
d’hui ! Enfin on n’ofe entreprendre de grands &
beaux ouvrages de fer forgé , à caufe des fournies
excelîives qu’ils coûteroient.
Le prix des ouvrages de cuivre , & même de
ceux d'or & d’argent, eft confidérablement diminué
, par la facilité qu’on a de les jeter en moule,
& de les reparer quand ils en font fortis : fans cette
facilité , nous n’aurions point ces fuperbes ftatues ,
ces morceaux de bronze recherchés, & une infinité
d’ouvrages de cuivre plus communs , mais
plus nécefl'aires. A la vérité, le fer avant.d’être parvenu
à l’état de fer forgé , le fer tel qu’il a été tiré
de la mine, en un mot, le fer qu’on appelle fonte
de fe r , fe coule eh moule. Nous devons à cette manière
de le mouler divers ouvrages, mais qui ne
font pas d’une grande beauté,. & qui'n’ont de valeur
que proportionnellement à leur poids, comme
des contre-coeurs de cheminées, des poêles, des
pots & des marmites, des tiiyaux de conduite
d’eau, des canons, &c. Mais on ne fait de cette
matière aucune pièce de prix; les ufàges même
auxquels on l’emploie font très-bornés : nous ofons
pourtant nous promettre qu’on fera à l’avenir, avec
cette même fonte de fer , des ouvrages auffi finis
que le peuvent être ceux de-fer forgé , ou même
ceux d’acier ; qu’ils engageront, à fi peu de frais,
qu’on ne craindra pas de les. entreprendre. Mais
avant d’expliquer les différens fecrets qui en donnent
les moyens, & de faire-fentir l’étendue de
l ’utilité dont ces fecrets doivent être pour un grand
nombre- d’arts, il nous faut donner, ici quelques
notions des différentes fortes de fontes de fer, dé
leurs qualités , & Voir quelles -font les difficultés
qui ont empêché qu’on n’en fît les ouvrages auxquels
nous ne doutons nullement qu’on les emploie
par la fuite.
On fait que la matière qui coule "du fourneau
immédiatement après, que la mine de fer a été fonr--
chie, eft ce qn?on appelle fonte, & eft un fer qui
n’eft pas malléable ; que fon caraftêre eft d’être
dure' & caffante. Quand cette matière a été moulée
en ouvrage, elle-porté ordinairement le nom de
fer fondu; les canons qui en font faits font appelles
des canons 'de fer ou de fer fondu ; les tuyaux de
conduite d’eau, des tuyaux de fer ou de fe.r fondu ;
elle ne retient guère -le nom de fonte que quand
elle a été coulée en gueufe, ou- fous quelqu’autre
forme qu’elle ne doit pas confèrver : nous ne l’appellerons
auffi fonte, que jufqu’àce.que nous l’ayons
fait jeter en moule.
En général, on peut diftingùer les fontes, &
on les diftingue en deux claffes., par rapport à la
couleur de leur caffure : les unes font des fontes
blanches, les autres font des fontes grifes. La différence
dès mines a quelquefois-part à cétte différence
de couleur ; fouvent elle vient de la manière
dont le fourneau a été chauffé & chargé". Cette
différence de couleur & de grain vient fouvent
auffi de la matière employée pour le feu de la fonte
Y de l’efpèce du bois ou du charbon, de Tefpèce
de la houille ou du charbon de terre.
Quand on diftingue les fontes blanches & les
fontes grifes , on ne prend pourtant que deux termes
moyens , qui expriment leurs différentes couleurs.
Parmi les grifes , il y en a qui font prefque
noires , & qu’on appêlle noires ; & entre les blanches
& les grifes, il y en a d’une infinité de degrés
de nuances-, dont les uns tirent fur le gris-noir, &
les'autres fur le gris-blanc : enfin, parmi les blanches
, on en trouve de plufieurs blancs différens.
Il y en a une forte qui pourrait faire claffe à part;
on la nomme en Champagne fonte truitée : elle eft
blanche , mais parfemée de taches grifes ou noirâtres
, qui imitent en quelque façon celles des truites.
La caffure des fontes blanches paroît d’une tiffure
compaéle ; on n’y voit point de grains , confidérée
attentivement ; elle fembleroit plutôt faite de lames,
'mais très-preffées les unes contre les autres, &
qui ne laiffent point d’intervalles entre elles, comme
•en. laiffent les lames de fer forgé. Quelquefois les
caffures de fontes blanches paroiffent radiées.: on
y remarque des efpè'ees de rayons qui fe dirigent
à peu près.vers le centre, quelque chofe' d’approchant
dê ce que l’on-voit dans-certains régules d’antimoine
: ce ne font pourtant pas des rayons fi bien
marqués. On obfervera , & l ’on- aura befoin ailleurs
de fe rappeller cette remarque, que le blanc
desjfontes les plus blanches n’eft pas de l’efpèce
de celui des fers à lames-, ou de celui de l’acier
trempé fondant. Ces derniers blancs font éclatans,
& l’autre eft un blanc mat. Le blanc des fontes
comparé au blanc brillant de certains fers , eft
comme, celui de l’argent mat, comparé à celui de
l’argent bruni : il y a pourtant des fontes blanches
qui ont des endroits brillans qui ont quelques lames,
quelques radiations affez éclatantes ; mais leur éclat
eft inférieur à celui des lames de certains fers.
La caflure des fontes grifes eft toujours plus fpon-
gieufe qüe‘ celle des fontes blanches ; elle approche
plus de celle de l’acier. Ordinairement elles font
grainées ; mais leurs grainures nous offrent.bien des
variétés. Les grains des uns font fi fins,, qu’à peine
s’apperçoivent-ils; d’autres plus gros, quoique très-
: fins, font bien arrondis , bien détachés les uns des
autres ; il y en a d’autres où ces grains fins ne font
pas fi bien terminés;, dans d’autres les grains font
très-gros, & entre celles.qui ont cette’ forte de grai-.
nure il y en a dont les grains font plus àpplatis,
& d’autres où ils font plus relevés. Quelques-uns
ont un cordon qui forme le contour de leur caffure,
qui eft bien plus blanc que le refte, & qui eft com-
pofé de grains peu différens de ceux d’un acier
trempé couleur de cerife : on les eftime auffi pour
: faire de l’acier.
Si lion examine, au microfcope les fontes, tant
blanches que griîé’s , les blanches" y paroîtront toujours
d’une tiffure compa-fte ; o n y pourra’ obferver
quelques lames plates, parfemées , mais beaucoup
plus petites que celles de l’acier ; la uiême loupe
ffui fait appercevoir celles dont font compofés les
grains d’un acier trempé peu chaud, ne ferait pas
appercevoir celles-ci. Les fontes grifes paroiffent
au microfcope d’un tiffu tellement fpongieux, que
tout femble un amas d’efpèces de cryftallifations.
On croit voir auffi .des brouffailles, des efoèees de
végétations chymiques, faites d’une infinité de
branchages entrelacés, mais compofés chacun de
petites lames agencées les unes fur lès autres. Si
l’on place au foyer du microfcope des grains des
uns & des autres , auffi petits que les grains d’un
fable extrêmement fin, ils y paroiffent plus tranf-
parens que le fable le plus cryftallin; leur.tranf-
parence , & fur-tout la vivacité de leur couleur,
approchent de la tranfparence & du brillant du
diamant : malgré la vivacité de la couleur qu’ont
alors les grains des différentes fontes, on.diftingue
la couleur des grifes, de celle des blanches : les
grifes reffemblent plus à l’acier poli, & les blanches
à l’argent poli.
Nous venons de dire que les fontes blanches paroiffent
compactes à la vue feule & au microfcope :
fi on les compare avec les fontes grifes, elles font
toujours telles. /Mais il y a des fontes blanches,
dont la tiffure eft moins ferrée que celle des autres.
Il y en a qui femblent prefque grainées ; ce font
ordinairement les moins blanches, celles qui n’ont
ni radiations, ni lames éclatantes : leurs grains
pourtant ne font jamais fi bien marqués que ceux
des fontes grifes , & ne laiffent jamais entr’eux de
fi grands intervalles.
Une autre remarque plus importante fur les fontes,
& qui - regarde directement l’ufage que nous
voulons en faire à préfent, c’eft qu’on peut prendre
pour une règle à laquelle je ne connois point
d’exception, qu’elles font d’autant plus dures qu’elles
font plus blanches. Quand elles font bien blanches,
il n’y a ni lime ni cifeaù qui puiffent mordre deffus;
au lieu qu’il y- a des fontes grifes, & fur-tout des
fontes brunes tirant fur le noir , & avec cela bien
grainées, qui cèdent à la lime ; j’en ai trouvé même
qui.fe laiffoient limer comme le fe r ,,qu’on pouvoit
percer aifément; & en général, je les ai toujours
trouvées d’autant plus limables, que leur couleur
étoit plus foncée.
Auffi N^ire-t-on des fontes grifes de prefque tous
les fourneaux dont on coule la fonte en moule,
foit pour des contre-coeurs de cheminées , foit fur-'
tout pour des pots, des marmites, des canons, foit
qûe les mines qu’on y fond donnent naturellement
ces fortes de- fontes, foit qu’on les y rende telles,
par les circonftances qu’on obferve en les faifant
fondre. L’ufage ordinaire eft de ne point jeter dans
des moules les fontes blanches des'grands four-
peaux : ce n’ .ft pas qu’elles n’en priffent bien la
forme; mais les ouvrages de fonte, quelque grof-
fiers qu’ils doivent refter , ont prefque toujours
befoin d’être un peu travaillés après qu’ils font
fortis du moule,: au moins faut-il abattre les jets
$e la fonte; on ne., réuflit pas toujours à les eaffer
affez près ; on yeut emporter les inégalités les plus
confidérables, les ébarber un peu; on paffe la lime
ou la râpe fur la plupart des marmites ; les canons
demandent à être allézés. O r , fi ces ouvrages étoient
de fonte blanche, ou uferoit deffus les outils fans
rien opérer.
Quoique nous ayons dit qii’il y a.des fontes grifes
qui fe laiffent bien limer, il ne' faut pourtant pas
efpérer qu’il y en ait qui pourraient être propres à
faire des ouvrages qui doivent être extrêmement
finis à la lime, être cifelés & polis : la lime prend
deffus; il ferait cependant prefque impoflible de
réparer avec les cifeaux & les cifelets des ornemens
délicats. Ces outils mordraient fur le fer fondu : le
mal même, eft qu’ils y mordraient fouyent plus
qu’on ne voudrait. Le fe r , le cuivre & tout métal
qu’on cifèle, qu’on répare, fe doit laiffer couper
comme le bois, ou même plus net ; on en doit de
même enlever des coupeaux qui ne foient précifé-
ment que ce que l’outil a rencontré dans ton chemin
, & ce n’eft pas de cette feule façon dont nos
fontes grifes cèdent à l’outil ; elles y cèdent, comme
feraient les parties d’une pierre de grès : elles s’égrènent;
le cifeau n’en emporte pas des lames ; fouvent
il en détache des grumeaux :■ il coupe plus rarement
des grains, qu’il ne brife des maffes compofées de
plufieurs grains : inutilement donc entreprendroit-
on d’en faire quelque chofe de fini.
Nous avons encore à faire obferver un plus grand
inconvénient. Le fourneau qui donne de la fonte
grife, ne la donne pas telle conftamment. Il en
donnera quelquefois de blanche, & nullement lima-
ble ; & cela par des circonftances qu’il n’eft pofll-
ble, ni de prévoir, ni d’éviter. Les matières employées
& les procédés fuivis feront parfaitement
femblables, autant qu’humainement on en peut juger
; & cependant, au lieu de la fonte grife qu’on
attendoit, on auroit de la fonte blanche. J’ai trouvé
fouvent la moitié d’une marmite de fonte blanche,
pendant que l’autre moitié étoit de fonte grife :
elle étoit limable d’un côté", & ne l’étoit pas de
l’autre. La durée du temps pendant lequel le fer
fondu demeure en fiifion dans le fourneau ou le
creufet, le vent qui règne pendant la fufion , plufieurs
autres circonftances connues & inconnues
font varier le grain de la fonte comme fa couleur
& fa dureté , félon qu’il y refte plus ou moins de
foufre, de fél & d’autres matières hétérogènes.
Enfin, quand on pourroit avoir fûrement des
ouvrages en entier de fontes grifes, jamais en n’au-
roit dès ouvrages, à qui l’on pût faire prendre la
blancheur & le brillant du beau fer ; leur couleur
ferait trop foncée & trop terne.
Quand on auroit donc le fecret qu’on n’a pas ,
de faire fortir conftamment du fourneau des fontes
limables, ce'n’en ferait pas encore affez, fi l’on
vouloit des ouvrages de fer fondu, qui euffent la
blancheur & l’éclat des ouvrages de fer forgé.
Rien n’eft plus facile que d’en mouler qui aient
ces deux dernières qualités, On a affez de fontes