
qui, expofant au feu une bande de glace de miroir,
nient l’aigrette : l’un tient la bande de glace au
feu ; l’autre tire le fil & le porte fur le dévidoir,
qu’il fait tourner de la plus grande viteffe, & qui
le charge fuccefîivement d’un écheveau de f i l de
verre d’une fin elfe incroyable , fans qu’il y ait rien
de plus compofé dans cette opération que ce que
nous venons d’en dire.
Lorfque l’écheveau eft formé, on l’arrête & on
le coupe à froid de la longueur qu’on veut : on lui
donne communément depuis dix pouces jufqu’à
douze; On fe fert pour le couper de la lime où du
couperet, qui fait fur l’émail l’effet du diamant ;
il l’entaillé légèrement , & cette entaille légère
dirige fùrement la caffure , de quelque groffeur
que l'oit le filer.
Tous les émaux tirés à la lampe font ronds ; fi
l’on veut qu’ils foient plats , on fe fert pour les
applatir d’une pince de fer dont le mords eft carré :
il faut fe fervir de cette pince , tandis qu’ils font
encore chauds.
On verra d’autres ouvriers qui fouffleront de la
poudre brillante. Le fecret de cette poudre confifte
à prendre un tuyau capillaire de verre ; à en ex-
pofer l’extrémité au feu de la lampe, enforte qu’elle
fe fonde & fe ferme, & à fouffler dans le tube :
l’extrémité qui eft en fufion forme une bouteille
d’un fi grand volume , qu’elle n’a prefque plus
d’épaiffeur. On laiffe refroidir cette bouteille, &
on la brife en une infinité de petits éclats : ce font
ces petits éclats qui forment la poudre brillante.
On donne à cette poudre des couleurs différentes,
en la compofant des petits éclats de bulles formées
de verres de différentes couleurs.
Les jayets facüces, donton fe fert dans les bro-
deriès , font aufli faits d’émail. L’artifice en eft te l,
que chaque petite partie à fon trou par où la foie
peut pafler. Ces trous fe ménagent en tirant le tube
creux en long. Quand il n’a plus que le diamètre
qu’on lui v e u t , on le coupe avec la lime ou le
couperet. Les maillons dont on fe fert dans le montage
des métiers de plufieurs ouvriers en fo ie , ne
fe font pas autrement.
On fait avec l’émail des plumes avec lefquelïes on
peut écrire & peindre. On en fait aufli des boutons :
on a des moules pour les former, & des cifeaux
pour les. couper.
On en travaille des yeux artificiels ; & il y a des
ouvriers à Paris qui les font en imitant fi parfaitement
les couleurs de l’oeil fain , que l’on ne s’ap-
perçoit pas que celui qui porte un oeil artificiel ,
foit privé de l’un de fes yeux. Voyeç planche XII
de l’Êmailleur.
Lorfque l’émailleur travaille, il eft affis devant
fa table, le pied fur la marche qui fait hauffer &
bailler ,1e foufflet, tenant de la main gauche l’ouvrage
qu’il veut émailler, ou les fils de fer ou de
laiton qui ferviront de foutien à fa figure, con-
duifant de la main droite le fil d’émail amolli par
le feu de la lampe, & en formant des ouvrages
avec une adreffe & une patience également admirables.
Il eft très-difficile de faire à la lampe de grandes
pièces ; on n’en voit guère qui paffent quatre
cinq, fix pouces.
Un ufage affez important de la lampe de le-
mailleur, c’eft aufli de pouvoir facilement y réduire
une petite quantité de chaux métallique , ou y
eflayer une pareille quantité de minéral. Pour cet
effet, il faut pratiquer un creux dans un charbon
de bois , y mettre la chaux à réduire, ou la matière
à fondre, & faire tomber deffus la flamme de la
lampe. On voit que c’eft encore un moyen très-
expéditif pour fouder.
Cadran d’émail.
Le cadran d’émail eft une plaque de cuivre
émaillée , fur laquelle on peint les heures.
Pour faire un cadran d’émail , on prend une
plaque de cuivre rouge fort mince, à laquelle on
donne la courbure que doit avoir le cadran : on a ,
pour cela , un morceau de bois creufé au tour, de
la courbure approchante du cadran ; avec un marteau
à tête & un peu arrondie, on fait aifément
prendre la courbure à la plaque ; on l’applique fur
la faufle plaque, & on marque les trous des tenons
percés à la faufle plaque : pour faire ces tenons,
on prend du fil de cuivre rouge tiré, qui foit de la
groffeur des trous de la faufle plaque ; on lève une
petite portée aux bouts de ces tenons, qui ferve
d’afliette pour les river fur la plaque du cadran :
on perce les trous de la plaque , de la groffeur
des pivots des tenons ; ces pivots ne peuvent être
qu’un peu plus petits que les tenons, afin d’être
folides : quand on a rivé ces tenons , on les foude ;
on prend pour cela , de la foudure faite avec du
cuivre rouge & du laiton , dont le mélange eft à
peu près pareil à celui de nos pièces de fix liards ;
ou pour le mieux , on fe fervira de petit fil de
laiton tiré ; on emploie du borax, ainfi que cela
fe pratique toutes les fois que l’on foude.
Quand les tenons font foudés, on les redreffe
pour les faire entrer dans les trous de la faufle
plaque ; on marque le trou du remontoir fait à la
faufle plaque ; on agrandit le trou du centre, de
manière qu’il coïncide avec celui de la faufle plaque:
pour cet effet, tandis que la plaque du cadran eft
pofée fur la faufle plaque , on rejette avec ,une
lime à feuille de fauge , le trou de la plaque, jufqu’à
ce qu’on voie que ce trou eft concentrique avec
celui de la faufle plaque ; mais on fait cette opération
avant qu’il foit agrandi, parce qu’il eft né-
ceflaire, pour l’amener à la grandeur du trou de
la faufle plaque, de fe fervir d’un aléfoir que l’on
fait entrer par deffous, & qui, en agrandiffant le
trou de la plaque, forme par deffus un petit rebord
qui fert à,arrêter l’émail, afin d’avoir un trou plus
net ; on agrandira de cette manière le trou de la
plaque, jufqu’à ce que l’aléfoir porte dans le trou
de la faufle plaque ; ainfi, en tenant l’aléfoir bien
perpendiculaire
nerpendiculaire au plan de la faufle plaque, le trou
du cadran coïncidra parfaitement avec celui dê la
faufle plaque. '
Pour faire le trou de carré de remontoir a la
plaque, on aura les mêmes attentions; ainfi on le
mettra d’abord droit avec celui de la plaque, &
quand il le fera, le trou étant plus petit qu’il ne
faut, on prendra un aléfoir que l’on fera entrer
par deffous, & qui, en même temps qu’il agrandira
le trou de la plaque , formera au deffus un petit
rebord pour contenir l’émail ; mais on obfervera
qu’en formant ce trou , & en l’amenant à la grandeur
de celui de remontoir fait à la fauffe plaque ,
que s’il n’étoit pas bien droit au deffus de celui de
la fauffe plaque, lorfque l’aléfoir touchera au trou
de remontoir, les tenons flèchiroiént & céderoient
à l’effort de l’alefoir contre le trou de la plaque ;
& que par conféquent le trou du centre de la plaque
fe déjetteroit & ne feroit plus concentré à la faufle
plaque; c’eft pour prévenir cet inconvénient, qu’il
faudra faire entrer à force dans le trou du centre,
ou un fécond aléfoir, ou un arbre liffe, qui fer- .
vira à retenir le trou à fa plaque , en tenant cet
aléfoir ou arbre liffe toujours droit ; mais pour
arrêter la plaque plus fixement , on pincera en-
femble les bords de la plaque & de la fauffe plaque,
avec deux tenailles à vis, mifes l’une d’un côté & '
l’autre de l’autre.
Pour donner la grandeur requife à la plaque du
cadran, & la rendre bien ronde, on prendra avec
le compas , ayant fa pointe à champignon , la
grandeur du trait fait fur la fauffe plaque, pour le
bord.du cadran; & avec la même ouverture de
compas, on marquera ce trait fur la plaque ; on
coupera l’excédent avec des cifeaux.
Manière de préparer l’émail pour faire un cadran.
L’émail que l’on emploie, pour les cadrans, eft
une préparation comme du verre, auquel on a ôté
ù tranfparence, & que l’on a rendu blanc. Pour
émailler un cadran, on réduit l’émail en grains de
fable, & en y ajoutant de l’eau, on en forme une
pâte, que l’on étend également fur toute la furface
de la plaque de cuivre rouge, & q u i, mife dans
un fourneau de réverbère, fe met en fufion , &
devient unie ; c’eft fur cette furface que l’on peint
les heures avec un émail noir qui fe met aufli en
fufion par le feu.
Celui que l’on emploie pour les cadrans , ou
tout au moins le meilleur , fe tire de Venife. Il
y a deux fortes d’émail , le dur & le tendre : on
diftingue le tendre du dur, en ce que le premier
eft tranfparent , & que l’autre eft opaque , &
qu’étant caffé, il offre des pores plus unis ; celui-ci
eft préférable & prend un très-beau poli ; mais il
faut un feu plus violent pour le mettre en fufion.
L’émail fe vend en pain : pour L’employer , on
brife ces pains en petits morceaux, & on les pile 4ans un mortier d’acier trempé, jufqu’à ce qu’on
’es ait réduits en grains bien fins, oc à peu près
Arts & Métiers. Tome IL Partie IL
d’égale groffeur. Pour empêcher que les éclats de
l’émail ne fortent hors dp mortier, on en recouvrira
l’ouverture avec un linge propre , & on jettera
dans le mortier un peu d’eau de fontaine fort
claire; on réduira ainfi l’émail, jufqu’à ce qu on
le fente fous le doigt comme du fable fin ; car il
ne faut pas le réduire en poudre.
Lorfque l’émail eft ainfi pilé , il faut le mettre
dans un vafe de verre, dans lequel on verfe de
l’eau de fontaine très-claire; on remue l’ émail,
enforte que cela faffe une eau blanche ; on le laiffe
enfuite dépofer ; puis on ôte l’eau en inclinant
doucement le vafe : cette eau emporte les faletés
qui fe font introduites dans l’émail en le broyant;
on lave ainfi à plüfieurs fois l’émail, & jufqu à ce
que l’eau refte claire. On conferve les parties qui
reftent dans l’eau dont on lave l’émail, pour employer
au contre-émail j c’eft-à-dire, en deffous de
la pièce qu’on veut émailler.
Quand on a bien lavé l’émail, on le laiffe dans
un vafe de verre , & on jette deffus de 1 eau-forte
en quantité fuffifante , pour qu’elle fumage 1 email
de quelques doigts ; on laiffe pendant douze heures
l’émail dans l’eau-forte. On appelle cette opération
dérocher ; elle fert à nettoyer l’émail des parties
métalliques du mortier qui le font introduites dans
l’émail en le broyant.
Lorfqu’on a tiré l’émail d’avec l’eau-forte, on
le lave de nouveau avec de l’eau commune , & a
plufieurs fois ,• jufqu’à ce qu’il ne refte plus^ d eau-
forte mêlée avec l’émail , & que .l’eau foit bien
! claire ; alors on laiffe cette eau furnager l’émail,
pour le conferver propre ; d’ailleurs, pour etendre
l’émail fur la plaque , il doit être pris du vafe dans
lequel l’émail eft encore dans l’eau.
Préparation de la plaque du cadran avant de la charger,
cC émail.
Avant de placer l’émail fur la plaque , il faut
dérocher cette plaque : pour cet effet, il faut la
laiffer dans l’eau fécondé , jufqu’à ce que le cuivre
foit découvert, & vienne également propre dans
toute fa furface ; alors on prendra une gratte-broffe,
& tenant la plaque dans de l’eau commune , on
gratte - broffera la plaque pour oter la croûte du
cuivre. Cette opération de la gratte - broffe & du
dérocher, difpofe les pores du cuivre à recevoir
l’émail, enforte que celui-ci s’y fixe par la fufion.
Remarque. On n’émaille pas feulement le côté du
cadran ou les heures doivent être peintes , mais
on émaillé aufli le deffous ou cote concave , afin
que l’émail du deffus étant fondu, fon aftion fur
la plaque n’en puiffe changer la courbure & le
voiler ; on appelle cela contre-émaillcr : le contre-
émail fert donc à balancer l’effet de l’a&ion du feu
fur l’émail du deffus du cadran. Pour cet effet, on
met l’une & l’autre couches de fuite-, & on les fait
fondre en même temps.
On place d’abord le contre-émail ; on ne prend
pas pour cela l’émail pur ; mais au contraire, celui
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