
force , ni la magnificence de la première, ni la
fimplicité de la fécondé ; elle approche de toutes
les deux, mais fans leur reffembler ; elle reçoit dans
fa compofition, toutes fortes de mouvemens & de
variétés ; fon eflence eft de paroître plus prompte
& plus animée que les autres écritures ; elle demande
dans fon exécution , de la facilité ; dans fon expédition,
de la vitefle ; dans fa pente, de la régularité ;
dans fes liaifons , de la fineffe ; dans fes majeures ,
du feu & des principes ; & dans fon toucher, un frappant
qui donne du relief avec de la douceur. Son
accefloire ne doit être ni trop chargé, ni trop uni.
Cette écriture , fi ordinaire à tous les états, n’eft
nullement propre à écrire le latin.
Composition d e dif férente s Encres.
Les trois principales drogues qui fervent à la compofition
des encres , font la noix de galle, la cou-
perofe verte & la gomme arabique.
La noix de galle eft bonne , lorfqu’elle eft menue
, très-velue , ferme ou bien pleine en dedans,
& qu’elle n’eft point poudreufe.
La bonne couperofe fe connoît, quand elle eft
de couleur célefte, tant dans l’intérieur que dans
l’extérieur.
La gomme arabique eft bonne, lorfqu’elle eft
claire, & qu’elle fe brife facilement.
L’encre doit fa couleur noire, qui fe détache fi
bien fur le papier blanc, à la matière ferrugineufe
de la couperofe , qui fe trouve féparée de fon acide
par la noix de galle ; matière végétale, dont la propriété
eft de faire paroître le fer fous la couleur noire,
en lui fourniffant un phlogiftique huileux.
On s’affure, par une expérience fort curieufe,
que l’encre ne doit fa couleur noire qu’au fer : pour
cet effet, on verfe de l’acide nitreux dans de l’encre ;
à l’inftant elle devient blanche , tranfparente , parce
que cet acide diffout le fer. De l’arrangement différent
des parties, réfulte la tranfparence de la liqueur.
Si on verfe enfuite dans l’encre de l’alkali,
l’acide fe joint à l’alkali, quitte le fer , qui alors fait
reparoître l’encre dans fa couleur noire.
Encre ordinaire.
Dans la difficulté où on eft quelquefois , fur-tout
en campagne, d’avoir de bonne encre, on trouvera
ici un procédé, au moyen duquel on peut fe procurer
foi-même une encre excellente.
On prend une livre de noix de galle, fix onces
de couperofe verte ; de gomme arabique, fix onces ;
de bierre ou d’eau commune , quatre pintes : on
concaffe la noix de galle dans un mortier ; on la.fait
infufer pendant vingt-quatre heures fans bouillir ;
©n y ajoute en même temps la gomme concaffée qtfî s’y diffout ; enfin on y met la couperofe verte
ou le vitriol vert réduit en poudre ; la liqueur à
l ’inftant devient noire : on paffe ce mélange par un
tamis de crin, fur lequel refte la matière concaffée
de la noix de galle, & on obtient une encre très-
Jbonne*
Encre à Vufage des Maîtres Ëcrivainf.
Il faut prendre quatre onces de noix de galle
les plus noires , épineufes & non trouées, & le’s
concaffer feulement; un morceau de bois d’Inde
gros comme une moyenne plume , & long comme
le petit doigt, que l’on réduit en petits morceaux •
un morceau d’écorce de figuier, de la groffeur de
quatre doigts : on mettra ces trois choies dans un
coquemar de terre neuf, avec deux pintes d’eau
du ciel ou de rivière , mefure de Paris : on fera
bouillir le tout jufqu’à diminution de moitié, en ob-
fervant que la liqueur né fe répande pas en bouillant.
Enfuite on prendra quatre onces de vitriol romain
, que l’on fera calciner , & une demi-livre ou
plus de gomme arabique. On mettra le vitriol calciné
dans un linge, & on l’attachera en mode de
poupée. On mettra la gomme dans un plat de terre
neuf. On pofera dans le même plat la poupée ou
fera le vitriol ; puis, quand l’eau fera diminuée,
comme on vient de l’expliquer, on mettra un linge
blanc fur le plat dans lequel fera la gomme & la
poupée de vitriol, & l’on paffera l’encre toute bouillante
par ce linge , laquelle tombera dans le plat
qui fera pour cet effet fur un réchaud de feu : prenez
garde pourtant qu’elle ne bouille pas dans ce
plat, car alors l’encre ne vaudrait rien. On remuera
l’encre en cet état avec un bâton de figuier, affez
gros pour empêcher la gomme de s’attacher au fond
du p lat, & cela de temps en temps. On preffera la
poupée de vitriol avec le bâton, & on effaiera cette
encre de moment en moment, pour lui donner le
degré de. noir qu’on voudra , & jufqu’à ce que la
gomme foit fondue.
On peut recommencer une fécondé fois fur les
mêmes drogues, en y ajoutant pareille quantité
d’eau , de bois d’Inde & d’écorce de figuier : la fécondé
fe trouve quelquefois la meilleure.
Cette encre, qui eft très-belle , donne à l’écriture
beaucoup de brillant & de délicateffe.
Autre. Prenez une once de gomme arabique bien
concaffée ; deux onces de noix de galle triée, & aufli
bien concaffée ; trois ou quatre petits morceaux de
bois d’Inde, & gros comme une noix de fucre
'Candi.
Il faut, dans un pot de terre verniffée, contenant
cinq demi-fetiers, faire infufer, dansune pinte
de bierre rouge ou blanche , les quatre drogues ci-
deffus , pendant trois quarts d’heure ,. auprès d’un
feu bien chaud , fans bouiltir ; enfuite on y mettra
une demi-once de couperofe verte, que l’on laif-
fera encore au feu pendant une demi-heure, toujours
fans bouillir. Lorfque l’encre eft faite , il faut la paf-
fe r , & la mettre à la cave pour la mieux conferver.
Cette encre eft très-belle & très-luifante.
Voici deux autres recettes pour faire de l’encre,’
indiquées par Lémery & Geoffroi.
Prenez , dit Lémery, eau de pluie, fix livres ;
noix de galle concaffées, feize onces ; faites-les
bouillir à petit feu dans cette eau jufqu’à rédu&io»
Aec deux tiers ; ce qui formera une forte deco&iori
iaunâtre , dans laquelle les noix de galle g a geront
plus; jetez-y gomme arabique pulvénlée,
deux onces ,'que vous aurez fait diffoudre auparavant
dans du vinaigre en quantité lufhlante;
mettez enfuite dans la décoéhon, couperole ou
vitriol romain , huit onces ; donnez encore a votre
décoftion , devenue noire , quelques légers bouillons
, laiffez-la repofer ; enfin verfez-la doucement
& par inclinaifon dans un autre vaiffeau pour votre
U 3j f 3 | Prenez , dit Geoffroi, eau de rivière ,
quatre livres ; vin blanc, deux livres ; noix de galle
d’Alep pilées , fix onces : macérez pendant vingt-
quatre heures, en remuant de temps en temps votre
infufion ; faites-la bouillir enfuite pendant une demi-
heure en l’ècumant avec un petit bâton fourchu,
élargi par le bas , retirez le vaiffeau du feu ; ajoutez
à votre décoction gomme arabique , deux onces ;
vitriol romain, huit onces ; alun de' roche, trois
onces ; digérez de nouveau pendant vingt-quatre
heures ; donnez-y maintenant quelques bouillons ;
enfin paffez la déco&ion refroidie , au travers d’un
linge.
Encre perpétuelle 6* indélébile•
Voici deux procédés qui ont paru les meilleurs
pour faire une encre qui rèfifte à l’effet du temps.
Il faut mettre dens un flacon d’environ trois
chopines, pour compofer un vide fuffifant qui
laiffe à la liqueur la liberté du mouvement,
i°. Une pinte de bon vin blanc ;
a0. Une demi-livre de bonne noix de galle con-
eaffée ;
3°. Quatre onces de couperofe bien calcinée &
réduite en poudre ;
4°. Une demi-once de gomme arabique.
Vous mettrez fur le champ un bouchon de liège
au bocal, & vous l’agiterez pendant quelques mo-
mens. Il faut réitérer la même chofe pendant trois
©u quatre jours , aorès quoi l’on peut fe fervir de
l’encre. Elle eft paffable du foir au matin.
Pour conferver long-temps ce fonds d’encre;
lorfqu’on en prend dans une petite fiole pour la
provifion d’un mois, par exemple , il faut avoir foin
de remplacer autant de vin blanc, & de l’incorporer
, en agitant de nouveau la bouteille.
Quand, par la fuite , elle deviendra foible après
chaque rempliffage , on l’expoferâ d’abord une
heure ou deux aii foleil, & enfuite plus long-temps,
à proportion du befoin.
Lorfque enfin , après quelques années , la vertu
des drogues paroîtra épuifée, on ceiïera de remplir
; mais, fi elle fe trouve alors manquer de force,
©n tiendra la bouteille débouchée pendant le temps
»éceffaire pour évaporer affez la liqueur, & donner
au refte la confiftance defirée. Le vin qu’on
emploiera , doit être bien nêt, & fans aucun loup-
çoa de graiffe ; plus il fera v if 7 plus il fera propre
à la fermentation ; s’il étoit plat ou v e r t, on auroit
befoin de foleil dès le commencement.
Il eft important de bien choifir la noix de galle*
La bonne eft noire , dure , pefante & luifante : il
faut rejeter abfolument celle qui eft blanchâtre,
molle 61 légère ; elle ne vaut rien.
L’inftrument le plus commode pour calciner la
couperofe, eft la cuiller de potier d’étain : c.’eft
l’affaire d’un moment avec un feu fuffifamment vif.-
Le fécond procédé confifte à faire ce qu’on nomme
encre double.
On prend, pour cet effet, fix onces de bonnes
noix de galle, des plus brunes; ajoutez-y quatre
à cinq onces de couperofe verte ; une once d’alun,
de roche; une once dégommé d’Arabie ou du Sénégal
; une demi-once de bois d’Inde fin, ou d indigo
en petits pains, avec une once de fucre commun
: faites bien écrafer le tout dans un mortier ,
le plus menu qu’il fera poffiblè , & verfez ces drogues
enfemble dans une bouteille d’environ deux
pintes & demie, mefure de.Paris ; vërfez enfuite
dans la même bouteille, deux pintes ou quatre livres
d’eau froide de neige , ou , à fon défaut, d’eau de
pluie ; bouchez enfuite bien la bouteille, & re-
muez-la fept à huit fois chaque jour, pendant cinq
• à fix jours ; vous aurez de la très-bonne encre, laquelle
ne jaunira point : chaque fois qu’on en puife ,
il faut auparavant bien remuer la bouteille.
Lorfque l’encre fera epuifée, il ne faut pas jeter
le marc , mais y remettre par deffus la même quantité
des différentes, drogues & eau que ci-deffus :
on aura de l’encre, dont l’écriture fera ençore d’un
plus beau noir que celle de la première ; mais cette
encre ne devient très-noire que le lendemain qu’oit
a écrit.
Encre grife,
L’encre grife fe fait de la même manière Sç avec
les mêmes drogues que l’encre noire , à l’exception
de la couperofe verte que l’on n’y met point. On ne
doit la laiffer au feu qu’une bonne heure fans bouillir^
on paffe cette liqueur, & on ia met à la cave.
L’encre grife fe mêle dans le ‘cornet avec l’encre
noire ; on en met moitié de l’une & moitié de l’autre ?
fi l’encre cependant étoit trop foncée ou trop épaiffe*
il faudroit augmemçr la dole de l’encre grife, pou£
la rendre piuslegère & plus coulante,
Encre pour le parchemin,
Toutes fortes d’encres ne conviennent point pour
écrire for le parchemin ; la luifante devient jaune ;
la légère boit, & la trop gommée s’écaille : en voiçi
une qui eft exempte de ces inconvéniens,
Prenez un quarteron & demi de noix de galle, de
la plus noire , 6ç un quarteron & demi de gomme
arabique , demi-livre de couperofe de Hongrie , 6c
faites piler le tout dans un mortier; puis vous mettre?
le tout enfemble dans une cruche dç terre, avec-
trpis pintes d’eau de pluie, ou de vin blanc, mefure
i de Paris, Il fout avoir foin pendant trois ou quatre
X * ij