qu’elle
ne contraint aucune partie à ceder brufquement.
Les parties qui commencent à céder, donnent aux
autres le temps de les fuivre. Voulons-nous redreffer
des ouvrages qui ont été adoucis ? donnons-leur
donc le même degré de chaleur qu’ils avoient lorfqu’ils
fe font courbés & ramollis au même point;
faifons les céder à une force qui agiffe doucement.
N’employons quelapreffion , & même qu’une pref-
fion lente ; mais ne les traitons point à coups de
marteau : avec une pareille méthode nous ne fâu-
rions manquer de rèuffir.
Il y a diverfes manières de la mettre en pratique,
que nous allons parcourir, en prenant pour exemple
des pièces de différentes formes. Si la pièce eft plate,
comme le font une platine de fufil, une entrée de
ferrure, &c. & qu’elle fe foit Courbée, on la fera
chauffer par-delà la couleur de cerife prefque blanche
; on la mettra alors entre les mâchoires d’un
étau ; enfuite on tournera avec lenteur la vis qui approche
fes mâchoires,l’une de l’autre; cette preflion
douce fera céder la pièce fans la caffer. Le fucces
me paroiffoit certain ; aufîi a-t-il été tel que je l’attendais
, par rapport même aux^pièces qui s’étoient
le plus voilées.
Pour des pièces plates & beaucoup plus grandes
que des platines, il faudroit avoir des etaux plus
grands que les ordinaires, o u , ce qui revient au
même, agrandir l’étau en rapportant contre chacune
de fes mâchoires deux plaques de fer de grandeur
proportionnée à celle de la pièce qu’on veut redreffer.
Nous n’indiquons l’étau que parce qu il fe trouve
dans prefque toutes les boutiques des ouvriers en
fer ; mais toute preffe produiroit le même effet, &
feroit même plus commode. Ceux qui voudront
adoucir beaucoup d’ouvrages de fer fondu, feront
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donc mieux d’avoir des preffes de fer les mêmes
pourront fervir à des ouvrages de différentes grandeurs.
La forme de ces machines, tant qu’il ne s’agira
que d’ouvrages plats, eft arbitraire ; ce qui contribuera
le plus à leur perfection, à les faire agir d’une
manière fûre, ç’eft que leurs vis aient des filets
très-inclinès ; plus ils le feront, & plus ces vis feront
propres à lutage o\i nous voulons _ies appliquer.
La main ne feroit pas toujours maîtreffe de faire
tourner avec affez de lenteur les vis dont les filets ne
font pas affez obliques.
Les pièces qui ont des ornemens , des parties très-
faillantes, ne feroient pas facilement redreffées entre
des furfaces plates. En faifant céder des parties qui
faillçnt trop , on pourroit en faire céder de celles
qui doivent faillir; les fleurons tels quils font en
ufage aujourd’hui pour les balcons & les grilles,
nous donnent des exemples de ces fortes de pièces.
Pour leur faire reprendre exa&ement la figure qu’ils
avoiçnt en fortant du moule, il faut un autre fleuron
qui ait en creux tout ce qu’ils ont en relief, & au
contraire ; ce fleuron maflif fera arrêté dans l’étau
ou dans la preffe, & ce fera fur celui - ci qu’on pref-
fera l’autre. On introduira de petites pièces de fer
dans les endroits de la preite qui ne s’appliquent
pas contre des parties qu’on veut faire ceder, afin
qu’au moyen du fer introduit, la preffe agiffe fur les
endroits où elle ne pourroit agir immédiatement.
Mais pour les redreffer plus parfaitement, il faudroit:
ayoir deux fleurons matrices, dont l’un feroit moule
fur une des faces du fleuron, tel qu’il doit etre quand
il eft droit, & l’autre fur l’autre. Entre ces deux matrices
, on feroit reprendre au fleuron exactement fa
première figure : ces pièces feroient moins chères
qu’on ne fe l’imagine. Le gros de la for me du fleuron
leur fuffiroit; ceux qui font moulés doivent s’y redreffer
, & non s’y imprimer. Quand on fond des
fleurons, on en fond des centaines & même des milliers:
ainft l’on ne doit pas plus craindre la dépenfe
des deux que nous propofons., qu’on n’a çraint la
dépenfe de celui qui fert de modèle.
Il n’eft pas néceffaire d’avertir que tous les ouvrages
qu’on voudra redreffer dans des matrices, dans
des modèles pareils à ceux que nous venons d’indiquer
, doivent être ébarbés ; autrement ils ne re-
trouveroient plus leur place. Mais un avçrtiffement
qui ne doit pas être oublié, c’eft que les^ matrices
foient plus grandes que les premiers modèles.
Des ouvrages, creux, fans être chargés d’orne-
xnens , comme font des cafferoles, des marmites,
feront encore plus aifés à redreffer. Il ne s’agit que
de faire reprendre à ces dernières pièces la rondeur
qu’elles ont perdue, & pour cela d’avoir des mandrins
de différens diamètres, dont le plus grand fera
précifément égal au diamètre intérieur du vafe. Ces
mandrins feront introduits les uns après les autres
dans la marmite ou la càfferole qu’on aura fait
chauffer au point néceffaire. On pourroit les faire
entrer en les pouffant à bras ; mais le mieux fera
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d’avoir une preffe où l’on puiffe placer le v afe , &
où l’on puiffe rapporter fucceflivement ces différens
mandrins. Deà mandrins de bois pourroient fuffiré.
On les fera de métal, ou on les recouvrira de lames
de fer, fi on veut les rendre plus durables.
Pour redreffer les palâtres , au lieu de mandrins
ronds, on n’a qu’à en employer de quarrés. On épargnera
la peine & les frais de chauffer de nouveau les
pièces à redreffer, fi on les tire du recuit avant d’avoir
laiffé affoiblir le feu, & l’on fera fur alors qu’elles
auront le degré de chaleur convenable ; on ne
les tirera qu’une à une ;. dès que la première aura,
été redreffée, on en tirera une fécondé, & ainfi de
fuite. Les pièces qu’on voudra redreffer dans des
moules , comme les fleurons , ne peuvent pourtant
l’être au fortir du recuit, parce que nous avons dit
qu’il eft néceffaire de commencer par les ébârber.
Il y a aufli telle pièce à qui on ne fauroit faire
reprendre fa forme dans une feule chaude ; elle peut
perdre le degré de chaleur qui la met en état de céder
fans rifque, avant d’avoir affez cédé ; fi cependant
on vouloit faire la dépenfe de preffes de fer qu’on
feroit rougir avant d’y porteries ouvrages, le re-
dreffement s’achèveroit toujours dans une chaude.
Mais s’il faut chauffer de nouveau des ouvrages
à redreffer,; qu’ôn évite , autant qu’il fera poflible,
de fe fervir du feu de la.forge ; on n’eft pas toujours
affez maître de le modérer : d’ailleurs il n’eft pas
aifé de juger fi la pièce qui chauffe au milieu des
charbons, a pris le jufte degré de chaleur néceffaire.
Quand la pièce n’eft pas affez chaude, elle
• eft expofée à fé caffer , & trop de chaleur la peut
fondre. Le plus fur fera donc de faire chauffer les
ouvrages dans des fourneaux pareils à ceux où fe
font les recuits, ou dans des efpèces de grands creu-
fets quarrés. On fe fouviendra aufli qu’il eft plus
aifé & plus fûr -de redreffer une pièce courbe que
de courber une pièce droite. Dans la première opération,
rien ne tend à féparër les parties du métal
les unes des autres. Il n’en eft pas de même dans la
fécondé aufli demande-t-elle un redoublement
d’attention.
. 'Le redreffement des ouvrages fe fera donc toujours
fans rifque, tant qu’on n’emploiera que la
preflion ; pour la percuflion, elle eft à craindre : elle
ne laiffera pas néanmoins de réuflir, fi elle eft employée
par un ouvrier adroit & exercé ; il faura modérer
les coups du marteau ; au lieu d’un marteau,
. fouvent il ne fe fervira que d’un maillet de bois. Il
aimera mieux multiplier les chaudes, que de trop fatiguer
la pièce dans les premières. J’ai vu des ouvriers
qui en caflbient très-peu, parce qu’ils avoient toutes
ces attentions. -
Enfin voici un moyen auquel on peut avoir recours
pour empêcher des balcons enduits de fe voiler
pendant le recuit. Il peut être d’ufage pour tous
•les ouvrages qui ont beaucoup d’étendue & peu
d’épaiffeur. Au lieu de les pofer à plat dans le fourneau
, j’imaginai de les mettre verticalement, & de
les y tenir fufpendus par des crochets; ils y poür-
Arts & Métiers. Tome II. Partie II.
rolent avoir un mouvement de pendule. Les charbons
qui tomboient de chaque côté d’un balcon ne
le preffoient point. L’idée qui m’avoit déterminé ,
à tenter cette pofition , eft que la ,force qui agit
pour courber le balcon, quelque part qu’elle fe
place, agit toujours comme celle qui eft appliquée
à un levier. Pour agir avec fuccès, il faut qu’un
point d’appui fe trouve quelque part; il faut de la ré-
fiftance. O r , le balcon étant fufpendu en l’air, j’ôte
prefque tous les points d’appui fixes qu’auroit donnes
le fourneau. Il ne refte plus que ceux dë fufpenfion,
& ceux qui peuvent fe trouver dans la pièce même,
mais qui ne font point aufli folides que ceux que le
balcon auroit dans toute autre pofition. Ce qu’il y a
de fur, c’eft que les balcons que j’ai fait recuire de
cette façon, ne fe font aucunement voilés , & j’en
ai fait recuire d’une feule pièce qui avoient plus de
quatre pieds & demi, fur environ trente de hauteur.
Le vrai eft que je n’ai pas fait répéter cette expérience
bien des fois.
Quelques pièces, comme des palâtres & de$
gâches, qui avoient été tirées douces du recuit,
après avoir été redreffées , n’ont plus été trouvées
affez limables ; cet accident n’eft pas arrivé affez de
fois pour que j’en aie pu bien démêler la caufe : la
preflion feule ne me paroît pas avoir été capable de
produire un pareil effet. Je ne fais fi les pièces qu’on
a chauffées ont eu trop chaud, ou fi elles étoient
trop fufceptibles delà trempe, & qu’elles ont été
refroidies trop fubitement ; mais ce que je fais, c’eft
que les ayant fait couvrir de charbons noirs qu’on
a allumés peu à peu , & qu’on a laiffé confumer
fur ces pièces, & que les pièces n’ayant été retirées
de deffous la cendre que quand elles ont été
froides, alors elles ont été très - limables.
io°. Tentatives faites pouf adoucir la fonte en fu-
Jîon, & pour conferver douce pendant la fufion celle
qui a été mife dans-de^ creufet.
Quelque faciles, quelque prompts que nous ayons
rendu les recuits , il feroit encore mieux de pouvoir
fe difpenfer. de les faire. Ce feroit épargner une façon,
& , ce qui eft beaucoup plus, les rilques où elle
expofè. Nous avons donné des moyens d’empêcher
les-ouvrages de fe voiler , des moyens de redrefler
ceux qui le font voilés , de les défendre des écailles ,
de lés mettre, à l’abri,de fe brûler: mais tout cela
demande des ouvriers certaines attentions qu’il
vaudroit mieux ne pas exiger d’eux. Rien ne feroit
1 plus commode que de pouvoir réparer les ouvrages
de fer immédiatement après qu’ils feroient fortis du
moule, comme on répare ceux de cuivre, & des
autres métaux.
Nous avons vu qu’il n’eft pas néceffaire que tous
les ouvrages fondus aient des fibres ou des lames.
Il y en a une très-grande quantité, à qui il fuffit
d’être aifés à limer, à réparer, à percer: on n’a
même en v u e , en les adouciffant, que de les rendre
doux jufqu’à ce point. O r , ne pourroit-on point en
retirer de tels du moule, même dans lequel ils auroient
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